Fanfiction Diablo II

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Aventurier, pourquoi pas ?

Par MagoFou#991
Les autres histoires de l'auteur

Chapitre 1 : La convergence des mondes

Chapitre 2 : Je suis joueur moi, pas héros... mais je me débrouille pas trop mal !

Chapitre 3 : La supériorité de la quête de Blood Raven sur Cain

Chapitre 4 : L’avis de Cain

Chapitre 5 : Les secrets de Jamila

Chapitre 6 : La fin du premier Acte, le groupe repart incomplet

Chapitre 7 : On s'en sort de justesse

Chapitre 8 : Il s'en sera fallu d'un pour tous les sauver...

Chapitre 9 : Une série d’entraînements

Chapitre 10 : Un autre acte de fini, encore une séparation ?

Chapitre 11 : Le premier des Trois

Chapitre 12 : Une victoire et une défaite, mais pour qui et qui ?

Chapitre 13 : Izual le traître

Chapitre 14 : Prélude à l’Apocalypse

Chapitre 15 : La fin de la Terreur, le commencement de la Destruction

Chapitre 16 : L'assaut des Collines Sanglantes

Chapitre 17

Chapitre 18 : Défi

Chapitre 19 : Duel

Chapitre 20 : Nihlathak

Chapitre 21 : Grand Père et Anciens

Chapitre 22 : Je t'aime, adieu...

Epilogue

Il pleuvait comme d'accoutumée dans la Lande Sanglante. Cependant le colosse n'en était pas incommodé : dans ses steppes natales il avait enduré des climats bien plus capricieux et combien plus dangereux ! Durant des semaines il avait parcouru des marais nauséabonds, des déserts étouffants et à présent, des pluies diluviennes. Et pour couronner le tout, il venait d'apercevoir un monstre, pas un de ces trucs qui se tuaient en deux coups d'épée les yeux fermés, non. La créature était aussi grande que lui, c'était assez inhabituel pour le barbare qui passait son temps les yeux rivés vers le sol pour ne pas écraser par mégarde des NPC. La bestiole en question était recouverte de poils et paraissait des plus stupides. Les regards fixés l'un dans l'autre, les deux adversaires potentiels se sont rapprochés l'un de l'autre. À y regarder de plus près, le monstre (je parle de la bête poilue, pas du barbare) semblait assez attirant... pour les mouches ! En effet, une quinzaine de ces bêtes s'étaient habituées à voler autour de sa tête. Mais trêve de description et laissons place au violent combat qui s'apprêtait à avoir lieu :

- Toi être quoi ? réussit à grogner le barbare entre ses dents.

- Quelle forme de langage décadente ! répliqua la créature. Où est donc passé Lanfeust ? Il y a eu un éclair et puis je me suis retrouvé là, toute cette eau me fait froid dans le dos !

- Toi pas répondre ! Moi tuer toi !

Agacé par le babillement du barbare, Hébus (pour ce qui connaissent pas, reportez-vous à Lanfeust de Troy et revenez lire ça après) sortit son gourdin personnel hérissé de pics tandis que le barbare (vous en avez pas marre que je l'appelle comme ça ? on va l'appeler comment ce con... Bob ? Allez va pour Bob !) donc Bob sortait son épée en même temps. Les deux coups partirent au même moment, les pertes furent désolantes. D'ailleurs, une jeune femme qui passait dans les environs pu le constater. Après avoir fait un peu de lumière avec son orbe, elle vit le désastre : les deux colosses étaient en train de pleurer par terre. L'épée de Bob gisait brisée à côté de lui, un morceau restait planté dans le coup de Hébus. De son côté, le Troll tenait le reste de son bâton, la partie supérieure enfoncée dans la joue gauche de Bob.

La sorcière (j'ai décidé de l'appeler Jamila, et si y'en a qui sont pas contents tant pis pour eux !) secoua la tête d'un air contrit devant ce spectacle. Sans leur demander quoi que ce soit, elle les souleva par télépathie et les emmena avec eux au camp des rogues qui n'était plus très loin. À leur arrivée, les deux guerriers s'étaient consolés et avaient décidé de s'associer. En effet, deux forces de la nature comme eux alliées seraient invincibles.

Ils trouvèrent une tante avec une femme âgée dans une robe violette qui parlait avec quatre autres personnages. Parmi eux on pouvait trouver un paladin (reconnaissable à son aura blanche autour des pieds). Il tenait dans la main droite un fléau orné de runes, un bouclier enchanté de son aura dans l'autre main, une armure qui ressemblait à s'y méprendre à une plate d'archonte, elle aussi ornée de runes d'une grande qualité. Les autres personnages étaient tout aussi imposants : une amazone armée de javelots, une assassin à peine visible et un nécromancien assis sur un tas de terre qui bougeait de temps à autre.

- Dame Akara, fit la sorcière, après avoir reçu votre appel, j'ai accouru de Kurast où m'entretenait le sage Ormus. Sur le chemin, j'ai récupéré ces deux êtres, bien que l'intelligence ne soit pas leur point fort, ils semblent posséder un réduce damage à toute épreuve, je pense qu'ils nous seront utiles.

- Vous avez fort bien fait Jamila, répondit la Dame. Je viens juste de donner à vos autres compagnons, avec qui vous ferez connaissance plus tard, une quête d'importance. Il s'agit de nettoyer une grotte non loin d'ici, c'est un avant poste de démons. Je vous conseille donc de partir sur le champ, tous les huit.

C'est ce moment que le barbare choisit pour ramener sa fraise :

- Heu... Bob sait compter, dit-il en montrant ses doigts, un... deux... [...] sept ! On est sept ! Hahahaha !!! Akara sait pas compter !

- Et moi, bouffon ! gronda une voix dans l'ombre.

En effet un énorme loup venait d'apparaître aux yeux de Bob (soit dit en passant, tout le monde, à part peut être Hébus, s'était aperçu que le druide était métamorphosé) qui parut si surpris qu'il tomba sur ses muscles fessiers (oui, les barbares ont des muscles partout, donc on peut pas les taper dans le gras du bide par exemple, je vous exposerai une théorie là-dessus plus tard).

Personne ne s'attarda sur l'évènement qui semblait ré envisageable et sans intérêt. Le groupe allait donc sortir du camp lorsqu'un énorme éclair s'abattit sur le feu de Warriv (tiens j'en ai pas encore parlé de celui-là, mais c'est pas grave vous le connaissez tous). Juste à côté de ce dernier, gisait un jeune garçon, apparemment assommé par le choc (vous imaginez être balancé par terre à la vitesse d'un éclair ?). Les compagnons se retournèrent et les femmes de l'équipe (bien plus sensibles que les hommes) se précipitèrent pour voir s'il allait bien.

Pierrick (eh oui, j'ai pas d'imagination, alors on va dire que c'est moi ce type) ouvrit lentement les yeux pour constater qu'il se trouvait au paradis. Longtemps, durant ses parties de Diablo II, il avait joué la sorcière, et ainsi dû subir les sarcasmes de son pote qui avait une amazone « mon ama a des plus beaux mollets que ta soso », « mon ama a des plus belles fesses que ta soso », « mon ama a des plus beaux seins que ta soso ». Il était cependant toujours resté fidèle à son personnage, mais à présent, il se rendait compte que son pote avait raison...

- Ça y est il se réveille !

- C'est moi qui l'ai vu en premier !

- Laissez moi m'occuper de lui !

Autant de cris de réconfort qui faisaient plaisir à l'adolescent, mais qui le raccrochaient à la réalité.

- Qu'est-ce que je fais là ? En compagnie de si charmantes demoiselles ? souffla-t-il en se relevant (toutes les filles se bousculèrent pour l'aider, du coup il dû se démerder tout seul)

- Tu es apparu dans le camp des rogues, lui dit Akara qui s'était approchée. Mais j'ignore comment c'est possible.

- Bah, je sais pas moi ! J'étais devant mon PC en train de faire des mephruns, ensuite j'ai changé, je suis allé buter didi et après... Je me suis retrouvé là.

Des cris d'admiration saluèrent cette prise de parole. Pierrick, gêné, répliqua :

- Mais c'est rien tout ça ! Dans mon monde, tout le monde est capable de faire ça ! Enfin... C'est vrai que je suis quand même meilleur qu'eux, ajouta-t-il avec un sourire intéressé.

- Tu serais capable de tuer Diablo ? demanda Akara. Mais tu es si jeune !

- Juge-t-on un guerrier à son apparence physique ? Il se trouve que j'ai une grande expérience des combats, de nombreuses armées de démons se sont effondrées face à moi !

Là il en rajoutait un peu, mais qu'est-ce qu'on ferait pas pour draguer des canons comme ça !

- Et comment doit-on te nommer ?

- Hmm... J'ai de nombreux titres, mais pour vous, ce sera juste Pierrick.

À ces mots, les trois filles firent mine de s'évanouir devant ce privilège.

- Pierrick, reprit Akara, voudrais-tu te joindre à ce groupe d'aventuriers et les aider dans leur quête ?

Pierrick jeta un coup d'oeil aux 'hommes' du groupe qui lui jetaient des regards incrédules et dégoûtés. Puis il regarda les filles et son coeur fondit.

- Pas de problème, je ferai ce que je pourrai !

- Merci, cria Akara pour couvrir les acclamations des filles.

Ils rejoignirent donc les autres à l'entrée du camp. Avant de sortir, Pierrick se dit qu'il mentait, il savait bien jouer à Diablo II, mais de là à y être réellement...

- Enfin... pensa-t-il. Aventurier, pourquoi pas ?
- Vous pensez vraiment qu'il va pouvoir nous aider ? demanda Warriv à Akara une fois que le groupe fût parti.

- Pourquoi pas ? Il dit être un grand guerrier...

- Et vous le croyez ? Un adolescent apparaît comme ça au milieu du camp, il vous dit qu'il peut tuer les démons majeurs et vous le croyez ? Sans épreuve de force ni examen magique ?

- Que vouliez-vous que je fasse ? Vous avez bien vu ces trois chipies qui se sont jetées sur lui ? Elles avaient l'air prêtes à croire n'importe quoi pourvu qu'il vienne avec elles !

- Était-ce une raison pour lui faire confiance aveuglément ?

- Warriv... Je suis Akara, grande prêtresse de la sororité de l'oeil aveugle...

- J'ai compris, pardonnez moi...

Après cet entretien qui (j'en suis conscient) ne fait pas avancer le moins du monde notre histoire, je reviens dans la Lande Sanglante pour vous conter les aventures de nos neuf compagnons (oui je sais, partie saturée). Donc nous revoilà sous la pluie dans une plaine où moult combats ont eu lieu.

Les cinq hommes du groupe (est-il besoin de rappeler qui ils sont ? bon d'accord...) un druide méta-loup, un paladin avec un fléau runique (devinez ce que c'est...), un nécro qui avait l'air de réinvoquer son golem assez souvent car il fondait à cause de la pluie (Jamila l'aurait d'ailleurs entendu s'exclamer d'une voix fort peu civile « putain de temps de merde !!! Fait chier ce golem à la con !!! » mais ce rapport n'est pas certain, affaire à suivre...), un gros barbare qui devait avoir mis pas mal de points dans peau de fer parce que, malgré sa quasi nudité, aucun coup ne semblait pouvoir traverser ses muscles. Et il ne faut pas oublier son homologue poilu, Hébus qui, sans pour autant posséder plus de neurones, paraît plus intelligent (on pense que ses mouches lui soufflent les réponses qu'il doit donner mais encore une fois rien n'est sûr).

Donc ces cinq bonhommes, après avoir écarté les filles (tout à fait innocemment, en criant « regardez, Bob Marley et Brad Pit qui dansent la samba à l'autre bout de la lande !!! ») se retrouvaient autour de Pierrick, le mystérieux type qui était arrivé dans un éclair. Sous les regards farouches de ses examinateurs, le jeune garçon prit peur et s'exclama :

- ... (oui, j'ai pas trouvé d'exclamation assez forte pour exprimer ça)

- Alors comme ça tu tues Diablo régulièrement ? se risqua le paladin. Comment c'est possible ça ?

- Bob comprend pas... Si Diablo mort, toi pas tuer Diablo encore...

- (Bzzz)... Euh... oui, si on tue un monstre, fit le Troll, il est normalement impossible qu'il revienne pour se refaire tuer, bien que ce type de bêtes serait très apprécié par chez nous, soit dit en passant...

Il avait pour étrange habitude de ponctuer chacune de ses phrases par un rictus qui faisait osciller ses interlocuteurs entre la panique et la folie. Aussi, Pierrick préféra répondre en regardant le barbare qui était moins effrayant.

- Alors... disons que dans mon monde, il y a des... points de passages, oui on peut appeler ça comme ça. Donc avec ces portails, qu'on appelle aussi Battle.net, permettent aux joueu...aux aventuriers ! de passer d'un monde à l'autre. On se retrouve donc dans l'univers de Diablo 2 où on peut tuer tous les monstres qu'on veut. Une fois qu'on a finit ce qu'on voulait faire, par exemple tuer Mephisto, on quitte ce monde et on peut retourner dans un autre monde en tous points identiques avec des monstres tous neufs (désolé pour ce passage un peu long mais fallait bien leur expliquer à ces cons qui ont jamais joué à D2 de leur vie).

- ..., fit le barbare.

- ..., firent les mouches.

- Bon c'est pas grave... sinon c'est quoi vos noms ? Qu'on se connaisse un peu, si on doit tripper ensemble...

Les personnages se regardèrent un moment avant de choisir qui allait répondre en premier, puis le paladin se désigna, certainement conseillé par la lumière du zakarum, allez savoir...

- Mes exploits dans des terres inconnues par ici m'ont attribué le nom de Hammerdin_PK...

- Attend un peu... réagit Pierrick. T'es un PK ?

À ces mots, les autres membres s'écartèrent vivement du hammer, sauf le barbare qui, 1) n'en avait rien à foutre de se prendre un coup.
2) n'avait rien compris à ces abréviations (PK= Player Killer).

- Je... Non, sûrement pas ! Mais, euh... Et toi le druide, c'est quoi ton pt'it nom ?

- Pas clair tout ça, grogna le loup. Enfin bon, moi on m'appelle Fléau du Chaperon Rouge...

Ce coup ci, pas de réaction, vu que tous les autres personnages se sentaient eux aussi bien capables de bouffer un ou deux petits chaperons rouges au petit déjeuner si ils avaient faim et puis quand même faudrait vite finir ce chapitre parce que j'ai pas que ça à faire hein et sinon vous ça va ? (oups :p).

- Moi, après la mémoire dans la peau et la mort dans la peau, je suis La Mort dans tes os !!! (oui c'est le nécro qui parlait là, vous aviez deviné ?)

- ...

En effet, c'était le tour du barbare, mais il était en train d'essayer de compter les mouches autour de la tête de Hébus. Pierrick, qui avait lu les aventures de Lanfeust de Troy, retint la main imposante qui essayait d'écraser un de ces insectes sans défenses autres qu'une très bonne assurance vie en la personne du Troll.

- Et toi Hébus, comment t'es arrivé ici ?

- Comme toi p'tit bout d'humain, un éclair et je me suis retrouvé sous cette averse qui n'a heureusement pas abîmé mes mouches domestiques.

- C'est bizarre quand même ça...

- Hé ooooh !!

Les filles avaient fini par revenir les bras chargés de quelques pièces d'or et d'objets brillants.

- Regardez ce qu'on a trouvé en tuant des monstres là-bas !

Elles déballèrent tout leur bazar devant le groupe masculin qui resta un moment interdit. À leurs pieds se trouvait un glaive d'une taille d'autant plus ridicule qu'il se trouvait à côté du pied droit de Bob, deux gros bouts de ferraille qui n'avaient apparemment aucune utilité et un gros gourdin.

- Vous avez vu ? On a trouvé plein de beaux trucs !

- Mouais... fit le Troll, sceptique, je crois que je vais prendre ça.

Sans demander l'avis des droppeuses, il ramassa le gourdin, arracha les pics dans la joue de Bob (qui ne s'en est pas rendu compte) et les replanta sur son bout de bois qu'il regarda de l'air du père fier de son fils.

- Euh... c'est quoi cette épée ? demanda Pierrick.

- Bah file moi en parchemin d'identification et je te dis ça tout de suite, répondit Jamila qui s'était un peu calmée, ainsi que les autres filles.

- Un parchemin ? Vous avez pas des livres dans vos inventaires ?

Les personnages se regardèrent un moment sans comprendre puis le paladin fit remarquer :

- Dis-toi qu'avec toutes les oreilles que je transporte dans mes poches j'ai plus trop de place pour un livre... Le barbare, le troll et le druide sont à poil donc pas de poches non plus. L'amazone va pas planquer ça sous son bouclier. La sorcière vient de dire qu'elle n'en avait pas, il reste l'assa qui a les mains pleines de griffes et le nécro... Tu crois qu'il peut demander à son golem de faire le pupitre ?

- Euh... alors c'est vrai que t'es un PK ?

- Mais... non ! Enfin... là où je voulais en venir c'est qu'il reste que toi avec ton espèce de tunique qui commence à la taille, qui descend jusqu'aux genoux et qui possède des poches dans lesquelles on pourrait faire rentrer une bibliothèque alors tu pourrais aller chercher ces p*** de livres, non ?

- ...

- ...

- ...

Étonnés par ce discours éloquent, les autres aventuriers préférèrent se taire et laisser répondre le présumé héros.

- Euh... ça s'appelle un baggy...

- Quoi ?

- Ma tunique, comme tu dis c'est un baggy.

- Tu me cherches ?

Le bouclier du paladin se mit à briller. Les autres personnages s'écartèrent, entraînant le barbare et le troll (car tout bon hammer sait que les marteaux butent les immunes blessures). Seul ce bouffon de Pierrick (oui ça m'arrive de m'appeler comme ça en vrai, alors pourquoi pas dans un fanfic ?) resta en face du pala. Le protagoniste envoya un marteau qui passa trop loin de Pierrick. Pourtant, le hammer avait un fast cast si élevé qu'il eut le temps de se replacer et de rebalancer un marteau avant même que le garçon ait pu bouger ou qu'un autre vienne l'aider. Cette fois-ci, l'impact eut lieu au milieu de la poitrine et le marteau entraîna notre jeune compatriote dans une spirale allant s'élargissant.
C'est assez étrange vu que les marteaux traversent habituellement leurs cibles en leur faisant ainsi perdre beaucoup de vie. Pierrick fut donc projeté à terre assez loin de l'endroit d'où il était parti. En voyant ça, les autres personnages se précipitèrent... non, non, pas vers lui mais vers le paladin !

- Mais tu vas pas bien ! cria le nécro. T'as pas vu à quelle distance de mon golem est passé ton fout* marteau !

- Toi le nécro si t'es pas content j'ai d'autres trucs en réserve !

- En même temps, le réinvoquer une fois de plus ou de moins... répondit le concerné avec un sourire lâche.

- Dis hammer, intervint placidement l'amazone, tu sais... euh... ça fait un bout de temps que je vis au camp des rogues, donc je connais un peu Akara. En fait je la connais assez pour être en mesure de penser qu'elle pourrait ne pas apprécier le fait que tu tues le héros qu'elle fait se joindre à nous...

- Tiens c'est pas con ça, répondit le Troll. Je vais voir comment va le biscuit appéro là-bas... S'il a un problème, je te bouffe pala !
Oui, Hébus avait vite compris les règles en vigueur dans Sanctuary. Si on t'offense, tu déclares un duel. Si un hackeur ou un PK t'empêche de finir une quête ou si t'as juste décidé qu'il était pas sympas (et si t'es sûr qu'il est moins fort que toi) tu déclares un duel...
Bon, bref. La grosse boule de poils s'approcha du corps étendu, se pencha vers lui un moment puis se releva en affichant son sourire... dévastateur.

- Ah ! Je les connais un peu les humains, et quand ils font ce bruit de grosse chenille qu'on écrase délicatement entre le pouce et l'index, c'est qu'ils sont vivants ! Tu prendras des baffes plus tard hammer !

- Ouais, ouais... souffla Pierrick en essayant de se relever. Au lieu de raconter des conneries aide moi à me relever Hébus, s'il te plait...

Le jeune garçon fut soulevé par cette force de la nature, puis ramené auprès des autres compagnons.

- Toi t'as de la chance que je sois de bonne humeur, sale PK ! La prochaine fois je te...

- C'est bon Pierrick, tiens...

Hammerdin sortit un parchemin rouge d'une poche (qu'il avait cachée jusque là) et le tendit à Pierrick.

- ... t'en avais un ?

- Bah oui, répondit-il simplement.

- Alors tu m'as balancé un marteau dans la gueule pour t'amuser ?

- Pour te tester plutôt.

- Pour me tester... Pour voir si je meurs en un ou deux hammers ? Si je peux en prendre deux sans crever j'ai passé le test, c'est ça ? Alors vas-y, balance-z'en un deuxième, vise bien parce que celui-là je te le revoie à la gu*** !

Les spectateurs étaient fascinés par ce qu'il se passait, d'un côté un jeune garçon énervé, de l'autre un paladin apeuré, et derrière Pierrick, le Troll qui montrait les dents (oui, le pala n'avait pas peur de ce prétentieux de lycéen, faut pas exagérer quand même).

- Lili... intervint l'amazone.

- Quoi ? demandèrent les autres en même temps.

- Moi je m'appelle Lili, personne m'a demandé mon nom alors je le dis, et puis comme ça vous arrêtez vos conneries et on va pouvoir faire la quête !

- Ah oui ! répondit l'assassin. Moi c'est Séraphine.

- Bon, grogna le loup, vous pouvez arrêter de vous disputer et de raconter des trucs dont on se fout ? L'ama a raison, on est quand même censés sauver le monde, même si c'est pas clairement expliqué dans le contrat...

Donc pour écouter le druide et parce que j'en ai écrit quatre pages, on va écourter l'incident. Le paladin identifia le glaive (parce que Pierrick avait pas comment faire...) qui se révéla être (oh surprise) lettre de sang.

- Toi te battre avec ça ? demanda le barbare entre deux éclats de rire. Moi manger pigeons avec ça, à Harrogath !

- Ouais ben moi j'ai commencé plein de persos avec ça, et toc ! Et puis toi t'as même pas d'épée !

À cette constatation, Bob fondit en larmes, mais Jamila vint le consoler :

- Mais non attend, on a pensé a toi aussi ! Tiens regarde ces morceaux de fer.

La sorcière leva les mains vers les bout de ferraille, du feu en sortit (des mains, hein) puis alla toucher le métal jusqu'à le faire fondre. Le fer prit bientôt la forme d'une lame, à laquelle vint s'ajouter comme par magie un pommeau en bois. Jamila s'inclina devant les applaudissements du barbare qui avait l'air hystérique devant les merveilles causées par le sort enchantement de la sorcière.

- Bon on y va ? s'impatienta le nécro. Mon golem est encore en train de fondre, faudrait s'abriter dans la grotte...

- Va pour les monstres alors... abdiquèrent les autres membres de l'équipe.
Le combat avait été inégal, chaotique et rapide. En effet, le passage des neuf aventuriers avait fait des ravages dans la grotte. Seul un petit groupe de zombies et quelques déchus résistaient encore et toujours à l'envahisseur.

- Voilà les boss ! cria l'amazone pour attirer l'attention de ses compagnons.

- Pierrick, tu vas nous montrer ce que tu sais faire, fit le paladin. Parce que jusque là t'as pas fait grand-chose à part nous regarder...

- Euh... Tu veux que je tue tout ça ? Bon...

La main tremblante, il sortit son glaive et s'avança. Le premier zombie se précipita de toute la vitesse de ses longues jambes pourries vers la pointe levée de l'épée. À la grande surprise de Pierrick, la chair putréfiée s'enfonça comme du beurre sur la lame. Fort de cette information, il prit plus d'assurance et décapita sans plus d'efforts un autre mort-vivant. Le troisième avait une couleur bizarre, mais bon, tout le monde a le droit de s'habiller comme il veut, on est tous pour la liberté et tout et tout, donc pas d'états d'âme en abattant son glaive une troisième fois... Le corps fut coupé en deux, libérant une salve d'éclairs qui atteignirent le garçon de plein fouet, le projetant sur la paroi de la grotte la plus proche.

Voyant cela, les autres aventuriers finirent le tas de zombies. Cependant personne n'avait vu le déchu s'approcher de Pierrick qui avait du mal à tenir son arme encore chaude. Enfin, je dis personne, mais ce n'est pas tout à fait vrai... car au moment ou le monstre rouge levait son cimeterre, une massue hérissée de pics vint s'enfoncer dans son abdomen, le laissant cracher son sang par les poumons découverts.

Profitant de l'occasion, Pierrick réussit à planter son épée dans le corps encore vivant (pour faire bonne figure, c'est tout). La lame devint rouge sang, puis son énergie se déversa dans le bras du garçon, lui rendant toute sa vitalité et refermant ses brûlures.

- Huk ! Huk ! Huk ! ricana le Troll en ramassant sa massue et le cadavre. T'en veux un bout ?

- Euh... non merci...

Sur cette réponse explicite, Hébus enfourna le petit corps rouge dans sa gueule sans faire plus de cérémonie, puis laissa échapper un rot de contentement.

Entre temps, le combat avait pris fin et le reste des aventuriers s'était rapproché du lieu de pique-nique improvisé et Séraphine s'exclama :

- Je suis de plus en plus étonnée par ce jeune héros ! Sans avoir de particulières habiletés au combat, il se montre extrêmement résistant. D'abord le marteau, ensuite les éclairs et il n'a subit aucun dommage physique !

- En effet, sa protection magique mériterait d'être étudiée par Ormus... ou quelqu'un d'autre, répondit Jamila avec un regard intéressé et professionnel.

- Euh... Oui, intervint l'objet de l'inspection, mais si on rentrait en ville plutôt ? parce que la c'est fini je crois ? Et puis il fait un peu froid là...

- Tu veux mes poils ? demanda le loup en rangeant une boite de mini kiskool avant d'éclater d'un rire guttural.

Le paladin mis fin a cette discussion stérile en sortant un parchemin bleu de sa poche intérieure avant de lire les inscription dessus :

- Once eaten, put in a dustbin... Oups, désolé c'était un papier de bonbon a la menthe, fit-il avec un sourire d'excuse.

Il sortit un vrai parchemin de porte de ville et créa le portail qui allait les ramener au camp. Tous le suivirent pour se retrouver sous la pluie, mais bien à l'abri des monstres, devant le feu de Warriv. Le Nécromancien poussa un juron (qu'il vaudrait mieux ne pas répéter par égard à nos plus jeunes lecteurs) en s'apercevant que son golem avait encore fondu.

L'homme habillé en bleu regarda le plus jeune membre du groupe d'un air méprisant mais sans que les autres ne s'en rendent compte car tout le monde était parti en direction de Akara, sauf Pierrick qui se réchauffait au près du feu.

Ainsi donc, quand il rejoint enfin ses compagnons, il les trouva tous, sauf le Troll, plongés chacun de leur côté dans une espèce de petit carnet de voyage. Intrigué, il s'approcha du druide et entrepris de jeter un coup d'oeil par-dessus son épaule poilue mais l'animal le rejeta violemment :

- Qu'est-ce que tu veux gamin ! Pas touche à mes skills !

- De quoi ?

- Attend, tu veux dire que tu sais même pas comment activer de nouvelles aptitudes ? demanda Lili avec un petit sourire moqueur.

- Alors ça, fit Pierrick en montrant les livrets, c'est vos arbres à skills

- Bah oui, répondit le paladin comme si c'était évident. Trente cases avec la description des incantations et mouvements nécessaires à lancer le sort qu'on veut apprendre.

- Ah...

- Tu comprends pas ? dit Jamila.

- HA HA HA HA !!! Bob comprend ! Bob plus intelligent que Pierrick !!!

- C'est ça oui, rétorqua le garçon. Et si je te parle d'internet et de la Live box, tu comprends ça toi ?

- ...

- ...

- Bzzz...

- ...

Voyant que personne n'avait compris, Pierrick expliqua :

- Ce que je veux dire c'est que je comprends pas parce que je suis pas de votre monde !

- Aaah, ok ! firent-ils presque tous ensemble.

- ... répondit Bob.

- Bon allez c'est pas grave, je vous explique pas internet, vous m'expliquez pas vos bouquins, ok ?

Au moment où ils allaient répliquer, une voix profonde se fit entendre derrière eux :

- S'il vous plait ? C'est bien vous qui avez nettoyé la grotte là-bas ?

En se retournant, ils reconnurent une femme en rouge qu'ils avaient aperçue en arrivant pour la première fois au camp.

- Voilà, parce que moi je m'appelle Kashya et j'ai un petit problème du côté du cimetière pas loin... Et comme vous avez tous l'air vachement forts, je me suis dit que peut-être vous pourriez vous occuper de ce petit boulot pour moi...

- Ouais... fit le loup d'un air mauvais. T'as de quoi payer ?

- Bah je suis pas très riche mais si vous réussissez y'aura une de mes rogues qui pourra vous payer... autrement, ajouta-t-elle avec un sourire un coin.

- Ok ! s'écrièrent tous les hommes et bêtes poilues du groupe.

- On est pas intéressés ! répliquèrent les femmes d'un ton catégorique.

- Oui, confirma Jamila pour elle-même, pour moi rien ne vaut les sorciers de Kurast, ils sont si...

Mais elle s'arrêta en voyant que tout le monde la regardait d'un air bizarre.

- En tout cas j'y vais pas moi, conclut-elle alors que le rose lui montait aux joues.

- Pareil ! répétèrent ses partisanes. Nous on va voir Akara et lui demander si elle a pas un autre truc.

Les personnages masculins de l'équipe restèrent indécis un moment alors que les filles étaient parties voir la cheftaine. Lorsqu'elles revinrent elles avaient la mine déconfite.

- Bon, commença Lili... On va faire une quête...

- Oui, c'est ça, continua Séraphine, une quête de la plus haute importance même !

- D'ailleurs, ajouta Jamila, si on ne faisait pas cette quête on serait bien dans la merde pour la suite !

- Tout à fait, renchérit l'amazone...

- Vous allez chercher Cain ? demanda Pierrick.

- ...

- ...

- Oui, souffla Jamila d'un air honteux.

- Cool, s'exclama le lycéen. Je viens avec vous, j'ai toujours voulu voir Tristram !

- Et la récompense ? demanda Hébus d'un air étonné.

- Ah... me voilà devant un dilemme Cornélien... À la rigueur je pourrais retourner voir Tristram plus tard, mais par contre les rogues n'attendront pas...

- Ah oui mais non ! intervint Séraphine. Akara a dit qu'on devait te présenter à Cain le plus vite possible !

- Mais... je le verrai en rentrant !

- Non, en plus elle pense que tu pourras nous aider à arriver jusqu'à lui !

Poussant un soupir de mécontentement (genre l'ado que les parents ont privé de sorties juste parce qu'il avait défoncé la caisse du voisin à coup de batte pour s'entraîner pour un match, vous voyez le genre), il acquiesça et suivit les filles à contrecoeur. Cependant sa mauvaise humeur fut de courte durée car il se trouvait en effet en présence de trois créatures de rêve prêtes à tout pour l'aider et l'empêcher de se faire blesser.

Le groupe était encore complet alors qu'ils dépassaient la grotte et suivaient le sentier pour arriver bientôt devant une rogue peu habillée et armée d'un arc tirant sur des hérissons qui passaient trop près d'elle.

- Salut ma poule ! cria le Troll en l'apercevant. Le cimetière c'est par où ?

- Euh... vous actionnez le WP et vous prenez direct à gauche, ensuite tout droit et vous y êtes, répondit-elle de manière systématique.

- Merci ma poule !

Le premier groupe partit donc dans la direction indiquée et les filles s'approchèrent de la rogue puis laissèrent parler Lili :

- Salut Flavie ça va ?

- Oh Lili ! Ça faisait un bail dis !

- Bah oui, surtout que tu passes ton temps à tirer des petites flèches sur les hérissons qui passent.

- Ouais je sais bien, mais c'est pas tout le temps chiant comme ça, par exemple y'a pas longtemps y'a ma soeur qui est passée me voir, tu sais, Kira, celle qui a réussit.

- Ah ouiiiiii ! La sorcière ?

- Voilà, donc elle est arrivée par le WP et tu devinera jamais ce que son copain lui a fait !

- Noooon ?

- C'est pas possible un truc du genre ! Tu sais c'était un paladin du zakarum, il avait fait voeu de chasteté et tout...

- Et elle est quand même sortie avec lui ?

- Ah bah il lui a sorti le grand jeu et elle y a cru !

- Dites les filles, intervint Pierrick qui commençait à se lasser, en fait on voudrait aller au bois obscur nous alors on vous laisse entre copines et
nous on bouge ou tu viens avec nous Lili ?

Flavie le regarda comme si elle le remarquait pour la première fois puis répondit :

- Euh... vous actionnez le WP et vous prenez direct à gauche, ensuite tout droit et vous y êtes.

- Ah, ok... Faudrait retrouver les autres pour leur dire qu'ils feraient mieux de suivre le chemin pour pas se perdre alors, en conclut Pierrick d'un air exaspéré.

Il entraîna Séraphine et Jamila qui quittèrent la conversation à contrecoeur car elles étaient profondément intéressées par la façon dont la soeur de Flavie s'était faite rouler, d'autant plus que c'était une collègue de Jamila. Lili les suivit aussi après avoir fait une quinzaine de bises à sa copine.

Après avoir erré dans les plaines gelées pendant longtemps (ayant par la même occasion retrouvé le groupe masculin en train de se chauffer avec une aura du Hammerdin et leur ayant indiqué le bon chemin) et combattu de nombreux groupes de rogues corrompues (Pierrick restait bien derrière sans se faire remarquer) ils trouvèrent enfin le champ de pierre. Et avec ça, justement, un regroupement de menhirs plein de petits monstres bleus...

- Bon, commença Séraphine, apparemment ils ne nous ont pas encore vus. On va les contourner lentement pour pas avoir à se les taper, ok ?

- Bah de toute façon faudra bien qu'on les tue quand on reviendra ici, fit remarquer Pierrick qu'on entendait pour la première fois depuis longtemps.

- C'est pas bête ce que tu dis toi, répondit Lili, regarde, ça va être fait en moins de deux !

Elle leva ses javelots et en lança un. La pointe était pleine d'électricité et lorsqu'elle toucha le premier boucher, elle le traversa et se divisa pour toucher tous les autres présents. Seulement, en atteignant le monstre qui avait une couleur bleu électrique, la javeline fut absorbée et de nombreux petits éclairs sortirent du corps de la même manière qu'ils l'avaient fait avec Crémation.

- Euh cette fois c'est pas pour moi, fit Pierrick. La dernière fois je me suis déjà fait cramer comme ça, ça suffit maintenant !

- Quoi ? Mais t'avais rien du tout ! intervint Jamila soupçonneuse.

- Euh... oui mais ça fait mal quand même !

- Bah de toute façon y'a un moyen très simple de s'en débarrasser, reprit la sorcière, regarde.

Une aura rouge se forma aux pieds de rakanishu qui la regarda d'un air intéressé avant de se prendre le météore sur la tête, l'enterrant sous un énorme caillou qui absorba tous les éclairs.

- Tu vois ? C'est tout simple ! Et un peu plus efficace que ta petite épée, fit remarquer la sorcière en riant.

- Oui, c'est pas faux, mais si jamais on a un allié là-dessous il est mort aussi, rétorqua Pierrick. Quoique, si c'est Hébus ou Bob...

- Oui, je me demande ce qui pourrait les tuer ces deux-là.

Continuant de réfléchir sur les étranges résistances des deux colosses, le petit groupe s'avança plus profondément dans le champ de pierres. Séraphine émerveilla ses compagnes et leur compagnon en se rendant presque invisible pour surprendre leurs ennemis. Soudain un détail attira leur attention, ce fut Séraphine qui leur fit remarquer l'objet :

- Eh regardez ! Là-bas y'a une espèce d'autel avec un livre dessus.

- Un livre ? s'exclama Jamila. Si ça se trouve c'est un livre de sorts !

- Euh, intervint le garçon, laissez tomber, il est moisi ce livre. Ça vaut pas le coup, croyez moi.

- Moisi ? répéta Lili en fronçant le nez. Oui vaut mieux faire notre quête !

- À votre avis, demanda l'assassin, ça peut être pire que d'aller chercher Cain ?

- Ah, là tu marques un point, reconnurent les deux autres filles.

La véritable raison qui retenait Pierrick était qu'il n'avait aucune envie d'aller se balader dans les sous-sols de la tour pour y récupérer le butin de la Comtesse, étant donné que son attrait pour l'or de ce monde réagissait comme celui de la plupart des joueurs : ça vaut pas un bon unique !

- Le bon côté, en allant chercher Cain, c'est que Akara vous donnera des jolies bagues !

- Des bagues ? Fallait le dire tout de suite !

- Ouais ! On va chercher le vieux et on verra ce bouquin plus tard si on a le temps !

Une bonne chose de faite ! pensa Pierrick.



Pendant ce temps, au cimetière...


- Hébus... soupira Hammerdin_PK. T'as pas fini de t'amuser avec ce truc ?

- Arrête ! répliqua le Troll. C'est vachement bon ça ! On dirait ces sushi que j'avais mangé chez les Darshanides !

- Hébus... C'est la tête de Blood Raven ! C'est du mort-vivant pourri !

- Huk, huk, huk ! Bah oui c'est pour ça que c'est meilleur !

- Dis, intervint le Druide, si t'es occupé avec la tête, je peux prendre le reste ? C'est super pour les dents de loup ça !

- Ouais pas de problème, et puis toi le nécro, tu peux prendre tous les petits bouts d'os que j'ai bousculé en entrant !

- C'est vrai ? Ouah cool ! Merci vieux.

- Euh dites les gars... C'est pas parce que mon fléau s'est coincé dans les grilles et que j'ai pas pu tuer de monstres qu'il faut pas m'écouter !

Hébus arrêta de sucer le cerveau putréfié pas le nez de la rogue corrompue et regarda le paladin d'un sale oeil. Il répondit en découvrant ses grandes dents :

- Dis moi mon petit PK. Est-ce que tu connais quoi que ce soit aux Trolls ?

- Euh... pas grand-chose... monsieur...

- Alors je vais t'expliquer un peu. Normalement les Trolls sont des bêtes très sauvages et très, très costaud (comme tu as pu le remarquer).
Donc pour qu'un Troll soit gentil avec les humains, il faut l'envoûter.

- Donc tu... vous êtes envoûté là ?

- Non.

- Non ?

- Donc ça veut dire que si je suis avec vous, c'est juste parce que je le veux bien.

- Ah.

- Oui.

- Donc si par hasard vous n'aviez plus envie d'être... gentil... euh...

- Je vois que t'as compris mon grand !

Pendant que le druide et le nécro rigolaient en silence, le paladin avait l'air de plus en plus petit en face du Troll.

Une voix résonna alors derrière eux :

- Bob trouvé un joli casque pour lui !

Le Barbare était allé visiter le mausolée et la crypte pendant que les autres s'amusaient sur les zombies de blood-raven.

- Dites les gars, fit le druide, si on rentrait ? Parce que là on a finit le boulot et puis j'ai Junior qui me démange moi !

- Junior ? demandèrent les autres incrédules.

- Bah oui Junior, Popaul, mon appendice sexuel quoi !

- Alors t'appelles ta... enfin ça quoi ! Junior ?

- Bon écoutez les gars ! répliqua le loup qui sentait le poil de ses joues roussir. On va pas rester là-dessus, on y va !

- Oui, pas de problème, répondit Hébus avec un petit sourire qui n'avait pas, comme les autres fois, de fonction intimidante.

- (Junior !) souffla le Nécro avant de partir d'une toux suspecte. Euh... reprit-il à haute voix. Qui a un tp ?

- Moi ! s'écria le paladin, heureux d'être enfin utile à quelque chose.

- T'en as toujours ou quoi ?

- Bah oui, je suis full de livres d'ID et de tp.

Une fois arrivés au camp des rogues, Hébus présenta la tête vide à Kashya qui fut, sembla-t-il, satisfaite. Sur le champ, cinq rogues très peu habillées s'approchèrent d'eux et commencèrent à les entraîner dans un coin plus retranché du camp (je pense d'ailleurs que c'est le coin où se trouve ce pervers de guide, mais n'ayant pas eu de rapport sur ce qu'il s'est passé là-bas je ne peux rien dire de plus).

Alors qu'ils étaient emmenés, le loup fit remarquer :

- Je crois que Pierrick ne sais pas ce qu'il manque !

- En fait, répondit Hébus avec le même petit sourire qu'il avait adressé au loup dans le cimetière, je crois qu'il sait très bien ce qu'il est en train de louper. Et je pense que ça doit le faire rager !
- Non, j'en veux pas !

- Mais si allez vas-y !

- Au moins tu seras protégé comme ça.

- J'ai pas envie d'être protégé et j'ai pas envie de porter ce truc violet de tapette !

Au pied de l'arbre mort, un cadavre de yéti avec une épée plantée dans le crâne avait laissé tomber une armure violette qui, d'après les trois filles, revenait à Pierrick de droit :

- De toute façon elle est à toi, c'est toi qui as tué cette bête, lui fit remarquer Lili.

- Oui, confirma Jamila, c'est la règle du self-drop.

- Bah je te la trade contre autre chose si tu veux...

- Ah non ça je peux pas, le violet jure avec mes yeux !

Et ça a continué comme ça pendant une bonne demi-heure, au terme de laquelle Pierrick avait finalement consenti à mettre l'armure, à condition de la cacher sous ses vêtements.

Je fais un petit break, même si c'est le début du chapitre, pour que nos lecteurs comprennent quelque chose à ce qu'il s'est passé. Les trois filles s'étaient jetées à l'assaut des yétis pendant que Pierrick restait bien en arrière. Mais notre héros sans peur et sans reproches... euh... disons sans reproches tout court... Oui bon, notre héros donc, n'avait pas vu le groupe de bouchers arriver derrière lui. Quand il s'en est rendu compte, il s'est bien entendu enfui dans la direction opposée, qui se trouvait être l'emplacement du combat entre tête d'arbre et nos filles préférées. En courant, Pierrick s'est malencontreusement pris le pied dans une racine, son épée lui a échappé des mains et est allée se planter dans la tête du monstre.

Voilà c'est un peu long mais faut dire les choses comme elles sont !

Donc après cette demi-heure de dispute, Jamila eut une bonne idée :

- Bon, on va voir Akara pour lui donner le parchemin ?

Ne trouvant rien à répondre à ça, les autres acquiescèrent en silence et la suivirent dans le portail qu'elle avait ouvert.

Dans le camp des rogues, la pluie tombait toujours. Akara attendait impatiemment le retour du deuxième groupe pour pouvoir parler avec Cain. Autour du feu, on pouvait voir Warriv, mais surtout le groupe d'aventuriers qui étaient déjà revenus et qui avaient tous l'air de très mauvaise humeur.

- Tiens, voilà Pierrick, remarqua le nécro en voyant le portail s'ouvrir.

- Pas un mot sur ce qu'il s'est passé, fit Hébus d'un ton menaçant.

- Aucune chance, confirma le paladin.

- Pourquoi ? s'étonna Bob qui avait un grand sourire.

- Eh, boule de muscles ! lui cria le loup. C'est pas parce que tu sais pas faire la différence entre un gars et une meuf et que t'as l'air d'avoir passé un super moment que nous on s'est pas rendu compte que c'était des travelos !

- Chut ! les pressa La Mort dans tes Os. Pierrick arrive !

Pierrick, qui avait laissé aux filles le soin de rendre le parchemin à Akara, s'avançait vers notre groupe de déçus avec un grand sourire.

- Dites les gars ! interpella-t-il.

- Quoi ! répondirent quelques voix irritées.

- J'avais oublié, mais c'est vrai que quand on essaye de poser des gants sur une merco rogue elle nous répond avec une voix... virile !

- Je vois pas ce que tu veux dire, dit le Hammerdin.

- Non, bien sûr que non, repris notre lycéen dont le sourire ne cessait de s'agrandir. Sinon, c'était bien ? ajouta-t-il d'un air moqueur.

Quelques « ouais » peu convaincants fusèrent, mais ils furent étouffés par l'expression du Barbare :

- Ouais c'était super !

- Ah bon ? s'étonna Pierrick.

- Euh, laisse tomber gamin... commença le druide.

- Ouais, c'est pas de ton âge !

- Pierrick ! appela alors une voix féminine, l'empêchant de répondre au hammer. Viens, faut qu'on y aille !

- Bon, à plus tard les gars, pensez bien à moi... Je vais juste chercher Cain et je reviens.

- Ouais c'est ça, casse toi va ! lança le paladin après son départ. Aie !

- C'est pas bien de dire des trucs comme ça dans son dos, fit remarquer Hébus après avoir envoyé une grosse baffe derrière le casque du serviteur du Zakarum.

Pierrick, Lili, Jamila et Séraphine prirent le wp et regardèrent autour d'eux.

- Ouais, bah on a bien fait le ménage, hein ! fit remarquer Pierrick.

- Tu veux dire que Jamila, Lili et moi avons tué beaucoup de monstres ? corrigea Séraphine.

- Euh... Je supervisais les opérations... Et pis chuis pas immune aux éléments moi !

- Pierrick, intervint Lili, t'énerve pas, c'était pour plaisanter...

- N'empêche que quand on est stuffé comme ça on se fout pas de la gueule d'un noob qu'a blood letter, murmura-t-il en frappant dans un caillou.

Ils marchèrent jusqu'au cercle de menhirs et Jamila sortit le parchemin. Elle l'examina pendant un moment, le tournant d'abord à droite, puis à gauche, puis encore à droite, puis la tête en bas, puis le côté derrière, avant que Séraphine n'intervienne :

- Euh... T'as besoin d'aide ?

- Non, non ! Merci. Akara m'a tout a fait expliqué ce qu'il fallait faire, répondit la sorcière en reculant pour avoir une vue d'ensemble sur les pierres.

- Parce que là t'as l'air un peu perdue...

- Mais non, je te dis ! Eh ! Qu'est-ce que tu fais !

Elle venait de voir Pierrick se diriger vers les pierres et poser sa main sur chacune d'entre elles. Avant que Jamila ait pu dire quoi que ce soit, des éclairs liaient le sommet des menhirs et un portail rouge apparaissait au milieu.

- Comment t'as fait ça ? demanda Lili, ébahie.

- Laisse tomber, on va délivrer Cain, vous récupérez vos bagues, et on passe à Andarielle, ok ?

- Ouah, tu deviens motivé !

- Bah c'est surtout qu'y caille dans cet acte, après on passe au désert donc ça ira mieux ! Bon, c'est sûr qu'ensuite on se retrouve dans la forêt de l'acte 3 où on va attraper le paludisme à cause des moustiques géants... Mais au moins après on passe au paradis ! Bon, le mont Arréat qui vient après, je m'en serais passé, mais on a pas toujours le choix !

- ...

- ...

- Quoi ?

- Euh... On y va ? Si vous passez votre temps à me poser des questions, aussi, on pourra jamais avancer !

En quittant son île pour venir apporter son aide aux Rogues, Lili avait assisté au massacre d'un de ses bateaux et de ses hommes par un monstre aquatique. Les images des corps déchiquetés, flottant sans vie parmi les débris dans les vagues, éclairés de la lueur vengeresse du soleil rouge... Il lui arrivait de se réveiller en sursaut la nuit en y repensant.

Pour venir jusqu'ici, Jamila avait dû traverser la jungle étouffante de Kurast, puis les déserts brûlants de Lut Gholein. Elle avait vu mourir des hommes de la pire des façon : la soif. Un de ses meilleurs amis était tombé à dix kilomètres de la cité sans qu'elle puisse rien faire pour lui. Elle n'avait pu que le regarder se dessécher peu à peu, s'amaigrir sans cesse, sans qu'il soit capable de parler, même. Car sa peau rougie et sèche risquait de craquer et de provoquer des plaies encore plus douloureuses. Sans compter les moustiques de la jungle, qui vous piquaient une fois, puis vous laissaient délirer pendant des semaines, avant de vous laisser le repos de la mort.

Séraphine aussi avait eu son compte de morts horribles. Durant son entraînement, elle avait été confrontée à toute forme de poison, dont certains laissaient pourrir la chair et les os pendant un mois entier avant de s'attaquer aux muscles et organes moteurs. Elle avait été forcée d'en essayer quelques-uns sur des hommes vivants.

Après ces évènements, chacune s'était promis que ça ne se reproduirait plus. Mais même ces épreuves ne les avaient pas préparées à ce qui les attendaient à Tristram.

Les maisons éventrées cachaient des cadavres encore fumants. Pourtant on sentait que le feu n'était pas la raison de leur mort. L'aura du mal était si présente qu'elle en était presque palpable. On disait que le Mal qui se répandait dans Sanctuary avait pris sa source à Tristram, à présent nos amies comprenaient pourquoi...

- Personne ne vit plus ici... souffla Lili en s'approchant d'un corps cloué par les pieds et les mains, le visage reflétant une partie des horreurs qui s'étaient passées dans cet antichambre des enfers.

- Cain est encore là, répondit Pierrick d'une voix qu'il voulait assurée.

Séraphine et Jamila s'avancèrent et relevèrent doucement leur amie. Un sifflement fit tourner là tête à l'amazone et la sorcière, mais l'assassin eut assez de réflexes pour s'écarter d'un pas vif.

À l'endroit où elle se tenait quelques secondes avant était plantée une flèche en os. En relevant la tête, les aventuriers virent un groupe d'archers squelettes derrière les murs d'une maison. La corde de l'un d'entre eux vibrait encore, mais les autres étaient prêts à tirer. Remerciant encore ses réflexes, Séraphine tira les deux autres derrière un mur à moitié effondré. Seul Pierrick ne bougea pas. Il était trop loin pour être atteint, d'autres traits se fichèrent à ses pieds.

N'étant pas totalement idiots, les morts-vivants s'avancèrent de quelques pas. Mal leur en prit, car ils vinrent se placer juste sur les vaguelettes rouges qui venaient d'apparaître sur le sol. Un météore s'écrasa sur leur groupe, arrachant au passage des morceaux de toits, de murs qui tenaient encore par miracle.

Les os volèrent en éclats. Les trois filles s'approchèrent, mais leur visage était dur. Plus aucune émotion ne perçait. Quiconque les regardait dans les yeux à ce moment précis comprendrait pourquoi elles avaient accepté de participer à cette quête : la destruction du mal.
De tout ce qui se passa jusqu'à leur retour au campement, rien n'était précis dans leur esprit. Elles se souvenaient avoir tué un autre groupe de monstres, Pierrick avait coupé la corde qui retenait la cage de Cain, s'était entretenu un moment avec le vieillard. Qu'avaient-ils dit ? Une perturbation dans la magie de Sanctuary... Cain l'avait senti, bien qu'il n'ait rien pu faire. Autre chose encore, mais ça ne ressurgissait pas... Peu importait.

Une vive lumière bleu, différente des flammes qui oscillaient devant les hommes et bêtes, éclaira le camp des rogues. Les deux brutes qui étaient toujours assises devant le feu virent un vieil homme traverser le portail, soutenu par le garçon qu'ils considéraient comme un ami. Sans leur accorder un regard, les deux nouveaux venus traversèrent la distance qui les séparait de la tente d'Akara et Cain y entra seul.

- Salut les filles ! cria Hébus pour saluer le retour de ses compagnes.

- Salut boule de poils, rétorqua Lili d'un air sombre. T'es tout seul avec Bob ?

- Le druide et le PK sont allés vomir pendant que le nécro essayait les os que je lui avais donnés dans le cimetière.

- Et Pierrick ?

- Je suis là, fit une voix sourde. Cain est resté avec Akara, va falloir attendre qu'ils aient fini de parler pour savoir ce qu'on va faire de moi.

- Et si il trouve un moyen de te renvoyer chez toi ?

- Je pense que j'aurais rien d'autre à faire...

Les trois filles restèrent un moment sans rien dire, pendant que Bob roulait des yeux en essayant de comprendre ce qu'ils disaient. Enfin, Jamila brisa le silence :

- Mais tu as dit que tu nous aiderais ! Akara t'a demandé si tu pouvais nous accompagner pour tuer Diablo, tu as dit oui !

- Je sais, ouais... Mais vous êtes assez forts pour y arriver, et moi... j'ai une vie ailleurs aussi.
L'ensorceleuse resta un moment à le fixer d'une façon qui devint vite gênante, avant de détourner les yeux et d'aller s'asseoir en tournant le dos à Pierrick.

Embarrassé, le garçon sorti son épée qu'il essuya sur son sweat avant de la planter dans le sol et de jouer distraitement avec.
Il commençait à éprouver beaucoup d'affection pour les personnages du jeu, et plus que jamais, il considérait la sorcière comme son personnage préféré. Cependant, il était conscient qu'il n'était pas capable de se battre convenablement. Affronter Andarielle ne serait pas chose aisée, encore moins si on lui demandait à nouveau de faire ses preuves. Il n'avait pas les compétences requises pour tuer un démon, même mineur. Cela il le savait, et l'orgueil qui s'était emparé de lui à son arrivée dans ce monde commençait à s'estomper.

Si Cain trouvait une solution ? Partir d'ici signifiait retrouver une vie normale, avec des amis normaux, des profs plus ou moins convenables... Il pourrait repasser sur diablo de temps en temps, prendre possession de ceux qui avaient été ses amis. Sa prochaine sorcière serait météore, maxée à fond, elle s'appellerait Jamila... Il ferait une Javazone, Lili... Un nécromancien invocations, un Hammerdin, un Méta-Loup et un barbare plein de vie et de défense...

Est-ce que ça remplacerait les originaux ?

Pierrick secoua la tête.

Alors, refuserait-il la proposition du dernier des Horadrims ? Rien que la pensée de rester dans cet univers soulevait son estomac. Il avait risqué de mourir, à cause de sa fierté. N'importe qui aurait appris de ses erreurs, aurait avoué la vérité. Pas lui... L'orgueil est tel qu'il vous emporte vers la mort plutôt que d'avouer votre faiblesse.

Il releva la tête et se répondit silencieusement : « Je vais rentrer chez moi... »

Plusieurs minutes passèrent après qu'il ait pris sa décision. Une voix vieille mais toujours ferme se fit entendre derrière lui :

- Merci d'être venus à mon secours, mes amis.

Le jeune garçon se retourna pour voir Deckard Cain qui se tenait plus droit et semblait moins s'appuyer sur son bâton noueux. Akara avait dû le nourrir et lui donner des soins magiques.

- Je vais d'abord aborder le sujet de ce jeune garçon qui ne devrait apparemment pas être ici, ainsi que le Troll Hébus, qui est dans le même cas. J'ai passé le peu de temps qui s'est écoulé depuis mon retour à recevoir des soins, mais cela ne m'a pas empêché d'y réfléchir. Après avoir examiné la question sous plusieurs angles, je suis venu à chaque fois à la même conclusion : Je ne suis pas de taille à vous renvoyer chez vous. La puissance des Horadrims a décru. Je ne suis pas digne du pouvoir que mon légué mes ancêtres.

- Euh... C'est qui qui peut répondre alors ? intervint Hébus, les mouches tournoyant violemment autour de sa tête.

- Même si Drognan et Ormus pourraient avoir leur idée là-dessus, je pense que seul Tyrael serait capable de vous renvoyer sans aucun risque.

- L'archange Tyrael ? s'exclama Séraphine qui, même si elle n'avait pas suivi d'enseignement religieux, connaissait la puissance de cette entité, et la naïveté représentée par l'envie de le rencontrer. Mais comment le trouver ? Il y a des décennies qu'il ne s'est pas intéressé aux affaires des mortels !

- Une fois que vous aurez vaincu Andarielle, et je compte que vous y réussissiez ! Vous repartirez avec la caravane de Warriv vers Lut Gholein qui a aussi quelques problèmes avec les démons, d'après ce qu'Akara m'a dit. Il semblerait que Baal soit sur le point de se libérer de Tal Rasha. J'attend de vous que vous preniez les mesures nécessaires pour enrayer cette menace. Vous partirez ensuite vers ce qui reste de la glorieuse Kurast et descendrez dans les derniers étages de la Prison de la Haine, où Méphisto est enfermé. Après sa mort, à laquelle vous devrez participer entièrement, vous prendrez le portail qui mène à la Forteresse de Pandémonium, l'Archange Tyrael vous y attendra. Vous pourrez y quérir son avis et son aide. Voici le meilleur conseil que peut vous donner un mage Horadrim.

Quelques minutes furent nécessaires à ses auditeurs pour assimiler tout ce qu'il venait de dire. Pierrick baissa la tête, finalement, il ne partirait pas tout de suite. En regardant autour de lui, il vit que les membres manquants de l'équipe étaient revenus. Le paladin s'avança vers le vieil homme en robe grise et s'agenouilla :

- Ne viendrez-vous pas avec nous ? Ne nous accompagnerez-vous pas aussi loin que nous devrons aller ?

- Je suis vieux, jeune paladin, mais il ne sera pas dit qu'un Horadrim aura laissé les serviteurs du bien dans l'ombre. Je vous suivrai jusqu'au Paradis, puis jusqu'au plus profond puis de l'Enfer si telle est votre destination, afin que jusqu'au bout, vous puissiez bénéficier de mon conseil. Le vieux Cain n'est pas encore mort !
La traversée du Bois Obscur fut relativement rapide, puisque le demi groupe qui y était passé pour récupérer le parchemin avait fait tout le tour du bois et tué tous les monstres avant de trouver l'arbre en question. Nous devons d'ailleurs à Bob sa fameuse réplique à l'explication donnée par les filles :

- De toute façon, un arbre, c'est rien qu'un arbre !

Devant l'éloquence de cette remarque, Pierrick avait caché un rire dans une toux peu discrète, ce qui lui valut une énorme claque dans le dos, donnée par Hébus.

- Va pas t'étouffer p'tit bout !

- Aie ! Merci, Hébus...

- Huk ! Huk ! Huk ! Pas de quoi gamin !

Le ciel toujours couvert se déversait sur nos amis. Le nécromancien avait d'ailleurs renoncé définitivement à invoquer son golem de terre en disant :

- Je le reprendrai quand on sera dans le désert, là au moins il fondra pas !

- Fais-en un autre, proposa Pierrick.

- Comment veux-tu ! s'était emporté le mage qui avait les nerfs à fleur de peau ces derniers temps. Le golem de feu ? Il va s'éteindre tout de suite ! Le fer ? Il va rouiller et puis on va attraper le tétanos ! Donc je te dis, on va attendre et on s'en passera bien !

- Bah, reste le golem sanglant...

La Mort dans tes Os s'arrêta brusquement pendant une demie seconde seulement, car son arrêt n'avait pas été remarqué par le Troll (qui, soit dit en passant, avait la tête cinquante centimètres plus haut). Tout le monde pu donc assister à un magnifique vol plané du nécromancien qui battit ce jour là le record de saut en longueur détenu par un Lapin Hurleur.

En se relevant difficilement, le nécro regarda le jeune homme droit dans les yeux pendant plusieurs secondes avant de répondre d'un ton cassant :

- Celui la je veux pas le faire.

Un grognement hilare s'éleva vers l'arrière du groupe. Hébus, qui s'était finalement arrêté pour commenter la performance du sauteur, s'écarta pour que l'intéressé puisse voir le druide qui gloussait de manière bizarre.

- Qu'est-ce que t'as, toi ? lui demanda-t-il méchamment.

- Oh, c'est rien, grogna le loup entre deux rires. C'est juste que dans le village d'où je viens, on a entendu parler de toi...

- Ah ? C'est vrai que je suis célèbre...

Le nécro eut soudain l'air flatté qu'on le connaisse, mais il se reprit aussitôt, son sourire niais disparaissant sur le champ :

- Mais en quoi ça te fait rire ?

- Tu t'appelles La Mort dans tes Os, mais les nécromanciens qui passaient chez nous t'appelaient La frayeur des Infirmières, ou encore L'aiguillophobe... T'as tellement peur des piqûres que tu veux même pas utiliser un peu de ton sang pour faire un golem !

À ces mots, n'y tenant plus, le druide éclata d'un gros rire gras, aussitôt imité par le reste du groupe, à l'exception, bien sûr, du sujet de la plaisanterie, qui se retourna pour bouder dans son coin.

L'incident fut vite oublié. Le nécro promit de ne plus parler de Junior et le druide dit qu'il oublierait les aiguilles.

Le rythme de la marche sous la pluie reprit donc. Les aventuriers avançaient à présent en ligne. Les deux brutes de chaque côté, Hébus à droite et Bob à gauche. Pierrick se trouvait entre le troll et le loup, à la droite du Fléau du Petit Chaperon Rouge, on trouvait le nécromancien et le paladin, puis Lili, Séraphine et enfin Jamila à droite du Barbare.

Depuis l'arrivée de Cain, le jeune garçon n'avait cessé de penser à ce que lui avait dit la sorcière. La façon dont elle l'avait dit, la façon dont elle avait réagit... En y réfléchissant, elle n'était pas beaucoup plus âgée que lui, à peine deux ou trois ans de plus. Et elle était belle, très belle. Cain avait dit qu'il pourrait partir en arrivant à la forteresse de Pandémonium, mais Pierrick savait qu'il rencontrerait Tyrael avant ça, dans le tombeau de Tal Rasha. Alors il partirait. Il s'était déjà posé la question et y avait répondu fermement. Il rentrerait chez lui.

Il se rendait compte qu'il était illusoire de s'attacher à une fille dans ce monde. C'est en partie pour cette raison qu'il ne s'était pas approché d'elle depuis leur dernière altercation. Mais une idée revenait sans cesse dans sa tête et, bien qu'il s'efforça de l'éloigner à chaque fois, elle se faisait de plus en plus présente : ne pas vouloir tomber amoureux, est-ce que ça ne veut pas dire qu'on l'est déjà ?

Toujours dans le même état d'esprit, le groupe sortit des bois pour se retrouver dans une plaine vaseuse : le Marais Sombre. Au loin on apercevait les ruines de la tour qui abritait la comtesse démoniaque. Pierrick n'avait pas révélé aux autres ce qu'elle renfermait, et il n'en avait toujours pas l'intention. Plus vite on arriverait à Tyrael, plus vite il pourrait partir. Même s'il avait envie de rester en compagnie de ses amis, il avait conscience d'être un poids plutôt qu'une aide.

De l'autre côté du groupe, Jamila adressa la parole à Bob qui restait silencieux depuis un moment :

- Sinon, quelles nouvelles d'Harrogath ?

- Barbares grands guerriers, Harrogath bien défendue. Malah soigner blessés et eux repartir au combat très vite.

Comme l'ensorceleuse ne répondait rien, Bob reprit en souriant :

- Thann devenu officier sous les ordres de Qual-Kehk. Lui beau garçon maintenant.

- Je... que ?... bafouilla Jamila en rougissant.

- Bob se souvenir quand Jamila vivre à Harrogath, même si Jamila oublier bob.

- Mais... Pourquoi t'en as pas parlé avant ?

- Si Jamila pas vouloir que les autres sachent, Bob pas parler.

La sorcière jeta un coup d'oeil de l'autre côté du groupe et vit Pierrick, perché sur les épaules de Hébus.

- J'avais neuf ans quand je suis arrivée à Harrogath, après avoir passé cinq ans à étudier la magie. J'ai rejoint ma mère là-bas et j'y suis restée cinq autres années. Je m'entendais bien avec Anya, et j'ai connu son frère très tôt. Thann avait quatre ans de plus que moi et était l'apprenti de Larzuk, le forgeron. Quand je suis repartie pour Kurast, il a décidé d'entrer dans l'armée de Qual-Kehk. D'après ce que tu me dis, il a réussi.

- Lui renverser chef démon une semaine avant mon départ. Bob très fier de Thann.

Jamila considéra le barbare quelques secondes, trouvant son orgueil déplacé. Elle trouvait un peu étrange d'être fier pour quelqu'un qui avait réussi. Là où elle avait fait ses études de magicienne, l'individualisme prônait. Chacun devait son succès à lui seul et à ses maîtres. Elle comprit ensuite :

- Bob lui avoir appris à se battre.

- Oh...

Elle regarda alors le barbare sous un autre angle. C'était l'un des maîtres d'armes d'Harrogath et, si son intelligence ne le démarquait pas des autres, il avait quand même décidé de prêter sa force à Akara, alors qu'il vivait loin. C'était la preuve d'un grand courage et surtout d'une grande générosité.

Et ce qu'il lui avait dit... Jamila resta plongée dans ses pensées tout en continuant d'avancer. Cela failli lui être fatal.

Seule Séraphine eut le temps de voir arriver la meute de boucs. Le plus proche d'elle finit égorgé avant d'avoir eu le temps de se rendre compte qu'il était repéré. Mais un autre avançait vers Jamila qui n'avait pas encore réagit. Il leva sa hache d'arme et l'abaissa avec une vitesse et une force improbables. La dernière chose que vit l'ensorceleuse fut le tranchant à trente centimètres de son visage. Puis tout fut noir. Elle mit une dizaine de secondes à comprendre qu'elle était toujours en vie, et que la hache s'était brisée sur le bras droit de Bob. Ce dernier sortit son épée flamboyante en une demie fraction de seconde et décapita son adversaire en moins de temps encore. La tête fumante s'enfonça dans un bourbier dans un bruit de succion.

La meute ne fit pas long feu, et le paladin eut même l'occasion d'en tuer un. Malheureusement, cette occasion ne se concrétisa pas car le javelot de Lili atteint le bouc avant le marteau.

- Le jour où t'auras plus de fast cast que j'ai d'ias, tu pourras te gratter ! lui cria l'amazone en riant, avant de lancer deux autres javelots électrifiés et faisant cinq autres victimes.

Immédiatement, cinq squelettes surgirent des corps encore chauds pour attaquer les quatre survivants. De son côté, Hébus cria à Pierrick (qui dut se déboucher les oreilles puisque la bouche du Troll avait hurlé à dix centimètres de sa tête) :

- Sors ton cure-dents gamin !

Pierrick obéit et se senti soulevé. La main velue avait accroché son col et le haut de son pantalon (il se retrouva donc nageant dans un baggy très large) et le balançait d'avant en arrière.

- À la une... À la deux... À la Troy ! hurla Hébus en jetant son fardeau, l'épée en avant, vers le groupe de monstres.

Je ne trouve pas utile de retranscrire ici le long cri qui fusa, car ce serait un massacre de littérature et mon ordinateur s'empresserait de le souligner en rouge (une bonne centaine de « A » suivis d'un « H », je crois qu'il connaît pas). Cependant, je peux vous assurer que les tympans de nos amis en ont souffert.

Le garçon vola pour ainsi dire sur les cinq mètres qui le séparaient du plus proche des boucs, l'épée tendue devant sa tête. Le choc fut si violent que le premier monstre se retrouva transpercé de part en part au contact de la pointe. Mais le corps de Pierrick était trop volumineux et trop peux tranchant pour le traverser lui aussi, il ne put donc passer au travers. Cependant, la force du Troll était telle que, broyant son épaule sur les côtes de la bête, il l'entraîna à la rencontre des autres et en épingla encore une avant de s'étaler de la façon la plus ridicule qui soit.

Le temps que Pierrick se relève, le combat était déjà fini. Il resta assis à masser son épaule endolorie alors que Hébus revenait le chercher. Il fut soulevé avec un petit doigt et reposé avec toute la délicatesse d'un Troll (équivalente à celle d'un éléphant qui transporte de la porcelaine) sur les hautes épaules.

- Préviens moi la prochaine fois, grogna-t-il dans un gémissement de douleur.

- Tu sais, tu me rappelles le Chevalier Or-Azur.

- Oh non, tu vas pas me comparer à lui !

- Il était très marrant ! Il passait son temps à deux choses principales : dénombrer ses prétendues qualités pour impressionner C'ian...

- Ouais, Lanfeust était pas très content d'ailleurs...

- ... et se cacher pendant que je tapait sur les méchants. Huk ! Huk ! Huk !

- Arrête, je me cache pas tout le temps !

Pendant qu'ils se chamaillaient gentiment en avançant, de l'autre côté du groupe, Bob adressa un sourire à sa voisine :

- Bob sauver Jamila.

- À charge de revanche, promis l'ensorceleuse.

Leur avancée se prolongea sans trop de problèmes, car je n'appellerai pas un problème le fait que l'un des squelettes du nécro ait décidé, sans raison apparente, de planter son épée en os dans le postérieur de son maître spirituel, prétextant par la suite un mauvais revenu pour les combats... Il apparut alors à tous que les relations que le nécromancien entretenait avec ses invocations n'étaient pas encore très développées.

Le groupe quitta le marais pour s'engager dans une plaine. À l'horizon, on pouvait voir les hauts murs du monastère des rogues, à présent refuge d'Andarielle. L'estomac de Pierrick se noua et, même si la démarche d'Hébus lui donnait la même impression qu'une voiture sur une route de montagne, il comprit qu'il avait peur de se retrouver face à la Démone.

Ils traversèrent les Hautes Terres de Tamoe en ne rencontrant que quelques monstres, rien qui puisse les inquiéter. En arrivant au pied de la muraille, les portes gigantesques se dressaient devant eux, fermées. Lili voulut les ouvrir, sans succès. Elles restèrent scellées en donnant une impression de lourdeur et d'indestructibilité.

- Tiens Séraphine, c'est pour toi ce coup-ci, interpella la sorcière devant son échec.

- Regarde, répondit l'assassin, pas de serrure à crocheter, je peux rien faire.

- Reculez, intervint la voix de Hébus. Bob, viens avec moi.

Pierrick fut reposé par terre et il s'empressa de s'écarter avec le reste du groupe alors que les deux masses avançaient. Jamila se plaça de façon à voir l'opération sans être gênée par la taille des colosses. Chacun d'entre eux se positionna à six mètres de l'autre, tenant le battant d'une des portes.

Pendant cinq secondes, rien ne se passa. La musculature des brutes jouait sous leur peau. Puis, dans un grincement de tonnerre, les deux portes volèrent littéralement dans deux directions opposées, et si loin que personne ne put voir leur trajectoire jusqu'au bout.

Dans le même laps de temps, avant même que Bob ne se soit relevé après son exploit, Jamila vit la lumière avancer vers lui à pleine vitesse. Elle comprit aussitôt, pour avoir pratiqué la magie pendant longtemps, qu'une boule de feu avait été lancée sur le barbare. Mais elle comprit aussi que si elle était rapide, cette boule de feu n'était pas aussi puissante que celles qu'elle, Jamila, savait créer. Et bien entendu, elle était encore plus vive d'esprit lorsqu'il s'agissait de lancer son sort de prédilection.

La boule de feu n'avait plus que la taille d'une petite flamme en comparaison avec celle que l'ensorceleuse venait de créer. Elle fut donc absorbée alors que le sort de Jamila continuait sa route vers le groupe de mages squelettes qu'elle voyait à la lumière qu'elle venait de faire. Les tas d'os s'éparpillèrent. Tout cela s'était passé en moins d'une seconde.

- C'est bon, fit remarquer Jamila à Bob avec un grand sourire. Je te dois plus rien maintenant.

- Merci, mais Bob pas craindre flammes.

La sorcière étudia un moment l'expression du barbare avant de décider qu'il ne mentait pas. Avec une moue déçue, elle se détourna en disant :

- Si tu ne crains ni les éléments, ni les coups, je me demande comment je pourrais m'acquitter de ma dette.

- Bob sait que si toi rentrer à Harrogath, toi offrir beaucoup au peuple barbare.

Jamila s'arrêta aussitôt et se retourna pour affronter une nouvelle fois le regard de Bob. Elle y vit une étincelle de malice qui lui fit comprendre qu'il n'était pas forcément la brute sans cervelle qu'on s'attendait à trouver en lui. Elle l'aurait comprit de toute façon : même si ça ne voulait rien dire pour les autres, Bob lui rappelait que, dans une de ses lettres, Thann l'avait demandée en mariage avant qu'elle ne parte pour le camp des Rogues. Une manière peu commune de faire une telle demande, mais excusée par le fait qu'Harrogath se soit trouvée en guerre à cette époque, empêchant quiconque d'entrer ou de sortir. Elle n'avait reçu le message que grâce à un ami druide qui leur avait prêté un corbeau. Chose étrange, l'oiseau avait disparu en délivrant le courrier, la laissant sans la possibilité de répondre.

Décidant d'ignorer la remarque de Bob, ou plutôt de faire croire aux autres qu'elle l'ignorait, elle s'engagea dans le long couloir bordé de colonnes aussi grandes que les portes et beaucoup plus lourdes. Les arches se multipliaient à perte de vue, ne laissant apercevoir qu'un vaste atrium, loin devant.

La lumière avait fortement baissé depuis que le groupe d'aventuriers s'était avancé dans le bois obscur. Il faisait presque nuit et la pluie ne discontinuait pas.

- Je propose de s'arrêter ici pour la nuit, dit le nécromancien.

- Pourquoi ne pas retourner au camp grâce à un portail ? s'étonna Lili.

- Ici, au moins, nous serons à l'abris de la pluie, et nous n'aurons pas moins froid que là-bas.

- Et les monstres ? continua Lili.

- Je vais faire un tour de reconnaissance, la rassura Séraphine.

Alors qu'elle partait, Hébus s'approcha d'une colonne et y posa Pierrick.

- Faut pas faire trop de bruit, chuchota-t-il. Le pt'it s'est endormi.

- J'ai placé des sentinelles aux entrées de ce couloir, fit la voix de Séraphine, venant de nulle part. Si vous voulez, on peut instaurer des tours de garde, au cas où...

- Pas la peine, répliqua le Troll. Même quand je dors, je suis capable de bouffer n'importe quel truc qui essayerait de s'approcher trop près de moi. Huk ! Huk ! Huk !

La nuit commença donc, à l'entrée du Monastère, où nos héros attendaient le matin pour se réveiller et continuer à marcher, à travers la caserne où ils rencontreraient le Forgeron, qui réussirait presque à leur faire perdre un équipier. Puis, continuant jusque dans les prisons oubliées pour ensuite remonter dans la partie intérieure du Monastère des Rogues, ils pénétreraient dans la cathédrale, jusqu'au plus profond des catacombes pour y trouver la Démone, Andarielle.

De nombreux périls et altercations les attendaient encore, mais comment résister à l'appel de la nuit, du sommeil, du rêve... Où tout ce qu'on croit impossible cesse de l'être. Cette nuit, Pierrick terrassa Diablo et Baal, avant d'embrasser tendrement une jeune fille aux longs cheveux bruns.

L'image de Jamila s'estompa alors qu'il se réveillait, ne gardant qu'un pâle souvenir de ce qui avait été pour lui un moment de bonheur inégalable, intense.
- Jamila !

Le cri résonna dans le silence irréel. Pierrick, étendant le bras, poussa violemment l'ensorceleuse, la faisant tomber sur le côté. Le marteau s'abattit, trop vite pour que le garçon ait le temps de retirer son bras. La douleur se répandit jusqu'à l'épaule, puis irradia tout son corps. Il se sentit vaguement tomber à genoux, alors que ses yeux enregistraient le minotaure relevant son énorme masse. Sa dernière vision avant de quitter ce monde.

Au même moment, il sentit une série de coups sourds faisant trembler ses genoux en contact avec le sol. Cependant, il avait trop mal et trop peur pour y accorder une quelconque attention.

À côté de lui, Jamila ne bougeait pas. En tombant, elle avait percuté une étagère et sa tête avait cogné une planche. Il avait voulut la sauver. Il l'avait condamnée.

Ne pouvant supporter la douleur et la terreur plus longtemps, Pierrick ferma les yeux et se laissa couler dans l'inconscience, sans réaliser qu'il allait mourir. Il entendit un dernier hurlement, celui du vainqueur, de son ennemi. Le Forgeron triomphait en lui portant le coup fatal.

- T'en veux un peu ? demanda Hébus en tendant le Minotaure à Bob.

- Non, Bob pas manger grosses bêtes. Pas bon pour cholestérol.

- Huk ! Huk ! Huk ! Ça me rappelle quand j'ai croisé Anth-hibio, le dieu Darshan des médecins. Enfin bon, tant pis pour toi. Tu sais pas ce que tu rates !

- Dis, intervint discrètement le nécromancien, quand t'auras rongé les os, tu me les mets de côté s'il te plait ? Avec un squelette de cette taille, je vais pouvoir me la péter devant tous les autres nécros !

- Ouais, mais pense à revoir son contrat, sinon je le laisse te taper dessus pour rigoler !

- Euh... C'est pas bête...

- Wouf ! approuva le druide qui invoquait régulièrement des corbeaux « pour le fun » d'après lui.

- Eh, arrêtez un peu de rigoler ! cria le paladin qui était resté en retrait.

- Quoi ? Tu veux une baffe ? s'enquit gentiment le Troll.

- Euh... Pas vraiment, mais ces deux-là ont l'air de s'en être pris une belle.

Il désignait les corps étendus de Pierrick et Jamila.

- Ah ? reprit Hébus. C'est vrai qu'on les entendait plus eux. Tiens, ça me fait penser qu'on a pas revu Lili et Séraphine non plus. Elles sont parties de leur côté sans rien dire. Elles sont comme Cixi ! On peut pas les laisser toutes seules deux minutes sans qu'elles fassent n'importe quoi ! Regarde moi ça ! On se retrouve là, entre mecs, à part Jamila, ah oui, faudrait s'en occuper, tiens. Je me demande ce qui l'a mise dans cet état.

- Je pense que c'est la grosse bestiole que tu tiens dans la main gauche...

- Ah oui ! D'ailleurs faudrait la manger avant qu'elle s'abîme ou qu'on me la pique.

Sur ce, il posa son fardeau et plongea la gueule dedans, arrachant la chair et faisant gicler du sang de partout. Réprimant un soupir de dégoût, le Hammerdin détourna la tête et sortit un parchemin bleu de son armure :

- Abracadabra, pic et pic et colégrame, Sésame ouvre toi !

La lumière vacillante qui éclairait la pièce se concentra en un point devant le paladin, devint bleue puis s'étira jusqu'à devenir plus haute qu'Hébus. Sans rien dire, il prit Jamila dans ses bras et passa le portail.

Hébus étant occupé à manger et le nécromancien, à attendre les restes avec impatience, Bob regardant le tout avec un regard absent, le druide décida de transporter Pierrick qui était resté inconscient, le bras tordu dans un angle étrange.

Les deux blessés furent conduits devant Akara, passant devant Cain qui les regarda d'un air affolé, mais qui n'osa pas poser de questions quant à ce qui était arrivé, de peur de ralentir leur guérison.

La magicienne n'eut aucun mal à soigner leurs blessures, néanmoins, elle insista pour qu'ils restent et se reposent une journée, afin de récupérer totalement. Le druide et le paladin repartirent donc à travers le portail en les laissant au camp, toujours endormis malgré les soins d'Akara.

Il se passa près d'une heure avant que Pierrick n'ouvre les yeux. Tout était noir autour de lui. Il tourna la tête de tous les côtés pour essayer de se repérer. Le martèlement de la pluie lui fit comprendre qu'il était sous une tente. Ce qui s'était passé lui revint lentement. Jamila et lui étaient partis de leur côté dans la caserne. Le flamboiement qui passait sous la porte les avait attirés. Jamila s'était débarrassée des quelques déchus qui traînaient, mais ils avaient été surpris par le Minotaure. D'un geste qu'il avait voulu héroïque, Pierrick avait écarté Jamila, l'assommant au passage. Puis il s'était fait casser le bras. Son dernier souvenir visuel représentait le Forgeron abattant son arme vers lui.

- Tu es réveillé ? demanda une voix douce dans la pénombre.

- À peu près... On est où ?

- Au camp des Rogues. Tu vas mieux ?

Pierrick fit bouger son bras. Tout d'abord, il ressentit un frottement au niveau de son coude, puis le mouvement devint plus fluide.

- Ouais, je crois que ça va. Et toi ?

- Un peu mal à la tête, mais c'est pas trop grave.

- Je suis désolé...

- Ouais, tu peux... répondit-elle avec un sourire que le manque de lumière empêcha Pierrick de voir.

Comme il ne répondait pas, Jamila le rassura :

- Non, t'inquiète pas. Je devrais plutôt te remercier pour ce que tu as fait. Sans toi je serais sûrement morte, maintenant.

- Mouais... Même avec moi t'as failli y passer...

- Laisse tomber, tu veux, répliqua-t-elle gentiment. On va bien tous les deux, c'est le principal, non ?

- Ouais, tu dois avoir raison.

Le silence régna quelques minutes, puis, n'y tenant plus, Pierrick se leva et sortit.

- Où tu vas ? demanda l'ensorceleuse dans son dos.

- Je sais pas... Faire un tour dans la lande.

Sans rien ajouter, il repoussa la toile de tente et avança, se protégeant les yeux de la main. Akara l'arrêta :

- Tu te sens mieux ?

- Oui, ça va.

- Tu cherches quelque chose en particulier ?

Pierrick regarda autour de lui en quête d'une réponse. Ne trouvant rien aux environs, il eut le réflexe de vérifier son arme, elle n'était pas à sa place.

- Mon glaive... Je sais pas où il est passé.

- Le Fléau du Chaperon Rouge ne l'a pas rapporté. Il a dû rester là-bas. Je pense qu'ils vont te le rendre quand ils ouvriront un autre portail. Tu devrais rester ici en attendant.

- Je vais bien.

- Je n'en doute pas, mais tu seras plus apte à te battre contre Andarielle en étant reposé.

L'estomac de Pierrick se tordit encore une fois. Interprétant son silence comme une interrogation, Akara reprit :

- Oui, vous allez bientôt arriver dans la cathédrale de notre Monastère. De là, vous atteindrez le quatrième niveau des catacombes où Andarielle a établi son trône.

- Oui... Je crois que vous avez raison. Je vais attendre ici...

Sans attendre de réponse, il retourna vers la tente d'où Jamila n'avait pas bougé, le moral plus bas que jamais.

_______________


Du haut des remparts, l'homme fixait l'étendue enneigée qui se perdait au loin. Comme tous les jours depuis plus d'une semaine, il était monté là avant l'aube, et il n'en repartirait qu'après le crépuscule. À moins que, comme c'était déjà arrivé deux fois, les démons n'attaquent la cité.

Le pas d'un de ses hommes résonna sur le rempart, mais il ne se retourna pas.

- Capitaine Thann, souffla le guerrier, enveloppé dans une fourrure. Cela fait au moins dix jours que vous restez là. À quoi bon ?

À ces mots, Thann se retourna. Il n'avait pas reconnu l'homme qu'il avait considéré comme son frère et que seuls les événements avaient séparé de lui.

- Altor, mon ami... Te souviens-tu de Jamila ?

- Comment oublier celle qui a hanté vos rêves pendant si longtemps, Capitaine Thann...

- Elle a pris part à une quête importante, on dit que Diablo est revenu. Elle veut le détruire définitivement, avec l'aide d'autres aventuriers. Je n'en sais pas plus.

- Est-ce donc elle que vous attendez sans relâche ?

- Pas exactement. Je ne t'en ai pas parlé mais... Je l'ai demandée en mariage...

Altor resta interdit un moment, mais il se reprit vite. Son statut d'ami du capitaine ne devait pas lui permettre ce genre de laisser-aller.

- Votre soeur a dû en être ravie, Capitaine. J'imagine que la réponse a été positive. Nul ne peut se vanter de ne pas vous avoir envié les regards que la jeune Jamila vous jetait il y a quelques années.

- Là est le problème, Altor. Le corbeau que nous utilisions pour correspondre ne revient pas. Je reviens chaque jour en tentant de le repérer, mais j'ai peu d'espoir.

- Que pensez vous que cela signifie ?

- Hélas ! Je ne vois que deux réponses à cette question. Soit Jamila ne veut plus entendre parler de moi pour je ne sais quelle raison, mais je n'y crois guère.

- Moi non plus Capitaine, Jamila est amoureuse de vous, ça ne fait aucun doute. Et même dans le cas improbable où elle voudrait vous oublier, elle vous le ferait savoir.

- C'est aussi mon avis, ce qui me porte à cette conclusion : le jeune Elvan, le druide qui nous accompagnait toujours pendant notre enfance, a dû tomber dans une embuscade tendue par des démons. Seule sa disparition pourrait expliquer que ses corbeaux ne voyagent plus.

Cette fois, Altor ne chercha pas à cacher sa stupeur. Il avait fait partie du groupe de Thann, Jamila et Elvan. Tous les quatre s'entendaient très bien, et chacun savait pouvoir compter sur les autres. Apprendre ou deviner la mort de l'un d'entre eux était un supplice qu'il n'avait jamais imaginé endurer.

Un cri d'alerte vint mettre fin à leur discussion. Une nouvelle attaque avait lieu...

_______________


- Brr ! frémit Hébus. J'aime pas cet endroit. Ça me rappelle une embuscade chez les pirates...

- Arrête de trembler, boule de poils, fit Lili. C'est rien que des prisons vides.

- Mouais, n'empêche que ça fait froid dans le dos...

- De toute façon, intervint Pierrick, avec des barreaux rouillés comme ça, tu pourrais les arracher avec deux doigts !

- Un seul, gamin. Un seul...

- Je suis allé faire un tour plus loin, dit la voix de Séraphine qui résonna en venant de partout à la fois. Y'a juste un groupe de trucs bizarres par là-bas. Je pense qu'on devrait aller les tuer avant de remonter vers la cathédrale.

- Groar ! approuva le druide.

Un portail avait été ouvert pour que Pierrick et Jamila puissent reprendre la route avec le reste du groupe. Hébus avait rendu au garçon son « cure-dents » en racontant comment il était arrivé juste à temps pour empêcher le marteau du Forgeron de s'abattre sur son crâne.

Depuis qu'ils étaient de nouveau réunis, le paladin était resté en arrière avec l'ensorceleuse et tentait vainement de faire valoir son courage :

- Gente damoiselle, si vous n'aviez pas été évanouie, vous auriez pu admirer toute la prestance d'un paladin du Zakarum ! Courant, plongeant parfois pour éviter les attaques de ces vils serviteurs du mal pour pouvoir arriver à temps et vous sauver ! Ah ! Si vous saviez le tourment que j'ai enduré en attendant de savoir si vous alliez bien... Mais le devoir m'appelait, je ne pouvais pas laisser nos amis seuls, sans quoi ils auraient péri sous les coups incessants de nos ennemis. Car même si il était vital pour moi, en tant qu'homme, de vous savoir saine et sauve, ma qualité de paladin m'oblige à délaisser une personne au profit d'un groupe. J'aurais tant souhaité...

- Votre qualité de paladin, l'interrompit Jamila, à ce que je vois, ne vous force pas à être modeste... ni véridique.

Hammerdin_PK resta abasourdi par cette remarque, ne figurant pas sur la liste des réponses possibles après un tel discours. Jamila mit ce repos à profit pour le planter là et pour avancer à côté de Pierrick.

- Comment ça se passe ici ? demanda-t-elle en jetant un regard de soulagement en arrière.

- Séraphine dit qu'il y a des monstres pas loin. Si c'est ceux que je crois, ils sont immu foudre. Ils crachent des boules d'électricité et leur chef est envoûté froid.

- Pas de problèmes, donc ?

- Non, pas trop.

Au fur et à mesure que le groupe avançait, ces deux-là s'écartaient légèrement sur le côté.

- Tu sais, j'étais sincère quand je te remerciais là-haut. T'avais pas l'air bien en forme donc je voulais que ce soit clair.

- Ouais, je sais. Désolé d'être comme ça.

- Bah, ça arrive...

Se sentant gênée, elle changea de sujet :

- Et si ça continue, je vais devoir la vie à tout le monde !

Pierrick s'arrêta, elle l'imita et se tourna vers lui. En la fixant dans les yeux il dit :

- Tu ne me dois rien, Jamila, absolument rien. Je ne t'ai pas sauvé tout à l'heure, j'ai failli te tuer !

- Tu m'as poussé contre cette étagère, c'était pour quoi ? Pour empêcher ce monstre de me frapper ?

- Bah... oui, c'était l'idée...

- Donc c'est tout ce que j'ai besoin de savoir. Peu importe que ça se soit passé comme tu le voulais ou pas. Tu as voulu m'aider et c'est tout ce qui compte.

Un poids disparut soudainement du coeur de Pierrick. Il sourit.

Le paladin passa près d'eux en grommelant, il s'arrêta :

- Dis Pierrick, c'est moi qui l'ai sauvée ! Toi t'es juste bon à l'assommer !

La remarque qui se voulait cinglante fit sourire le garçon.

- Dis, PK, va donc faire un tour là-bas pour voir si j'y suis !

- Hein ? Où ça ?

- Juste là-bas, tu vois ?

- Ah ? Mais... Non, y'a Hébus là-bas...

- Oui, t'as bien compris le message.

Le paladin repartit en jetant des regards apeurés vers le couple.

- Bien joué, souffla Jamila. Depuis tout à l'heure j'essaye de le virer et il me colle toujours ! Et toi tu t'en débarrasses comme ça d'un coup !

- Ouais, je suis doué pour me virer les boulets.

- Bon, faudrait quand même y aller, y'a un groupe de monstres qui nous attend !

En acquiescant, Pierrick la suivit. Ils rattrapèrent rapidement le reste du groupe, qui marchait dans une immense flaque de sang. Séraphine s'approcha en essuyant ses griffes sur sa combinaison de cuir.

- Alors les amoureux, faudrait voir à se dépêcher sinon il va rien vous rester !

- Euh... fit Pierrick en désignant un cadavre. C'est toi qui as tout tué ?

- Bah oui, pourquoi ?

- Bah... Et l'envoûtement froid ?

Séraphine s'approcha, ôta sa griffe et son gant à la main droite. Elle retira un anneau de son annulaire et le porta devant les yeux de Pierrick :

- Tu vois ça ? C'est un corbeau gelé. Du coup je sens rien quand on m'attaque avec du froid.

- M...M...Moi je... j'... en... ai... p... pas... fit une voix hachée par les tremblements.

Tout le monde se retourna et vit Hébus, tout bleu, les poils hérissés par la glace, des stalactites tombant des narines.

- Mon pauvre gros nounours ! s'exclama Jamila. Tiens, j'ai un truc spécial pour toi.

Son orbe se mit à clignoter de plus en plus fort. Elle marcha en cercle autour de Hébus jusqu'à ce que des flammes surgissent de ses pas, créant un cercle de feu de deux mètre de haut, entourant le Troll.

Jamila s'écarta brusquement en finissant le cercle et Hébus resta à se frictionner pendant cinq minutes, à la suite desquelles il reprit sa couleur sale, laissant une flaque d'eau à ses pieds.

- Merci Jamila !

- De rien boule de poils. Allez, on y va ? Andarielle va pas nous attendre longtemps !

Ils montèrent donc les escaliers qui se trouvaient juste à côté de l'endroit où les monstres avaient été tués. Notre groupe se retrouva donc rapidement au pied d'une autre porte gigantesque.

- Gottferdom ! s'écria Hébus. Encore une porte à démolir.

- Attend, l'arrêta Pierrick. On va voir si on peut l'ouvrir normalement d'abord. Mais faut que je vous dise, là-dedans va y'avoir un squelette qui balance du poison et qui fait un anneau de glace en crevant.

- Ah... Séraphine, tu me prêterais ta bague deux secondes ?

- Mais bien sûr Hébus, tu nous fais le ménage pendant qu'on se repose et tu reviens nous chercher après ?

- Bob y aller aussi !

- Mais... t'as pas de corbeau gelé toi ! fit remarquer le paladin.

- Bob pas peur ! fut la seule réponse qu'il obtint avant que les deux colosses ne se jettent au travers de la porte en hurlant.

- Ah bah t'avais raison, Pierrick, fit remarquer Lili. Y'avait bien un moyen d'ouvrir la porte sans arracher les battants. Remarque, je suis pas certaine qu'il soit possible de la refermer normalement après ça... Faudra pas le dire aux rogues, sinon faudra payer les dommages et intérêts.

- Ouais... admit Séraphine. Enfin bon, moi je vais me reposer un peu. Pas question que je m'approche d'un envoûtement froid sans mon anneau !

Le bruit de fracas retentissait dans toute la cathédrale, rapportant à ceux qui se reposaient la violence du combat qui se déroulait à l'intérieur.

- Pfiou ! soupira Jamila. Vivement qu'on sorte de cette partie du pays ! J'en peux plus de la pluie.

- Tu m'étonnes, répondit Lili. J'ai les cheveux qui frisent quand ils sont mouillés. Tu verrais quand il y a du soleil, ils sont magnifiques !

Coupant court à ces délibérations, Hébus et Bob revinrent, un os à la main.

- Tiens, Séra ! fit Hébus en lançant l'anneau.

- Merci. On peut y aller ?

- Ouaip ! C'est tout propre à l'intérieur. Huk ! Huk ! Huk !

En entrant, ils virent que l'excitation de Hébus et de Bob ne s'était pas passée que sur les monstres, mais aussi sur le mobilier. En effet, plusieurs armoires qui devaient valoir plusieurs milliers d'euros dans le monde de Pierrick se trouvaient éventrées, déchiquetées, répandant leur contenu sur le sol, ce qui incluait livres, vases et autres choses inutiles.

La descente dans les catacombes s'effectua sans trop d'encombres, étant donné que nos deux amis les plus impressionnants ouvraient la marche. Quelques monstres inconscients eurent l'idée de se jeter dans leurs massue et épée, mais ils n'eurent pas le temps de se rendre compte que c'était une erreur.

Ce n'est qu'arrivés au troisième sous-sol qu'ils s'arrêtèrent.

- J'en peux plus ! soupira le paladin. Ça fait des heures et des heures qu'on traîne ici ! Faut qu'on se sépare pour trouver plus vite !

- Fainéasse ! le gronda Hébus.

- Mais, intervint Pierrick, c'est vrai qu'il a pas tort. Si on se sépare, on trouvera plus vite...

- Mouais... c'est vrai que ça pourrait paraître censé venant de quelqu'un d'autre que le PK... Bon alors, Bob avec moi, Pala, Druide et Nécro ensemble, Pierrick avec les filles !

- Eh, protesta le nécro, je peux changer de place avec Pierrick ?

- EXÉCUTION !!!!!! hurla Hébus, faisant trembler les murs et nos amis qui n'osèrent pas discuter.

Au fur et à mesure que Pierrick avançait aux côtés de Jamila, Lili et Séraphine, il sentait la peur envahir son esprit. Il sentait, sans savoir comment, que c'était son groupe qui allait trouver l'accès au niveau quatre. Alors viendrait le moment fatidique. Il ne voulait à aucun prix se retrouver face à Andarielle. Et il en avait assez de cacher la vérité à ceux qu'il considérait comme ses amis.

Le cri de Séraphine confirma son attente.

- C'est là ! On a gagné, on va pouvoir tuer Andarielle sans eux !

- Ouais ! s'exclama Lili. Allez venez vite !

- Pierrick, fit Jamila en s'arrêtant dans son élan, tu viens ?

- Oui, approuva Lili, tu vas pouvoir nous montrer comment on tue un boss dans ton monde !

Pierrick, la tête baissée resta un moment sans rien dire, provoquant les questions de ses amies. Il se décida à répondre. Il releva la tête et passa son regard sur chacune des filles qui se tenaient devant lui.

- Je... Je vais pas venir.

- Quoi ?

- Je peux pas le faire... Je... vous ai menti...

- Comment ça ?

- Je suis pas le héros que vous croyez... Je suis pas capable de tuer un monstre, même un tout petit... Je suis...

- Tu es un menteur !

Jamila avait presque crié. De son regard émanait de la colère, quasiment de la haine.

- Depuis le début tu promets... Tu nous as toujours dit que tu nous aiderais, que tu tuerais Diablo !

- Mais qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Qu'est-ce que je pouvais faire ? Vous étiez tous là, croyant que j'étais le plus grand Héros de tous les temps !

- Ce que tu pouvais faire ? Je sais pas. Mais pas nous mentir, en tout cas !

- Je...

- Tu sais quoi ? Tu ferais mieux de partir. Je crois que c'est la meilleure solution !

- Je...

- Tu devrais m'écouter.

La voix de Jamila s'était calmée, mais ses yeux trahissaient toujours une intense colère. Ses mains crépitaient. Pierrick ne soutint pas son regard. Il se détourna, se forçant à ne pas courir tout de suite.

Il parcourut plusieurs couloirs avant de ne plus pouvoir se retenir. Le coeur battant à tout rompre, il se mit à courir à toute vitesse.

Hébus et Bob arrivèrent peu après le paladin et son groupe. Il vit six silhouettes éparpillées dans la salle.

- Bah, il est où le gamin ?

Jamila lui lança :

- Je lui ai dit de partir, il ne vaut rien.

- Tu lui as dit de partir ? répéta le Troll. Pourquoi ?

- Il nous avait menti, il ne vaut rien, je te dis.

- Bah oui, ça je sais, mais il était marrant quand même !

- Tu... Tu savais ?

- Bah ça se voyait au premier coup d'oeil ! Et me dis pas que tu l'aimais pas non plus.

- Là n'est pas le problème ! On doit tuer Andarielle et il était inutile. Il vaut mieux se débarrasser d'un poids mort plutôt que de le traîner partout !

- Boarf, comme tu veux.

- Si j'avais mon mot à dire... commença le paladin.

- Tu n'as pas ton mot à dire, PK, le coupa Jamila. Venez, on a une démone à Tuer.

_______________


Je cours, sans savoir où je vais, ni d'où je viens. Peu importe. Je n'ai pas envie de me retourner. Un cri. Un monstre ? Trop tard, je suis déjà passé. Je vais me perdre si je continue. Peu importe. Je l'ai mérité. Dans ma poche, un parchemin de TP. Je le jette, je n'ai pas l'intention de rentrer au camp tout de suite. Il va me falloir du temps pour me calmer. Ah, voilà les escaliers. Je monte les marches, sans faire attention à la douleur qui irradie mes jambes. J'ai mal. Peu importe. Les autres vont aller à Lut Golhein. Moi je vais rester là, le temps de réfléchir. Si Tyrael veut me renvoyer chez moi, il viendra me chercher. Je suis fatigué. Je tombe. Je suis incapable de me relever, je crois que je vais dormir. Si un monstre me trouve ici, je suis fini. Peu importe...
Depuis six heures la caravane avançait sans s'arrêter sous le soleil brûlant du désert.

Après avoir tué Andarielle rapidement (Jamila avait évacué toute sa colère et sa rage sur la démone), les aventuriers étaient revenus au camp des Rogues par l'intermédiaire d'un TP. À leur retour ils avaient été accueillis par des cris de joie et Warriv leur avait proposé de l'accompagner gratuitement à Lut Golhein, alors que les rogues repartaient vers leur monastère.

La chaleur étouffait nos amis qui avaient éprouvé le besoin d'enlever leurs vêtements tout en gardant une apparence décente. Le druide s'était retransformé en humain et le paladin avait ôté son armure. Hébus, par contre se plaignait plus que les autres :

- Mais moi je peux pas enlever mes poils ! Jamila, tu dois bien avoir un sort de froid ?

- Bah oui, mais c'est l'armure de glace, ça marche que sur moi.

En effet, la sorcière était entourée d'un voile de glace qui la rafraîchissait.

- Alors tu permets que je te prenne dans mes bras ! Je crève de chaud !

Sans attendre de réponse à ce qui n'était pas une question, le Troll se jeta sur l'ensorceleuse et entreprit de l'enlacer. La réaction de l'armure ne se fit pas attendre : il se retrouva congelé au milieu d'un glaçon géant.

- Pas question que j'utilise un sort de feu pour le sortir de là ! s'exclama Jamila. Il fait beaucoup trop chaud pour ça !

- De toute façon, répliqua le nécromancien qui suait aussi à grosses gouttes, c'est très bien comme ça ! Il dégage une aura fraîche qui fait du bien.

Personne n'avait évoqué le fait qu'il aurait peut-être fallu attendre Pierrick, devant le regard noir de Jamila. Ils étaient donc partis avec Cain, en laissant aux rogues le soin de s'occuper du garçon.

Au bout de deux heures supplémentaires de voyage, la caravane arriva en vue de la ville entourée de remparts. Le vent marin avait fait baisser la température, en même temps que l'arrivée du crépuscule. Hébus avait fini par décongeler et avait fait remarquer à la sorcière :

- Tu sais Jamila, la prochaine fois qu'on voyage dans le désert, faudra que je te prenne dans mes bras dès le début. C'est génial comme façon de voyager, j'ai rien senti et c'est passé vachement vite !

Reconnaissant Warriv, les gardes ouvrirent les portes de Lut Golhein. Quand ils entrèrent, la ville était en liesse, comprenant que si les caravanes pouvaient voyager à nouveau, cela signifiait que le monastère des rogues était enfin libre.

Les filles partirent vers le palais, conter leur aventure à Jerhyn, pendant que les hommes se ruaient vers la taverne d'Atma.

- C'est marrant, fit le Troll, ça me rappelle un peu Eckmül. Allez, on va commander un tonneau de bière... chacun ! Huk ! Huk ! Huk !

- Euh... c'est pas vraiment une bonne idée d'aller là-bas... intervint le druide.

- Pourquoi ? demanda le paladin. On a tous besoin de se rafraîchir. Il sera toujours temps d'aller taper des monstres après !

- Non c'est pas ce que je voulais dire, c'est... Oh et puis laissez tomber...

Arrivés de l'autre côté de la ville (bien qu'aucun d'entre eux n'y ait jamais mis les pieds, l'odeur de l'alcool attirait Hébus et Bob comme des mouches), ils ouvrirent la porte de la taverne où Atma vint à leur rencontre :

- Nobles voyageurs, si je ne m'abuse vous êtes ceux dont on parle depuis une heure, ceux qui ont libéré les rogues et notre commerce ?

- Ouaip ! approuva le Troll. Justement, ça nous a bien crevé alors on voudrait... laissez voir... un, deux, trois, quatre, cinq tonneaux de votre meilleure bière !

- Cinq tonneaux ! s'exclama la femme. Je vais voir ce que j'ai, mais je ne tiendrai pas une semaine à ce rythme !

- Ouais, fit le nécro alors qu'elle partait. Hébus, pourquoi t'as demandé cinq tonneaux ? Nous on en boira pas autant !

- Bah oui, je sais, répondit le Troll en haussant les épaules. Mais avec Bob on en boira bien quatre et demi !

- Ouais ! dit le Barbare.

Au bout de deux tonneaux et demi, Atma revint à leur table, hésitante.

- C'est pour quoi ? demanda le paladin d'une voix pâteuse qui lui ôtait toute prestance.

- Eh bien, j'ai encore entendu des rumeurs sur vos exploits, et je ne doute aucunement qu'elles soient fondées. C'est pourquoi je voudrais vous demander un service. Il y a quelques mois, un monstre est apparu au plus profond de nos égouts. Il a dévoré mon mari, mon fils et ma fille, alors qu'elle partait chez sa mère grand, un panier à la main.

Jetant un regard suspicieux sur le druide qui ne tenait plus en place (il avait eu la bonne idée de rester humain), le nécromancien demanda :

- Et votre fille, ce ne serait pas le Petit Chaperon Rouge, par hasard ?

- Oui... Comment le savez vous ?

- Oh, cette affaire est venue aux oreilles de mon ordre. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un quelconque monstre des égouts qui ait fait le coup.

- Mais... Qui, alors ?

- Je ne connais pas son nom, répondit le nécro après un regard au druide. Mais sachez que nous autres nécromanciens sommes à couteaux tirés avec cette créature !

- Ouais bon, les interrompit le Troll. C'est pas tout ça, mais on fini nos tonneaux et on va taper du bestiau !

- Cela signifie-t-il que vous acceptez ma requête ?

- On peut dire ça comme ça, ouais.

- Seigneur ! Comment pourrais-je jamais vous remercier ?

- Bah, tout d'abord en ne nous facturant pas la bière pendant notre séjour ici... Ensuite j'imagine de nombreuses façons agréables de nous récompenser, mais je crois qu'on ferait mieux d'en reparler plus tard.

- Je... je vais y réfléchir...

Laissant Atma à son embarras, les cinq aventuriers sortirent de la taverne. Hébus et Bob portaient chacun un tonneau de bière dans les bras. Le druide partit devant.

- T'as l'air de bien connaître la ville, fit remarquer le paladin.

- Eh, fais pas le malin avec moi, t'as absolument rien à me dire !

- Elle était bonne ? demanda le Troll avec un sourire carnassier.

- Délicieuse, si tu veux savoir. J'aurais mangé le reste de la famille si Radament ne m'avait pas forcé à quitter la ville. Mais bon, c'est du passé tout ça, Atma est gentille finalement... J'ai juste un truc à régler avec cette momie Horadrim qui m'a piqué ma place !

Ils marchèrent jusqu'au port qu'ils longèrent jusqu'à atteindre des escaliers qui descendaient jusqu'au ras de l'eau. Les marches étaient rendues glissantes par les vagues qui s'écrasaient dessus. Sans poser de questions, La Mort dans Tes Os, Hébus, Hammerdin_PK et Bob suivaient Le Fléau du Chaperon Rouge.

En bas des marches se trouvait une porte fermée à travers laquelle passait une odeur nauséabonde. Le druide ouvrit la porte vers l'intérieur, révélant des couloirs puants où régnait une pénombre maléfique.

Cependant, la plupart de nos héros ne pratiquant pas la magie, seul le nécromancien s'en rendit compte :

- Ça sent le mort vivant ressuscité ici...

- Tu trouves ? s'étonna Hébus. Boarf, j'ai l'habitude avec toi, tu pues le mort !

- Très drôle... Je voulais juste faire remarquer que si quelqu'un est indiqué pour vous guider ici, c'est bien moi. Parce que sinon vous allez vous perdre dans les couloirs et faudra pas compter sur les filles pour venir vous aider !

- Pourquoi ? demanda Bob. Jamila gentille, aider Bob.

- Mais oui, elles réfléchiront pas longtemps entre ta grosse carcasse dans des égouts dégoûtants et un bain de soleil...

- Bon alors, tu nous dis par où on passe ? s'impatienta le paladin.

- Oui, oui, attend deux secondes... C'est par là !

Il indiquait la droite.

Ils recommencèrent donc leur avancée dans le noir. Soudain, un bruit de course se fit entendre, accompagné d'un concert d'ossements. Hébus leva sa massue et, se guidant grâce au son, se prépara à l'abattre.

- Hébus, non ! Frappe pas ! Couché le chien ! Pas bouger ! Arrête ! hurla le nécromancien, tant et si bien qu'Hébus resta planté, la massue à mi-chemin entre sa cible potentielle et son point de départ.

- Bah quoi ?

Essoufflé par ses cris, le nécromancien fit apparaître une boule d'énergie blanche dans sa main pour faire de la lumière, révélant ainsi le gigantesque squelette armé d'un marteau qui se tenait devant le Troll.

- C'est le Forgeron, tu te souviens ? J'ai réussi à relever son squelette. Mais comme c'était crevant, je voudrais pas que tu le casses avant même qu'il serve à quelque chose !

- Ah ouais... Mais faut pas me faire des peurs comme ça à moi ! La prochaine fois je te bouffe tout cru !

L'incident passé, le groupe repartit donc derrière le nécro, désormais accompagné du squelette colossal qui marchait à ses côtés. Ils arrivèrent bientôt à des escaliers qui disparaissaient dans les profondeurs des égouts.

_______________


De leur côté, Jamila, Lili et Séraphine avaient rencontré Jerhyn et lui avaient raconté leurs exploits, omettant qu'un jeune garçon y avait moyennement participé. Elles étaient ensuite parties se rafraîchir et acheter des chambres à la taverne où elles avaient appris que leurs compagnons étaient déjà partis pour une mission. Comme l'avait prédit le nécro, le fait que la quête se déroulât dans les égouts les rebuta. Elles décidèrent donc de demander son avis à Cain.

- Comme je vous l'ai dit lorsque vous m'avez libéré, fit le vieil homme de sa voix parcheminée, il vous faut trouver Baal dans le tombeau de Tal Rasha. Cependant, avant de pouvoir y parvenir, vous devrez récupérer les deux parties du bâton Horadrim, ainsi que le cube pour les assembler.

- Où pouvons nous les trouver ? demanda Séraphine.

- Si mes souvenirs sont exacts, en progressant dans le désert, vous devriez trouver une zone remplie de collines. Entre ces dunes, vous trouverez un mausolée portant le nom de couloir des morts, à juste titre, je le crains... C'est là que vous trouverez le cube. Quant aux parties du bâton, je vous donnerai des instructions en temps voulu.

Les filles partirent dans le désert, sous le soleil brûlant. Leurs pieds s'enfonçaient faiblement dans le sable chaud, éblouissant. Elles marchèrent longtemps en rencontrant quelques vautours et des bêtes qui leur bondissaient dessus avant de s'enfuir pour mieux recommencer.

Beaucoup plus tard, elles arrivèrent en vue des dunes. La main en visière, elles scrutèrent l'horizon en quête du mausolée mentionné par Cain. Lili, qui avait la vue plus perçante, le repéra entre deux collines.

Il était difficile de se repérer dans le désert car le vent qui soufflait faisait changer les collines de place, perdant les voyageurs qui s'y engageaient. Cependant, Jamila était déjà passée par ce désert avant d'arriver chez les rogues. Elle sut retrouver le chemin, malgré les dunes mouvantes.

La fraîcheur des Couloirs des Morts contrastait avec la chaleur qui régnait sur le sable. Il leur fallut plusieurs minutes avant de s'habituer à la pénombre, et plusieurs autres minutes pour réaliser que les couloirs étaient remplis de squelettes... vivants !

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- Gottferdom ! cria Hébus en chargeant dans le tas.

Ils avaient parcouru les deux étages qui les séparaient du dernier niveau des égouts et s'étaient retrouvés face à une horde de chats de enfers qui mes attaquaient avec des fouets ou des javelots.

Si Hébus avait prouvé son ardeur au combat depuis longtemps, le druide montra qu'il en était aussi bien capable. Bougeant si vite qu'on avait du mal à le voir se déplacer, le loup égorgeait sans relâche. Il courait d'un bout du groupe de monstres à l'autre, rien ne semblait mettre fin à sa folie.

Un rugissement retentit lorsque, au loin, apparurent des mages squelettes. Plusieurs éclairs avaient atteint le loup, le stoppant sur place, le laissant fumant, au sol. Le paladin se porta à son secours, lui donnant à boire une potion au contenu rouge sang.

De son côté, le nécromancien se rendit utile en faisant apparaître un golem de terre devant le Troll qui semblait faiblir devant les assauts des squelettes qui revenaient sans cesse. Son seul squelette fauchait les rangs d'ennemis avec son marteau. Mais malgré les efforts des combattants, le flot incessant des tas d'os les repoussait et les encerclait. Le paladin décida alors de laisser le druide à terre, qui se remettait lentement.

Évaluant rapidement la situation, le hammer disparut subitement, laissant les squelettes libres de s'avancer vers le loup pour le finir.

Hébus se retrouva coincé dos-à-dos avec le corps du Forgeron, tous deux encerclés de monstres. Bob était trop loin pour leur porter secours. Le nécromancien qui faisait tous les efforts possibles pour repousser ceux qui s'avançaient vers lui à coup de dents magiques ne pouvait plus rien pour eux non plus.

Une vive lumière illumina soudain tout le couloir, éblouissant nos amis qui se crurent perdus, ne pouvant continuer à se battre. Pourtant, lorsqu'ils rouvrirent les yeux, seule une source de lumière subsistait, à l'entrée du couloir qu'ils n'avaient pas encore exploré et d'où venaient les squelettes. Aucun ennemi ne restait.

- Je suis serviteur de la Lumière, fit une voix, s'élevant de la source lumineuse. J'étais venu détruire le mal dans ces catacombes, c'est à présent chose faite.

Sous le regard ébahi de ses amis, étonnés qu'il ait enfin servi à quelque chose, le paladin sourit en ouvrant un portail de ville.

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Jamila et Lili retenaient à grand peine les squelettes à coups de murs de feu et de javelots.

- Où est passée Séraphine ! s'exclama la sorcière. Ils nous bloquent la sortie et on ne peut pas avancer non plus !

- Jamila, souffla Lili, je suis pas certaine qu'on s'en sorte cette fois...

À ces mots, la sorcière baissa sa garde, désespérée. Elle regrettait d'avoir été si dure avec Pierrick. Elle lui en voulait d'avoir mentit, mais pas au point de ne plus jamais le revoir...

Le squelette leva son épée et resta figé en l'air une seconde, avant d'être réduit en poussière par un éclair.

La foudre continua de frapper, libérant le passage jusqu'à la sortie. En courant, Séraphine empoigna Jamila qui avait du mal à réaliser ce qui lui arrivait. Lili les suivit en lançant son dernier javelot. Alors qu'elles remontaient les escaliers, le mur de squelettes se reformait derrière elles.

Elles se jetèrent dans le sable, le plus loin que leurs jambes le permirent. Sans attendre, Jamila invoqua un météore qui fit effondrer l'entrée du couloir des morts pour que les monstres ne les suivent pas.

- Eh ! s'écria Lili. Comment on va aller chercher le cube maintenant ?

- Tiens... souffla Séraphine.
Elle tenait sous le bras un petit cube couvert de runes magiques.
Essoufflées, elles se dirigèrent vers l'endroit où elles avaient vu le WayPoint avant d'entrer.

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Des éclats de voix résonnèrent dans la cathédrale. Pierrick releva la tête. Il s'était réveillé quelques heures plus tôt, seul. Il s'était remémoré la façon dont Jamila l'avait viré. Une larme de colère avait coulé sur sa joue. Il s'était forcé à remonter jusqu'ici. À présent il entendait du bruit. Quelqu'un arrivait. Il tenta d'abord de se cacher puis, reconnaissant Akara suivie des ses rogues, il se montra, attendant des remarques sur son mensonge.

- Je suis heureuse de te retrouver, fit la magicienne. Nous ignorions ce qu'il t'était arrivé après que tu aies quitté le groupe.

- Je... Vous ne m'en voulez pas ? demanda le garçon étonné.

- De quoi ? De nous avoir menti ? De t'être fait passer pour un héros ? D'avoir abusé tes hôtes au point de te faire accepter dans leur groupe ? D'avoir affronté des monstres en sachant que tu n'en étais pas capable ? D'avoir risqué ta vie pour notre cause, bien que tu n'en aies pas eu les capacités ? D'avoir su reconnaître ta faute avant qu'il ne soit trop tard ?

Au fur et à mesure qu'Akara parlait, Pierrick se rassérénait. Ses paroles lui faisaient du bien.

- Non, je ne t'en veux pas. Car même si tu nous as menti au départ, tu as fait ton possible pour nous aider, à ton niveau. Et je gage que nos amis reviendront bientôt te chercher. Après tout, tu connais tout de même beaucoup de choses qui pourraient leur être utile, et, à ce que j'ai compris, tu étais un bon compagnon.

Elle avait ponctué ses paroles d'un sourire réconfortant. Pierrick releva la tête, les yeux brillants de reconnaissance.

- Merci, souffla-t-il, Dame Akara, pour ces paroles de réconfort. Elles m'aideront à supporter ma douleur... Je voudrais que les autres voient ma lâcheté de la même façon que vous... Cependant, je ne mérite pas votre pitié, ajouta-t-il d'un air sombre. J'assume entièrement mes actes. Je vais partir, pour ne pas vous forcer à endurer ma présence, la présence d'un traître.

- Reste, ou ils ne sauront pas te retrouver lorsqu'ils auront besoin de toi.

- Je ne veux pas être un fardeau pour vous. Vous allez avoir besoin de temps pour réaménager votre monastère. Si je suis là, je ne ferai que vous gêner. Je ne mérite pas votre pitié... répéta-t-il.

La voix d'Akara se fit plus dure.

- Je suis seule à juger de qui peut ou non bénéficier de mon aide. Car ce n'est pas de la pitié, mais de la compassion. Je comprends ce qui t'a poussé à agir de la sorte et je ne pourrais jamais te blâmer pour ça. Pour la dernière fois, je te demande de rester le temps nécessaire aux autre pour se rendre compte que tu leur manques. J'aurais besoin d'un conseiller pendant quelques temps, tu connais les démons, je le sais. Tu rempliras cette fonction à merveille.

Ce ton n'admettait pas de réplique. S'autorisant un sourire, Pierrick hocha la tête. Il devait énormément à la magicienne. Une nouvelle dette le liait à Sanctuary...
Séraphine se mit à courir. Laissant Lili et Jamila derrière elle, elle esquiva une sphère ténébreuse lancée par la momie et passa à côté sans prendre le temps de lui donner un coup de griffe. Elle avait utilisé son Art pour augmenter sa vitesse et elle n'était plus qu'une ombre parmi les ombres. Ne touchant le sol que du bout des orteils avant de le quitter aussitôt, elle esquivait les coups d'épée qui saluaient son passage. L'assassin prenait un gros risque en agissant ainsi, mais elle savait que les deux autres jeunes femmes n'étaient pas plus préparées qu'elle à affronter des milliers de squelettes qui se relevaient sans cesse.

Elle parcouru plusieurs couloirs sans s'arrêter, se baissant, plongeant en avant pour passer au dessus ou en dessous de ses ennemis. Tout en courant, elle se rendit compte qu'elle n'aurait pas le temps de tourner. Elle voyait le bout du couloir, bordé de colonnes, se rapprocher à toute vitesse. La momie et ses squelettes semblaient l'avoir compris aussi et se réjouissaient de voir que leur proie allait devoir ralentir.

Arrivant à deux mètres du fond du couloir, Séraphine fit un brusque écart sur la gauche, posa tout son pied gauche par terre, ce qui lui fit perdre une demie seconde et la ralentit imperceptiblement. Elle prit son impulsion qui la projeta dans les airs, sur sa droite. Se retrouvant la tête en bas un court instant, elle frappa deux squelettes qui s'effondrèrent, avant qu'elle ne continuât sa rotation. Positionnée horizontalement au dessus du sol, ses deux pieds s'appuyèrent contre la colonne avant de la propulser de l'autre côté du couloir où elle fit un roulé-boulé avant de reprendre appui dans les escaliers qui descendaient.

Cette opération n'avait pas pris plus de deux secondes et déjà, Séraphine repartait. Elle avait laissé ses amies seules et n'osait pas penser à ce qui pourrait leur arriver si elle ne se dépêchait pas.

L'assassin se remit à courir encore plus vite, puisant dans son énergie vitale. Par chance, l'accès au troisième niveau se trouvait près de là où elle était. Elle ne rencontra pas de monstres à cet étage, ce qui lui permit de récupérer un peu, sans pour autant ralentir son rythme.
Arrivée en bas, elle se trouva face à un carrefour. À droite et à gauche s'étendaient des couloirs sombres qui se perdaient dans le lointain. Le long des allées se propageaient des cris terrifiants. Séraphine n'avait pas le temps d'avoir peur. Devant elle se dressait une porte fermée, auréolée d'une lumière blafarde vacillante.

Elle remonta ses gants, resserra ses griffes, posta trois sentinelles devant la porte et l'ouvrit. En une fraction de seconde, elle repéra les lieux. Quatre colonnes soutenaient le lourd plafond. Au centre de la pièce reposait un coffre d'où s'échappait une aura qui ne trompait pas : l'aura des Horadrims. Cependant, le cube était gardé par un groupe de monstres qui ressemblaient vaguement à des tigres qui auraient été croisés avec des humains, se tenant sur deux pattes et brandissant de longs fouets. Plusieurs squelettes et momies remplissaient aussi l'espace confiné de cette pièce.

Les monstres se jetèrent vers Séraphine qui, répondant à un de ses nombreux réflexes salvateurs, sauta pour planter ses griffes dans les rainures qui permettaient à la porte de coulisser. Elle avait sauté juste à temps pour éviter les éclairs lancés par ses sentinelles. Aussitôt, elle se jeta vers le milieu de la salle et, dans le même mouvement, ouvrit le coffre, rafla son contenu avant de repartir aussi vite vers les escaliers.

En repassant par la porte, elle attrapa une de ses sentinelles et la désamorça d'un agile mouvement du pouce. Portant le cube dans un bras et la sentinelle dans l'autre, elle remonta les escaliers jusqu'au premier niveau des couloirs des morts. Étendant son bras droit tenant la sentinelle, elle arracha le crâne d'un squelette qui passait à proximité, sans pour autant abîmer son piège. Sa course la mena à son point de départ. Elle était séparée de ses deux amies par une masse importante de squelettes et de momies. Réamorçant son piège, elle le lança dans le groupe, faisant tomber plusieurs morts-vivants au passage.

Les éclairs se mirent à fuser dans tous les sens, ouvrant un couloir parmi les morts. Elle s'y engouffra. Agrippant Jamila qui avait l'air décontenancée, Séraphine remonta à la surface suivie de Lili.

Jamila invoqua un météore sur l'entrée du mausolée pour empêcher les squelettes de les suivre. Un morceau de ciel se détacha pour aller s'abattre sur les marches de pierres, condamnant à jamais l'entrée.

- Eh ! s'écria Lili. Comment on va aller chercher le cube maintenant ?

- Tiens... souffla Séraphine.

Elle tenait sous le bras un petit cube couvert de runes magiques.

Essoufflées, elles se dirigèrent vers l'endroit où elles avaient vu le WayPoint avant d'entrer.

_______________


Au même moment, au plus profond des égouts, une autre bataille faisait rage. Le druide venait de tomber sous les éclairs des mages squelettes, les brutes étaient encerclées et le nécromancien peinait à repousser ses ennemis.

Le paladin se précipita au secours du loup qui gisait par terre, le souffle court. Il le força à boire une potion de santé qu'il avait tirée de sa ceinture, le revitalisant lentement.

Jetant un regard autour de lui, Hammerdin_PK comprit qu'ils ne pourraient pas faire face bien longtemps. Déjà les squelettes s'approchaient de lui.

Il pourrait les retenir plusieurs minutes. Et après ? Ils étaient trop nombreux. Ceux qui tombaient se relevaient presque aussitôt. Il se souvint des paroles du nécromancien : « Ça sent le mort vivant ressuscité ici... ».

Un mort-vivant ! Radament avait été un mage Horadrim. C'était le seul monstre ici à posséder assez de pouvoir pour tenir éveillée une telle armée.

Un sourire apparut sur le visage du paladin. Aujourd'hui il allait prouver qu'il valait quelque chose. Invoquant le pouvoir contenu dans son armure, il se téléporta vers l'endroit d'où semblaient venir les squelettes. Il mis quelques secondes à réagir. Devant lui se tenait la momie. Haute de deux mètres cinquante environ, elle cracha un nuage de poison sur le paladin. Appelant la puissance du Zakarum, il s'immunisa quelques instants contre le gaz nocif. Lorsqu'il fut dissipé, Hammerdin_PK se plaça rapidement à côté de la momie et lança trois marteaux. Les deux premiers transpercèrent le corps en décomposition, emportant un peu de sa vie. Le troisième aspira son âme.

Radament n'était pourtant pas encore mort. D'un large mouvement de bras, il repoussa le paladin qui tomba en arrière. Rassemblant tout son courage et sa force, le PK invoqua une nouvelle fois la force du Zakarum. Une colonne de lumière descendit sur le mort-vivant. Étonné, ce dernier chercha la provenance de cette lumière. Un éclair lui tomba dessus, le réduisant en poussière et libérant du même coup toutes les âmes qu'il avait absorbées pour ressusciter. Recherchant la vengeance, les âmes se jetèrent dans la pièce d'à côté, détruisant tous les squelettes qui s'y trouvaient.

Hammerdin_PK s'approcha de l'endroit où s'était tenue la momie. Il y avait un livre contenant de nombreux sorts et formules magiques qui avaient servis à embaumer le mage Horadrim. Il le ramassa et remplaça un livre de portails de ville dans un recoin de son armure.

Il se dirigea ensuite, auréolé de lumière, vers ses amis, abasourdis. Il déclara :

- Je suis serviteur de la Lumière. J'étais venu détruire le mal dans ces catacombes, c'est à présent chose faite.

S'autorisant un sourire devant les regards étonnés des survivants, il ouvrit un TP et s'y engagea, gardant secret le livre qu'il avait ramassé.

De retour à la taverne d'Atma, tous se retrouvèrent pour se raconter ce qu'il était arrivé à chacun des groupes. En arrivant à la fin du récit masculin, Hébus donna une grande tape dans le dos du paladin en s'écriant :

- Eh ben, PK ! Si on m'avait dit que tu pouvais servir à quelque chose je l'aurais pas cru ! Mais j'avoue que sur ce coup là tu nous as tous sauvés !

- La puissance du Zakarum triomphe de toutes les épreuves, répondit modestement l'intéressé.

- Mouais, la puissance de ce que tu veux, du moment que ça marche comme ça à chaque fois ! Et vous les filles, ça s'est passé comment ?

- Séraphine nous a sauvées, expliqua Lili.

- Ouais, approuva Jamila. Sans elle ces saletés de squelettes nous avaient ! On va devoir être tous ensemble pour trouver les parties du bâton. Sinon on risque d'avoir du mal.

- Pas de problème, ça faisait bizarre de pas être avec vous pour une fois !

Atma s'approcha de la table, suivie de deux porteurs immenses qui apportaient deux tonneaux de bière chacun.

- Merci, étrangers, d'avoir vengé ma famille. Vous pouvez rester ici aussi longtemps que vous le voudrez gratuitement. Et j'essayerai de m'arranger pour vous avoir des avantages auprès des autres marchands de Lut Golhein. Pourrais-je connaître vos noms ? Afin de pouvoir vous fêter dignement pour les années à venir.

- Évidemment, gente dame, répondit galamment le paladin. Je m'appelle Hammerdin_PK, noble paladin du Zakarum. Voici le Troll Hébus, le barbare des steppes nordiques, Bob, le nécromancien La Mort dans Tes Os et le druide Le Fléau du...

- Le Fléau ! coupa le druide. On m'appelle le fléau car là où je passe, rien ne me résiste.

- Mais non, protesta le paladin. Tu nous avais dit que tu t'appelais Le Flé...

- ...au ! Oui, tu avais parfaitement entendu ! Pardonnez, madame, notre manque de galanterie. Nous voyageons en compagnie de ces trois charmantes demoiselles qui se prénomment Lili, Jamila et Séraphine. Sans elles nous ne serions pas là à vanter nos mérites, ajouta-t-il en inclinant légèrement la tête vers les trois filles qui le fixaient d'un air amusé.

- Eh bien, noble compagnie, passez un bon séjour dans la ville portuaire de Lut Golhein. Puissiez-vous nous débarrasser du mal qui rôde dans notre désert.

Elle s'éloigna avec ses deux porteurs, laissant au groupe le soin de finir leurs tonneaux.

Bob bailla à s'en décrocher la mâchoire et en faisant tant de bruit que de nombreux regards se tournèrent vers lui.

- Bob fatigué. Dodo.

- Bien parlé, approuva Lili. Tout le monde au lit, demain on ira voir Cain pour qu'il nous dise où se trouvent les deux parties du bâton Horadrim.

Tout le monde étant d'accord sur ce point, ils prirent place dans une chambre chacun.

Au moment de se coucher, Jamila repensa à ce qui lui était arrivé depuis le début de cette aventure. Thann lui manquait. Elle regrettait de ne pas avoir pu lui répondre, mais les corbeaux du Fléau n'étaient pas assez forts pour voler jusqu'à Harrogath.

Lentement, ses pensées dérivèrent sur Pierrick. Elle se rappela avec précision le désespoir qu'elle avait ressenti quelques heures plus tôt quand elle avait cru que tout était perdu. C'était vers le jeune garçon qu'elle connaissait à peine, et non vers le Capitaine qui avait demandé sa main, que s'étaient tournées ses pensées à ce moment.

Se tournant et retournant dans son lit, en proie à des sentiments contradictoires, elle mit un long moment à s'endormir.

_______________


De l'autre côté du désert, dans le monastère des rogues, Pierrick ne dormait pas non plus. Il avait passé la journée à aider au réaménagement du cloître et, s'il était éreinté, il ne pouvait pas fermer l'oeil.

Il avait été stupide de ne pas rester avec le groupe. Le seul moyen de rentrer chez lui lui était passé sous le nez. Il ne rencontrerait pas Tyrael chez les rogues !

Mais en y repensant, il n'aurait pas pu rester avec le groupe. Jamila... Elle l'avait regardé avec tant de haine, tant de mépris... Il l'avait évidemment mérité, il le reconnaissait, mais le regard de la jeune ensorceleuse restait gravé dans son esprit aussi douloureusement que s'il avait été un fer rouge pour marquer une bête. C'était une trace qu'il garderait en tête toute sa vie, comme un rappel contre le mensonge, ou peut-être le rappel de ses sentiments vains...

Depuis que Jamila l'avait rejeté, il avait décidé d'être honnête, avec lui-même pour commencer. Il s'était avoué son amour pour la jeune fille. Malheureusement il avait bien été obligé d'admettre que ce n'était pas réciproque.

Telles étaient ses pensées lorsqu'il décida qu'il ne pourrait pas dormir cette nuit. Il se leva et fit un tour dans la cathédrale. Les dégâts causés par Hébus et Bob étaient encore visibles, bien que les armoires renversées aient été enlevées. Certains murs restaient tâchés du sang des monstres, du sang des rogues corrompues, comme des témoins muets de la décadence qui s'était opérée dans ce lieu.

Il aperçut Akara qui était plongée dans ses pensées près du trône qui n'avait miraculeusement pas été souillé par le passage des démons.

- Pierrick, demanda-t-elle lorsqu'elle le vit approcher, crois-tu que nous soyons en sécurité dans notre monastère ? Les démons ne risquent-ils pas de revenir ?

- Eh bien, répondit-il après un long moment de silence où il réfléchissait, la plupart des armées démoniaques vont se regrouper vers Kurast pour suivre Diablo en Enfer. Vous devriez être tranquilles un bon moment. Au moins jusqu'à ce que les autres tuent les Trois. Ensuite, il ne sera plus nécessaire de s'inquiéter, car les démons disparaîtront.

- Jusqu'à ce que vous tuiez les Trois, tu veux dire ?

- Vous persistez à croire qu'ils vont venir me chercher, ma Dame ?

- J'en suis persuadée, Pierrick, j'en suis absolument certaine...

_______________


Le soleil était haut dans le ciel quand Jamila se leva enfin. Elle avait passé la moitié de la nuit à tourner dans son lit avant de trouver un sommeil agité où se mêlaient les visages de Pierrick et Thann au milieux de monstres. Elle occupa une bonne heure à se préparer (notamment à tenter d'effacer les beaux cernes qu'elle avait sous les yeux), avant de descendre.

- Tiens, te vl'a enfin ! cria Hébus dont la voix résonna dans toute l'auberge. T'as la tête dans le cul, tu sais !

- Merci, Hébus... fit-elle en réprimant un bâillement.

- Dépêche toi, la pressa Lili. Dès que t'auras mangé on ira voir Cain.

- Mouais... J'ai pas faim...

Séraphine parla à voix si basse que seule Lili put l'entendre :

- On a des remords, on dirait...

Elles se mirent toutes les deux à glousser en détournant la tête. Le nécromancien et le paladin les fixèrent un moment, interdits, puis décidèrent que ça ne valait pas la peine de leur demander des explications.

Le groupe se leva donc et sortit, prenant soin d'emporter des outres d'eau, au grand désespoir de Hébus qui ne voulait rien d'autre que de la bière.

- Non, Hébus, répondit fermement Lili. L'alcool ne désaltère pas, il déshydrate ! Tu boiras de l'eau tant que tu seras dans le désert ! Non, inutile de discuter !

Ils arrivèrent devant Cain alors que le Troll grommelait dans son coin. Séraphine lui montra le cube qu'elle avait ramassé dans les couloirs des morts. Il ouvrit de grands yeux émerveillés.

- Vous l'avez trouvé ! C'est merveilleux ! Je ne peux vous instruire des nombreuses combinaisons possibles et réalisables dans ce cube, mais vous découvrirez qu'il peut se rendre très utile ! C'est lui que vous utiliserez pour assembler les deux parties du Bâton Horadrim : le Bâton des Rois et l'Amulette Vipère. Tout d'abord, la partie basse, le bâton. Vous le trouverez au-delà des collines que vous avez traversées hier. Il se trouve près d'une oasis dans le repère d'un Ver géant.

- Beurk ! s'exclamèrent les trois filles.

- Un ver ? s'écria Hébus, sortant de sa bouderie. Je pourrais le manger ?

- Euh... hésita Cain. Eh bien, ces vers ont l'habitude de cracher du poison, mais étant donné votre forte constitution, je pense que vous y survivrez aisément. Il se pourrait même que vous trouviez ça bon !

- Miam ! On y va alors ?

- Le plus vite vous partirez, le plus vite vous mangerez, ajouta Cain de l'air malicieux du grand-père qui promet des friandises à ses petits-enfants.

Sans plus attendre, Hébus entraîna délicatement Jamila vers le WP (il l'envoya sur son dos comme un sac à patates) et lui demanda de l'emmener dans les collines. Les autres firent de même avec Lili et Séraphine.

- Gottferdom ! Fait chaud ici ! Jamila, tu me ferais un câlin avec ton armure de glace ?

- Non, Hébus. Si tu es transformé en glaçon, on va devoir te tirer et ça nous fera perdre énormément de temps ! Il faut souffrir pour être beau !

- Mais... Estime toi heureuse que je t'aime bien ! J'aurais arraché la tête du palouf si il m'avait dit ça ! Et d'ailleurs, tu ne peux pas nier que je suis déjà très beau ! Regarde moi ce poil soyeux où traînent amoureusement des couples de puces et autres parasites ! Admire donc mes mouches ! Tu crois qu'elles seraient restées sur moi si je n'étais pas beau ?!

- Pardonne moi, beau Troll, répliqua Jamila en cachant un sourire dans une courbette. Je n'avais pas encore remarqué que tu abritais une si accueillante compagnie !

- Huk ! Huk ! Huk ! D'habitude je fais pas ça, mais si tu veux je t'en prête un peu ! C'est rare de trouver des humains qui comprennent la beauté de la nature !

- Non merci, répondit-elle sans laisser voir son dégoût. Je ne crois pas être assez fournie en fourrure pour accueillir ces bêtes...

Un cri d'alerte de Séraphine coupa court au supplice de Jamila.

- Regardez ! C'est ici !

Devant eux s'ouvrait un énorme trou qui descendait dans les profondeurs de Sactuary.

- Eh beh ! fit Lili en sifflant d'admiration. Il doit être gros le vers pour faire une galerie comme ça !

- Huk ! Huk ! Huk ! Tant mieux, y'en aura plus à manger !

- Bob passe devant ! grogna le Barbare d'un ton qui n'admettait aucune réplique.

- Euh... intervint le paladin d'une petite voix. Moi je vais rester derrière, parce que mes marteaux marchent pas bien dans les couloirs étroits.

- Et en plus tu risqueras rien, double bénef ! le taquina Séraphine.

- Eh bien, quand j'ai signé le contrat pour vous suivre, il n'était pas stipulé clairement que je devrais mettre ma vie en danger...

- Ah bon ? Comment tu interprètes « sauver Sactuary des démons à n'importe quel prix » ?

- Comment ? s'étonna le paladin en sortant un grand parchemin de son armure. Où ça ?

- Là, tu vois ? En tout petit.

- Mince alors ! En plus c'était un jour où j'avais pas mes lunettes ! C'est vraiment pas juste !

- T'as des lunettes, toi ?

- Évidemment, pour lire !

- Ah ouais, c'est sûr...

Pendant qu'ils délibéraient sur la myopie de notre serviteur du Zakarum, le groupe avançait dans les couloirs frais et visqueux qui les mèneraient à celui qui les avait creusés, le ver géant. Bob marchait devant, l'épée tirée, fracassant les scarabées électriques qui osaient s'approcher trop prêt de lui. Sa peau qui tenait plus du cuir épais que de la liquette absorbait tous les éclairs qui apparaissaient à chacune de ses victimes.

Derrière lui, se trouvait Hébus, parlant avec Jamila des nombreux avantages qu'il trouvait à abriter toute une famille de mouches.

Venaient ensuite le nécromancien, le druide, Lili et enfin Séraphine et PK.

Tout se passa sans problèmes jusqu'au deuxième niveau. En déchirant une porte qui avait été constituée à partir de la bave verdâtre du ver, Bob se trouva nez à nez avec une nuée d'insectes grouillants qui l'attaquèrent sans relâche, restant insensibles à ses coups d'épée.

Le groupe se trouva forcé de reculer et de remonter au niveau supérieur pour réfléchir à une solution. Les idées ne venaient pas et le temps passait. Seul Hébus restait dans son coin, en grande concentration. Soudain, il se leva et descendit les escaliers.

- Restez là, cria-t-il aux autres. Attendez que je vous appelle.

- Tu vas où ? demanda le nécro.

- Parlementer... répondit sa voix lointaine.

Le Troll arriva donc à l'endroit d'où ils avaient fui. Fermant les yeux et la bouche le plus fort qu'il pouvait, il se prépara à subir les assauts des insectes. Il ne se passa d'abord rien, puis un concert de bourdonnement résonna si fort que nos amis qui étaient restés en haut l'entendirent distinctement, sans toutefois le comprendre.

Après une minute de ce vacarme, la voix d'Hébus se fit à nouveau entendre :

- C'est bon, les copains ! Vous pouvez venir !

Prudemment, se cachant derrière Bob, le groupe descendit à son tour. Ils trouvèrent Hébus debout, souriant de toutes ses dents pointues et tranchantes, pris au milieu de la nuée d'insectes.

- Bah... commença Jamila. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Huk ! Huk ! Huk ! Je leur ai proposé un contrat de deux jours. Mes mouches leur ont vanté les avantages et puis voilà !

- Ça veut dire que pendant deux jours tu vas être entouré par... ça ?

- Pas tout le temps, le contrat stipule leur liberté d'action, donc des fois elles partiront pendant une ou deux heures.

- Yeurk ! Enfin bon, si ça nous permet de pas nous faire attaquer...

- Ouais, elles m'ont dit par où il fallait passer ! Suivez moi !

Le Troll partit en courant, s'arrêtant parfois brusquement, provoquant ainsi un carambolage humain derrière lui, pour repartir après avoir demandé la direction aux insectes. Ils arrivèrent vite au troisième niveau, et de là, à la chambre du Ver.

Ce fut un massacre. Il faut bien appeler les choses par leur nom, donc je le dis haut et fort : un véritable massacre ! La chambre était pleine d'oeufs, de jeunes vers et même de scarabées. Au centre, à moitié enfoncé dans le sable, trônait la plus énorme limace que Hébus ait jamais vue, même dans ses rêves gastronomiques les plus fous !

- Tuez tout le reste, cria-t-il aux autres. Moi je passe à table tout de suite !

Joignant le geste à la parole, le Troll se jeta sur le ver et entreprit de le déchiqueter avec ses dents. De leur côté, ses compagnons faisaient le ménage à coups d'épée, de griffes, de marteaux magiques, de marteaux squelettiques, de javelots et de sorts.

Une fois la salle nettoyée, séraphine s'approcha du coffre qu'elle avait aperçu dans un coin et l'ouvrit. Il en sortit, outre quantités de pièces d'or, un bâton noueux, gravé de glyphes anciens. Montrant sa découverte à Jamila et Lili, elles repartirent dans le couloir pour y ouvrir un TP.

Encore une fois, alors que tous les autres étaient dans la pièce, la voix d'Hébus résonna :

- Tiens, ch'est quoi cha ?

Il montrait une poche qui avait l'air pleine et qu'il voyait dépasser du corps éventré du ver. Sans attendre de réponse, il appuya dessus avec toute la force de son gros doigt poilu.

Perçant la fine membrane, il libéra une vague empoisonnée qui se répandit dans toute la salle, épargnant les filles qui étaient dans le couloir.

Presque aussitôt, le druide, le paladin et le nécromancien tombèrent sur le sable, évanouis. Hébus, qui avait pourtant pris la vague de plein fouet, ne sembla rien sentir. Bob n'en fut pas incommodé non plus, étant donné sa résistance naturelle très élevée.

- Euh... j'ai fait une connerie ? demanda le Troll d'un air penaud, les oreilles basses.

Sans lui faire de remarque, les filles attendirent patiemment que le poison se dissipe pour venir tirer les corps vers le TP.

- Eh ! Donne nous un coup de main, boule de poils, ils sont vachement lourds !

Obéissant immédiatement, Hébus chargea les trois hommes sur son dos et les emporta en ville au trot. De là, il partit directement vers le palais de Jerhyn. Un garde l'arrêta... Ou plutôt tenta de l'arrêter. Après s'être pris une grosse baffe dans la figure, il entendit vaguement la voix de l'intrus :

- Désolé, ch'uis pressé là !

Hébus trouva finalement Jerhyn. En s'arrêtant, il remarqua que les autres membres du groupe le suivaient, essoufflés.

- Salut mon pote ! salua sobrement Hébus. Ce serait possible de les soigner ces trois-là ? Ils ont pris du poison dans la figure !

- Je... Ah ! Vous êtes les aventuriers ! Oui, je reconnais les trois charmantes demoiselles derrière vous. À ce propos, ma proposition tient toujours : vous êtes les bienvenues pour faire partie de mon Harem.

- Euh... Oui, merci seigneur Jerhyn, répliqua froidement Jamila. Occupez vous d'abord de ces hommes, s'il vous plait.

- Oui, bien sûr. Amenez les moi dans cette pièce, là-bas. Mes médecins en prendront soin.

Quand ce fut chose faite, le seigneur de la ville sourit.

- Voilà, à présent je voudrais vous remercier pour ce que vous avez fait pour ma cité. Je vais commencer par ces deux hommes musclés, pardonnez moi gentes damoiselles, mais je vous garde le meilleur pour la fin. Donc, messieurs, avez-vous jamais entendus des merveilleux massages de Lut Golhein ? Eh bien je vous propose de les expérimenter gratuitement et sur le champ !

- Wouah !

- Cool !

- Allez dans cette pièce, voilà, non ! Celle de droite, voilà c'est bien.

Guidant rapidement Hébus et Bob, Jerhyn revint vite vers les trois filles.

- Et pour vous, reprit-il avec un sourire en coin, peut-être avez-vous entendu parler des nuits du sultan ?

Avec un regard exaspéré, Lili, Jamila et Séraphine lui tournèrent le dos en lui lançant une vague excuse, le laissant troublé sur le pas de la porte.

En acceptant, Bob avait oublié un point essentiel de la chartre des Barbares. Le 138ème point. Juste avant : « sous l'effet de Dame de Fer, tu ne tromberas point ». Il avait oublié ce point si important qui disait : « Des merveilleux massages de Lut Golhein, tu ne profiteras point ».

Hébus, n'étant pas barbare, aurait tout de même dû faire attention à ce point-ci. Car tout comme les barbares, les Trolls ne possèdent que trente-quatre os dans tout le corps : le crâne, la mâchoire inférieure et leurs trente-deux dents. Le reste du corps est maintenu debout par la puissance de leurs muscles.

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de lire le tome deux de Rubrique-à-brac. Si c'est le cas, vous avec pu admirer Tarzan en position de Yoga se mettre à fondre alors que ses muscles se décontractaient. C'est à peu près ce qui est arrivé à nos deux amis, ne laissant sur la table de massage qu'une flaque informe au milieu de laquelle flottait la tête, entourée de mouches qui volaient sans s'arrêter.

La nouvelle parvint vite aux oreilles de Lili, Jamila et Séraphine qui allèrent en rendre compte à Cain.
Elles se rendirent donc auprès de lui et lui résumèrent la situation.

- Ah oui, c'est un contretemps fâcheux, soupira-t-il. Évidemment, vous pourriez tenter de retrouver l'Amulette Vipère seules, mais cela risque d'être dangereux.

Après un rapide regard de concertation, elles acquiescèrent toutes les trois.

- Eh bien, l'Amulette se trouve dans un temple rempli de vipère, au-delà d'une ville en ruine, plus loin encore que l'oasis où vous avez trouvé le ver.

Remerciant le vieil Horadrim pour ses indications, elles partirent dans l'oasis par le biais du WP et cherchèrent la ville.

À l'entrée de celle-ci le soleil se cacha derrière un énorme nuage noir. Plongeant le désert dans les ténèbres et le froid. Jamila se dépêcha d'enlever son armure de glace pour lancer le flamboiement qu'elle avait utilisé pour décongeler Hébus dans les prisons d'Andarielle.

Se contentant de claquer des dents sans faire de commentaires, le petit groupe continua d'avancer sans se faire remarquer, l'obscurité aidant. Elles traversèrent la ville sans encombres et arrivèrent dans une petite vallée où gisaient les restes d'un temple enterré.

Lili sortit ses nouveaux javelots (qu'elle avait achetés à Fara), Séraphine resserra ses griffes sur ses poignets et Jamila se concentra sur une boule de feu, prête à surgir.

Elles descendirent donc dans le temple, entendant des bruits de glissement en dessous d'elles. Jamila fut la première à entrer dans le vaste Hall, soutenu par d'énormes colonnes. Sa boule de feu partit, tuant trois serpents qui étaient aussi hauts qu'un homme et trois fois plus longs. Lili en tua cinq autres à l'aide de javelots électrifiés et Séraphine égorgea celui qui restait.

- Bon bah c'était pas trop compliqué, jusque là, souffla l'assassin.

- Ouais, comme quoi on peut s'en sortir sans les autres brutes ! approuva Jamila.

- Avancez, les pressa Lili. On sait pas ce qu'il y a d'autre. Personnellement j'aimerais pas me retrouver contre des squelettes comme la dernière fois.

Elles progressèrent à coup de sortilèges et d'armes au travers des serpents qui, s'ils étaient impressionnants, n'étaient pas bien costauds.

Elles arrivèrent enfin devant des escaliers qui descendaient encore.

- Pourquoi ça descend toujours, les escaliers, ici ? s'exclama Jamila. J'en ai marre de toujours descendre !

- Chut, y'a du bruit en bas, fit Séraphine en agitant la main pour la faire taire (elle manqua par la même de lui arracher un bout d'oreille avec sa griffe). Je fais un TP ?

- Bof, pas la peine, t'as vu le mal qu'on a eu jusqu'ici ? Y'a pas de problèmes !

Hochant la tête, Séraphine s'engagea sur les marches de pierre. Les deux autres la suivirent.

Arrivée en bas, elles ne distinguèrent d'abord qu'un autel sur une butte. Sans se méfier, elles avancèrent. Il n'y avait plus un bruit. Séraphine en tête, elles pénétrèrent dans la pièce à proprement parler. Une lueur leur apparut soudainement. Un peu éblouie, Séraphine ne put esquiver totalement la lance d'os qui la frappa à l'épaule gauche. Jamila se porta en avant pour l'aider, ce qui lui valut une lance d'os dans la poitrine. Prenant garde à ne pas se découvrir, Lili les tira à l'abri des escaliers. Elles se relevèrent péniblement et se réfugièrent à l'étage du dessus.

- C'est pas possible, grogna Jamila en se massant la poitrine. J'aurais même pas le temps de lancer un sort. Sont trop rapides !

- Ouais, approuva Séraphine. Je l'ai même pas vu venir...

- Vous savez ce que je pense ? demanda Lili. Si on résiste pas aux attaques magiques, on a aucune chance. C'est comme les marteaux du PK, ça. C'est impossible d'y échapper ! À moins que...

Elles se regardèrent un moment avant d'acquiescer gravement.

_______________


Pierrick restait assis depuis plusieurs heures. Il avait enlevé son armure violette en métal au profit d'une armure de cuir, plus légère et moins gênante. Il avait très mal dormis cette nuit et s'était réveillé en sursaut, à la suite d'un cauchemar.

Sa discussion avec Akara, la veille, l'avait perturbé. Elle pensait réellement que le groupe d'aventuriers allait revenir le chercher ? Mais elle n'avait pas été là, lorsque Jamila l'avait renvoyé. Elle n'avait pas vu la haine dans ses yeux, la fureur de son regard le brûlait encore.

Et pourtant...

Akara était clairvoyante. Elle devinait aisément les choses. Pierrick le savait. Mais ça ne l'empêcha pas d'être surpris en voyant Séraphine, Jamila et Lili entrer dans la cathédrale.

Il se leva brusquement, réactivant la circulation dans ses jambes et provoquant un léger vertige. Il se retint quelques secondes à un pilier, cligna des yeux avant de les reporter vers l'entrée. Les trois filles avançaient vers lui, leurs expressions variant entre un sourire bienveillant ou inquiet.

- Je... commença Pierrick. Qu'est-ce que vous faites là ? Je veux dire... Ça me dérange pas mais...

- On s'est dit qu'on avait été un peu dures avec toi, expliqua Lili.

Un peu dures ? C'était un euphémisme. Et si quelqu'un voulait présenter des excuses, ça aurait dû être Jamila, pensa le garçon. Non pas qu'il attendit réellement des excuses, mais Lili et Séraphine ne lui avaient rien fait.

- Donc, continua l'amazone, on est venues te demander de revenir avec nous.

Les deux autres filles se contentèrent de hocher la tête.

- Je... bredouilla le garçon, n'en croyant pas ses oreilles.

- Tu veux pas ?

- Si ! Bien sûr que si ! Je veux dire... Merci...

Un sourire triste apparut sur les lèvres de Lili, mais il s'évanouit avant que Pierrick n'ait pu le remarquer.

- Alors viens, on t'emmène dans le désert.

Ramassant prestement son glaive avant de le glisser dans son fourreau, Pierrick les suivit jusqu'au WP et, agrippant l'épaule de l'amazone, il se retrouva à Lut Golhein.

La chaleur l'accabla immédiatement, mais il n'y fit pas attention. Il était de nouveau avec ses amis et rien n'était plus important.

- Où sont les autres ? demanda-t-il.

- Ils ont eu quelques problèmes, répondit Séraphine. Rien de grave, mais ils sont incapables de quoi que ce soit pour un moment.

Jamila se taisait. L'assassin reprit :

- On a besoin que tu prennes le TP là-bas. Il mène au temple des vipères. Tout ce que tu as à faire c'est entrer et attraper l'Amulette Vipère, puis ressortir le plus vite possible.

- Ok, ça a l'air facile.

- On sera juste derrière toi, au cas où.

Pierrick prit le TP et se retrouva face à un escalier. Il fut suivi par les trois filles.

- Allez, on te suit, fit Lili en le poussant légèrement.

Le jeune garçon descendit prudemment les marches et pénétra dans la salle. Comme ses amies un peu plus tôt, il vit l'autel au centre et avança vers lui.

Il ne se rendit compte que trop tard qu'il était encerclé par les serpents géants. La première lance d'os l'atteint au milieu du sternum, le projetant en l'air. Avant qu'il ait le temps de retomber, une autre lance le frappa dans le dos, le repoussant encore plus haut. Il fut ensuite la cible des dix serpents qui l'attaquaient à distance. Son corps, parcouru de spasmes, flottait à trois mètres du sol, maintenu en l'air par les sorts qui l'atteignaient incessamment.

Séraphine aurait dû profiter de ce répit pour aller ramasser l'Amulette. Mais comme ses deux amies, elle était horrifiée de ce qu'elles avaient provoqué.

Jamila ne put retenir un cri de détresse. Quoi qu'ait fait Pierrick, si odieux ait été son mensonge, il l'avait sauvées, devant le Forgeron. Et elle venait de le tuer.

Pierrick avait perdu connaissance depuis longtemps. Les lances d'os lacéraient son énergie vitale en le transperçant de part en part, venant de tous les côtés.

Soudain, son corps explosa. Ou du moins, ce fut l'impression qu'il donna. Écartant les bras et les jambes, une espèce de bouclier invisible se forma autour de lui, déviant les sortilèges qui ne parvenaient plus à l'atteindre.

S'enflant, la sphère qui l'entourait prit une couleur bleutée, irradiant les murs de la salle d'une lumière froide dont l'intensité augmentait petit à petit.

Les trois filles se reculèrent prudemment, conscientes du danger que représentait ce spectacle.

Devenant de plus en plus grande et opaque, la sphère bleue avait atteint un diamètre de trois mètres lorsque le cri retentit. Ce cri, Jamila le reconnut, de même que ses deux amies. C'était la voix de Pierrick qui leur parvenait, étouffée par la magie qu'il y avait entre eux.

Le hurlement s'intensifia, troublant la surface du bouclier. Sa protection elle-même finit par éclater. Des milliers de traits de glace furent projetés dans toutes les directions, gelant sur place les vipères, les murs et l'autel. La pluie de magie glacée continua pendant une quinzaine de secondes avant de s'étendre dans toute la salle, irradiant d'une lumière aveuglante qui força les filles à s'enfuir dans les escaliers pour ne pas finir gelées.

Lorsque le calme revint, elles redescendirent prudemment. Tout avait explosé dans la pièce. Le corps de Pierrick gisait à terre, inconscient, la poitrine se soulevant au rythme de sa respiration. La lumière était revenue et filtrait du plafond. Au milieu de l'autel qui avait volé en éclats, brillait l'Amulette Vipère.

Pierrick ouvrit les yeux. La première chose qu'il remarqua, c'est qu'il était dans un lit moelleux. La seconde, c'est que Jamila était assise au pied du lit, guettant le moment où il se réveillerait.

- Tu m'en veux ? demanda-t-elle d'une voix douce en le voyant ouvrir les yeux.

Pierrick réfléchit une dizaine de secondes avant de répondre d'une voix faible :

- Non. Je peux pas t'en vouloir...

- Je suis désolée de...

- Laisse tomber, Jamila, t'as fait ce qu'il fallait faire. Je sais pas trop comment je m'en suis sorti, je me souviens de rien... Mais du moment que vous avez récupéré l'amulette, c'est le principal... Je suis content que tu sois venue me chercher.

- Moi je suis contente que tu sois revenu avec nous.

Ils restèrent un instant silencieux, se souriant mutuellement. Une expression indécise se dessina sur le visage de la jeune ensorceleuse. Elle se leva, s'approcha lentement de Pierrick, hésitante. Le coeur du garçon se mit à battre plus vite. Finalement, Jamila s'arrêta en fronçant légèrement les sourcils. Elle sortit son livret d'aptitudes d'une poche et en arracha une page.

- Tiens, je crois que ça pourra t'être utile.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il, déçu.

- Mon arbre d'aptitudes de froid. Je trouve que ça t'ira parfaitement. Bon, remet toi bien...

Elle quitta la chambre d'une démarche hésitante, laissant un garçon à la fois déçu et heureux.

Jamila soupira en refermant la porte. Était-ce une trahison envers Thann ? Elle n'était pas encore à Harrogath, mais elle n'était plus sûre de rien. Elle décida de sortir du palais de Jerhyn et traversa la ville d'une démarche hasardeuse jusqu'à l'auberge d'Atma.

Elle avait encore beaucoup d'aventures à vivre. Et si ses sentiments interféraient, qui sait ce qu'il pourrait se passer ?
Deux jours s'étaient écoulés depuis que Pierrick était revenu. Deux jours qu'il avait presque entièrement passés au lit, sans pouvoir se lever à cause de la fatigue qui le terrassait. Il ne savait pas ce qu'il s'était passé dans le temple des Vipères. La dernière chose qu'il se rappelait était une lance d'os lui percutant la poitrine. Après ça c'était le trou noir. Il avait demandé à Jamila, Séraphine et Lili, mais elles étaient restées évasives. Il avait donc utilisé ce temps à étudier la page que Jamila lui avait donnée.

Tous les sorts de froid étaient décrits ici. Sans savoir pourquoi, il se sentait une certaine affinité avec les mots écrits à la main qui s'étalaient sur le parchemin. Le jeune garçon avait laissé les caractères imprégner son esprit. Si bien que, dans son sommeil, il s'imaginait entouré d'une énorme sphère de glace, projetant des sorts de froid dans tous les sens.

De leur côté, le Fléau, la Mort dans Tes Os et Hammerdin_PK avaient vite guéri, en proies aux soins intensifs des mages du Harem. Les filles leur avaient rapporté une partie de ce qu'il s'était passé. Elle leur avait confié ce que Pierrick savait, rien de plus.

Hébus et Bob, quant à eux, avaient aussi eu besoin de ces deux bonnes journées pour se reformer. Ils étaient sortis de cette expérience totalement relaxés et en pleine forme pour, selon leurs dires, « défoncer plein de streums ! ».

Au bout d'un peu plus de deux jours, donc, tout le monde étant sur pieds, le groupe reconstitué se retrouva dans une salle déserte du palais.

Pierrick était face aux autres, la tête baissée, honteux.

- Je... Bah... Vous voulez bien que je revienne avec vous ?...

Il redressa juste assez la tête pour apercevoir rapidement les regards bienveillants et parfois moqueurs que les autres posaient sur lui. Cependant, son manque de confiance en lui ne lui permit pas de se relaxer. Il attendit, tendu, une réponse positive.

Elle ne tarda pas à venir, de la part de Lili :

- Tu crois qu'on serait venues te chercher là-bas pour t'y renvoyer tout de suite après ?

- Ouais ! approuva Bob. Toi rentrer avec nous !

- On va bien rigoler ! Huk ! Huk ! Huk !

- Apparemment, fit gentiment remarquer le paladin, t'es pas si inutile que t'en avais l'air...

- Et puis, si t'es pas là, de qui on pourra se moquer ? demanda le nécro, déclenchant l'hilarité générale.

- Bah, fit le druide, de toi, comme toujours ! nouvelle salve de rires.

- En plus, on pourra t'escorter jusque là où tu dois aller, expliqua Séraphine.

Un court silence s'ensuivit, que Lili coupa à voix basse de manière à ce que seule la sorcière put l'entendre :

- Jamila... ?

Pierrick releva totalement la tête et croisa le regard de l'ensorceleuse. Ils restèrent connectés l'un à l'autre par ce lien invisible.

- Faut dire aussi que tu nous manquais, répondit-elle en rompant doucement le silence qui accompagnait ce lien magique.

Pierrick s'immergea complètement dans les grands yeux verts. Il y vit une émotion contenue et un sentiment fugitif, passager. Si rapide qu'il douta de l'avoir réellement aperçu. Se pourrait-il qu'il ait vu de l'amour dans les yeux de Jamila ?

Personne ne dit mot, ne voulant pas se risquer à briser cet instant qui ne se reproduirait peut-être jamais. En y réfléchissant, Pierrick comprit que cela ne pourrait jamais se reproduire. Tant d'émotions, de sentiments, réunis dans la même pièce, au même moment. Rien ne pourrait jamais égaler ce qu'il ressentait en cet instant précis.

Il se décida à rompre le silence :

- Je... Si vous voulez bien que je vienne... Alors je voudrais pas être un boulet, une fois de plus... Est-ce que ce serait possible que vous m'appreniez à me battre correctement ?... S'il vous plait...

Le cri de triomphe qui résonna dans tout le palais mit plusieurs secondes à s'estomper.

- Bien sûr qu'on va s'occuper de toi gamin ! s'écria Hébus.

- Bob t'apprendre combat barbare ! renchérit l'autre colosse.

- On ne s'improvise pas druide... Il faut ne faire qu'un avec la nature...

- Je suis désolé, mais il faut être un initié du Zakarum pour en acquérir les pouvoirs... Les autres feront de toi un bon combattant, mais je ne peux pas te faire paladin...

- Je te sens destiné à autre chose que la mort dans la discrétion, souffla Séraphine. De plus, je ne souhaite à personne de subir l'entraînement auquel j'ai eu droit...

- Les amazones sont des femmes, je ne peux transgresser la règles, soupira Lili.

- La nécromancie est un art compliqué. Je ne m'attends pas à ce que tu en comprennes toutes les subtilités. Je ne pense pas davantage que tu sois capable de ressusciter un squelette. Cependant, je pense que quelques excursions avec moi dans des territoires infestés de monstres pourraient se montrer bénéfiques.

- Je t'ai déjà donné quelque chose, finit Jamila. Mais si tu as besoin de moi, je serai là pour t'aider.

- J'ai besoin de toi... souffla Pierrick avant de rougir, surpris de son audace.

Une dizaine de secondes s'écoula dans la même atmosphère que celle qui avait précédé. Si tout le monde n'avait pas saisi la subtilité des paroles du jeune garçon, il était clair que l'ensorceleuse avait compris. Elle resta silencieuse, visiblement troublée.

- Allez gamin ! On y va ! cria Hébus (qui n'avait rien remarqué) en attrapant Pierrick par le col. Je vais commencer à m'occuper de toi personnellement.

- Bob le prend après ! intervint le barbare.

- Je te propose ensuite une petite virée avec moi, coupa le nécro.

- Merci, répondit Pierrick, touché. Merci à tous.

Il ne put en dire plus car Hébus l'entraînait déjà vers le désert.

- Bon alors, commença le Troll. D'abord tu vas me montrer ce que tu sais faire. Attaque moi !

- Euh... avec quoi ?

- Bah ton cure-dents !

- Je l'ai plus, il s'est cassé chez les serpents...

- Boarf, pas grave ! Avec tes poings alors !

- Euh... T'es sûr ? Aie !

- Pas d'hésitation ! le réprimanda Hébus après lui avoir collé une tape sur la tête.

- Et faut que je crie, moi aussi ?

- Bah... si tu veux...

- Banzaie !

Pierrick se jeta littéralement contre le corps velu qui s'écarta d'un pas vif au dernier moment, laissant le garçon continuer pour s'étaler dans le sable.

- Faut être plus vif que ça, gronda Hébus. Allez, on recommence...

Après trois bonnes heures d'entraînement avec le Troll sous le soleil brûlant du désert, Pierrick fut réquisitionné par Bob. Le barbare lui envoya une trombe dans la figure, que Pierrick dut éviter. Tâche à laquelle il échoua et se retrouva plusieurs mètres plus loin, crachant du sable.

Se relevant courageusement pour refaire face, le garçon fut assez vif pour éviter le second passage de la trombe, mais il se prit le troisième qui l'envoya valser une deuxième fois.

Ayant passé à peu près le même temps avec l'une et l'autre brute, Pierrick se retrouva en fin d'après-midi, affamé. Il n'avait pas mangé depuis le matin et ses nouveaux instructeurs étaient venus le chercher en fin de matinée, lui soufflant son repas de midi.

Rentrant en ville accompagné du barbare, courbatu, éreinté, mais néanmoins heureux, il croisa le nécromancien qui allait vers le désert.

- La nuit tombe, fit remarquer le mage. Viens avec moi, je vais te montrer ma puissance.

- Mais... Je vais manger un truc et j'arrive tout de suite !

Le regard noir de La Mort dans tes Os le dissuada de concrétiser son envie. Il le suivit donc, résigné.

La nuit tomba à une vitesse vertigineuse, surprenant Pierrick mais réjouissant son accompagnateur. Un groupe de monstres armés de fouets se présenta devant eux avec apparemment la ferme intention de les attaquer. Si Pierrick s'en effraya (il venait quand même de passer un après-midi à s'entraîner physiquement, et c'était autre chose que les deux heures d'EPS qu'il avait chaque semaine au lycée !), le nécromancien, lui, resta impassible, si ce n'est qu'un léger sourire vint éclairer son visage.

Levant la baguette qu'il tenait dans sa main droite, le mage sombre ferma les yeux alors que les monstres s'approchaient dangereusement. Soudain, des myriades d'étincelles blanches vinrent s'agglutiner autour des chats des enfers. Engluant leurs pieds, remontant le long de leurs jambes, leur encerclant tout le tronc pour ensuite se propager jusqu'aux bras, immobilisant les fouets levés, à quelques mètres des deux humains.

La matière blanche, d'abord indistincte, perdit petit à petit de sa brillance, pour acquérir un éclat laiteux et mat. Les monstres étaient toujours vivants, mais seuls les mouvements de leurs yeux permettaient encore de s'en rendre compte. Gardant les yeux fermés, le nécromancien prononça quelques mots incompréhensibles et des ossements surgirent du sol, se positionnant comme un enclos autour des entités malveillantes.

Dans ce mur formé de restes humains et monstrueux, on distinguait toutes sortes d'os, allant de bras et jambes presque complets aux minuscules morceaux brisés, en passant par des crânes d'où s'échappait une aura lugubre et malsaine.

Au centre de cette prison, enchevêtrées dans les os, les statues commençaient à perdre leur blancheur, les corps frémissaient, comme s'ils voulaient de toutes leurs forces recouvrer leur mobilité. Ce fut bientôt chose faite. Mais ils étaient toujours coincés par les longs fémurs qui leurs passaient sous les bras et les empêchaient de bouger à leur guise.

Pierrick les observa pendant quelques minutes lutter face au sort du nécromancien. Ce même sort qui commença à montrer des signes de faiblesse à force de coups reçus et de débattements.

- Et maintenant, souffla le maître des os d'une voix envoûtante, regarde bien et admire la puissance de la nécromancie...

Les crânes qui formaient le mur se mirent à luire d'une lumière blafarde, des flammes bleutées sortant des orbites vides et de la mâchoire. Ils s'extirpèrent lentement de la muraille, affaiblissant le sort comme s'ils lui avaient fourni sa force dès le début. Une dizaine de têtes lumineuses s'envola à deux mètres au dessus des têtes de chats infernaux et se mit à tournoyer.

Les monstres, qui avaient réussi à se libérer, marquèrent une seconde d'hésitation en assistant à cet étrange spectacle. Au dessus d'eux, le manège macabre n'était plus qu'une ligne circulaire bleue d'où s'échappaient de temps à autres des cris plaintifs qui rappelaient les râles lancés par les zombies agonisants.

Cette seconde d'attente leur fut fatale. L'un après l'autre, les crânes s'abattirent chacun sur une cible différente qu'ils traversèrent avant de retourner sous le sable encore chaud en laissant entendre un ricanement Diabolique.

Les corps tombèrent sans bruit sur le sable. Ils allaient bientôt, avec l'aide des charognards, enrichir la réserve souterraine qui pourrait servir aux futurs nécromanciens qui passeraient dans ce désert.

Fatigué mais impressionné, Pierrick raccompagna le nécromancien jusqu'à l'auberge d'Atma. De rares clients étaient encore debout en ce milieu de nuit, finissant de cuver les réserves de l'auberge en matière d'alcool de toutes sortes.

- On t'a pris une chambre là-haut, chuchota la Mort dans tes Os alors qu'ils montaient les escaliers. C'est celle du fond à gauche.

Murmurant un remerciement, Pierrick se dirigea vers la direction indiquée et pénétra dans la chambre. Une lanterne était accrochée au dessus d'un lit d'autant plus appréciable que la fatigue était sur le point de terrasser le garçon.

Il se défit de son armure de cuir et la posa contre la fenêtre. Ramassant des affaires à-peu-près propres qu'il trouva dans une armoire, il ressortit en silence dans le couloir. Il ouvrit la pièce d'en face et fut rassuré de voir qu'il ne s'était pas trompé : une salle de bains. Des bacs pleins d'eau étaient disposés dans la grande salle. À cette heure de la nuit, l'eau était froide, presque glaciale, mais Pierrick s'y plongea résolument. Il resta immergé quelques minutes, récupérant de sa journée bien remplie. Il se saisit ensuite d'un pavé de ce qui ressemblait de plus près, dans cette pièce, à du savon et s'en servit de la manière la plus appropriée qui soit.

Une fois propre, il attrapa un morceau d'étoffe qu'il supposait être une serviette et s'essuya consciencieusement.

Un grand miroir était entreposé au fond de la salle de bains. Pierrick s'y regarda quelques instants, étonné de voir son corps plein d'ecchymoses et de bosses. Passé cet étonnement, il se rhabilla sommairement, sachant qu'il allait se coucher, et retraversa le couloir pour entrer dans sa chambre.

Les paupières tombantes, il se dirigea vers son lit et entreprit de se coucher quand il aperçut la présence dans un coin sombre. La silhouette se leva et entra dans la lumière. Jamila.

- je voulais pas te déranger, fit-elle avec un sourire d'excuse. Si tu veux je repasserai demain...

- Non, répondit Pierrick précipitamment, remerciant le ciel ou Tyrael qu'il fasse si sombre. Non, tu me déranges pas, j'étais justement... En fait j'allais me coucher... Mais ça change rien ! Je veux dire... euh... ça change rien tu peux rester !

- Je voulais savoir, reprit l'ensorceleuse après un sourire amusé, si tu avais réussi à faire de la magie.

- Je... de la magie ? Comment ça ?

- Je t'ai donné une feuille de sort, tu te rappelles ?

- Ah ! Oui, mais j'ai pas trop eu le temps, désolé. Et puis je comprends pas trop comment ça marche...

Pierrick s'était pourtant entraîné silencieusement, alors qu'il était au lit dans le palais de Jerhyn. Il avait effectué les gestes et marmonné les paroles décrits sur le parchemin, mais sans succès.

- Si tu veux, je peux t'aider...

Pierrick acquiesça, encourageant Jamila à poursuivre.

- Tout ce que je peux te dire pour commencer, c'est qu'au départ, les gestes et les incantations ne servent pas à grand-chose. Au tout début, je veux dire. Pour dévoiler ton talent magique et commencer à le maîtriser.

- Et comment tu peux être sûre que j'ai un quelconque talent pour ça ?

- Quelque chose me dit que tu as exactement ce qu'il faut pour la magie. Mais pour en revenir à ce que je disais... Il faut que tu sois en symbiose avec la magie, qu'elle réagisse en fonction de ce que tu es, ce que tu ressens. Ton pouvoir reflète tes sentiments au moment où tu l'utilises.

- Ah, c'est pour ça que dans les catacombes, t'avais l'air sur le point de me carboniser sur place ? demanda le garçon avec une certaine amertume dans la voix.

- Je crois que je vais te laisser pour le moment, répondit-elle d'une voix douce. On va devoir partir à travers le Harem demain, pour trouver le Sanctuaire des Arcannes. Il vaudrait mieux qu'on soit en forme.

Elle commença à marcher vers la porte de la chambre, feignant de ne pas remarquer la déception sur le visage de Pierrick, encore plus accentuée que lorsqu'elle l'avait laissée dans le palais.

Soudain, sur un coup de tête, elle déposa sur ses lèvres un baiser aussi agréable que furtif. Plongeant son regard malicieux dans celui, surpris, de Pierrick, elle se détourna et sortit.

Pierrick étouffa un cri de triomphe, levant les bras en V. Il sentit l'énergie l'envahir puis le quitter par sa main droite. La lumière s'éteignit subitement. Levant la tête, il vit sa lanterne gelée, fixée au plafond.

- Merde... chuchota-t-il sans pouvoir retenir un petit rire satisfait.

Il se laissa tomber en arrière sur le lit dur et mit quelques instants à s'endormir, souriant, le coeur battant à tout rompre.
Pierrick dormait. Son sommeil était rythmé par les battements sourds de son coeur dans sa poitrine. Dans son rêve il voyait apparaître le visage angélique de Jamila se penchant sur le sien. Il entendait distinctement son prénom murmuré doucement. Le fond musical du rêve toujours animé de coups plus ou moins réguliers.

Il finit par se réveiller en sursaut juste à temps pour voir la lanterne décongelée tomber du plafond sur lui. Un réflexe désespéré lui permit de se jeter par terre, à côté de son lit, se cognant au passage la tête contre la commode d'où il avait tiré ses vêtements la veille. Il remarqua en même temps que son entraînement de la veille lui avait laissé des courbatures.

Il se rendit compte que les coups et son nom prononcé n'étaient pas imaginaires. En effet, d'énormes tremblements agitaient la porte de sa chambre qui avait l'air d'être sur le point de céder à chaque nouveau coup porté, et il entendait une voix bien connue hurler son nom, résonnant dans toute l'auberge.

Il lui sembla peu sage d'aller ouvrir la porte, de peur de se retrouver face à un Hébus pris dans son trip et incapable d'arrêter son poing avant qu'il ne soit trop tard. Aussi, après avoir enfilé un pantalon de toile grossière, il cria à travers la porte :

- C'est bon Hébus ! Je me lève !

- Ah bah enfin ! lui répondit la voix du Troll sur le même ton. Ça fait au moins dix minutes que je tambourine comme ça !

- Ouais, désolé... fit le garçon en ouvrant la porte. J'ai eu une courte nuit...

- Huk ! Huk ! Huk ! Ça se voit gamin ! Va te passer la tête sous l'eau pour calmer un peu tes cheveux !

Se passant distraitement la main sur la tête, Pierrick se rendit compte que son pote poilu devait avoir raison. Il traversa donc le couloir, ouvrit la porte de la salle de bains et, jetant un coup d'oeil au miroir, se rendit compte qu'il avait effectivement besoin d'un bon sceau d'eau !

Les bacs avaient dû être changés dans la nuit car l'eau que Pierrick avait laissée sale et savonneuse était à présent claire et propre, des volutes de vapeur quasi-imperceptibles s'élevant au dessus de la surface.

Le jeune garçon choisit un bac proche du miroir et y plongea la tête après avoir retenu sa respiration. Il se frotta les cheveux pendant une trentaine de secondes avant de ressortir la tête pour avaler une grande goulée d'air. Les gouttes d'eau tiède dégoulinant de sa tête sur ses épaules nues, il se plaça face à la glace après s'être saisi d'une serviette, elle aussi remplacée depuis son bain nocturne, et entreprit de se sécher les cheveux. Il les coiffa ensuite rapidement à l'aide de ses mains et essuya l'eau qui lui était tombée sur le torse et dans le dos, avant de retourner dans sa chambre pour finir de s'habiller.

Hébus était reparti en bas, sa tâche accomplie. Aussi, Pierrick put prendre tout son temps. Il alla ouvrir les volets et se rendit compte qu'il avait dormi beaucoup plus tard qu'il ne l'avait d'abord cru. Le soleil irradiait toute la rue et la chaleur étouffante pénétra dans la chambre comme un gaz nocif, forçant son locataire à reculer, puis à descendre rejoindre ses amis.

En arrivant en bas de l'escalier, Pierrick enveloppa la salle de son regard avant de repérer son groupe, se tenant à l'écart des autres clients et, grâce à la bonté d'Atma, occupant la table la plus à l'ombre. Alors qu'il avançait entre les tables, les conversations cessaient et les regards convergeaient vers lui. La rumeur avait vite couru qu'il était, malgré son jeune âge, celui qui avait permis que fût récupérée la légendaire Amulette Vipère, créée par les mages Horadrims eux-mêmes !

Gêné par ce silence soudain, Pierrick pressa le pas. Au passage, ses yeux rencontrèrent ceux de Jamila et il sentit, sans qu'il lui fût possible de l'empêcher, un sourire se dessiner rapidement sur ses lèvres. Sourire qui lui fut rendu presque aussitôt.

Pour accueillir les aventuriers, deux tables de six avaient été placées côte à côte. Le nouvel arrivant s'assit près du paladin, en face de Séraphine. Voyant qu'ils étaient tous réunis, Atma leur envoya deux serveurs musclés, portant les tonneaux de bières quotidiens et plusieurs larges assiettes en bois remplies de fruits.

Après avoir déjeuné copieusement (bière bien brassée pour certains et fruits bien mûrs pour les autres), Pierrick se décida enfin à prendre la parole :

- Alors, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?

- On passe par le Harem, expliqua le paladin, pour arriver aux caves du palais. Il faut qu'on trouve le sanctuaire des Arcanes. Là-bas, il faudra trouver le journal d'Horazon, où est inscrit le symbole du véritable tombeau de Tal Rasha. Une fois le tombeau identifié, nous devrons le parcourir jusqu'à la chambre de Tal Rasha pour empêcher que Baal ne s'échappe. S'il le faut, nous tuerons Tal Rasha pour arriver à nos fins.

- On ferait mieux de partir tout de suite alors, fit remarquer Pierrick. Sinon on va se faire gruger...

- Comment ça ?

- Diablo cherche à libérer ses frères. S'il arrive là-bas avant nous, il délivrera Baal avant de partir vers Kurast, vers son autre frère, Méphisto.

- Si ce que tu dis est vrai, intervint Lili en se levant, alertée, nous devons partir sans plus tarder.

Suivant ce conseil qui tenait de l'ordre, le groupe se leva, laissant la table en plan et partit vers le palais.

Pierrick s'arrêta à la forge de Fara où Hammerdin_PK lui donna quelques pièces d'or pour s'acheter une épée. Il en trouva une, se tenant à une main, légère et affûtée comme un rasoir. Il prit aussi une cotte de mailles légère, plus efficace que l'armure de cuir qu'il avait laissée à l'auberge et dans laquelle il avait tant transpiré la veille.

Debout à l'entrée de son palais, Jerhyn embrassa sa cité du regard. En voyant arriver Lili, Séraphine et Jamila, il se réjouit, pensant qu'elles avaient enfin accepté son offre. Il se rembrunit en découvrant qu'elles étaient accompagnées du groupe au complet, ainsi que du jeune garçon qu'il avait dû héberger pendant deux journées entières dans une de ses meilleures chambres.

- Ah, soupira-t-il tristement alors qu'ils arrivaient à sa hauteur, je suppose que si vous êtes ici, ce n'est toujours pas pour accepter mon offre, me trompé-je ?

- Non, messire, répliqua Jamila sur le ton qu'elle utilisait pour rembarrer le sultan à chaque fois qu'il leur faisait des avances. Nous allons effectivement dans votre harem, mais nous n'y resterons pas.

- J'imagine que vous devez avoir vos raisons... Eh bien faites comme chez vous ! Après tout, la plupart d'entre vous ont déjà bénéficié de l'hospitalité sans bornes que peut offrir mon palais...

Sans chercher à relancer le dialogue, le groupe se glissa rapidement entre les deux gardes, dont l'un frémit en voyant passer le Troll, se souvenant d'une baffe qu'il avait prise en s'interposant entre lui et le palais. Ils parcoururent le couloir, sans se préoccuper des bruits provenant des chambres, pour arriver à un escalier. Il descendirent pour se retrouver dans l'antichambre du harem où, si le parfum des concubine était encore faiblement présent, régnaient tout de même des effluves de sang plus ou moins frais.

Sur leurs gardes, nos amis descendirent au niveau inférieur avant de s'arrêter devant le corps d'un homme empalé sur une lance. Il était apparemment mort depuis plusieurs jours car une odeur fétide émanait de lui.

Regardant un peu plus loin, ils virent une dizaine de corps déchiquetés, massacrés, baignant dans une mare de sang à présent séché. Pire encore : tous ces cadavres étaient humains. Aucune résistance n'avait été possible à ce niveau, les monstres avaient décimé les hommes.

Retenant leur respiration et détournant les yeux, dégoûtés, nos amis traversèrent ce qui avait été une cave, mais qui n'était plus qu'un charnier. Arrivés au deuxième niveau, ils virent à peu près le même spectacle, si ce n'est que les corps étaient encore plus mal en point, comme si l'on en avait retiré les os en arrachant la chair.

Des formes massives se découpèrent dans l'ombre. Trois espèces de gros singes couverts d'écailles, les yeux injectés de sang, se tournèrent vers le groupe d'aventuriers. Courbés à la manière d'un gorille, les muscles puissants jouant sous la peau, les monstres s'avancèrent. On pouvait évaluer qu'ils étaient presque aussi puissants que Bob ou Hébus. Heureusement pour nos amis, je dis bien « presque ». Au terme d'une lutte sans merci, deux monstres se retrouvèrent démembrés et le troisième, qui avait réussi à éviter la charge des colosses, finit avec un javelot dans le crâne et une griffe lui lacérant la gorge.

Sans un mot, craignant que le fait d'ouvrir la bouche ne permît à leur petit déjeuner de ressortir, le groupe continua alors que le nécromancien arracha leur squelette aux corps morts.

L'explication aux cadavres désossés des gardes apparut au tournant suivant : des squelettes avaient été ressuscités. Des flèches envoûtées vinrent se ficher dans le sol, et deux atteignirent Hébus à la poitrine. Le Troll s'affaissa sans demander son reste.

Prenant confiance, les archers se rapprochèrent pour avoir un meilleur angle de vue. Voyant son partenaire à terre, Bob poussa un hurlement si puissant qu'il fit trembler ses assaillants, dont quelques-uns tombèrent en morceaux sans avoir le temps de comprendre ce qui leur arrivait.

Le groupe se déchaîna contre les quelques archers qui restaient, avant de se rendre compte qu'un rassemblement de mages squelettes se trouvait derrière une porte. Sans réfléchir, ils attaquèrent, qui à coups d'épée, qui avec des javelots, qui avec des griffes, qui avec des sorts. Cependant, ils restaient en mauvaise posture, jusqu'à ce qu'un ricanement gourmand se fît entendre :

- Huk ! Huk ! Huk !

Se jetant dans la mêlée, deux flèches toujours plantées dans sa poitrine, Hébus massacra littéralement les mages, apeurés.

- Mais pourquoi t'as fait ça ! s'écria le PK une fois le combat terminé.

- Boarf ! C'est marrant, ça me rappelle mon premier combat avec Lanfeust !

- Et du coup on a failli tous crever !

- Mais non ! J'étais juste derrière au cas où ! D'ailleurs, Jamila, tu pourrais m'enlever ces piques, là, s'il te plait ?

Souriant, la sorcière s'avança vers la masse poilue, s'arc-bouta pour tirer sur les flèches et, au bout d'une bonne minute d'efforts, partit soudainement en arrière.

Sous le coup de la surprise, elle ne put se rattraper et serait certainement tombée si Pierrick n'avait pas prévu le coup (il avait lu Lanfeust de Troy et savait ce qui arrivait dans ce genre de situations) et ne s'était placé derrière elle pour la rattraper galamment en cas de chute, ce qu'il fit.

Échangeant un sourire complice, le couple se sépara avant de repartir avec le reste du groupe.

Je préfère passer la descente jusqu'au niveau trois et le combat contre le groupe de monstres uniques qui s'y trouve, gardant le portail magique. Cependant, je vous assure qu'il n'y a eu aucun mort de notre côté, et beaucoup chez les monstres.

Jamila resta quelques instants à étudier les contours vides de ce qui était censé être le portail. Comme au champ de pierres, elle ne trouva pas ce qui l'activait. Aussi, Pierrick s'avança pour poser la main sur le cadre, ce que l'ensorceleuse s'était gardée de faire, craignant un piège.

Une vive lumière bleue, semblable à celle dégagée par les portails de ville mais plus contenue, apparut comme un liquide remplissant le cadre, coulant tel une cascade éternelle. Le groupe s'y engagea.

Le changement fut radical. Ils arrivèrent sur une plateforme d'où partaient quatre chemins à angles droits. Le légendaire sanctuaire des arcanes s'étendait autour d'eux, reposant sur le vide constellé d'étoiles. Pris d'un vertige, Pierrick se raccrocha à Hébus, de peur de tomber. Celui-ci, compréhensif, le souleva sans ménagements pour le poser sur ses épaules.

Les aventuriers s'engagèrent dans un sens, espérant que ce serait le bon. Après avoir parcouru cette direction en long, en large et en travers... euh non, pas en travers, ils seraient tombés... Et ayant tué tout ce qui se trouvait à portée de massue (Hébus était en tête) ou d'épée (de rares ennemis passaient la garde du Troll pour s'embrocher sur la lame de Pierrick), Ils revinrent à leur point de départ.

- Attendez, fit Pierrick alors qu'ils allaient s'engager dans la direction suivante, dans le sens des aiguilles d'une montre. Dans ce sanctuaire, reprit-il d'un air savant, c'est toujours la dernière direction qu'on prend qui est la bonne ! (personne ne me contredira là-dessus, surtout pas les key-runners)

- Ah ouais ? Comment on fait alors ?

- C'est bien simple : on fait semblant d'aller tourner dans ce sens. Donc, la dernière direction serait celle à notre gauche, là, ok ?

- Mouais...

- Donc on va directement par là, en criant bien fort qu'on veut aller dans l'autre sens, vous me suivez ?

- Vaguement, mais si tu dis que ça peut marcher...

- J'en suis sûr !

Le groupe alla donc dans la direction indiquée par le garçon. Arrivés au bout des passerelles en suspension, ils découvrirent une plateforme où étaient posés des coffres, mais pas de trace du journal.

- Alors gamin ? demanda le Troll. Pas de bouquin ici !

- Bah ça arrive de temps en temps, hein. Mais c'est toujours le plus tard possible qu'on tombe dessus, donc ça doit être l'avant-dernière direction. Vous verrez !

Sans discuter, le groupe revint au centre pour prendre le chemin opposé à celui qu'ils avaient pris au début. Au terme de nombreuses altercations avec des monstres, ils arrivèrent au bout, et toujours pas de livre !

- Tu t'es encore trompé, Pierrick ? s'étonna Séraphine.

- Eh... C'est pas de ma faute si Horazon a organisé son sanctuaire n'importe comment ! Et puis... D'un côté, c'est bien la dernière direction, là-dessus j'ai pas menti !

- Mais si on avait prit cette direction directement, on l'aurait trouvé tout de suite ce journal !

- Ah t'en sais rien... Si ça se trouve c'est un envoûtement spécial qui...

- Ouais, ouais, ouais ! coupa Bob. Nous partir maintenant, sinon nous jamais arriver !

Effectivement, la dernière direction s'avéra être la bonne. Au bout du chemin se trouvait une plateforme différente de celles qu'ils avaient rencontrées, elle se trouvait en haut d'un escalier qui ne reposait sur rien.

Confiant, Hébus se jeta en avant, comme à son habitude. Un merveilleux réflexe lui permit d'éviter la boule de feu qui fonçait vers lui, menaçant de mettre le feu à sa belle fourrure. Il fit aussitôt volte-face pour revenir auprès du groupe.

- Ouh ! C'est chaud là-bas ! Moi j'y vais pas, mes mouches vont m'en vouloir !

- Un sorcier ? demanda Jamila. Je m'en occupe...

Avant que quiconque ne pût protester, elle se téléporta auprès d'Horazon et entreprit le duel. Les sorts fusaient, chacun évitant ceux de son adversaire à la dernière seconde, avant de relancer son propre sortilège. Horazon variait ses attaques, choisissant tantôt le froid, tantôt le feu. Jamila, quant à elle, le bombardait d'énormes boules enflammées qu'il n'avait pourtant aucun mal à éviter, bénéficiant d'une extraordinaire célérité.

Pourtant, les années passées dans le sanctuaire de sa création avaient coupé le mage du monde extérieur. Il avait perdu l'habitude de la diversité magique. C'est pourquoi il réagit trop tard en voyant se former l'aura rouge autour de ses pieds. Une expression de terreur indicible se peignit sur son visage et un hurlement s'échappa de sa gorge alors que le météore l'entraînait au travers du sol trop fin, dans les profondeurs infinies de l'espace.

- Pas mal, petite, fit Hébus, admiratif.

- Merci, répondit modestement l'ensorceleuse avant de se diriger vers le livre posé sur un pupitre.

Elle le parcourut brièvement avant de trouver le passage qui l'intéressait. Elle le lut avant de dire au groupe, qui l'avait rejointe, quel était le bon symbole : la croix ondulée.

Ils passèrent tous le portail rouge qui s'était ouvert au moment où Jamila avait soulevé le journal. La chaleur les agressa, comparée à la douce fraîcheur qui les avait suivie depuis les caves et au travers du sanctuaire.

Quelques vers, répliques miniatures du monstre qui avait servi de festin à Hébus, sortaient de sous le sable pour y retourner un peu plus loin, sans faire attention aux visiteurs inattendus qui venaient d'apparaître. Par contre, un peu plus loin se découpaient les silhouettes massives de Yétis des sables. Et ces monstres-là avaient apparemment des envies meurtrières à l'encontre de nos amis.

Bob et le Troll se mirent en position de combat, mais le nécromancien, le druide et le paladin les arrêtèrent :

- Non, c'est toujours tout pour vous ! Faut nous laisser un peu nous amuser, quand même !

- Ouais, approuva Hébus, c'est vrai... Bon allez, ceux-là sont pour vous !

- Cool !

Le massacre fut donc perpétré non pas par les brutes, comme d'habitude, mais pas les membres du groupe qui ne se démarquaient généralement pas des autres. Je tiens à dire qu'ils furent cependant tout aussi efficaces. Le passage fut libéré et Pierrick les guida jusqu'au tombeau en question car il connaissait l'exact emplacement de chaque symbole.

Il entrèrent donc dans le tombeau, retrouvant la fraîcheur salvatrice des couloirs. Cependant, leur répit fut de courte durée, car une armée monstrueuse de squelettes avançait résolument vers eux. Ils étaient encore plus nombreux que tous ceux abrités par les couloirs des morts et les suppôts de Radament réunis. Le groupe ressortit aussitôt pour élaborer une stratégie.

- Bon, reprit le druide en prenant du recul pour examiner le dessin qu'il avait fait dans le sable. C'est simple, les monstres sont là, nous on arrive par ici...

- Mais il est pourri ton plan ! On arrivera à rien avec ça ! s'exclama Pierrick en regardant par-dessus son épaule.

- Mais si ! C'est très simple, regarde ! On entre, tout de suite on se sépare en trois groupes, un par ici, un autre par là et le dernier là. Ensuite on appelle le gros des troupes et...

- Mais y'a pas de gros des troupes ! On est neuf ! On va être trois par trois, et après on sera submergés encore plus rapidement que si on restait tous ensemble !

- Eh bien, répondit le Fléau vexé, si tu as un meilleur plan, vas-y, on t'écoute !

- Bah... En fait j'avais pensé à quelque chose, mais... Je voudrais pas vous imposer mon idée... Je veux dire... C'est seulement si vous voulez bien faire ce que je dirai...

- Pas de problème, le réconforta Jamila. Ce sera toujours mieux que ce que propose le loup.

- Bon, reprit Pierrick, rasséréné. Alors tout d'abord, Lili, est-ce que tu pourrais invoquer une Walkyrie ?

- Pas de problème, mais elle est pas très puissante, je suis encore novice pour ça.

- C'est encore mieux ! Vas-y.

Lili se concentra quelques secondes et une femme apparut en armure dorée, entourée d'un halo de lumière et armée d'une lance. Son visage ne reflétait aucun sentiment, seulement une profonde soumission.

- Non, fit Pierrick en secouant la tête. C'est pas ça, tu peux recommencer, s'il te plait ?

Sans chercher à comprendre, Lili recommença. Une seconde Walkyrie vint remplacer la première. Celle-ci portait une armure rouge sang.

- C'est toujours pas ça que je veux, encore une...

Lili se vit forcée à recommencer une dizaine de fois, se fatiguant un peu plus à chaque nouvelle invocation, jusqu'à ce que la Walkyrie ait une armure d'un bleu profond.

- Voilà ! s'écria Pierrick. C'est exactement ce qu'il faut ! T'es la meilleure !

- Merci, souffla l'amazone. Mais je suis un peu crevée là, t'aurais pas une potion de mana ?

Du groupe qui avait suivit l'opération sans discuter, Hammerdin_PK se détacha pour donner une potion de couleur bleue à Lili qui eut l'air de se sentir mieux après l'avoir bue.

- Alors, intervint le Barbare, on se bat ?

- Justement, répondit Pierrick avec un sourire. J'allais y venir. On va y retourner et laisser la Walkyrie avancer vers les monstres. Quand elle mourra, toi et Hébus, vous foncerez dans le tas.

- Ouais !

- Baston !

- Et ensuite, s'inquiéta Séraphine, qu'est-ce qu'on fait pour les autres monstres ?

- T'inquiète pas pour ça, y'aura aucun problème.

- T'en es sûr ?

- Certain.

- Aussi sûr que pour le coup du sanctuaire ?

- Euh... Cette fois ça va pas louper.

- Y'a pas intérêt...

- T'inquiète, je suis confiant.

- Baston !

- Ouais !

Le groupe entra donc à nouveau à la suite de Lili et de sa Walkyrie. Apercevant les squelettes, l'amazone se jeta dans le tas, faisant tomber deux monstres au passage avant de se retrouver encerclée.

Les coups qui pleuvaient sur elle la firent vite tomber à terre, avant qu'elle ne disparaisse, libérant un immense cercle de glace et gelant tous les squelettes aux alentours.

C'était le signal attendu par les brutes qui se précipitèrent, armes en main, sur les os gelés, les faisant voler en éclats aussi facilement que s'il n'y avait eu aucune résistance.

Le secteur fut vite nettoyé et le groupe se retrouva bientôt devant un orifice qui devait accueillir le Bâton Horadrim. Séraphine le sortit d'on ne sait où et l'y plaça. Les symboles gravés autour du trou s'illuminèrent l'un après l'autre avant de libérer un éclair qui alla fracasser le mur du fond de la pièce, créant une ouverture où nos amis pouvaient passer.

Pénétrant dans la chambre de Tal Rasha, le groupe ne vit tout d'abord rien (vous savez, comme le lag qui arrive dès qu'on entre et qui laisse le temps à dudu de nous coller quelques gros coups de pattes), avant de discerner une espèce de grosse larve armée de deux énormes pattes avant, finies par des piques et munie de dizaines de petits membres lui permettant de soulever sa carcasse et de se déplacer à une vitesse improbable.

Bob et Hébus durent se mettre à deux pour empêcher la progression de la larve tellement cette dernière était forte. Pourtant, unissant leurs efforts, ils parvinrent à la stopper totalement puis à la soulever pour l'envoyer fracasser un autre pan de mur. La bête se relevant doucement et Pierrick étant soucieux de tester sa valeur (plus pour lui-même que pour les autres), le jeune garçon se jeta, l'épée en avant, sur le monstre encore à terre pour lui transpercer la panse de sa lame acérée.

Devant cette rage incontrôlée, ses amis ne firent rien d'autre que le regarder, certains avec un soupçon de fierté pour lui avoir apprit à se battre, d'autres effrayés de ce revirement de comportement.

Le découpage continua bien après que Duriel ait rendu son dernier soupir et il fallut la solide poigne de Hébus pour arrêter le garçon.

- Eh bah ! fit Pierrick en se relevant. Y'a pas à dire mais ça défoule !

Il souriait depuis quelques secondes lorsqu'il se rendit compte qu'ils avaient encore le reste de la chambre à explorer. Son sourire disparut quand il se souvint que Tyrael attendait, prêt à le renvoyer chez lui.

Personne ne sembla remarquer ce changement d'attitude, mais Pierrick resta en arrière alors que le groupe avançait, pensant aller combattre Baal.

La vive lueur qui illuminait le centre de la chambre, au-dessus d'un gouffre sans fond attira vite l'attention de nos amis.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Séraphine, aveuglée.

- L'Archange Tyrael... souffla le paladin, impressionné.

- Comment est-ce possible ? s'étonna doucement Lili.

- Non... murmura Jamila, comprenant ce que cela devait signifier.

Elle échangea un rapide regard avec Pierrick et comprit qu'il le savait, depuis le début. Elle allait lui poser une question lorsque la voix du Troll retentit dans ce silence religieux :

- Salut mon pote !

- Mortels, fit une voix de stentor, résonnant à la fois dans la caverne et à l'intérieur de la tête de chacun de nos amis. Vous avez réussi à vaincre le seigneur de la douleur, Duriel. Cependant, et malgré mes efforts pour l'en empêcher, Diablo a réussi à libérer son frère, Baal. Vous devez aller vers Kurast et les empêcher de passer la porte pour les Enfers ! Le Troll qui vous accompagne est un combattant, il vous sera utile. Je vais par contre demander à ce jeune humain de rester, afin que je puisse le renvoyer chez lui.

Un autre long silence suivit cette déclaration. Les questions se pressaient derrière les lèvres de nos amis, sans réussir à passer ce seuil. Pierrick se décida :

- Euh... Ce serait possible que j'attende pour rentrer ? Disons, jusqu'à ce qu'on arrive au Pandémonium, non ?

- Crois moi, jeune mortel, il vaut beaucoup mieux pour toi de repartir maintenant. Ce qui se trame en Sanctuary n'est pas de ton ressort et ne te concerne plus à partir de maintenant. Que les autres passent par ce portail. Il vous ramènera à Lut Golhein d'où vous partirez pour Kurast, par la mer.

Chacun sembla sur le point de discuter, mais aucun n'en semblait capable. La présence de l'Archange était si imposante que rien ne semblait pouvoir lui résister. Ils se dirigèrent donc vers le TP alors que Pierrick ne bougeait pas. Jamila lui jeta un regard désespéré auquel il ne put répondre. Il détourna les yeux.

- Au revoir, souffla-t-il alors qu'ils s'engouffraient vers la ville.

Jerhyn n'avait pas l'air d'avoir changé de position depuis que les aventuriers étaient passés par son palais, plusieurs heures plus tôt. Il eut la même expression d'agréable surprise en voyant le groupe revenir.

- Avez-vous réussi dans votre entreprise ? s'enquit-il alors qu'ils approchaient.

- Ouais ! lui cria Hébus. On a buté une grosse limace, mais maintenant faut qu'on trouve un bateau pour aller à Kurast !

- Vous pourrez voir ça avec Meshif, sur les quais. Mais où est ce jeune homme que je ne vois nulle part ? Celui que j'ai hébergé pendant deux jours dans ma meilleure chambre ?

- Il a décidé de rentrer chez lui, répondit Séraphine d'une voix neutre.

- Je vois... Eh bien, je vous souhaite une bonne continuation dans votre quête pour le salut de Sanctuary !

Remerciant le sultan, le groupe repartit vers le port où ils trouvèrent Meshif sans problèmes. Celui-ci leur dit que son bateau était toujours prêt à partir à n'importe quel moment, pour peu qu'il ait des passagers à transporter. Les aventuriers prirent le temps d'aller chercher leurs affaires à l'auberge, de dire au revoir à Atma (donc de prendre trois tonneaux de bière pour la route) avant de revenir charger le tout sur le navire.

Une cabine était prévue pour chacune des filles et les hommes devaient s'en partager trois autres. Jamila entreposa lentement ses affaires dans un coin, sans faire attention à ce qu'elle faisait. Le bateau lèverait l'ancre une dizaine de minutes plus tard, et avec ça sa dernière chance de revoir Pierrick s'envolerait. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Après tout, elle était presque promise à Thann. Mais le visage du jeune capitaine lui semblait de plus en plus lointain et de plus en plus difficile à redessiner en pensées.

Elle décida de ressortir de sa cabine pour jeter un dernier regard à Lut Golhein. Elle resta ainsi posée sur le pont, perdue dans ses pensées. Elle ne fit pas attention à Meshif qui passa près d'elle pour aller détacher les amarres. Elle sentit vaguement le navire se mouvoir. Seul un cri la sortit de sa torpeur. Un cri lointain, mais bien présent.

- Attendez ! Attendez-moi ! Je viens aussi !

Jamila releva brusquement la tête vers les quais. Les autres membres du groupe étaient sortis, alertés par ce cri. Pierrick courait sur le quai et sauta au dernier moment pour tenter de s'accrocher à la passerelle qui pendait encore. Il faillit tomber, mais Jamila le retint à l'aide de sa télékinésie.

Alors qu'il montait à bord, ses amis le pressèrent de questions auxquelles il répondit simplement :

- Bah Tyrael fait un peu la gueule, mais il s'en remettra. Et puis, pour moi, je dis que ça fait toujours plaisir d'envoyer chier un Archange et d'en sortir vivant !
La pluie tombait sur la cité de Travincal. Au coeur de son groupe peuplé des vestiges de ce qui avait été humain un jour, l'ancien serviteur du Zakarum attendait fébrilement. Leur maître à tous été arrivé la veille. Il leur avait annoncé que des aventuriers le suivaient et que ses serviteurs - eux - devraient les arrêter définitivement.

Déjà, la rumeur de plusieurs affrontements parvenait à leurs oreilles déchues. Leurs futures victimes venaient se jeter dans leurs griffes.

- Et voilà ! s'écria une voix énervée. Mon golem vient encore de fondre ! C'est encore pire que chez les rogues ici !
Bientôt, les ennemis apparurent. Leur groupe hétéroclite était composé de deux énormes monstres hauts de plus de deux mètres, de trois hommes déterminés, dont l'un dégageait une aura qui rappelait au Zakarumite ce que lui-même avait vécu lors de son initiation, de trois jeunes filles aux formes attirantes mais aux armes intimidantes, et enfin d'un jeune garçon armé d'une épée.

Lançant des ordres d'une voix suraiguë, l'homme corrompu resta en retrait pour avoir une vue d'ensemble du combat de ses sbires. Il se rendit compte que cela tournait à son désavantage assez rapidement. Bientôt il se retrouva seul. Le jeune garçon s'avança, tira son épée de la main droite, leva la pointe vers son adversaire et posa l'autre main sur sa hanche. Il décala les pieds pour se mettre de profil et se balança légèrement d'avant en arrière pour garder un équilibre constant.

Etonné par cet étrange rituel, le Zakarumite se jeta en avant, levant sa hache d'arme avant de l'abattre. Le garçon esquiva agilement et contre-attaqua vivement, portant des coups rapides sur la hache de son opposant, le forçant à reculer.

Sans comprendre où le jeune guerrier voulait en venir, le monstre chargea à nouveau et, d'un large mouvement circulaire de sa hache, fit voler l'épée de son adversaire très haut, à la verticale. Il envisagea un instant de sourire de triomphe, mais il se ravisa en voyant que le sourire s'étalait non pas sur son visage, mais sur celui qu'il fixait intensément.

Désarmé, le garçon changea alors de posture. Il écarta un peu plus les jambes, les fléchit davantage, colla ses poignets ensemble de façon à former une coupe avec ses mains. Il porta ensuite ses bras vers l'arrière, pointant vers le sol et commença son incantation :

- KA... ME... HA... ME...

Après les quelques secondes qu'il avait fallut au Zakarumite pour se remettre de sa surprise, il décida de repasser à l'assaut. Malheureusement pour lui, l'incantation prit fin.

- HA !

Le garçon replaça enfin ses mains devant lui, libérant le flot d'énergie qui vint geler son adversaire sur place, dans une position de charge.
Le silence revint, troublé uniquement par le martèlement de la pluie et un sifflement de quelque chose qui fendait l'air.

L'épée de Pierrick retomba sur la statue de glace et la fit littéralement exploser. Satisfait, le garçon ramassa sa lame et se tourna vers ses amis dont certains affichaient une moue dubitative.

- Bob pas t'apprendre à te battre comme ça !

- Bah, s'excusa Pierrick, c'était juste pour rigoler un peu...

- Et tu peux m'expliquer d'où sortent ces nouvelles composantes verbales et gestuelles pour un épieu de glace ? demanda Jamila d'un air sévère.

- Euh... Petit trip perso, désolé...

- Mouais... Va falloir appliquer plus rigoureusement nos leçons.

- Oui, bon d'accord, la prochaine fois je le tue vite fait, bien fait, mais ce sera moins marrant...

Le groupe continua d'avancer jusqu'à arriver en vue d'un temple à l'allure sinistre.

- Hébus, appela Bob. Toi venir là.

Le Troll obéit et le barbare lui souffla quelques mots à l'oreille. Une fois leur discussion finie, ils repartirent en riant.

Nos aventuriers entrèrent dans le temple, ne discernant d'abord rien à cause de la pénombre. Puis, petit à petit, se découpèrent dans l'obscurité des yeux brillants d'une lueur malfaisante. Jamila envoya une boule de feu pour éclairer la pièce, dévoilant ainsi des monstres mi-humains, mi-démons. Leur corps était séparé en deux verticalement, des écailles rouges recouvrant la partie gauche, alors qu'une peau humaine était restée sur le côté droit.

Ils approchaient dangereusement lorsque le Troll et le barbare se jetèrent un regard complice. Ils sautèrent alors tous les deux en hurlant :

- POOOOGOOOOOOOOO !!!!! (1)

La secousse libérée par leur atterrissage projeta tout le monde au sol, sans distinguer amis ou ennemis. Seule Séraphine fut assez agile pour éviter de tomber. Sautant d'un pied sur l'autre pour garder son équilibre, elle progressa doucement vers le premier membre du conseil, ajustant ses griffes, alors que les deux masses continuaient de sauter partout.

Le monstre tentait sans succès de se relever, mais chaque nouvelle secousse le renvoyait gesticuler dans un coin comme une larve. La terreur se déploya dans ses yeux alors que la griffe de l'assassin lui tranchait la gorge. Trois de ses congénères subirent le même sort, sans pouvoir résister plus que lui.

Alors que Séraphine abattait ses armes pour la cinquième fois, l'une d'elles se brisa sur la peau de sa victime. L'assassin prit du recul pour évaluer la situation. Il restait trois monstres. Autant s'occuper des deux autres et laisser le plus résistant pour la fin. Elle s'écarta donc de sa cible pour jeter son dévolu sur une autre. Mal lui en prit. La secousse suivante fut si puissante que le membre du conseil libéra une salve d'éclairs brûlants qui vinrent frapper Séraphine dans l'estomac, lui coupant le souffle.

N'ayant rien vu, Bob et Hébus continuèrent de sauter en hurlant et riant de toutes leurs forces.

En tombant lors du premier saut, Pierrick s'était cogné la tête contre une colonne et avait perdu connaissance. Lili avait lâché ses javelots qui avaient roulé loin d'elle. Le hammerdin avait laissé tomber un sac rempli d'une centaine d'oreilles humaines et s'efforçait de les ramasser toutes alors que chaque choc les faisait retomber. Le Fléau s'était mordu sa grande langue de chien et était redevenu humain à force de perdre du sang. La Mort dans tes Os avait vidé toute sa mana en réinvoquant son golem plusieurs fois, il gisait épuisé.

Séraphine continuait d'encaisser les éclairs, perdant un peu plus de sa vitalité à chaque coup. Elle avait d'abord cherché une aide quelconque autour d'elle, mais la douleur était trop forte. Elle s'était ensuite maudite d'être athée, elle ne pouvait compter sur le soutient d'aucun dieu pour l'aider. Finalement, elle s'était résignée à mourir. Après tout, elle avait apporté la mort bien des fois, il était logique que son tour arrive enfin.

Alors qu'elle allait fermer les yeux, n'espérant plus les rouvrir, une forte chaleur la rappela à la réalité. Elle souleva lentement ses paupières pour voir le monstre se tordre de douleur dans un mur de flammes. Épuisée, elle ne chercha pas à comprendre et s'évanouie, sachant toutefois qu'elle ne mourrait pas aujourd'hui.

Jamila s'était servi de sa téléportation pour apparaître hors de la portée des chocs sismiques, gardant néanmoins en vue ses ennemis. C'est ainsi qu'elle avait pu sauver Séraphine.

Mais son travail n'était pas fini. Il restait encore deux monstres vivants. S'ils ne mouraient pas, la mission ne serait pas accomplie, car ils devaient détruire totalement le Grand Conseil. Un autre mur de feu tua un des deux membres restants, mais le dernier ne parut pas affecté, bien qu'il ne pût pas se lever à cause des bonds.

C'est le moment que choisit Bob pour s'arrêter. Portant les deux mains à son crâne, il s'assit. Voyant son partenaire affaiblit, Hébus stoppa aussi et vint le voir.

- Bah pourquoi tu t'arrêtes ?

- Bob mal à la tête. Bob sauter trop haut, cogner tête au plafond.

C'est ce moment que le membre du conseil mit à profit pour attaquer. Hébus ressentit vaguement un petit picotement au niveau de la cuisse. Il baissa les yeux pour voir un monstre à moitié assommé (limite avec les étoiles autour de la tête) ne sachant plus ce qu'il faisait là.

- Tiens, s'étonna le Troll, c'est quoi ça ? Ça doit se manger !

Attrapant le pauvre démon par la tête, Hébus mordit dedans, faisant gicler du sang un peu partout. De sa main libre, il essuya ce qui coulait sur son menton avant de déclarer, la bouche pleine :

- Miam ! Ch'est vachement bon che nouveau truc !

Séraphine se relevait avec peine, ayant bu une potion que lui avait donné Lili après l'arrêt des secousses.

- Mais... balbutia-t-elle. Il était insensible aux blessures... !

- Ah oui ? Cha veut dire quoi ?

- Bah... Normalement... Enfin... On peut pas le frapper avec des dégâts physiques...

- Boarf, ch'est délichieux quand même !

Il fallut bien une demi-heure pour que notre groupe récupère totalement (et que Hébus finisse de manger tous les cadavres). Demi-heure au terme de laquelle Pierrick s'inquiéta :

- Mais... Le fléau est là...

- Ouaf !

- Non, non, pas toi druide. Le fléau qu'on doit trouver. Mais par contre on s'est dépêché jusqu'ici sans ramasser les autres parties du corps ! C'est à qui que Cain a donné la quête ?

- À moi, répondit Lili. Mais il voulait qu'on ramasse des trucs dégoûtants, un coeur et un cerveau je crois...

- Et un oeil ! Mais sans ça on peut pas passer là-bas ! il désignait l'autel couvert de sang.

Hébus s'approcha de l'autel pour l'examiner. Il passa un grand coup de langue dessus et savoura le sang quelques instants, puis il dit :

- Par où tu veux passer gamin ? Y'a rien d'autre qu'un petit casse-croûte ici.

- Oui, répliqua calmement le garçon, mais tu vois l'orbe là ? Avec le fléau assemblé, non, pas toi druide ! On doit la détruire. Une fois détruite, ça libère des escaliers sous l'autel.

- Bah casse la comme ça, ça a pas l'air bien solide...

- Ah... Regarde, va !

Pierrick leva son épée et frappa l'orbe. La lame fut repoussée par un champ de force invisible.

- Voilà, conclus le garçon, tu vois ? On peut pas.

- Hmm... Tu sais faire de la glace toi maintenant, non ?

- Euh... Oui, mais je vois pas le rap...

- Alors viens ici et gèle moi tout ça ! le coupa Hébus en montrant l'autel.

- Mais...

- Discute pas, j'ai une idée !

- Comme tu veux...

Pierrick s'approcha du Troll et, sans faire de grands gestes inutiles, il lança un souffle de glace sur l'autel qui obtint ainsi une belle couleur bleutée.

- Et maintenant ? demanda-t-il.

- Regarde ce qu'un Troll sait faire. Huk ! Huk ! Huk !

Hébus leva son énorme poing et l'abattit de toutes ses forces sur le bloc de glace, traversant au passage le sol et libérant un escalier sombre. En ricanant, il s'avança alors que le reste du groupe restait bouche bée.

- Ah oui, c'est sûr... Si on voit les choses comme ça... Mais sous un autre angle c'est vrai que... Enfin bon, va falloir y aller, quoi...

Alors que tout le monde commençait à suivre Hébus, Jamila s'arrêta :

- Pierrick, commença-t-elle. Une fois en bas, après avoir tué Mephisto, on va se retrouver dans la Forteresse de Pandémonium, pas vrai ?

- Normalement oui, pourquoi ? répondit Pierrick alors que le paladin s'était aussi arrêté en entendant le Pandémonium.

- Donc... Tyrael va vouloir te renvoyer chez toi, non ?

- Oh... Ben en fait... Il aurait voulu que je parte le plus tôt possible, mais je lui ai dit que je resterais jusqu'à la fin.

- Tu lui as « dit » ? intervint Hammerdin_PK.

- Bah oui... pourquoi ?

- On ne « dit » pas une chose à un archange ! On lui demande, l'implore ! Et si par bonheur il accède à notre requête, on le remercie infiniment ! Qu'est-ce qu'il t'a répondu ?

- Maintenant que t'en parles, il avait plutôt l'air soulagé que je veuille rester... C'est bizarre, non ?

- Soulagé, tu dis ? Dans ce cas et à moins que tu ne l'ais mal interprété, il doit avoir des projets pour toi dans Sanctuary.

- Quoi ?

- Oui, et le fait qu'il te demande si tu veux partir était un premier test...

- Mais... reprit Jamila. Pourquoi il voudrait ça ? Je veux dire, est-ce qu'il a une raison particulière ?

- Je ne suis pas au courant de ce qui se trame en haut lieu, demoiselle, répondit le paladin avec une courbette. Mais à présent, nous ferions mieux d'y aller, ou nos fiers amis auront défait Méphisto avant que nous n'arrivions.

Il descendit donc, suivit de Pierrick, puis de Jamila. Leur groupe n'était plus en vue, mais sa trace était facile à suivre au vu des nombreux cadavres qui jonchaient le sol et dont certains - les plus gros - avaient un bras en moins. On pouvait se rendre compte, après examen approfondi (mouchoir en papier sous le nez à cause de l'odeur), que des marques de dents aiguisées se dessinaient autour de la blessure.

- Pierrick, fit la sorcière alors qu'ils avançaient, pourquoi tu as dit à Tyrael que tu voulais rester ?

- C'est une vraie question ou c'est une blague ?

Le silence qui lui répondit était assez éloquent pour qu'il comprenne et continue :

- Parce que tu es là. Si j'étais parti, je t'aurais plus revue. Et ça je préférerais pas que ça arrive... Et puis je me suis souvenu de ce que tu m'as dit au camp des Rogues. Je vous ai promis de vous aider à tuer Diablo, pas vrai ?

Ils s'étaient arrêtés tous les deux. Comprenant qu'il était en trop, Hammerdin_PK continua d'avancer, utilisant son aura de vigueur pour gêner le moins longtemps possible.

Jamila se rapprocha de Pierrick jusqu'à ce que leurs corps se touchent. Elle nicha sa tête dans le cou du garçon alors qu'il l'enlaçait. Nul n'était besoin de mots pour qu'ils se comprennent. Ils restèrent donc ainsi quelques minutes avant de repartir, à moitié rassérénés, à moitié anxieux en sachant pertinemment que le jour de leur séparation arriverait tôt ou tard.

_______________


Plusieurs dizaines de monstres avaient succombés à l'imposante massue qui ne laissait rien à achever derrière elle. À présent, son propriétaire sentait qu'il arrivait enfin au bout du chemin. Pour beaucoup de guerriers, cette expression signifie la fin de la carrière, autrement dit : la mort. Pour Hébus il en était tout autrement. Tout simplement, cela voulait dire que bientôt il n'aurait plus de monstres à tuer. Il aurait alors droit à une pause dont la longueur variait de trente secondes à plusieurs mois.

Par deux fois déjà, dans cet acte, ils avaient dû descendre des escaliers. Et en voilà un troisième qui se dressait à leurs pieds ! Effaré par ce manque de commodité (ils auraient pu mettre un ascenseur qui emmène directement jusqu'au niveau trois), le Troll poussa un grognement à faire trembler Diablo lui-même.

Des bruits de pas précipités se firent entendre derrière lui. Il tourna vivement la tête pour voir Jamila et Pierrick arriver en courrant.

- Hébus... Bob... fit Pierrick, essoufflé. Pas de pogo en bas, hein ?

- Pourquoi ?

- On est au moins dix mètres en dessous du sol, si tout s'effondre on aura des petits problèmes !

- Bon, d'accord. Alors on y va ?

Les escaliers furent finalement descendus (à grands renforts de soupirs et grognements). En bas, tout était sombre dans la première pièce, et rien n'indiquait que des monstres fussent présents. Cependant, des bruits venaient de la pièce adjacente. Lorsque nos amis, menés par Hébus, arrivèrent à l'origine de ces bruits, une mêlée s'ensuivit. Les mêmes types de membres du conseil qu'à Travincal étaient réunis ici. Malheureusement pour eux, le combat était cette fois mené par toute l'équipe ou presque. Ils n'avaient pas l'ombre d'une chance...

Ce n'est qu'une fois le massacre fini que le nécromancien souffla :

- Bien, à Méphisto maintenant...

- Mais... murmura Jamila. Où est Pierrick ?

Avant que quiconque ne réponde, un rire démoniaque leur parvint :

- Hahahahahahaha ! Vous arrivez trop tard ! Mes frères vous ont échappé !

Un ricanement, humain, cette fois, lui répondit :

- Qui parle de tes frères ? C'est toi que je veux, Démon !


(1) spéciale dédicace à Yoda pour les inoubliables pogos avec son lapin :p
Tremblant d'impatience, le sang bouillant dans ses veines, Pierrick avait couru alors que ses compagnons se battaient. D'un saut, il était passé au-dessus de la rivière de sang d'où s'échappait une odeur nauséabonde. Enfin, il se trouvait face à Méphisto, plus imposant que sur son écran. Chaque partie de son squelette semblait soudée aux autres, dans une impression d'indestructibilité. Il ne possédait pas de jambes, sa colonne vertébrale flottait à un mètre au-dessus du sol dans un nuage brumeux. Sur son front se dressaient deux cornes osseuses.

Figé d'horreur, Pierrick fut sorti de sa stupeur par le rire démoniaque :

- Hahahahaha ! Vous arrivez trop tard ! Mes frères vous ont échappé !

Avalant sa salive difficilement, le garçon garda la tête haute et, imprégnant son regard de toute la haine dont il était capable, il laissa échapper un petit ricanement avant de répliquer d'une voix tremblant légèrement :

- Qui parle de tes frères ? C'est toi que je veux, Démon !

Il avait appuyé ce dernier mot de toute sa rage en dégainant son épée.

Il resta un moment sans réussir à prendre l'initiative, impuissant face au démon qui le jaugeait du regard.

- Je vois, reprit celui-ci. Tu es cet humain qui a fuit devant Andarielle, n'est-ce pas ?

Pierrick ne répondit pas, tous les muscles de son corps crispés, en attente du signal qui leur permettrait de le lancer à l'assaut de Méphisto.

- Tu n'étais pas de taille à affronter une démone mineure, qu'en est-il de moi ? Le démon majeur créé par le Chaos lui-même ? Ton sang ira abreuver mes sbires !

Ce ton si sûr que Méphisto arborait à ce propos fit reprendre courage à Pierrick.

- Tes gardiens sont morts, mes amis vont arriver d'ici peu, répondit-il d'une voix qu'il voulait calme.

- Alors encore une fois tu vas t'effacer pour laisser tes amis te battre pour toi ? Tu es exactement comme on me l'avait décrit : lâche. Tu as peur de te battre, peur de mourir... Alors laisse donc tes amis venir à ma rencontre...

Une expression de victoire naissait dans le regard du démon, sa voix devenait de plus en plus puissante, chaque mot frappant plus durement son adversaire immobile.

De son côté, Pierrick tremblait. La haine que lui inspirait Méphisto ne cessait de croître.

- Laisse tes amis se battre pour toi, et laisse les mourir... Je prendrai spécialement plaisir à dévorer les entrailles de la jeune ensorceleuse !

Le démon exultait. Il avait pu lire dans les pensées du jeune garçon comme dans un livre. Et ce qu'il attendait depuis le début de leur rencontre arriva : Pierrick perdit son sang froid.

- Ne t'approche pas d'elle ! hurla-t-il en se jetant sur son adversaire, l'épée haute.

En courant, il abattit sa lame vers le crâne entouré d'une aura blafarde. Dans un ricanement, Méphisto stoppa la pointe de métal entre ses doigts squelettiques.

- Tu es trop faible... murmura le démon en soufflant son haleine empoisonnée dans le visage de Pierrick avant de le projeter au loin, envoyant son épée d'un autre côté.

Suffocant, notre héros poussait désespérément sur ses bras pour se relever, en vain. Il réalisa, alors qu'il avait de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, que le monstre l'avait empoisonné. Connaissant les attaques de Méphisto, il avait prévu, en partant de Kurast, deux potions d'un liquide vert. Il en détacha une de sa ceinture d'une main tremblante et en avala le contenu cul sec. Il manqua d'en recracher la moitié tellement c'était mauvais, mais tint le coup.

Pierrick se releva en toussant un peu et chercha son arme du regard. Le démon était placé sur la trajectoire qu'il lui fallait suivre pour la récupérer. Tant pis, il était temps de montrer que les leçons de Jamila avaient aussi servi à lui enseigner la magie.

L'orbe de glace était mal maîtrisée, Pierrick ne voulait donc s'en servir qu'en dernier recours. Par contre, il utilisait très convenablement l'épieu de glace. Il doutait cependant (après avoir fait des milliers de mephruns avec une sorc blizzard) de leur efficacité sur Méphisto.

Son sortilège fut effacé d'un revers de main squelettique.

Il enrageait de ne rien pouvoir faire. Il pouvait voir son épée derrière Méphisto. Mais, même en admettant qu'il la récupère, elle ne serait d'aucune aide. Il serait donc obligé de laisser la place à ses amis, encore une fois... Non ! Au fond de lui il voulait prouver qu'il valait plus que ça !

Voyant son adversaire encore immobile et en proie à une délibération intérieure, Méphisto décida d'envoyer une sphère de glace.

Il était trop tard pour que Pierrick esquive le sort. Il plaça ses mains devant lui, les paumes vers le démon, fléchit les jambes pour baisser son centre de gravité et être plus stable.

L'orbe vint le frapper, le faisant glisser de plusieurs centimètres en arrière. Pierrick referma ses doigts dessus et concentra son énergie pour la repousser.

Des gouttes de sueur commençaient à couler alors qu'il glissait toujours. Il projeta toute son énergie avec une puissance telle qu'il ne l'avait encore libérée qu'une seule fois, le jour où il avait tenté de créer une orbe de glace.

Cette fois-là, il s'entraînait en dehors de Kurast avec Jamila. Elle l'avait trouvé assez doué pour tenter cette expérience. Tous deux avaient été blessés par les traits de glace créés et avaient décidé d'un commun accord (après avoir bu une potion ambrée de dégel) de ne plus utiliser ce sort avant d'être sûr de le maîtriser parfaitement.

Pierrick avait fermé les yeux devant sa décharge d'énergie, il les rouvrit en pensant voir son ennemi glacé sur place. Quel ne fut pas son dépit quand il vit que ce qu'il avait prit pour un formidable renvoi de sort n'avait réussi qu'à faire annihiler les effets des deux sortilèges.

Essoufflé, il essuya les gouttes de transpiration qui lui coulaient dans les yeux. Il vit alors arriver ses amis de l'autre côté de la rivière de sang. Alors qu'ils se préparaient à la franchir, Pierrick leur cria :

- Laissez-le ! Il est à moi !

Devant sa détermination, chacun se retint et resta en retrait.

Pierrick eut une inspiration. Il se mit à courir vers Méphisto qui tendit les bras pour l'attraper. L'interruption causée par le groupe l'avait déconnecté de l'esprit de Pierrick et il ne pouvait pas lire son intention dans l'immédiat.

Au dernier moment, le garçon plongea par terre, fermant les yeux et retenant sa respiration, il roula sous le démon, traversant le brouillard glacé qui l'entourait.

Les quelques secondes que dura cette traversée lui parurent plusieurs éternités tant le froid était intense. Puis, d'un seul coup, tout fut fini. Il put rouvrir les yeux, la chaleur relative était revenue. Son corps continua de rouler jusqu'à son épée qu'il ramassa avant de se relever.

Méphisto s'était déjà retourné et lançait une salve d'éclairs. Une dizaine de boules électriques arrivaient vers Pierrick encore déséquilibré par le fait d'avoir roulé.

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Les guerriers tenaient encore la palissade nord qui faisait face au Mont Areat. Altor criait des ordres à son bataillon. Un messager arriva vers lui :

- Vous m'avez demandé, mon Lieutenant ?

- Oui ! répondit Altor en hurlant pour couvrir le bruit du combat. A-t-on des nouvelles du Capitaine Thann ?

- Non mon Lieutenant. Il est parti avec la délégation il y a trois jours pour renvoyer Baal dans son enfer et n'est pas encore revenu !

- Cela fait justement trois jours que Baal envoie ses légions contre nos murs ! Ordonne aux soldats de la palissade est, ceux que commande Thann habituellement, de ne céder du terrain pour rien au monde. Qu'ils se battent pour leurs amis, pour leurs épouses et leurs enfants ! Qu'ils se battent pour Harrogath ! Les démons ne doivent pas passer !

- Bien mon Lieutenant !

Le messager partit sur le champ et Altor reprit le combat. Du pied il repoussa une échelle qui venait d'être posée, écrasant une dizaine de monstres en contrebas.

Il regarda autour de lui. Ses hommes se battaient de toutes leurs forces mais les démons étaient encore plus nombreux. L'énergie du désespoir n'était pas assez puissante pour remporter une guerre...

Un éclat attira son regard au loin. Un attroupement de monstre se tenait à une centaine de mètres de la palissade. Intrigué, Altor demanda sa longue-vue. Le temps qu'on la lui apporte, il avait sorti son arc et tué cinq démons qui tentaient de replacer leur échelle.

Il pointa sa longue vue vers l'attroupement et vit un guerrier, seul, maniant son épée avec une fluidité quasi-divine. Aucun de ses ennemis ne semblait pouvoir s'approcher à moins d'un mètre de lui. Altor fit le point et put reconnaître son ami, le Capitaine Thann. Ses traits étaient tirés et son bras droit pendait sur son flanc. L'homme était ambidextre, cependant il fatiguait visiblement.

- Je veux cinquante hommes avec moi ! hurla Altor. Nous allons faire une sortie. Ouvrez les portes !

- Mon Lieutenant, intervinrent plusieurs hommes, vous êtes fous ! Vous allez...

- Le Capitaine Thann se bat seul contre cent démons là-bas ! répliqua Altor en désignant l'endroit qu'il avait observé. Celui qui s'opposera à son sauvetage sera exécuté de ma main !

Une rumeur parcourut les défenseurs :

- Le Capitaine Thann ? Vivant ?

Des hurlements de joie s'élevèrent des rangs des assiégés, provoquant de l'incompréhension chez les démons. Au lieu des cinquante volontaires demandés par Altor, cent se présentèrent. Les barbares sortirent en trombe de la cité, décimant tout sur leur passage, grâce à leur vigueur renouvelée par cette bonne nouvelle.

De son côté, Thann avait vu la charge de ses hommes et reprit son combat avec encore plus d'ardeur.

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Pierrick était épuisé, mais souriait. Il avait passé la plupart de son temps à esquiver les sorts où les attaques de son adversaire et avait souvent été forcé de boire une potion rouge ou bleue pour ne pas s'évanouir, mais il était toujours en vie, et encouragé par ses amis. C'était plus que ce à quoi il s'était attendu.

À sa ceinture, il ne restait plus que deux potions. L'une violette et l'autre orangée.

Il n'avait pas tenté de nouvel assaut à l'épée jusque là, il se dit donc qu'il était peut-être temps de réessayer.

Tendant la main gauche vers le démon, il chargea le plus puissant épieu de glace dont il était capable et le projeta de toute sa puissance.

Comme précédemment, les mains osseuses l'arrêtèrent mais, en écartant les bras pour voir son adversaire, Méphisto se rendit compte trop tard que celui-ci courait vers lui l'épée haute.

Une clavicule et deux cotes sautèrent avant que Pierrick ne reculât à nouveau hors de portée du démon.

Le jeune garçon lança son épée vers son adversaire dans l'espoir de renouveler sa ruse. Méphisto la repoussa du bras droit mais, s'attendant à une nouvelle traîtrise, il lança plusieurs boules d'éclairs à l'aveuglette.

Pierrick le réalisa trop tard mais encaissa la charge en tentant de toutes ses forces de ne pas perdre conscience. Il sauta en portant une main à sa ceinture pour en décrocher, les yeux fermés, la potion orangée. De l'autre main et des pieds, il s'accrocha désespérément au corps de Méphisto. Avec son pouce, il déboucha la potion pour en verser le contenu dans le trou causé par sa lame quelques instants plus tôt. Il se décrocha alors et fut repoussé par les bras d'une force monstrueuse.

Glissant sur le dos, il attrapa sa dernière potion et sourit en la voyant. Il ne s'était pas trompé, c'était bien la violette qu'il avait gardée. Il avala toute la substance qui avait bien meilleur goût que l'antidote et se sentit régénéré.

Il regarda calmement le liquide orange enduire tous les os de la cage thoracique de Méphisto avant de se mettre à crépiter.

Le vieil Alkor lui avait fournit une potion explosive en disant qu'elle pourrait être efficace. Le résultat se trouvait face à lui. Il se protégea le visage de ses bras lorsque l'explosion eut lieu.

Le corps du démon n'était plus qu'un squelette immobile gisant sur le sol de la prison de la haine.

Une bouffée de joie le submergea alors qu'il se retournait vers ses amis, s'attendant à voir les sourires sur tous leurs visages. Au contraire, des expression horrifiées lui faisaient face, Jamila avait porté une main à sa bouche et l'autre en direction de ce qui se passait derrière Pierrick.

Le garçon se retourna juste à temps pour voir Méphisto lancer un éclair avec ses mains encore rattachées à son corps par quelques os.

La rage submergea Pierrick si vite qu'il fut à peine conscient de porter ses mains en avant en libérant son énergie. Une immense barrière de glace se forma tout autour de lui, absorbant l'éclair comme s'il n'avait jamais existé. Son bouclier tomba presque aussitôt, laissant passer une orbe de près d'un mètre de diamètre, projetant des traits de glace qui, après avoir quitté l'orbe, se guidaient automatiquement vers Méphisto. Lorsque la sphère arriva sur le démon, celui-ci explosa littéralement en milliers de morceaux de glace.

Pierrick s'effondra alors, épuisé.

Alors, tous ses amis, galvanisés par sa prestation, se précipitèrent vers lui avec des potions pour le réveiller (ou des baffes, de la part de notre Troll). Le paladin se mit à prier pour le réveil du garçon tant et si bien que seules quelques minutes leur furent nécessaires pour le remettre sur pieds.

Aucun mot n'était assez fort pour exprimer les félicitations dont chacun voulait lui faire part. Si bien que seul le son provoqué par le portail s'ouvrant derrière eux put les tirer de ce rassemblement.

Chacun prit emprunta alors ce passage pour le Paradis.

Pierrick resta un moment seul, assis par terre, ayant fait signe aux autres de partir devant lui, pour reprendre totalement ses esprits. Quand il se releva enfin, il chancela un peu avant de reprendre de l'assurance et de passer le portail.

Tout était blanc et éblouissant comparé à la prison de la Haine dont il sortait. Ses amis étaient rassemblés autour de l'Archange Tyrael, équipé de son armure dorée et de son épée divine, qui finissait de leur parler.

- Voici donc le jeune garçon qui a détruit Méphisto, seigneur de la Haine ? résonna sa voix de stentor. Il semblerait que je t'aie sous-estimé. Cependant il est encore temps pour toi de rentrer dans ton monde.

Se souvenant des paroles de Hammerdin_PK, Pierrick prit une inspiration avant de répondre calmement :

- Je n'ai ni votre puissance, ni votre sagesse, Tyrael... Mais je resterai seul maître de mes actes, et donc seul à blâmer dans le cas où ils s'avèreraient mauvais... Je resterai jusqu'à ce que Baal tombe.
- Thann ! s'écriait Altor. C'était complètement déraisonné ! Une percée, seul ! Même toi tu n'aurais pas eu une chance si nous ne t'avions pas remarqué ! Depuis le temps que je te connais, j'aurais pensé que tu avais un peu plus de jugeote que ça !

Cela faisait plusieurs minutes que Altor se déchaînait verbalement contre son capitaine et ami, alité dans une des chambres qui servaient à Malah pour les blessés. Un bras bandé, Thann subissait sans rien dire, laissant même apparaître un sourire. Altor ne s'arrêta pas tout de suite :

- Je t'avais déjà mis en garde contre le fait de partir avec cette délégation, mais tu n'en as fait qu'à ta tête ! Quand, par miracle, tu as réussi à échapper à Baal en personne, au lieu de rester caché calmement, tu sors au grand jour, au milieu des hordes de démons qui se déchaînent contre nos murs !... Pourquoi souris-tu ?

- Depuis six mois que j'ai été nommé Capitaine, c'est la première fois que tu reprends tes anciennes habitudes en me tutoyant et m'appelant par mon prénom. Ça me fait plaisir...

- Tu trouves encore le moyen de plaisanter !...

- Arrête, Altor ! Thann avait légèrement élevé la voix, mettant ainsi un terme à cet affront. Bien, reprit-il. Tu as parfaitement raison. J'aurais dû rester caché, mais ceci m'en a empêché.

Il étira son bras valide vers sa table de chevet pour en tirer un morceau de papier qui avait visiblement subi les intempéries depuis plusieurs jours. Il tendit le message à son Lieutenant qui le déplia en faisant attention à ne pas le déchirer. Il lut à haute voix avec quelques difficultés dues à la pluie qui avait en partie effacé l'écriture :

- « Diablo a libéré Baal. Nous sommes à sa poursuite ».

- Regarde la signature, le pressa Thann.

- C'est signé... Jamila ?

- Exact ! J'ai trouvé le corbeau qui le portait par hasard. Il était vidé d'énergie et a disparu peu de temps après que j'ai détaché le message.

- Mais alors... Elvan ?

Il y avait une faible lueur d'espoir dans les yeux de Altor, qui disparut rapidement alors que Thann secouait négativement la tête :

- Non. Ce n'était pas un corbeau d'Elvan. Pas le même style...

- Je vois...

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- « Trouvez Izual et délivrez-le du démon qui a enfermé son esprit » ! s'insurgea Pierrick. Facile à dire !

Depuis deux heures ils arpentaient les plaines qui s'étendaient entre le Pandémonium et l'Enfer.

- Non, je veux dire, ça aurait pu être un truc style « Trouvez une pizzeria, achetez-moi une glace italienne et rapportez-la d'ici deux tiers de seconde » ! Au moins ça aurait pu être réalisable !

- T'arrêtes un peu de te plaindre des fois ? demanda le paladin, exaspéré.

- Oui, tu soules un peu, là, renchérit le nécromancien.

- Oh vous ça va ! C'est pas comme si ça vous dérangeait ! D'un côté on a le paradis pour le paladin et l'Enfer pour le nécro ! Et moi ? Rien ! Et en plus ça fait mal aux pieds ces bottes métalliques, qui a pris mes baskets ?

Alors qu'il continuait de se plaindre, Séraphine et Lili se firent des signes en silence, dans son dos. L'assassin prononça alors d'imperceptibles mots magiques et un voile tomba devant les yeux de Pierrick qui continua de plus belle :

- Et en plus la nuit tombe ! C'est possible ici ? Comment ça ce fait ? Y'a même pas de soleil pour se coucher ou se lever et... Aïe !

Ce fut la fin des longues plaintes du jeune garçon. D'un claque bien placée (comme il savait si bien les donner), Hébus l'avait assommé, attrapé, bâillonné et posé sur son épaule en sifflotant.

- Enfin ! s'écria le druide. Sa victoire sur Méphisto lui est montée à la tête !

- Oui, approuva Bob. Lui chiant ! Pas toucher Diablo, sinon lui encore plus insupportable !

- Jamila, appela le paladin (qui ne la vouvoyait et appelait « mademoiselle » que lorsqu'il voulait la draguer), vu que c'est toi qui t'occupes le plus souvent de son... entraînement, tâche donc de lui inculquer un peu d'humilité.

- Je veux bien, répondit l'intéressée d'une voix peu convaincue, mais après l'orbe de glace qu'il a créée contre Méphisto, je peux rien lui dire. J'ai appris la magie des plus grands mages, et je ne suis pas certaine qu'aucun d'entre eux ait pu créer un sort aussi puissant.

- Je suis d'accord sur son mérite là-dessus, intervint Lili, mais il n'en reste pas moins un peu trop orgueilleux. Tu te souviens au début, quand on venait de le rencontrer ? Il redevient pareil !

- C'est pas vraiment de ma faute, se défendit l'ensorceleuse.

- Je veux bien l'admettre, répondit le druide. Mais c'est vrai qu'il faudrait faire quelque chose.

- Boarf, fit Hébus. Quelques petites baffes bien placées et ce sera bon ! Huk ! Huk ! Huk !

Un bruit démoniaque interrompit leur si intéressante conversation (je dois dire que ça m'arrange un peu aussi parce que je commençais à trouver ça chiant).

- Salut les gars, ça vous dirait de faire la quête vite fait ? fit la voix.

- Euh... T'es qui toi ? demanda le Troll en découvrant ses dents.

- (encore des noobs) Bah je suis Izual, tu sais ? Celui qui t'apporte plus deux skills quand tu le tues !

- Attend, bouge pas.

Hébus se retourna vers ses amis et chuchota :

- C'est un certain « Izual », vous connaissez ?

- Euh... commença Séraphine en sortant un livret qu'elle feuilleta. Comment tu dis ? Izual ? C'est dans les I, ça... Ignée... Introuvable, c'est qui ça ? Ah oui, je me souviens, mais c'est pas ce que je veux. Ivan... Ah ! Izual ! Il veut quoi ?


- Euh... Il dit que c'est la quête.

- Celle que Tyrael nous a donnée ? demanda Hammerdin_PK. Il propose quoi en échange, déjà ?

- Bah il a parlé de plus deux skills...

- Plus deux ??!!! s'écria Jamila. Cool ! Et faut faire quoi pour les avoir ?

- Attend, je lui demande.

Le Troll se retourna vers Izual qui faisait la tête pour avoir été laissé de côté :

- Faut faire quoi pour avoir les skills ?

- Je te l'ai déjà dit (mais quels noobs, franchement, ce serait même possible que je les tue !) faut me tuer.

- Ah bah c'est cool ça alors ! Eh les gars, il faut le tuer !

- Cool (bel ensemble) !

- Eh, intervint le nécro. Mais si on réveille pas Pierrick, il aura pas le bonus, non ?

- Ah tiens, c'est vrai ça... réfléchit Hébus. Bon, je le réveille.

D'une bonne claque à vous en décrocher la tête, il réveilla Pierrick qui se releva sous le choc.

- Dis, Hébus, reprit le La Mort dans tes Os. Tu lui avais donné une baffe pour l'endormir, non ?

- Oui, pourquoi ?

- Et une autre baffe pour le réveiller ?

- Ah là là ! On voit bien que t'es pas un connaisseur, toi ! Il faut bien voir la différence entre les claques « pourendormir » et les claques « pouréveiller » comme on les appelle chez nous.

- Euh, intervint le jeune garçon encore sonné. Je suis où là ?

- On t'a réveillé pour que tu profites du bonus de quête contre Izual, répondit Séraphine, mais si tu recommences comme tout à l'heure, on te rendors !

Pierrick jeta un regard interrogateur à Jamila qui se contenta de hausser les épaules.

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Bon, je vais essayer de redevenir sérieux, parce que ça peut durer qu'un temps ce genre d'écriture et je suis même pas sûr de l'efficacité.

Izual se déplaça un peu sur le côté pour voir ce à quoi ses ennemis étaient occupés. Il ressentait une certaine affiliation avec quelqu'un, ou quelque chose qui se trouvait caché par la masse imposante du Troll.

Lorsque la vue fut enfin dégagée, ses yeux tombèrent sur Pierrick. Le démon en resta bouche bée. Cette attitude, cette aura, ce comportement, tout cela lui rappelait quelque chose.

Dans son esprit, les pensées tourbillonnaient. Ses souvenirs devenaient de moins en moins confus. Il avait été Archange, longtemps auparavant. Il avait servi Tyrael. Mais avant cela...C'était une période de sa vie depuis longtemps oubliée, mais la vue de ce garçon la lui avait rappelée.

Le coup arriva étrangement lentement. Le Troll qui lui faisait face attaquait, mais il semblait à Izual qu'il aurait pu éviter la massue une dizaine de fois avant qu'elle ne frappe. Cependant il n'en fit rien. Ce corps était trop lourd, trop imposant pour ses nouveaux projets.

La puissance de Hébus décapita le corps démoniaque sur le champ.

- Bah ? s'étonna le Troll. Il avait l'air plus solide, pourtant ! Ah ? C'est quoi ça ?

Une myriade d'étincelles d'une blancheur divine sortait du cou dépourvu de tête. Bientôt, une forme fantomatique qui rappelait la forme de Tyrael, se matérialisa au dessus du cadavre.

Enchanté, Hébus se jeta à nouveau sur lui, la massue haute, mais ne rencontra que le vide. Izual avait esquivé le coup avec autant de grâce que de rapidité. Hébus tenta un autre assaut mais fut retenu à la fois par tous les membres de l'équipe.

- Arrête, l'interpella le Paladin. Tyrael a bien dit qu'on devait juste tuer le démon, pas l'archange qu'il redevient après !

- Ah, c'est pour ça que ma massue le touche pas ?

- Mortels, le coupa Izual. Sa voix était semblable à celle de Tyrael, pourtant elle semblait plus ancienne. Peu importe ce que l'on vous a dit de moi ou ce que vous voulez. Une seule personne dans votre groupe m'intéresse...

À ces mots, un rai de lumière jaillit de ses mains pour écarter le groupe et laisser Pierrick isolé.

- Qui es-tu... questionna l'archange.

- Je suis... Pierrick... répondit le garçon, intimidé.

- Tu n'es pas de ce monde. D'où viens-tu ?

- Je... ça s'appelle la Terre...

- La Terre... As-tu vu le Paradis, là d'où tu viens ?

- Le... Paradis ? En fait, je suis athée... Et puis même, il paraît qu'il faut mourir pour aller au Paradis...

- Alors le Paradis sur Terre n'existe plus...

Izual resta pensif quelques instants avant de reprendre :

- Nous nous reverrons, jeune terrien. Alors, tu me craindras !

Une fois sa réplique terminée, l'archange disparut si vite que presque tous les membres du groupes crurent à une téléportation, à part Bob (qui s'en foutait royalement) et Séraphine qui avait une vue assez aiguisée pour déceler le moindre mouvement.

- Euh... commença Pierrick. Qu'est-ce qu'il a voulu dire par « tu me craindras » ?

- Aucune idée, répondit Hammerdin_PK. Tu devrais demander à Tyrael. Tiens, voilà un TP.

L'épisode fut rapidement rapporté à Tyrael qui resta lui aussi pensif quelques instants avant de faire tomber le verdict :

- Ne vous souciez pas des divagations d'un archange déchu. J'ai eu tort de vous demander de libérer Izual. Rien de bon ne peut en sortir.

- Mais, intervint Pierrick. Qu'est-ce qu'il voulait dire à propos de moi ?

- Je te le répète, mortel, Izual est un archange déchu. Rien de ce qu'il t'a dit ne doit t'inquiéter.

- Ce que vous dites n'est pas cohérent !

Pierrick s'emportait un peu, ce qui eut pour effet de faire reculer ses compagnons.

- Pourquoi ne pas nous dire la vérité ? continua-t-il. Vous en savez plus que ça, Tyrael ! Vous savez exactement ce que Izual voulait dire ! Ça me concerne, bon sang !

Un instant, Pierrick vit une lueur briller sous le capuchon de l'archange. C'était soit du triomphe, soit de la colère. Quoi qu'il en soit, il décida de ne pas continuer l'altercation. Il tourna donc les talons, en colère et alla se poser dans un coin.

Il resta plusieurs minutes à ruminer sa fureur avant que Jamila ne vînt le rejoindre.

- Qu'est-ce qui t'a pris ? demanda-t-elle, à moitié effrayée, à moitié admirative.

- Il me tape sur les nerfs ! C'est un archange, il est sûr d'être plus puissant que nous tous ! On dit que je suis orgueilleux, c'est vrai, mais c'est rien comparé à Tyrael !

- Tu sais, je crois que tu devrais garder ça pour toi. Le fait est qu'il est puissant. Tu as vu Izual sous sa forme d'Archange ? Tyrael est encore plus fort, apparemment.

- Mouais...

- Allez, souris, Diablo n'est pas loin. Une fois qu'on l'aura battu...

Le regard de Jamila se perdit dans le vague.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Pierrick, à son tour. C'est le fait de te retrouver à Harrogath qui t'effraye ?

- Pas vraiment qui m'effraye mais... Non, laisse tomber...

Le silence régna quelques minutes avant qu'un bruit ne les fît sursauter. Plus loin, Tyrael venait de se matérialiser (apparemment il était parti alors que Pierrick boudait) et à côté de lui se tenait une silhouette connue, grise et courbée, appuyée sur un bâton noueux. Cain.

Alors que tout le monde accourait vers lui (ils l'avaient tous oublié à Kurast en passant le portail), le vieil Horadrim fut pris d'un léger rire :

- Je vois que l'Archange Tyrael a été plus prévoyant que vous, fit-il d'un air malicieux. Il m'a même fait faire un détour par la prison de la Haîne où, après m'avoir conté l'exploit de notre jeune ami (il désigna Pierrick), il m'a ramassé puis donné la Pierre d'âme de Méphisto.

- La Pierre d'âme... comment avons-nous pu oublier ?...

- Peu importe, peu importe... L'important est que vous allez à présent devoir la détruire aux forges infernales, sans quoi le Seigneur de la Haîne risquerait de revenir. Je dois aussi vous dire que, une fois Diablo tué, votre aventure ne sera pas encore proche de sa fin. Baal, qui vous a échappé dans le désert, se trouve en ce moment même sur le Mont Arréat où les Barbares n'ont pas réussi à le repousser. Il fait en ce moment même déferler ses troupes sur la glorieuse cité d'Harrogath.

Seul Tyrael, de son regard clairvoyant, remarqua la gêne subite de l'ensorceleuse, mais rien ne laissa percevoir qu'il l'avait vue.

- Je ne saurais trop vous presser, continuait Cain, de rejoindre le sanctuaire du Chaos le plus vite possible, après être passé pas la forge de Hephasto l'Armurier. Sans quoi votre fier peuple, barbare (il s'adressait alors à Bob) ne saurait rester longtemps indemne.

Le groupe put enfin prendre congé de Cain et de ses conseils avisés pour aller se coucher car une dure journée les attendait le lendemain. Cain était différent de Tyrael. Il dispensait son aide gratuitement et sans fierté. Il était beaucoup plus appréciable. Voici ce que furent les pensées de Pierrick avant de s'endormir d'un sommeil peuplé de démons et d'archanges et où venait s'intercaler de temps à autres le visage de Jamila. À la seule différence qu'il était alors tordu de douleur et figé dans une étrange détermination.
- Dis, commença Le Fléau, il fait quand même vachement chaud par ici, non ?

- Tiens, répliqua le paladin, sarcastique, maintenant que tu le dis ! Mais c'est vrai ! Attends... Est-ce que ce serait pas parce que nous sommes dans la Rivière de feu ?

- Très amusant, très amusant... N'empêche que j'ai les poils qui commencent à roussir, moi !

Le paladin s'arrêta en portant ses mains à son crâne et soupirant :

- Mais pourquoi c'est moi qui me retrouve avec lui ? Tyrael ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

- Ouais, c'est bon, c'est bon ! Moi ce que j'en dis... Tu crois pas que ce serait bien de trouver Pierrick pour qu'il nous rafraîchisse un peu ?

- Mais en voilà une bonne idée ! Tiens, j'en ai encore une meilleure : si tu plongeais dans la lave, juste là, hein ? Quoi ? Mais non, Tyrael, je n'ai pas d'envies meurtrières ! J'essaye juste de trouver un moyen pour qu'il n'ait plus à se plaindre !

- Tu parles tout seul ?

- Non, je réponds à la parole divine de Tyrael !

- Ah bon ? Il te parle ?

- Évidemment, je suis paladin, répondit-il en redressant le buste.

- C'est bizarre, moi j'entends rien du tout...

- Gnééééééééé (pourquoi je me retrouve avec lui...) Tu es paladin, toi ?

- Mais non, voyons, tu sais bien que je suis druide. D'ailleurs, tu te souviens du Petit Chaperon rouge, un paladin l'aurait pas mangée, si ?

- Non ! Nous voici donc au passage le plus important de ce dialogue ! Tu reconnais ne pas être paladin, c'est ça ?

- Ben oui, de toute façon, on m'a toujours dit que tous mes poils ça ferait pas bien pour mettre l'armure...

- Voilà ! Tu n'es pas paladin, tu n'entends pas la parole divine de Tyrael, tout rentre dans l'ordre ! Et maintenant on y va ? Parce que j'ai un peu chaud, là...

- Ah ! Tu vois bien...
Je suis forcé d'interrompre ce dialogue ici car le druide s'est retrouvé momentanément hors de combat à la suite d'un marteau lui percutant le poitrail. Il est bien connu que, si la patience des paladins est légendaire, elle a néanmoins un seuil qu'il est déconseillé de dépasser.

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Un peu plus loin, au bord de la rivière enflammée, était assis le Nécromancien. Si on y regardait de loin, on pouvait penser qu'il parlait tout seul. Alors approchons nous quelque peu pour pouvoir l'entendre :

- Tu vois, là, comme ça, je me sens bien détendu. C'est pas comme quand y'a les autres, on est obligé de courir partout, taper sur tout le monde, et tout, et tout. Là c'est le calme, la tranquillité !

Devant lui, dans les flammes, une forme se mit à bouger pour finalement sortir et se poser à côté de lui. C'était un golem de feu.

- Par contre, reprit le nécro, décale toi un peu plus. T'es tout dégoulinant, là. Et puis il fait un peu chaud, non ? La prochaine fois je fais un golem de fer avec une arme qui fait des novas de froid ! Enfin bon, va bien falloir y aller. C'est pas le tout, mais il parait qu'on a un démon majeur à tuer ! Évidemment, toi tu peux pas comprendre, hein ? Je t'invoque, tu meurs, je te ré-invoque, tu re-meurs, etc...

- ...

- C'est bien ce que je disais, tu comprends pas... Bon allez, en route !

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Lili était assise par terre, adossée à un bloc de pierres fumantes (mais elle sentait rien avec sa CoH +65@). Séraphine se tenait debout à côté d'elle.

- Je t'avais bien dit qu'on devait tourner à droite ! Regarde, maintenant tout le monde est arrivé à la rivière de feu, et nous on est resté dans les plaines du désespoir !

- Oh ça va, hein ! Si t'avais pas voulu t'arrêter tout le temps pour égorger les monstres, on aurait pas perdu les autres de vue !

- Ah mais je t'ai jamais demandé de me suivre !

- Non, mais sinon ce serait encore pire : tu serais perdue toute seule !

- Si tu m'avais pas suivie, j'aurai tourné à droite au bon moment, moi !

- Oh ça suffit... Le mieux c'est encore qu'on continue de chercher !

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- Pierrick dire gros monstre très fort ici !

- Ouais, on va pouvoir s'amuser !

- Lui avoir gros marteau !

- Et alors ? Moi aussi !

Le Troll et le Barbare s'avançaient gaiement sans se soucier de la chaleur environnante. L'un portait sa massue sur l'épaule droite, l'autre son épée sur l'épaule gauche et tous deux marchaient côte à côte en chantonnant des airs barbares ou Trollesques.

Parfois, alors qu'un chevalier des abysses passait trop près d'eux, ou encore essayait de leur envoyer un sort, il repartait (euh... non, en fait il ne repartait pas du tout) la tête dans les bras ou roulant à côté de lui.

- Tiens ! Ça doit être lui ! s'exclama Hébus en apercevant une masse énorme portant une massue.

- Non, répondit Bob. Lui comme ceux nous voir chez Méphisto ! Lui juste monstre gentil tout mignon ! Très comestible !

- Ah oui, t'as raison. Bon, alors ça te dit une pose casse-croûte ?

- Non, Bob pas faim. Pas bon pour cholestérol !

- Ah oui, comme pour l'autre, là, le Forgeron qu'on avait vu chez les Rogues !

- Oui, trop de gras...

- Bon alors je le mange tout seul !

L'énorme Urdar leva sa non moins imposante massue pour l'abattre sur le crâne de notre Troll national.

- Huk ! Huk ! Huk ! fit Hébus en recrachant les échardes qui lui étaient rentrées dans la bouche. À moi maintenant !

Le monstre reçut une belle massue en bois, recouverte de pointes, au travers de la figure, décalant la mâchoire inférieure de plusieurs centimètres (ce qui aurait pu le gêner pour parler, ultérieurement). Dans sa grande générosité, Hébus lui asséna le coup de grâce avant d'entamer son repas.

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- Arrête, Jamila ! cria Pierrick, essoufflé.

- Quoi, encore ?

La sorcière s'était arrêtée et regardait son élève d'un air sévère. L'élève en question était courbé en deux, les mains posées sur ses genoux et soufflait comme un nécromancien à qui on aurait demandé de sprinter jusqu'au sommet du Mont Arreat (ou même jusqu'au Super U du coin, sont vraiment pas sportifs, ceux-là).

- J... J'y arrive... Pas...

- Oui, je vois bien, mais faut que tu t'entraînes !

- Je... Ah... merci...

Jamila venait de lui envoyer une potion remplie d'un liquide laiteux (potion d'endurance, pour les incultes). Pierrick poussa un long soupir avant de se redresser :

- J'arrive pas à me téléporter. Pourtant j'essaye, mais c'est trop dur !

- C'est pas croyable que quelqu'un capable de faire une aussi magnifique orbe de glace ne puisse pas se téléporter, même à un mètre devant lui !

- Euh... Pour l'orbe de glace, je serais pas capable de la refaire, tu sais...

- Bien sûr que si ! répliqua l'ensorceleuse d'un ton sec. Tu l'as fait une fois, tu dois être capable de le refaire.

- Mais...

- Ne mets pas en doute mon enseignement. Tu es très gentil, mais tu restes un apprenti, et moi ton maître, pendant nos séances d'entraînement !

- Oui...

- Bon allez, on reprend !

- Hey... !

Dans les vapeurs ondulantes de la rivière de feu, les deux silhouettes se déplaçaient fort différemment. L'une était courbée et chacun de ses pas s'accompagnait d'un fracas énorme (quand vous êtes crevés et que vous devez courir, ça fait plein de bruit, hein ? bah là c'est pareil). Et l'autre se tenait bien droite, parfois auréolée de glyphes magiques éphémères, avant de réapparaître plusieurs mètres plus loin.

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- Bon ! s'exclama le paladin. Alors c'est donc ça le Sanctuaire du Chaos ? Pas très impressionnant... Qu'est-ce que t'en dis, Fléau ?

- J'en dis que si t'avais pas frappé aussi fort, je pourrais admirer notre exploit dans sa totalité !

- Ah, mais moi j'ai pas tapé ! C'était une punition divine par marteau divin. C'est la Grâce de Tyrael lui-même qui a été l'instrument de ton châtiment !

- Ouais, ouais... C'est ce que je dis... Enfin bon, c'est ici qu'on veut aller ?

- Oui, on est arrivé avant les autres, donc tous les monstres pour nous ! Et puis, si on a de la chance, pourquoi pas Diablo ?!

- Oui, pourquoi pas, mais... ça te dérangerait qu'on fasse un tour par le pandémonium ? J'ai pas de potions de vie, moi...

- Mais... ça va nous faire perdre notre avance ! Enfin bon... D'accord mais vite alors. Tiens, voilà un tp.

Hop, la lumière bleue que tout le monde connaît avec le petit bruit qui devient vite très désagréable si on lag et que ça nous balance quinze tp d'un coup, puis voilà nos deux sous-héros devant Cain et Tyrael.

Hammerdin_PK s'inclina très bas devant l'archange et le Horadrim en s'expliquant :

- Nous sommes enfin arrivés aux portes du Sanctuaire de Diablo, mais mon ami se sentait quelque peu mal et m'a demandé de rentrer acheter des potions.

- Vous devriez vous dépêcher, intervint Cain de sa voix chevrotante. D'après mes contacts, un autre groupe de jeunes aventuriers est arrivé au camp des rogues.

- Je ne vous comprend pas, s'étonna le paladin alors que le druide allait acheter ses potions. S'ils nous apportent de l'aide, pourquoi ne pas les attendre ?

- Le problème vient de leur expérience. D'après ce que j'ai entendu dire, leur première quête consistait à retrouver un poulet...

- Tiens, ça me rappelle vaguement quelque chose... Une histoire de porte qui se transforme en poulet pour attaquer un barbare... Non, ça doit être autre chose...

- Hm... Oui, je pense... Mais quoi qu'il en soit, dépêchez vous. Car s'ils venaient à vous rattraper à un moment critique, leurs vies seraient en danger !

- Très bien, dès que nos amis nous auront rejoints, nous les mettrons au courant.

Le druide ayant acheté ses potions, il arriva tout souriant :

- C'est bon ? On peut aller tuer du monstre ?

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- Toi fini de manger ? s'enquit Bob.

- Oui, ch'étais délichieux ! Je t'en ai gardé un bout si tu changes d'avis...

- Non, Bob pas pouvoir...

- Je sais, je sais... Cholestérol... Bon, tant pis alors. On va trouver ce gros type au marteau !

Les deux personnages se relevèrent donc, ramassèrent leurs armes et continuèrent d'avancer toujours plus loin, dans l'espoir de rencontrer effectivement la grosse brute avec qui ils comptaient bien s'amuser un peu.

Au bout de quelques minutes et alors que Bob venait d'achever un autre Urdar (il était d'ailleurs en train de ramasser des pièces d'or qui étaient tombées du cadavre), Hébus aperçut une silhouette au loin qui ressemblait fort à celle du forgeron.

- Oh, Bob ! s'exclama-t-il en tendant le bras dans la direction opposée à celle d'où venait le monstre. Regarde donc par là-bas !

- Quoi ? Toi trouver monstre ?

- Euh... Oui, c'est ça ! Tiens tu vas aller le taper pendant que je mange le corps par terre, ok ?

- Cool ! Merci Hébus, toi gentil !

- Oui, oui, c'est ça. Allez, vas-y !

Et donc le barbare de se mettre à courir de sa démarche de lourdaud vers un endroit où, bien sûr, il n'y avait d'autres monstres à taper que quelques vers.

- Huk ! Huk ! Huk ! À moi le gros, maintenant !

Je vais vous passer les détails. Oh et puis non, je vous raconte tout, allez ! Notre Troll favori, donc, se rapprochait d'un air confiant du monstre connu sous le nom d'Hephasto par les joueurs de Diablo 2. La massue appuyée sur l'épaule droite, retenue fermement par la main du même côté, il décida qu'il était à distance suffisante pour qu'une charge effraye son adversaire sans lui laisser le temps de fuir. Il entama donc sa course.

Bob ne bougeait plus. Il se trouvait à l'endroit montré par son ami et fixait le sol d'un air idiot, se demandant vaguement ce qu'il faisait là. Un bruit qu'il connaissait bien le sortit de sa torpeur. C'était le bruit sourd, suivit d'un craquement sinistre, habituellement perpétré par la massue du Troll quand elle s'abattait sans merci sur un de leurs ennemis.

Le Barbare se retourna alors pour voir de quoi il en retournait. Quelle ne fut pas sa surprise en réalisant que Hébus était en train de voler vers lui, une expression de stupéfaction stupide sur le visage, comme seuls les barbares savent le faire, et surtout, il était à l'horizontale, la massue tenue bien fermement dans ses mains, devant son visage.

Un nuage de poussière, mêlée à de la cendre et de la roche volcanique solidifiée fut soulevé lors de l'atterrissage.

- Bob, souffla le Troll, à moitié étouffé par le fait que sa tête se trouvait enfoncé à plusieurs centimètres en dessous du sol. Je crois que j'ai trouvé le monstre. Tu viens le taper avec moi ?

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Un observateur peu attentif aurait vu, de loin et à travers les vapeurs aveuglantes, la silhouette du jeune garçon disparaître pour réapparaître quelques mètres plus loin. Il en aurait donc conclut hâtivement que Pierrick avait enfin maîtrisé la téléportation. Bien mal lui en aurait pris !

Jamila, elle, se trouvait beaucoup plus près que notre observateur peu attentif. Elle avait donc parfaitement vu Pierrick tomber en avant en butant contre une pierre, ramper sur deux ou trois mètres, avant de se relever.

Elle avait aussi remarqué les nombreux cadavres qui jonchaient le sol, à l'entrée du Sanctuaire du Chaos où ils venaient d'arriver.

- Et voilà, s'exclama l'ensorceleuse qui avait du mal à cacher son dépit. On a trop traîné et les autres sont arrivés avant nous. Du coup on a plus rien à tuer !

- Eh... Oh... pfiou... T'aurais pas... une autre potion... par hasard... ?

- Oui, oui ! Tiens. Mais il serait temps que tu te mettes sérieusement à la téléportation, sinon on se fera toujours avoir par ce paladin et son aura de vigueur !

- Oui, merci...

- Tiens attends, c'est quoi ces voix ?

Elle venait d'entendre les échos d'une discussion qui venait de l'intérieur du sanctuaire, pas très loin d'eux.

- On a peut être une chance de pouvoir nous battre un peu !

- Tu parles d'une chance... murmura Pierrick.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Non, rien. On y va ?

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- Mais t'es complètement idiot ou quoi ?! hurlait le paladin.

- Tu crois que je l'ai fait exprès ? répliqua le druide, de mauvaise humeur, le bras droit en sang.

- Bah parfois on se demande, quand même !

- Comment je pouvais savoir que ça se passerait comme ça, aussi ! Toi, t'as bien foncé dans le tas sans réfléchir !

- Ah, mais moi je suis un caster ! Alors que toi, le corps à corps, quand tu vois un ennemi lever les bras vers toi en hurlant : « que tu sois maudit par la Dame de Fer ! » Tu dois réagir et arrêter de frapper ! On t'a jamais rien appris à l'école ?

- Ah mais moi je suis un petit druide de campagne, j'ai pas eu l'occasion d'aller à l'école. Mais Môssieur est de grande et riche famille, alors Môssieur ne tolère pas que d'autres soient moins instruits que lui !

- Attend, c'est pas une question d'être instruit ou pas, là ! C'est juste de la plus élémentaire des survies ! Tu sais pas qu'avec Dame de Fer au dessus de la tête, si tu tapes un monstre, tu te retrouves deux fois plus blessé ?

- Ah bah c'est maintenant que tu me le dis ! T'es paladin ou quoi ? Ton rôle c'est pas de protéger les innocents et les faibles ?

- Peut-être, oui, mais pas les idiots volontaires et les incultes !

Ils n'avaient pas encore remarqué qu'à côté d'eux, à peine à cinq mètres, se trouvaient Pierrick et Jamila, pliés en deux, les mains serrant leurs cotes tellement ils riaient.

- Eh, Fléau, appela Pierrick. Attrape ça !

Il lança une potion de santé vers le druide qui, de sa main blessée, tenta tant bien que mal de la rattraper, en vain. Le fluide écarlate se répandit sur le sol avant d'être absorbé par les porosités de la pierre noire.

- Ah, fit l'intéressé, l'air de rien. Vous êtes arrivés ? (au passage il sortit une de ses propres potions avant de la boire, refermant ainsi sa blessure). Alors, euh... Comme vous le voyez, il y a trois directions à prendre. Une à droite, une à gauche et une tout droit. Bien sûr, il y en a aussi une en arrière, mais comme on en vient, je la compte pas.

- Oui, oui, s'impatienta Hammerdin_PK. Donc on va aller tuer tous les monstres et après on trouvera Diablo en activant des sceaux. C'est Hadriel qui nous l'a dit. Par contre on sait pas trop ce qui nous attend là-bas. Tu connais, Pierrick ?

- Oui, répondit le garçon. Alors dans chacune des directions disponibles, on va trouver un sceau à activer. En l'activant, des monstres vont apparaître et faudra les tuer. Une fois que tous les sceaux seront activés et que tous les monstres seront morts, Diablo arrive.

- Tiens, intervint Jamila. C'est une très bonne expérience pour toi, ça. Tu vas t'occuper tout seul d'un des groupes.

En entendant ça, le druide et le palouf se mirent tous deux à ricaner bêtement, aussi, Jamila ajouta :

- Et ce serait pas mal que vous fassiez la même chose !

- Euh... Oui m'dame...

- Bon alors, fit le paladin. Lequel est le plus facile ?

- Le plus facile ? répondit Pierrick. Celui de gauche. En face, on a des chevaliers des abysses, et à droite des Balrogs très rapides qui crachent du feu.

- Bon alors moi je prends à gauche... commença le serviteur du Zakarum.

- Hep, hep, hep ! l'interpellèrent les deux autres. Pas question. On va jouer ça au hasard !

- Bon, d'accord... Mais de quelle façon ?

- Dans mon monde, expliqua Pierrick, on a un truc très simple pour ça. Ça s'appelle Papier-Cailloux-Ciseaux. Vous connaissez le principe ?

- Dans ton monde, dans ton monde... Nous aussi on a été jeune, hein ! Évidemment qu'on connaît ça !

- Bon alors le premier à gagner va à gauche, le deuxième à droite, et le troisième en face, ça vous va ?

- Mouais...

- Bon alors... Papier... Cailloux... CISEAUX !

Les trois personnages tendirent leur main droite au centre du cercle qu'ils avaient formé. Il y avait deux pierres et une feuille.

- Hehehe, ricana Pierrick. C'est moi qui ai gagné ! Allez, je vous laisse vous amuser, moi je vais m'occuper de mon côté.

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La Mort dans tes Os se tenait debout, son golem à ses côtés, les mains posées sur les hanches, il avait l'air perplexe.

- Alors là... Ça m'apprendra à confier une carte en papier à un golem de feu ! Je me souviens même plus par où je suis arrivé... T'en sais quelque chose, toi ?

- ...

- Non, hein ? Bah ! Tant pis, va. Si seulement j'avais un parchemin de tp...

Un bruit de pas légers se fit entendre derrière lui. Il se retourna donc pour voir arriver, plus loin, deux silhouettes féminines. L'une n'était qu'une ombre parmi les ombres, l'autre tenait un javelot dans sa main droite et un bouclier dans l'autre.

- Tiens ! s'exclama l'amazone. On a enfin retrouvé quelqu'un ! Il va pouvoir nous dire par où sont partis les autres.

- Eh ! Salut les filles ! appela le nécro en agitant bien haut ses bras squelettiques. Vous avez une idée de l'endroit où sont passés les autres ?

- Comment ça, s'inquiéta Séraphine, tu es perdu aussi ?

- Oh non...

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Le regard étincelant de colère, les dents découvertes en un rictus inquiétant, la joue gonflée par le coup récemment reçu, Hébus tenait sa massue prête à s'abattre. À ses côtés avançait Bob, mi-amusé par le fait que son ami se soit fait taper, mi-rien-du-tout parce qu'il comprenait pas bien tout ce qu'il se passait.

En face d'eux, avec l'air de celui qui sait qu'il va gagner, les toisait Héphasto.

- Votre âme va alimenter la Forge de l'Enfer ! leur cria-t-il de sa voix caverneuse.

- Oh l'autre, eh ! répondit Hébus. D'abord, les Trolls n'ont pas d'âme, et puis on va te défoncer ! Quelqu'un qui tape un Troll, ça devrait pas exister, Huk ! Huk ! Huk !

- Ouais, nous bien rigoler !

Avec une rapidité improbable pour sa taille (mais très compréhensible si on prend en compte le fait qu'il soit envoûté « Très Rapide »), le Minotaure se jeta sur ses adversaires dans un beuglement infernal.

Bob esquiva le coup qui lui était destiné d'un vif pas sur le côté. Il profita des quelques instants où son adversaire était déséquilibré pour pousser un hurlement digne du meilleur barbare équipé d'une amulette et de deux javelots, tout ça avec des +3 war cry.

Le cri fut si puissant que le Minotaure se trouva repoussé, attrapant au passage le Troll qui se trouvait sur sa trajectoire et qui s'était aussi pris le cri de plein fouet.

Tous deux trébuchèrent sur un rocher, s'entraînant l'un l'autre à terre. Le barbare en profita pour sauter en l'air, l'épée haute, les genoux relevés et une expression de plaisir enfantin sur le visage en criant :

- Bob content !

Dans un fracas de métal brisé, sa lame s'abattit sur le monstre, entamant légèrement son cuir épais avant de se briser.

- Oh... Bob triste, cadeau de Jamila...

Alors que la brute fixait tristement ce qui avait été son arme, les deux autres étaient encore au sol, toujours assommés par la puissance des cordes vocales de notre ami d'Harrogath.

- Bon, fit-il d'un air résigné en jetant les restes de son épée au loin. Bob pas besoin d'épée. Moi gros bourrin, héhé !

Il s'ensuivit une scène d'une violence quasi-inacceptable. Le barbare se mit à faire pleuvoir des centaines de coups de points sur la carcasse inerte de la créature mi-taureau, mi-homme. À chaque coup son corps était secoué comme il l'eût été lors d'un séisme. De plus, chacune de ces secousses était retransmise au corps de Hébus, toujours coincé en dessous. Tant et si bien que, si Héphasto était à présent plus qu'assommé, le Troll était, lui, bien éveillé et de mauvaise humeur.

Il réussit à mouvoir ses bras musculeux pour placer ses paumes contre le dos du Minotaure, alors que Bob continuait de frapper. Une fois sa prise assurée, Hébus poussa d'un seul coup, de toutes ses forces. Le corps amoché, le visage réduit à une purée sanguinolente, Héphasto fut projeté à une hauteur considérable, frappant au passage le menton de Bob qui était toujours penché au dessus de lui, avant de retomber lentement, beaucoup plus loin, dans les flammes infernales de la Rivière.

Essoufflé, Hébus se releva en soupirant :

- Non... Personne... ne peut... frapper un Troll... impunément...

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Quelques monstres s'étaient interposés entre Pierrick et le sceau, mais aucun d'entre eux n'avait été suffisamment résistant pour l'inquiéter réellement. Bien sûr, il avait eu du mal face à deux chevaliers de l'apocalypse qui étaient immunisés au froid et qui l'avaient maudit de leur Dame de Fer, mais il s'en était intelligemment tiré. En effet, leurs attaques consistaient à jeter des sorts qui, excepté les esprits d'os, se déplaçaient selon une ligne droite. Il avait donc mis plusieurs minutes à les faire se déplacer afin qu'à eux trois, ils forment une ligne parfaite. Suite à quoi, il n'avait eu qu'à faire attention à bien éviter leurs sorts pour qu'ils s'entretuent. L'intelligence n'est pas chose répandue chez les serviteurs de Diablo...

Après quelques coups de sabre échangés avec des chevaliers combattants et remportés haut la main (tout le monde en serait capable après avoir été entraîné sans relâche pendant des jours et des jours par Hébus et Bob), le garçon arriva enfin face au premier sceau.

De base circulaire, trois griffes placées à la circonférence du cercles à égale distance les unes des autres et montant à un peu moins d'un mètre de hauteur, le sceau ne montrait à première vue aucun signe de bonne volonté quand à son allumage.

Pourtant, après un examen approfondi, Pierrick découvrit un petit cercle en relief, sur la base. Ce cercle était imparfait car il possédait un défaut sur le bord, comme si on avait voulu l'étirer un peu de ce côté.

À droite et à gauche de ce cercle se trouvaient deux gravures, comme des coups de griffes. Du côté de la protubérance avait été donné un coup de griffe circulaire, suivi de deux signes semblables : deux petits coups horizontaux et parallèles et un grand vertical à leur gauche.

De l'autre côté du cercle, seuls deux signes étaient visibles. Le premier, semblable à celui se trouvant de l'autre côté, était circulaire. Le second était composé de deux griffures verticales. Le haut de la première relié au bas de la seconde par une troisième griffure oblique.

- Quoi... souffla Pierrick. ON-OFF... ?

Sans se poser plus de questions il fit tourner l'interrupteur d'un demi-tour, illuminant ainsi tout le sceau. Au même moment, derrière lui, apparut d'un seul coup une vive lumière blanche qui resta. Pierrick se retourna, l'épée au poing pour voir une dizaine de fantômes de la taille d'un grand homme, flottant tous à quinze centimètres au dessus du sol.

Ayant longtemps joué une sorcière orbe-foudre, comme vous en avec peut-être déjà entendu parler, le garçon savait que rien ne valait une bonne orbe de glace pour tuer tous ces petits monstres. Cependant, il ne se sentait pas capable de l'utiliser à volonté, et la perspective de se retrouver évanoui au milieu des fantômes survivants ne l'enchantait pas au plus haut point. Il décida donc d'attaquer à l'épieu de glace.

Les premiers monstres qui venaient à sa rencontre en firent les frais. D'abord figés, trois d'entre eux finirent par exploser en de petits blocs d'eau gelée, avant de fondre sur le sol chaud. Mais ce ne fut pas avant d'avoir envoyé plusieurs boules d'un rouge électrique vers notre héros.

Pierrick feignit de ne pas en tenir compte au début et continua de balancer ses sorts à tout va. Ce n'est que lorsque les boules rouges arrivèrent sur lui qu'il plongea sur le côté, prenant garde de ne pas se blesser avec son épée. Mais il avait oublié un détail important : les sorts ennemis étaient autoguidés. Il tourna la tête juste à temps pour voir les boules pénétrer son corps.

À sa grande surprise, il ne ressentit aucune douleur. Il se releva en riant avant de crier aux fantômes :

- Faudra faire mieux la prochaine fois !

Et il leva encore les mains pour lancer un nouveau sort, mais rien n'en résulta. Jetant un regard idiot à ses paumes, Pierrick recommença sans réussir.

- Ben alors... Y'a plus de piles ou quoi ? s'exclama-t-il en claquant des doigts.

Se résignant à la triste vérité, il brandit bien haut son épée et chargea. Mauvaise idée ! La lame pénétra dans le corps flasque du fantôme sans sembler lui faire de mal. Cependant, le bras droit du garçon se retrouva tout engourdi, si bien qu'il dut lâcher son arme s'il ne voulait pas finir tétanisé.

Reculant vivement, il réessaya de lancer un sort. L'épieu partit de ses mains avant qu'il ne soit à nouveau touché par les boules rouges.

Soudain, dans un éclair de génie, il se souvint que les fantômes avaient la particularité d'absorber le mana de leurs adversaires. Il tira alors une potion bleue de sa ceinture et la but en se maudissant de n'avoir pas été plus prévoyant : il n'en avait que deux. Il lui faudrait être rapide.

Le liquide avalé, il sentit le pouvoir ré affluer en lui. Levant les mains une ultime fois, Pierrick se concentra jusqu'à former une petite sphère bleutée entre ses doigts. Il venait d'arriver au seuil magique où, s'il lâchait son sort, ce serait un épieu de glace. Par contre, s'il continuait de l'alimenter, il pourrait arriver au stade d'une petite orbe de glace. Il fallait tenter le coup.

Puisant plus profondément dans ses réserves d'énergie, le garçon fit grossir la sphère puis la relâcha. L'orbe tourbillonna sur deux mètres, crachant ses petits traits de glace, avant de disparaître. Deux fantômes qui avaient déjà été blessés tombèrent pour ne jamais se relever, mais il en restait encore cinq.

Après qu'une autre salve de boules électriques l'ait atteint, Pierrick but sa dernière potion de mana et jeta un coup d'oeil aux alentours pour voir s'il n'y en avait pas une qui traînait par terre. Malheureusement, les loots avaient été déplorables...

Sans tarder, il voulut invoquer un nouvel épieu de glace. Il écarta un peu plus ses mains de façon à ce que deux sorts apparaissent, chacun dans une main. Lorsqu'ils furent suffisamment gros, il tenta de les envoyer tout en conservant le contact avec eux, pour renforcer leur pouvoir.

Il en résulta une chose qu'il n'avait pas voulue, ni même espérée. Les deux sortilèges partirent sur un mètre à l'horizontale avant de monter en flèche droit vers le plafond, toujours reliés aux mains de Pierrick, à présent en transe.

Il ignorait que Jamila l'observait, même si elle restait à l'écart. Ce que vit la jeune sorcière à ce moment, Séraphine et Lili l'auraient reconnu aussi, si elles avaient été présentes.

Un léger halo bleuté nimbait le corps du jeune garçon qui, sans s'en rendre compte, avait lâché son épée depuis qu'il avait tenté de lancer une orbe. Au fur et à mesure que l'énergie s'échappait de ses mains, le halo augmentait jusqu'à devenir plus opaque et sphérique. Au bout d'un court moment, seules étaient visibles les deux courbes qui sortaient de la sphère pour monter vers le plafond et y former une couche de glace de plus en plus épaisse.

À un moment précis, alors que la sphère qui entourait Pierrick devenait totalement opaque, les jets de glaces cessèrent. Alors tout se brisa. De la même façon que dans le temple des vipères, l'orbe de glace géante se déchaîna. Mais, au même instant, le plafond gelé se détacha par morceaux, bombardant ainsi les monstres qui étaient restés comme figés pendant l'opération.

Il ne fallut que peu de temps à ce personnage qui était à ce moment un autre Pierrick, différent de celui connu par ses amis et décrit au long des chapitres précédents pour exterminer ses adversaires. Une fois que ce fut chose faite, il se tourna vers Jamila, pourtant cachée et planta son regard dans ses yeux.

Ce fut une impression des plus désagréables pour l'ensorceleuse. Elle avait l'impression que ce regard transperçait absolument tout et il la brûlait comme de la glace. Les yeux qui la fixaient n'étaient plus marron et rieurs, mais gris et froids. Alors les lèvres du garçon bougèrent, laissant échapper une voix rauque. Des paroles volèrent dans l'atmosphère lourde du Sanctuaire du Chaos.

Si Jamila ne put les comprendre, c'est qu'elles étaient prononcées dans un langage trop ancien pour qu'il soit encore connu des mortels. Cependant les mots atteignirent deux êtres. Le premier fut le Seigneur de la Terreur lui-même, car ils avaient été prononcés dans son domaine. Le second, quelques secondes plus tard, fut l'Archange Tyrael.

Ces deux personnages eurent une réaction différente. L'un eut un sourire satisfait, alors que l'autre hurla de désespoir.

Mais qui avait hurlé ? Et quel avait bien pu être le sens de ces paroles mystérieuses ?

Troublée, Jamila regarda son jeune ami tomber doucement, presque au ralentit, au milieu des autres cadavres. Elle ne se précipita pas pour l'aider, car bien qu'elle n'en ai pas compris le sens, au fond d'elle-même elle sentait que ces mots ne présageaient rien de bon pour son avenir.
Un tremblement secoua les trois personnages. D'un bond agile, Séraphine évita d'être frappée par un rocher en fusion qui avait été projeté hors de la Rivière. À Quelques mètres en face d'eux se tenait le légendaire sanctuaire du Chaos, érigé à la gloire de Diablo lui-même. C'était la seconde fois qu'ils étaient dérangés par une secousse. La première avait ébranlé l'air même qu'ils respiraient, emportant des paroles incompréhensibles et pourtant lourdes de sens.

Et voilà qu'une autre secousse les avait atteints. Celle-ci se répandait à la fois dans l'air et dans le sol.

D'un commun accord, ils accélérèrent le pas. Séraphine devant, suivie par Lili, et enfin La Mort dans tes Os qui n'en pouvait plus de courir et qui avait déjà bu au moins une dizaine de potions d'endurance. Trois squelettes et un golem de feu suivaient le groupe sans se plaindre.

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Quelques marteaux avaient été nécessaires à Hammerdin_PK pour se débarrasser de ses ennemis. Il souriait lorsqu'il s'avança vers le pentagramme pour attendre l'arrivée de Diablo.

De son côté, le Fléau avait eu plus de mal. Il avait déjà tué plusieurs balrogs, mais le dernier, d'une couleur différente, était beaucoup plus rapide et plus fort que le loup. Le druide avait été repoussé dans un coin, du sang coulant de plusieurs blessures dont deux au moins risquaient d'être mortelles si on ne faisait rien.

Il rageait intérieurement de ne pouvoir rien faire. Soudain, alors que le balrog s'approchait lentement mais sûrement vers lui, le monstre poussa un hurlement et se retourna brusquement. Sans chercher à comprendre ce qui avait provoqué cette diversion, le druide en profita pour boire une potion de santé. Ses plaies se refermèrent peu à peu. Un nouvel éclat brilla dans ses yeux, rouge sang.

Sa gorge laissa échapper un grognement sourd et menaçant, avant qu'il ne se jette littéralement sur son adversaire, à une vitesse inhumaine.

Le balrog fut si surpris par la rapidité de l'attaque, de beaucoup supérieure à la sienne, qu'il se trouva renversé, puis lacéré par les griffes et les crocs de notre ami.

Lorsque le monstre put se reprendre et repousser le druide contre un mur, il était déjà bien amoché. Une plaie béante s'ouvrait dans son flanc droit, laissant apparaître ses intestins. Lorsqu'il tenta de se relever, la douleur en même temps que le sang qui s'écoulait toujours plus vite de ses blessures l'en empêchèrent. Le Fléau s'approcha, plein de morgue. Un corbeau se posa sur son épaule, le bec ensanglanté. Reprenant momentanément forme humaine, le Fléau caressa distraitement l'animal. Il ramassa le lourd cimeterre utilisé par son adversaire et l'abattit sur le balrog. Alors, la secousse le déstabilisa, sans toutefois le faire tomber.

Il se dirigea alors vers le pentagramme pour rejoindre ses amis.

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Hébus et Bob couraient aussi pour rattraper les autres. Soudain, le Barbare trébucha, laissant tomber ce qu'il tenait dans ses bras.

- Bob ! cria Hébus. Fais un peu attention ! Y'a plein de cailloux qui ont l'air précieux là !

- Désolé...

- Pas grave, mais donne m'en la moitié, on sait jamais !

Ils ramassèrent les gemmes et se les partagèrent, puis Hébus mit la rune dans son pagne avant de repartir au pas de course. Le tremblement qui les avait agités quelques minutes plus tôt les avait informés que quelque chose d'important se préparait.

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Jamila resta plusieurs secondes immobile, incapable de réagir à ce qu'elle venait de voir. Pierrick, dont elle connaissait l'étendue du pouvoir - bien que lui-même ne le sache pas - avait agit d'une manière incompréhensible. Que son pouvoir le submerge se comprenait encore. Mais qu'il parle une langue inconnue, aux accents si menaçants, voilà qui était des plus étranges.

Ce n'est que lorsque la secousse l'ébranla que l'ensorceleuse réagit. Une digue céda dans son esprit et tous les sentiments qu'elle avait refoulés jusqu'ici se libérèrent, inondant tout son être.

Elle se précipita.

- Pierrick !

Jamila s'accroupit à côté du garçon, inconscient. Elle le plaça sur le dos et tenta de le réveiller.

- Pierrick ! Réveille-toi ! Allez !

Elle le secouait à présent par les épaules, toujours sans résultat. L'ensorceleuse décida alors de l'examiner, tentant de découvrir une quelconque plaie, qui aurait expliqué son état. Elle n'en trouva pas. Délicatement, lentement, elle souleva une de ses paupières pour voir si ses yeux avaient retrouvé une teinte normale. C'était le cas. Et c'était pire encore... Car cela signifiait que s'il venait à mourir, ce serait le garçon qu'elle avait connu tout au long de leur aventure, et non un quelconque usurpateur.

Elle lui entrouvrit la bouche et y fit couler le contenu d'une potion de santé. Le fait qu'il ait avalé montra qu'il était toujours en vie.

Quelques secondes lui furent nécessaires pour commencer à tousser, avant d'ouvrir les yeux.

Jamila soupira de soulagement.

- Ne recommence plus jamais ça ! s'exclama-t-elle avec une colère qui laissait transparaître son inquiétude.

- De quoi... ? Et qu'est-ce que je fais par terre ? Où sont passés les monstres ? C'est toi qui es venue m'aider ? Je crois que je suis pas assez doué pour m'en sortir tout seul, apparemment...

- Tu... tu te souviens de rien ?

- Non, j'ai dû m'évanouir... Qu'est-ce qu'il y a ?

Il venait de remarquer l'expression interdite de Jamila.

- Je... répondit-elle maladroitement. Non, rien. Tu te sens en forme ?

- Mouais... Si je retrouve mon épée ça devrait aller... Pourquoi ?

- Diablo est arrivé.

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Hammerdin_PK vit arriver le druide. Son ami était encore à une quinzaine de mètres de lui quand le grognement retentit. Tournant lentement la tête, le paladin aperçut d'abord le barbare et le Troll, suivis du nécromancien, de l'amazone et de l'assassin qui couraient dans sa direction, de l'autre côté du pentagramme. Puis ils disparurent de son champ de vision.

Une masse rouge venait d'apparaître devant lui, occupant toute la place, imposant sa présence à tous ceux qui se trouvaient à proximité.

Ça s'était passé d'un coup. Diablo n'était pas là et, une seconde plus tard, il était là. Une vague de terreur de déploya tout autour du monstre. Si puissamment que les plaques de l'armure du paladin s'entrechoquèrent.

Invoquant la puissance de Tyrael, Hammerdin_PK réussit néanmoins à tenir bon. Ce ne fut pas le cas du Fléau. Poussant un cri de chien blessé, il s'écroula à terre en tremblant.

Hébus et Bob échangèrent un regard complice avant de reprendre leur avance d'un pas assuré.

Secouée par la vague de Terreur, Lili resta un instant sans bouger avant de surmonter sa peur et de préparer ses javelots. Séraphine ne tressaillit même pas.

Le nécromancien, par contre, reçut la vague de plein fouet. Bien qu'il n'ait pas peur de la mort (à son âge, c'était déjà un miracle s'il tenait encore debout, alors mourir...) sa frêle constitution ne lui permit pas de résister et il fut projeté plusieurs mètres en arrière. Se relevant difficilement, il leva le poing vers Diablo en hurlant :

- Eh mais ça va pas ta tête, toi ! On fait pas des trucs comme ça à un vieillard sénile comme moi ! Non mais tu te rends compte que j'aurais pu me casser quelque chose ?!

Sa voix avait résonné dans le silence du sanctuaire, attirant l'attention de Diablo qui se tourna vers lui. La voix du Seigneur de la Terreur retentit alors, à l'instar de celle de Tyrael, à la fois autour d'eux et dans leurs esprits.

- Pauvre mortel... Comment oses-tu t'adresser ainsi au Seigneur de la Terreur en personne ! Tu mourras sous mes griffes !

- Ouais, ouais, ouais ! Cause toujours tu m'intéresses ! Après ce que le plus faible et le plus petit d'entre nous a fait subir à ton frère Méphisto, je suis pas certain que tu puisses tenir plus de trente secondes face à nous tous !

Puis, se tournant vers ses squelettes et son golem :

- Allez, golem, squelette numéro un et numéro deux ! Montrez à ce gros plein de soupe ce qu'on sait faire !

Obéissant à l'ordre, les minions se dirigèrent vers Diablo en levant leurs armes. Les autres personnages présents s'étaient écartés pour laisser le libre champ à leur « ami ».

Diablo n'eut besoin que d'un coup de patte pour tuer ses opposants.

Il leva les bras, invoquant toute la puissance contenue dans son sanctuaire pour faire sortir trois griffes du sol, semblables à celles qui se trouvaient sur les sceaux, à l'échelle supérieure. Les griffes jaillirent autour du nécromancien, le serrant tellement qu'il n'aurait pu faire d'autre geste que de bouger les bras, heureusement restés libres entre les griffes-barreaux.

- Squelette numéro trois, vient par ici et donne moi ton crâne, s'il te plait, appela La Mort dans tes Os sans perdre constance.

- Bah... intervint Hébus. Pourquoi tu fais ça ?

- Toi le gros tas de muscle au lieu de poser des questions stupides, va plutôt me chercher des cadavres, et plus vite que ça !!!

Le ton était si autoritaire que, malgré la posture désavantageuse du vieillard, le Troll n'eut d'autre envie que d'obtempérer immédiatement. Il revint quelques instants plus tard, traînant derrière lui une dizaine de cadavres de balrogs.

- Bon... approuva le nécromancien. Des gros calibres, c'est bien.

Pendant ce temps, le squelette avait adroitement dévissé sa tête de sa colonne vertébrale et l'avait apportée à son maître qui la tenait à présent entre ses doigts blanchâtres.

Murmurant des paroles incompréhensibles, les yeux fermés, l'homme transféra une grande quantité d'énergie dans le crâne qu'il tenait dans les mains. L'objet se mit alors à luire d'une lueur blafarde, d'abord faible, puis de plus en plus présente. En même temps, le nécromancien le lâcha, sans qu'il tombe pour autant.

Une fois que le sort fut prêt à être lancé, son propriétaire le dirigea d'abord vers lui-même, faisant voler en éclat la prison érigée par le Seigneur de la Terreur, avant de le retourner vers le Démon. Celui-ci se prépara à parer le sortilège. Et il aurait certainement réussi, si l'esprit d'os ne s'était arrêté hors de sa portée et ne s'était mis à tourner en orbite autour de lui.

Lentement, les crânes des balrogs rapportés par Hébus subirent le même sort. C'est à ce moment, alors que onze esprits d'os tournoyaient autour de Diablo et qu'il ne pouvait tous les surveiller en même temps, que le nécromancien lança son attaque. L'un après l'autre, les crânes frappèrent leur adversaire, lui occasionnant des dommages considérables, bien qu'invisibles en surface.

- Voilà, à votre tour, maintenant, déclara La Mort dans tes Os en s'appuyant nonchalamment contre la dernière griffe encore debout.

Cependant, l'esprit d'os avait considérablement affaiblit la prison et les coups portés au Démon le déconcentrèrent tant et si bien que le vieil homme, ouvrant les yeux bien grand de surprise, tomba en arrière quand la griffe disparut.

Échangeant un regard surpris et amusé, les autres membres du groupe sourirent avant d'avancer contre Diablo.

Le Seigneur de la Terreur, blessé, avait perdu de sa prestance. Son aura était grandement diminuée. Le druide put alors se relever. Il avait dans les yeux le même éclat haineux que lorsqu'il avait tué le balrog. Se déplaçant à une vitesse phénoménale, il courut vers le Démon affaiblit.

Cependant, Diablo avait encore quelques ressources. Dans un grognement à faire trembler le nécromancien le plus endurci (joke inside), il déploya un cercle de flammes dont l'une vint frapper le loup de plein fouet. Si ses poils ne prirent pas feu, il fut néanmoins repoussé. Le Fléau était cependant un fier combattant. Il se releva difficilement et repartit à l'assaut.

Séraphine et Lili avaient attaqué en même temps que Diablo lançait son sort. Le javelot électrique fut mis à rude épreuve en traversant les flammes. Il tint néanmoins le coup et frappa son adversaire avec toute la puissance de l'amazone. Cette dernière n'eut que le temps de s'abriter derrière son bouclier (sanctuaire, ko-ko-mal, pour encore plus de résistances) alors que le feu la frappait.

L'assassin aurait dû avoir plus de mal. Pourtant, son extraordinaire habileté lui permit - alors qu'elle était lancée dans son attaque - d'éviter le plus gros du sort, s'en tirant avec de simples brûlures.

Elle se précipita en avant, levant ses griffes pour attaquer. Au moment où ses coups portaient, Diablo frappa aussi. Tout son bras s'auréola d'une lumière bleu-froid et Séraphine repartit après son assaut, le bras gauche pris dans un bloc de glace.

Maudissant son manque d'attention, la jeune femme attrapa une potion de dégel de sa main valide et en but le contenu, libérant petit à petit son bras.

Hammerdin_PK se téléporta aux côtés du Démon et profita de la surprise ainsi créée pour lui envoyer une dizaine de marteaux à 14k chacun (mais comme on est en P9 il a énormément de vie le didi, en plus c'est un build full vita).

Réagissant à l'attaque, le monstre plaça ses mains devant lui, vers le paladin et invoqua l'énergie. Les flammes jaillirent de ses pattes griffues pour frapper l'armure du paladin de plein fouet, faisant rougir le métal.

L'aura de Salut apparut aux pieds du paladin, refroidissant un peu sa plate d'archonte. Il n'aurait pourtant pu tenir beaucoup plus longtemps si des coups de poing et de massue n'avaient ébranlé le monstre, stoppant net son sort.

L'assaut des brutes permit au Hammerdin de reculer et de boire une potion pour récupérer. Si les coups qu'ils avaient portés étaient puissants, ce n'était absolument rien, comparé à la force dégagée par Diablo quand il les repoussa d'un seul bras.

Le Démon était à nouveau en bonne posture et il se préparait à attaquer quand deux sorts l'atteignirent. Une boule de feu vint faire bouillir le sang qui s'échappait d'une de ses blessures alors qu'un épieu de glace gelait un des piques qui ornaient son dos.

Suivirent, dans l'allégresse générale, cinq marteaux magiques, deux uppercuts de la part du Barbare, trois coups de massue cloutée, un javelot électrique, quatre griffes (deux pour l'assa et deux pour le druide) et même un coup de sabre en os, donné par un squelette décapité.

- Écartez-vous ! cria la voix de Pierrick.

Ce n'était pas réellement un ordre, ni un conseil. Juste une demande. Ses amis le comprirent, c'est pourquoi ils obtempérèrent. Chose qu'ils n'auraient pas faite si le ton du garçon avait été arrogant.

Il lança un épieu de glace vers le haut, de manière à ce qu'il retombe sur Diablo. Si le sort gela un autre pique, le Démon n'en fut pas plus incommodé et leva ses pattes avant pour préparer un sort.

Déjà, une dizaine d'autres épieux étaient partis. Au même instant, la foudre rouge jaillit des membres du Seigneur de la Terreur.

Les sorts de glace retombèrent en blizzard sur le monstre. Pierrick évita les éclairs, en profita pour boire une potion de santé et reprit son lancer.

Diablo voulut relancer son sort, mais cela lui prit trop de temps. Il se retrouva figé d'effroi(vous avez compris le jeu de mot ? « figé d'effroi » => « figé de froid », parce qu'il est figé avec de la glace, c'est pour ça, « de froid » lol, non ? bon... Je sors, ok, ok...). Cependant, il ne serait pas mort si on l'avait laissé dans cet état. Le maître de l'Enfer peut aisément résister à une congélation.

Il n'eut toutefois pas le temps de se libérer. Hébus s'approcha, ébahi et s'exclama :

- Cool ! Un con gelé !

Et, comme pour éprouver la réalité de cette vision, il frappa avec toute la délicatesse d'un Troll de Troy sur la statue. Une légère fissure apparut au premier coup. Elle s'agrandit légèrement au deuxième coup, mais le troisième fut si fort que Diablo explosa en une multitude de morceaux de glace. À l'endroit où se trouvait son corps apparurent plusieurs objets apparemment magiques.

- Hey ! cria Pierrick à l'intention du Troll. T'as combien de mf toi ?

- De quoi ? demanda Hébus en se penchant en avant pour examiner un morceau de Diablo gelé.

Alors qu'il était penché, une pierre grise tomba de son pagne en cuir pour rebondir lourdement sur le sol.

- Quoi ! s'exclama Pierrick. T'as trouvé une rune ?

- Bah oui... c'était à la forge... Quand j'ai cassé la pierre avec mes dents (parce qu'on avait perdu le marteau) y'a ça qui en est sorti...

- Je peux y jeter un coup d'oeil ?

- Bah... tiens...

Il lança la rune au garçon qui l'examina quelques secondes avant de siffler d'admiration.

- Bah ça alors... Une ist... Elle était où ? Dans ton pagne ? On peut compter ça comme une armure, donc ça t'a fait du vingt-cinq pourcent...

- Je comprends rien du tout... Nous sur Troy, quand on comprend pas, on défonce tout. Mais comme t'es sympa je fais une exception, huk ! Huk ! Huk !

- Euh... Merci, très sympa... On va aller voir ce qui a été droppé, hein...

Parmi les objets tombés se trouvait une armure en cuir bleu, une orbe de sorcière, une grande épée à deux mains, une hache d'arme et une griffe.

- Ah bah... commença le Troll. C'est quoi tout ça ?

- Attend ! intervint le paladin. Moi j'ai des parchemins d'identification ! Attend un peu... hop ! Voilà, tout identifié. Donc, l'épée... C'est Gardienne. Si ça intéresse quelqu'un... ?

- Moi ! cria Bob. Hephasto casser mon épée !

- Et une épée pour le barbare , une ! Dis pas merci, surtout... Non, non ! Je plaisante ! Bon, la griffe, maintenant. Séraphine, je pense ? C'est la Serre du Lézard de Flammes. Oui, ça doit avoir des dégâts de feu, je pense. Regarde les reflets rouges sur les lames... Alors, la hache d'arme ! C'est Taill'os. Quelqu'un en veut ?

- Moi je veux bien, répondit le druide. Ça peut être sympa pour taper !

- Pas de problème, si personne d'autre ne la veut, tiens !

- Merci...

- Y'a pas de quoi. Bon alors... Nous avons cette orbe, là. Ça s'appelle Profondeur de la Mort.

- Et ça fait quoi ? demanda Jamila, intéressée.

- Ben... C'est là le problème pour toi, c'est pour les sorts de froid...

- Alors pas de problème, c'est pour Pierrick !

- De quoi ? s'étonna le jeune garçon. Mais... J'aurai l'air de quoi moi, avec ça ?

- D'un mage surpuissant, crois moi !

- T'es sûre ?...

- Certaine !

- Bon, d'accord, alors...

- Voilà qui est fait ! reprit Hammerdin_PK. Il reste donc cette peau de Vipermage. Je la prendrais bien pour moi, mais je pourrais plus me téléporter. Qui est intéressé ?

- Non merci, répondit le nécro. Moi j'ai un mot runique spécial nécro qui me fait plus deux à mes aptitudes !

- Toi aussi ? s'étonna Jamila. Moi pareil ! Sauf que c'est pour sorcières, bien entendu...

- Alors personne pour l'armure ?

- Bah... fit Pierrick. Si y'a personne, je la prend, moi. Faudra juste que je trouve de quoi l'upgrader.

- Et voilà ! Nous avons fini de distribuer équitablement les drops. Maintenant ça vous dit qu'on rentre au Pandémonium ?

- Oui, deux secondes. Le temps que je mette ma nouvelle armure et j'arrive.

Le paladin ouvrit un portail de ville et s'y engagea, bientôt suivi par les autres.

Lorsque Pierrick arriva au dernier bastion du Paradis, Jamila était en train de parler à Tyrael. Quand elle le vit arriver, elle se tut.

Fatigué, le jeune garçon ne remarqua pas son air gêné et demanda :

- Alors, c'est quand qu'on part pour Harrogath ?

Le fait qu'il n'ait pas parlé respectueusement alerta ses compagnons. Le silence se fit et la convivialité qui était présente laissa place à un froid mordant. Cain tenta de calmer les partis :

- Eh bien, à présent que Diablo est mort, grâce à vous, nous n'allons pas tarder à quitter le Paradis où nous avons généreusement été accueillis par Tyrael lui-même. Notre prochaine étape est, en effet, le Mont Arreat au pied duquel nous séjournerons, dans la glorieuse cité d'Harrogath.

- Je vais vous envoyer là-bas sur le champ, résonna la voix de Tyrael.

Comme en écho à ses paroles, un portail rouge s'ouvrit à côté de lui. Pierrick s'y engagea sans un regard en arrière.

Les autres membres du groupe, gênés par l'attitude du garçon, remercièrent grandement l'Archange, à part Hébus qui se contenta d'un « A plus, mon pote ! » et d'une grande claque amicale dans le dos de Tyrael, aussitôt imité par Bob avant de franchir le portail.

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Pierrick se retrouva soudain à Harrogath. Sur une grande place en surplomb qui permettait de voir loin autour de lui, jusque sur les rempart où s'affairaient des guerriers. La bataille n'était pas engagée à ce moment.

Il se passa peu de temps avant qu'on ne le remarque et qu'on ne vienne l'interroger. Il tenta alors d'expliquer qu'il faisait partie du groupe qui avait poursuivi Diablo et Baal depuis le camp des Rogues, mais les gens restaient septiques, les épées étaient tirées. Ce n'est que lorsque Bob et Hébus arrivèrent qu'il fut tiré d'affaire. Tout le monde reconnu immédiatement le maître d'arme d'Harrogath et son retour fut acclamé. Les autres membres du groupe arrivèrent un à un.

Jamila fut la dernière. Elle apparut à l'écart des autres, plus près de la foule. Elle fut enchantée de se retrouver ici. De nombreux visages lui étaient familiers, bien qu'ils aient pris cinq ans depuis la dernière fois qu'elle les avait vus. L'ensorceleuse pouvait voir les gens se faire passer la nouvelle tant et si bien que les rues qui ralliaient la place furent rapidement bondées.

Tout le groupe resta ainsi un moment, sans savoir quoi dire, puis un cri retentit :

- Jamila !

La jeune fille reconnut la voix et se tourna vers l'endroit d'où elle semblait venir, le coeur soulevé par la joie. Dans la foule, une silhouette se déplaçait avec fluidité, tout le monde s'écartant sur son passage. Le cri se refit entendre, plein d'espoir.

Alors qu'il sortait de la foule, Thann se précipita vers Jamila pour la prendre par la taille et la faire tourner, avant de la reposer à terre et de lui donner un fougueux et long baiser qu'elle partagea ardemment.

À la fin de leur étreinte, l'ensorceleuse sentit l'utilisation de la magie derrière elle. Elle tourna la tête vers Pierrick.

Il n'était plus là.

- Vous êtes tous conviés à un banquet en votre honneur ! cria Thann à l'intention des héros, sans sembler remarquer l'absence de l'un d'entre eux. Il aura lieu ce soir, juste avant le coucher du Soleil !

Seulement, une voix menaçante se fit entendre derrière eux :

- Écartez-vous ! Laissez moi passer ! Je suis chef de guerre d'Harrogath, bon sang ! Bougez-vous un peu !

Qual-Kehk bouscula les dernières personnes qui lui faisaient obstacle pour venir se planter devant les héros. Sa barbe était figée dans une position étrange, formant un angle à 90° avec son menton et couverte de givre.

- Je suis heureux que vous soyez enfin ici, héros ! Cependant, j'ai une question à vous poser. À quel point estimez-vous la force du jeune garçon qui vous accompagnait ?

- Eh bien... répondit Jamila. Il a défait Méphisto sans notre aide... Pourquoi ?

- Il est apparut devant moi, alors que je surveillais la porte. Il est passé en trombe, entouré d'une aura de froid... Pensez-vous qu'il soit capable de vaincre, seul, toutes les armées que Baal déchaîne sur nous ?

- Seul ? Je ne pense pas... Mais ce n'est qu'une hypothèse... n'est-ce pas ?
L'épée s'abattit et un autre monstre tomba. Combien avaient précédé ? Combien suivraient ? Beaucoup. Et bien peu... Le sang épais et sombre des démons maculait le corps du jeune garçon. Il avait parcouru une petite centaine de mètres à peine depuis qu'il avait franchi la porte d'Harrogath. Mais le temps n'était plus à la réflexion. Déjà, d'autres minions de Baal l'attaquaient.

Pierrick dispensa son énergie dans une orbe de glace (qu'il savait à présent créer) pour faire le ménage autour de lui. Les démons tombèrent, mais le garçon s'affaissa soudainement. Sans qu'il ne s'en rende compte, ses assauts répétés et multiples sorts l'avaient affaibli. Il lança désespérément sa main libre vers sa ceinture, en quête d'une potion, quelle qu'elle soit.

Il n'en trouva pas.

Il les avait épuisées dans le Sanctuaire du Chaos.

Autour de lui, ses ennemis, qui s'étaient écartés lors de ses attaques, se rapprochaient en le voyant déstabilisé.

D'un violent coup d'épaule, Pierrick se jeta contre le monstre se trouvant entre lui et la falaise, faisant fi de sa garde. Il s'entama profondément l'épaule droite sur le cimeterre de son adversaire et ne put retenir un cri de douleur.

Le long de son bras, le fluide vital s'écoulait à une vitesse surprenante, rendant sa prise sur son épée glissante. Voyant le cercle démoniaque se refermer autour de lui, l'acculant contre la paroi rocheuse, il tenta de se remettre en garde. Une vive douleur, se répandant dans tout son membre, l'en empêcha.

Le jeune inconscient cracha le sang qui coulait aussi dans sa bouche suite à un coup reçu plus tôt. S'il ne pouvait plus tenir son épée, au moins savait-il encore lancer un sort !

Il leva donc son bras encore valide et envoya un épieu de glace sur ses ennemis. L'un d'eux se retrouva changé en statue, ce qui refroidit quelque peu l'enthousiasme des autres.

À ce moment-là, Pierrick pensait encore sa victoire possible. C'était avant que le monstre ne l'attaque.

Jamais, Pierrick n'avait eu aussi mal. Ou alors, sa mémoire sélective avait généreusement choisi de l'oublier. Lorsque le tentacule lui traversa le pied, la douleur fut si forte qu'il lâcha son arme et ouvrit la bouche dans un cri silencieux.

Alors que le membre qui servait d'arme au monstre se rétractait, le garçon sentit avec dégoût ses contours imparfaits accrocher son pied. Une fois libre, il s'effondra. Son coude droit cogna sur la garde de l'épée tombée à terre, réveillant une nouvelle fois la douleur de sa blessure. Le choc de son atterrissage le fit souffrir au point que de la bile suinta aux commissures de ses lèvres.

Incapable de bouger, il resta donc là, les yeux fermés pour ne pas voir la mort arriver à grands pas. La miséricorde lui accorda un salvateur évanouissement avant la fin.

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La première chose que Pierrick vit en ouvrant les yeux fut le plafond fait de planches de bois vermoulues. La première chose qu'il sentit fut un tiraillement au pied gauche et à l'épaule droite.

Le tiraillement devant douleur lancinante quand il essaya de se redresser. Aussi obéit-il à une voix peu familière lui ordonnant de rester couché.

Il resta immobile quelques instants puis, ayant entendu le bruit que fait une porte en s'ouvrant, il retenta, avec un peu plus de succès. Réussissant à s'appuyer le dos sur son oreiller (il était sur un lit relativement confortable) il jeta un coup d'oeil circulaire à la chambre qui l'entourait.

Une petite table se tenait à gauche de son lit, une lanterne éteinte posée dessus. En face de lui se trouvait la porte, entrouverte, encadrée de deux chaises, dont l'une était occupée par Séraphine qui lui souriait d'un air désolé. Continuant rapidement son inspection, il vit la vieille femme, à son chevet, tenant un flacon à moitié rempli d'un liquide rouge.

- Comment te sens-tu, Pierrick ? demanda la femme.

- Je... Bien... Qui... ? balbutia le garçon.

- Qui suis-je ? s'exclama gaiement la vieille dame. Je suis Malah. Actuellement chef de la glorieuse cité d'Harrogath ! Et toi tu es un inconscient pour être sorti de la ville seul au milieu des démons !

Le ton de la matriarche était sévère, mais son regard trahissait une légère admiration, mêlée à une profonde sagesse.

- Et... reprit Pierrick. Qui... qui est venu me secourir ?

- Moi, répondit Séraphine, avec les autres. Qual-Kehk voulait que ses hommes nous prêtent main-forte mais Bob a refusé. Il est respecté ici, tu sais ?

- Je vois... Et... Où sont les autres, maintenant ?

Par « les autres », il voulait dire « Jamila », mais il n'osait pas trahir ses sentiments devant Malah, surtout après ce qui venait de se passer. L'assassin le comprit :

- Ils ne devraient pas tarder à arriver. Lili te veillait avec moi. Quand nous t'avons vu ouvrir les yeux, elle est allée les prévenir.

- Merci... pour être restée...

Séraphine se contenta de sourire à nouveau. Une certaine nostalgie la prenait. Il était loin, le temps où elles avaient trouvé Pierrick au camp des Rogues... Il avait changé, gagné en maturité... Elle aussi, à vrai dire.

Des éclats de voix retentirent en dessous d'eux, apprenant à Pierrick qu'ils se trouvaient à un étage. Peu de temps après, la porte s'écarta avec force. Séraphine fit un bond sur le côté pour éviter d'être frappée par la lourde planche de bois. Jamila entra, le visage refermé, comme si elle aurait préféré se trouver n'importe où plutôt qu'à cet endroit, en ce moment. Par-dessus son épaule, un bras puissant se rétracta. L'homme qui avait ouvert la porte pénétra alors dans la chambre.

Il était grand, taillé à la manière des barbares. Une cotte de mailles recouvrait son torse qu'on devinait puissamment bâti. Un fourreau pendait à sa ceinture, le pommeau d'une épée longue en sortait. De même, dans son dos était accrochée une lourde et longue lame. Son visage mal rasé et ses yeux cernés montraient qu'il n'avait pas eu de véritable nuit de sommeil depuis des lustres. De la neige apparaissait dans ses cheveux bruns coiffés en une brosse maintenue par le froid extérieur.

C'était l'homme qui était venu accueillir Jamila. La raison pour laquelle Pierrick était parti. La raison pour laquelle il se trouvait dans ce lit.

- Jeune inconscient... commença Thann d'une voix difficilement contenue.

- Oui. On me le dit assez souvent, ces temps-ci, répliqua Pierrick d'un ton acerbe.

- Pourquoi es-tu parti à l'assaut des troupes de Baal, seul ? Comment pensais-tu réussir là où des centaines de nos fiers et puissants guerriers ont échoué ?

- ...

- C'était complètement irraisonné ! continua le Barbare en haussant progressivement la voix. Tu n'avais aucun plan d'action ! Avec comme alliées ta petite épée, ta pauvre magie, ainsi que ta cervelle d'oiseau !

À cette réplique, Pierrick se dit amèrement qu'il était plutôt ironique d'entendre cette remarque de la part d'un barbare. Il se tut néanmoins, laissant l'autre monopoliser la parole :

- Qual-Kehk a demandé à tout le monde de se mobiliser pour venir à ton aide ! Si notre maître d'armes ne l'en avait empêché, nous aurions dû affaiblir les défenses de deux de nos murs, pour un inconscient comme toi ! S'il s'était agi d'un de nos hommes, nous l'aurions laissé mourir sans rien faire ! Penses-tu que ta vie vaille celle de nos guerriers ?

- ... Lâche-moi, tu veux ?

La réponse, prononcée avec rage, laissa Thann sans réaction. Il se reprit rapidement :

- Si tu avais été dans un état acceptable, je t'aurais sur-le-champ provoqué en duel pour cet affront, fit-il d'une voix qu'il tentait de garder calme. Qui es-tu, pour te croire supérieur à nous ? Est-ce que tu t'es démarqué des autres humains d'une quelconque manière de par tes actes ?

- J'ai poursuivi Diablo depuis le monastère des Rogues jusque dans son sanctuaire ! J'ai affronté Méphisto, seul à seul, et je l'ai vaincu ! Et pour finir, Diablo est tombé. Où étais-tu, toi ?

- Je tenais ma position face aux assauts incessants des laquais de Baal ! J'ai repoussé tant de vagues qu'il faudrait une vie pour en énoncer les combats et les héros qui y trouvèrent la mort ! Nul n'est besoin de poursuivre un Démon pour être un Héros. Mais le simple fait de survivre emmène mon peuple au-delà de toutes les légendes ! Je...

- Thann !

La voix de Malah résonna longtemps dans le silence qui suivit. Le capitaine se tut immédiatement et échangea un regard avec la vieille femme. Dans un accord tacite, ils sortirent, laissant une atmosphère pesante, sans accorder un coup d'oeil au garçon.

Pierrick croisa le regard de Jamila et resta ainsi relié à elle pendant un instant que Séraphine mit à profit pour s'esquiver doucement.

- Je suis désolé, lâcha le garçon. Je... C'était idiot...

- ...Oui...

Le silence gêné qui suivit créa un malaise palpable. Si l'ensorceleuse ne voulait pas blesser le garçon, elle cherchait néanmoins à creuser un peu l'écart qui les séparait avant d'être trop proche de lui quand il quitterait Sanctuary.

Restant insensible au regard douloureux de Pierrick, elle entreprit de sortir de la chambre. Le garçon ne remarqua pas les légers tremblements qui ponctuaient la démarche de la jeune ensorceleuse. Ni son infime trébuchement au moment de passer la porte. Il était perdu dans ses pensées, se demandant s'il n'aurait pas mieux fait de mourir face aux démons...

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Jamila rattrapa rapidement Thann et Malah, au travers des couloirs qui menaient à l'escalier. Alors qu'elle s'apprêtait à parler, elle remarqua l'air grave de la vieille femme et attendit qu'elle prenne la parole.

Malah s'avança vers l'ensorceleuse, posa ses deux mains sur ses épaules et parla, en la fixant droit dans les yeux :

- Jamila, j'ai attendu que tu sois seule pour t'en parler. C'est difficile, mais je connais ta force morale et tu tiendras le coup.

Refusant de comprendre une éventuelle insinuation, la sorcière se contenta de rendre son regard à la matriarche, qui poursuivit :

- Il y a peu de temps, lorsque les attaques sont devenues trop fréquentes pour nos guerriers, le conseil des Patriarches a décidé d'ériger une barrière protectrice autour de la cité, de même que celle qui recouvrait Kurast avant votre passage. Ils ont dû sortir de la ville pour trouver un endroit propice à leur magie.

- Ils étaient accompagnés d'une escorte bien armée, commenta Thann d'une voix sombre.

- Il semblerait pourtant, reprit Malah, que les démons aient pris connaissance de l'endroit où ils se trouvaient. Nos hommes n'ont pu contenir la marée démoniaque qui déferlait sur eux. Il est probable que Baal ait été renseigné sur nos intentions...

- Mais, s'inquiéta Jamila, le bouclier...

- ... a pu être mis en place uniquement grâce à l'intervention de la prêtresse Liliana.

Le verdict tomba comme un couperet. Jamila mit quelques secondes avant de réagir :

- ...Mère ?... Mais... Elle ne siège pas au conseil des Patriarches ! Ils lui ont toujours refusé cet honneur !

L'ensorceleuse parlait vite, affolée, cherchant à se convaincre de l'impossible...

- Tu sais bien qu'elle ne pouvait être officiellement acceptée, n'étant pas native d'Harrogath. Elle avait cependant voix à toutes les grandes décisions, répliqua doucement Malah. Toujours est-il qu'elle a fourni aux Patriarches le temps nécessaire pour ériger notre protection
.
- Et... après... ?

- Il n'y a eu qu'un unique survivant... souffla Thann d'une voix rauque.

- Ma mère... ?

- Nihlathak... Il nous a raconté comment, grâce au sacrifice de ta mère, le bouclier avait pu être invoqué, et comment il avait réussi à s'enfuir.

- Tu sais ce que ça signifie, continua Malah, que ta mère soit décédée. Le rôle de prêtresse t'incombe à présent. Et nul ne sait quand il prendra effet...

- Merci, Malah, répondit Jamila d'une voix plus ou moins neutre.

La matriarche hocha gravement la tête avant de se détourner. Elle avait dit ce qu'elle avait à dire. À présent elle devait laisser l'ensorceleuse à son désarroi et ses responsabilités...

Jamila s'appuya contre le mur de bois. Elle resta quelques instants perdue dans ses pensées. Thann décida de rompre le silence :

- Qu'est-ce que ça implique, que tu sois prêtresse ? Je devine que ça doit être très important pour toi, mais je ne sais pas ce que ça veut vraiment dire...

- Thann... répondit-elle en lui jetant un regard plein de détresse. Si ça ne te dérange pas... Je préférerais ne pas en parler pour le moment...

- Je vois... Excuse-moi... Mais je voudrais tout de même savoir... As-tu réfléchi à la question que je t'avais posée par l'intermédiaire du corbeau... ?

Posant distraitement ses mains sur le torse massif du jeune barbare (il n'avait, somme toute, que vingt-quatre ans), Jamila pris une inspiration gênée et répondit, le regard fuyant :

- J'y ai énormément réfléchi... Mais je préfère attendre que nos ennuis soient finis avant de prendre une décision... Tu comprends, n'est-ce pas ?

- Je comprends, souffla le guerrier en déposant un baiser sur ses lèvres. J'attendrai ta réponse, une fois que Baal sera tombé.

_______________


Si Malah s'occupait des blessés, son rez-de-chaussée servait aussi de Taverne. C'est une des premières choses que Bob apprit à Hébus. Il est donc tout naturel que nous les trouvions à cet endroit, en train de rire devant trois ou quatre tonneaux de bière.

C'est occupés à boire qu'ils virent la porte de derrière s'ouvrir à la volée, laissant entrer un jeune garçon au regard fatigué et perdu, la démarche encore tâtonnante. Sans dire un mot, il vint s'asseoir à leur table, sur un tabouret libre.

Quand un serveur s'approcha pour demander ce qu'il désirait, il répondit :

- Une potion de santé...

- Voici, monsieur, fit poliment l'homme en apportant une bouteille et remplissant un verre.

- Merci... Laissez-moi la bouteille...

Avec un regard étonné, le barbare s'éloigna, jetant de fréquents coups d'oeil à son client.

_______________


Une demi-heure plus tard, des rires ponctuaient les phrases prononcées à voix haute par Pierrick. Hébus et Bob le regardaient, interdits, ne sachant comment réagir.

- Naaaan, disait le garçon, mais je l'avais tout de suite vuuuu ! Comment tu veux que je fasse le poids face à un gros (il mimait alors les gesticulations d'un singe) barbare plein de muscles ! Imagine un peu... euh... qu'est-ce que je voulais dire... euh... Ah voui ! Imagine que moi, j'aie des bras comme ça (il posa sa main gauche à bonne distance au dessus de son biceps droit), que j'ai une épée grande comme ça ! (en étirant ses bras de toute son envergure) Eh bah tu vois... Je... euh... qu'est-ce que je dis...

Prenant sa tête entre ses mains, Pierrick poussa un gros soupir avant de se laisser retomber sur la table en bois, la bouteille vide posée à côté de lui, endormi. Hébus appela discrètement le serveur et chuchota à son oreille :

- Hey, y'a de l'alcool dans tes potions, là ?

- Ben... Oui, normalement ça sert à anesthésier les blessures...

Le Troll fixa son tonneau de bière quelques instants, puis retourna la tête vers l'homme en souriant :

- Alors apporte m'en deux tonneaux, huk ! Huk ! Huk !

Plusieurs heures plus tard, quand Pierrick émergea enfin, il regarda autour de lui, semblant reprendre ses esprits. La vue encore trouble, il ne distingua que Hébus, dont les tonneaux vides s'étaient multipliés. Puis il secoua la tête d'un air navré.

- Mal de crâne ? demanda le Troll en ricanant.

- Non... mais je le mériterais... Où sont les autres ?

Bob n'était plus à table.

- Lili est partie la première en allant chercher Jamila. Ensuite Séraphine l'a suivie avec l'autre bonhomme et la vieille. Après, Jamila est repassée aussi. Puis t'es arrivé, t'as bu ton coup...

- Oui, oui, ça je sais. Mais après ?

- Ben Bob est parti... Il a dit qu'il devait voir quelque chose avec quelqu'un, j'ai pas trop suivi... Moi je suis resté pour te surveiller.

- Pour me surveiller ?

- Oui, avec tout ce que t'avais bu, même si c'était de la potion de santé, valait mieux pas qu'on te trouve seul ici !

- Pourquoi ?

Hébus pointa son pouce derrière lui. En s'appuyant sur la table pour ne pas tomber, Pierrick se leva pour regarder. Il vit trois barbares assommés, entassés les uns sur les autres.

- J'ai dû en dissuader quelques uns de te dépouiller. Huk ! Huk ! Huk !

- Me dépouiller ! Comment ça ?

- Bah... T'es sensé être un des Héros que tout le monde attendait, mais ils considèrent que ce que tu as fait était stupide, et puis tu t'es déjà engueulé avec leur capitaine !

- Désolé...

- Pourquoi ? J'ai trouvé ça marrant moi ! Foncer dans le tas et se disputer avec tout le monde, surtout ceux qui se prennent pour des brutes ! Voilà ce qu'on aime, nous les Trolls !

- Merci, répondit Pierrick avec un petit sourire. Euh... Tu te souviens de ce que je disais après avoir vidé la bouteille ?

- À propos de quoi ?

- Ben... Je sais plus, justement... C'est un peu flou, là...

- Euh... T'as parlé d'être super musclé et d'avoir une grosse épée, je crois... Mais tu sais, j'étais surtout occupé à boire, moi ! Ça faisait une éternité que j'avais pas bu de la vraie bière ! Soit dit entre nous : celle qu'on nous a servie au Pandémonium était infecte. Même un Troll blanc du Darshan en aurait pas bu ! Ah, là, là ! Où est passé le temps où j'asséchais les tavernes avec Lanfeust ?

- Ha ! Quand tout sera fini et si on en a le temps, je te promets de revenir ici avec toi vider une ou deux tavernes ! Et puis... À part Bob, je trouve pas les barbares très sympathiques. On pourra déclencher quelques bagarres gentilles, non ?

À ces mots, le visage de Hébus s'éclaira. Il donna une grande claque dans le dos de Pierrick, ce qui eut pour effet de l'envoyer rouler à plusieurs mètres. Il s'excusa en riant :

- Oups, désolé. Mais en tout cas, voilà ce que j'appelle parler comme un Troll ! Soit dit sans vouloir te vexer en tant qu'humain, bien sûr.

- T'inquiète pas ! répliqua le garçon en se massant l'épaule. De ta part, je prends ça comme un compliment ! Et puis... Ça me permettra de montrer à ces gros tas de muscles que je vaux quelque chose !

Approuvant ces paroles, le Troll défia l'assemblée dont les regards convergeaient vers eux :

- Et si y'a des volontaires, on peut commencer maintenant ! ajouta-t-il d'une voix forte.

C'était le signal attendu par les Barbares. Tous se levèrent. Certains portaient un maul, d'autres deux grosses haches dans chaque main (chaque hache tenue par deux doigts et le pouce était en rab pour chopper les drops), d'autres encore tenaient une grande faux. Tous étaient déterminés.

Avec un rire sadique, Hébus sortit sa massue qu'il embrassa d'un air attendri. Pierrick, de son côté, sortit son orbe qui se mit à luire d'une pâle lueur bleutée au contact de sa peau. En voyant ça, un barbare exprima tout haut la pensée (oui, une seule à la fois, quand même) de tous ses camarades :

- Ha ! Regardez ça ! Un mage ! On a accepté un mage chez nous ! C'était pas arrivé depuis la ptite Jamila !

- Tu veux voir ce que le mage sait faire ? demanda Pierrick d'un air mauvais.

- Tu vas plutôt goûter du bon acier barbare ! ricana le guerrier aux quatre haches.

Sans tarder, il se jeta vers le Troll et le garçon.

Il était grand. Dépassant aisément les deux mètres. Cependant, lorsqu'il se figea dans les airs, une main énorme accrochée à son armure, il paraissait ridiculement petit.

- Monstres dehors, vous aller vous battre là-bas. Pas toucher amis, fit la voix de Bob, retentissant dans le silence qui s'était créé.

L'imposant barbare relâcha son guerrier qui, lui jetant un regard intrigué, presque apeuré, fit signe à ses amis de le suivre à l'extérieur.

- Tiens, Bob ! cria Hébus. T'es revenu ! Mais par contre, t'arrives pas au bon moment ! On allait se taper une bonne petite baston et toi tu casses tout ! Tiens, pour te faire pardonner, la prochaine fois qu'on tombe sur des monstres, tu me laisses ta part. Ok ?

- D'accord, mais toi me laisser taper sur le premier gros monstre que nous trouver !

- Top là mon pote !

- Bon, maintenant parler sérieux. Larzuk, forgeron, nous demander de tuer plein de monstres dehors. Sinon lui trop de travail fabriquer armes et armures !

Amusé par le fait que tuer puisse être une mission et non un simple loisir, Hébus, suivit de Pierrick, partit derrière Bob retrouver les autres qui les attendaient devant la porte.

Le garçon suivit sans discuter au travers de la ville. Il repensa tout à coup que la première fois qu'il s'était rendu à la porte, il n'avait pas traversé les rues. Il s'était téléporté... Comme Jamila le lui avait dit à Lut Golhein, les sorts répondaient aux impulsions sentimentales...

Alors qu'il ressassait de sombres pensées, il leva les yeux pour découvrir la herse qui séparait la ville des démons. Un homme, Thann, quitta la place pour retourner sur les remparts avant que les trois membres manquants n'arrivent. Voyant le visage fermé de Pierrick, Séraphine intervint avant qu'il ne déclenche une dispute :

- Thann est venu nous dire qu'il positionnait des archers pour nous soutenir pendant notre attaque.

- Peuh ! cracha Pierrick. On a pas besoin de soutient. Ces monstres ne sont pas assez forts pour nous retenir ! Enfin bon... S'il veut gaspiller ses flèches... Libre à lui !

- Il a dit que nous devions détruire les catapultes, continua l'assassin en feignant de ne pas avoir été interrompue. Pour éviter qu'elles ne soient réutilisées à l'avenir et pour ralentir nos adversaires. Ensuite, à plusieurs centaines de mètres d'ici, nous trouverons Shenk. C'est lui qui mène les attaques contre la ville. Une fois qu'il sera mort, les barbares auront droit à un répit. Si personne n'a de questions...

Alors que Pierrick ouvrait la bouche, Séraphine reprit rapidement :

- Eh bien allons-y ! Je préférerais en avoir fini au plus vite !

- Attendez ! cria une voix étouffée derrière eux.

Tous se retournèrent pour en connaître l'origine. La première chose qu'ils virent fut un énorme tas couvert de poils. Puis, ils discernèrent des jambes en dessous.

- Voici des manteaux de fourrure, reprit la voix. Si le vent reste faible dans la cité, il est beaucoup plus violent et froid en dehors !

Alors qu'il posait ses manteaux, tout le monde reconnut Qual-Kehk.

- Mais... intervint le paladin. Est-ce que ça ne risque pas de nous gêner pour le combat ?

- Vous ne connaissez pas tous les animaux qui parcourent nos contrées, jeune paladin, répondit le Barbare avec un sourire indulgent. Ces habits ont été faits pour des combattants. Ils sont aussi légers que de la soie, aussi résistant que du cuir épais et aussi chauds qu'une taverne un soir d'hiver !

- Je vois... Voilà qui est intéressant... En tout cas, merci !

Qual-Kehk hocha gravement la tête. Comprenant qu'ils devaient partir au plus vite, les héros enfilèrent les vêtements avant de sortir par la poterne.

Les manteaux étaient, comme l'avait dit le chef de guerre, extrêmement légers. Pierrick ne sentait pas le sien. Pourtant, il eut rapidement très chaud. Il dégaina son épée avec autant de facilité que s'il avait été nu et admira la souplesse de ses mouvements. Décidément, les barbares n'étaient peut-être pas les brutes qu'il aimait à s'imaginer. Ou alors pas tous...

Le groupe n'eut que quelques mètres à parcourir avant de rencontrer les corps. Beaucoup étaient anciens et le froid n'avait pas pu empêcher la putréfaction. L'odeur qui s'en dégageait était immonde. Seul La Mort dans tes Os ne semblait pas incommodé. D'autres cadavres étaient plus récents, marque du passage de Pierrick. Des flaques de sang gelé s'étendaient çà et là. À certains endroits, le fluide vital avait commencé à couler vers les tranchées garnies de pieux avant de se figer aussi.

Nul commentaire n'eut lieu sur cette rencontre désagréable. Ils se trouvaient encore contre la falaise.

Encore quelques dizaines de mètres et ils rencontrèrent les premières vagues ennemies. Ceux qui ne les avaient pas encore vus furent effarés. Si Pierrick et Bob en avaient eu un aperçu, ce n'était pas le cas des autres. Leur nombre était au moins dix fois supérieur à celui des squelettes qui les avaient forcés à faire demi-tour dans le Canyon des Mages. Cependant, les aventuriers disposaient de plus de place et d'expérience à présent. Et puis ils ne pouvaient perdre la face devant les barbares qui regardaient du haut des remparts.

La terre trembla entre eux et les démons et une faille s'ouvrit. Des ossements en sortirent, créant un véritable mur. Des failles y avaient été laissées, volontairement ou non. Elles furent toutefois utiles. Séraphine y lança deux sentinelles qui vomirent des éclairs sur les monstres. Lili s'en servit aussi. Grâce à son extraordinaire dextérité, ses javelots passaient dans des défauts minuscules, charriant une énorme puissance sous forme électrique et dévastant ainsi des dizaines de minions de Baal.

Les monstres ne restaient néanmoins pas sans réaction. Plusieurs d'entre eux commençaient à déborder la muraille. Ils n'étaient cependant pas encore assez nombreux et succombaient sous les coups de Bob, Hébus, Hammerdin_PK et le Fléau.

Bien qu'il n'ait encore rien fait, Pierrick suait abondamment. Au point qu'il ne pouvait voir distinctement le combat qui se déroulait devant lui.

Jamila, elle, lançait de temps à autres une boule de feu, quand elle était certaine de pouvoir la faire franchir le mur sans qu'il ne se désagrège.

Les monstres étaient de plus en plus nombreux à franchir le rempart. Les sorts et les coups ne suffisaient plus à tous les contenir. C'est alors, au comble de l'action, qu'un bloc de pierre pesant facilement trois cents kilos percuta le mur d'ossements, le faisant voler en éclats en continuant sa trajectoire vers les aventuriers restés en retrait.

Lili plongea sur la droite et, au terme d'un roulé-boulé, se releva et lança un javelot vers la masse qui progressait à présent vers eux.

Séraphine attrapa Jamila à bras-le-corps et l'entraîna à l'écart. Seul Pierrick resta sans bouger, l'épée tirée, fixant inutilement le projectile. Ce n'est qu'au dernier moment, alors que tous les regards convergeaient vers lui, qu'il abattit sa lame. Au même instant, il disparut.

Il réapparut plus haut, devant la marée débordante des démons. L'un d'entre eux vint mourir sur l'épée qui tombait encore. Pierrick aurait été submergé si Bob, Hébus et le Fléau n'étaient arrivés à son secours, fauchant les monstres tels les bons paysans de leurs contrées qu'ils étaient.

Pendant que tous s'étaient mis au combat, un autre projectile atterrit à dix mètres seulement d'eux. Le paladin, comprenant qu'ils ne pourraient combattre avec une telle menace pesant sur eux, identifia l'endroit d'où partaient les rochers et en déduisit que la catapulte devait s'y trouver aussi.

Il se téléporta à l'endroit choisi et commença son oeuvre de purification. Les marteaux apparurent et défilèrent à une vitesse surprenante, ne laissant personne l'approcher.

En effet, une catapulte se trouvait à une dizaine de mètres de lui. Cependant, une bonne centaine de monstres, tous serrés les uns contre les autres, l'en séparait.

Hammerdin_PK sourit. Ses ennemis étaient beaucoup trop nombreux... Ils ne pourraient pas l'attaquer sans se gêner mutuellement. Et, comble de la chance : il n'y avait personne dans un périmètre d'un peu plus d'un mètre autour de l'engin de siège. Le paladin s'y téléporta au moment où des tentacules jaillissaient sous ses pieds.

Encore une fois, les marteaux frappèrent. Encore une fois, les démons tombèrent. La catapulte, touchée à plusieurs reprises, s'effondra bientôt sous le poids du rocher qu'elle portait encore. Poussant des cris de rage, les monstres se précipitèrent sur le paladin tous en même temps. Lorsqu'ils attaquèrent, ils ne réussirent qu'à blesser plusieurs d'entre eux. Le serviteur de la Lumière avait à nouveau disparu, laissant ses adversaires interdits.

Dès lors, le combat devint plus facile. Les monstres étaient perturbés par le fait de ne plus être soutenus par leur artillerie. Ils étaient toutefois toujours de beaucoup supérieurs en nombre, et nos amis ne pouvaient tenir très longtemps à ce rythme.

Déjà, le corps de Hébus s'ornait d'une multitude d'estafilades plus ou moins profondes.

Le sang de Bob, mêlé à celui de ses ennemis, gelait sur le sol devenu glissant dans la bataille.

Le Fléau s'acharnait sur les démons qu'il terrassait, les déchiquetant des crocs et ses griffes, même après leur mort, jusqu'à ce qu'il ne reste d'eux qu'un tas de chair sanguinolente. Si cela ralentissait fortement l'allure à laquelle il tuait ses ennemis, ça avait le même effet sur leur détermination à la vue du museau de loup ensanglanté et des yeux d'un rouge malveillant.

Pierrick, dont l'épée volait autour de lui, fatiguait visiblement. Il étouffait sous le chaud manteau de fourrure. Sa lame était couverte de sang et tranchait un peu moins bien à chaque fois qu'elle ressortait du corps d'une engeance infernale. Son bras fatiguait et il n'avait pas la chance ou l'expérience d'être ambidextre comme les grands combattants qu'il avait côtoyés.

Alors qu'un cimeterre s'abattait sur son bras, il recula prestement, tombant à la renverse. Il n'avait pas évité le coup. Le manteau offrait une telle protection qu'il lui avait épargné la perte d'un membre. Le monstre, sûr de sa victoire, s'approcha de lui, l'arme à la main.

Il tomba aux côtés du garçon, une flèche en plein front.

Se retournant, Pierrick vit juste un attroupement sur les remparts, au loin. Cependant, un homme avait tiré cette flèche avec une précision mortelle.

Ne voulant pas détourner son attention plus longtemps, il se releva rapidement, but une potion d'endurance et sentit la fatigue de son bras se dissiper peu à peu. Le combat reprit.

Un énorme projectile frappa la masse démoniaque. Ce n'était pas une catapulte, mais un météore invoqué par Jamila, faisant plusieurs dizaines de victimes, tant les monstres étaient regroupés. Elle évita prestement des tentacules qui fondaient vers elle et lança plusieurs boules de feu qui, en explosant, emportaient à chaque fois deux ou trois ennemis.

Elle ne pourrait tenir ce rythme infiniment. Aussi, restant en retrait, elle invoqua. Sentant l'énergie se rassembler en elle, elle la relâcha d'un coup, libérant des flammes infernales, s'élevant plus haut encore que le mur d'os qui avait précédé.

Il s'en faudrait d'un moment pour que les minions de Baal ne trouvent le courage de franchir le feu destructeur. Un moment qu'ils devaient tous passer à se reposer.

Le mur de feu avait été placé dans la masse de monstres, dont beaucoup avaient périt dans d'atroces souffrances. Seuls quelques uns se trouvaient encore de notre côté mais, déstabilisés, ils furent vite renvoyés dans les enfers où leur Maître avait trouvé la mort.

Un monstre, cependant, n'avait pas succombé aux coups de nos amis. Il était différent des autres. Quelques minutes plus tôt, il avait lâché son cimeterre et s'était agenouillé, en proie à une douleur intense. Certaines parties de son corps avaient énormément enflé, formant des cloques prêtes à éclater. Il s'était retrouvé courbé. Les parties disproportionnées de son être, étant translucides, laissaient voir un liquide en mouvement sous sa peau.

Il se précipita tout droit, sans tenir compte de ses ennemis directs, en direction de l'ensorceleuse.

Si personne ne tenta de l'arrêter, c'était pour deux raisons. Tout d'abord, ils n'avaient pas encore vu que sa cible était choisie, et puis ils avaient peur que le moindre choc ne le fasse exploser.

Quand il n'y eut plus aucune incertitude quant à son objectif, il n'était plus qu'à quatre mètres de Jamila. La jeune fille avait utilisé trop d'énergie pour maintenir son mur. Elle ne put se téléporter à temps.

_______________


Thann lâcha prestement son arc et tira ses épées. Il ne pouvait rester là sans rien faire !

- Des hommes avec moi pour porter secours à ces Héros ! hurla-t-il.

Les volontaires étaient nombreux. Avec leur aide, nul doute que les démons seraient repoussés !

La herse se leva dans un grincement, libérant la quasi-totalité du peuple barbare. Ils ne purent aller bien loin, cependant, car plusieurs rochers enflammés s'abattirent à leur porte, blessant et tuant plus de cinquante guerriers.

Thann n'eut d'autre solution que d'ordonner la retraite en soutenant les blessés, laissant les cadavres. Comment avait-il pu être aussi stupide ? Il était évident que ses ennemis disposaient de plus d'une catapulte ! Rageant contre sa propre idiotie, il jeta un dernier regard vers le groupe qui se tenait au loin. Le mur de feu de Jamila, pour grand qu'il avait été, diminuait en même temps que la force de l'ensorceleuse.

Baal allait gagner...
Loin. Haut. Agenouillé sur son promontoire de pierre, il scrute, il épie. En bas, sur les collines, les aventuriers sont en mauvaise posture. Protégés par un maigre mur de flammes qui menace de s'éteindre au moindre coup de vent. Une chose bien aisée pour lui...

Il se lève, s'étire, et saute dans le vide. Sur dix mètres, sa vitesse augmente inexorablement, puis, comme par enchantement, il ralentit, retenu par les masses d'air en mouvement. Il atterrit souplement.

L'homme avance d'un pas déterminé vers les lieux du combat, prêt à y participer.

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Jamila plongea sur le côté. L'explosion fut néanmoins si puissante qu'elle fut projetée, avant d'avoir touché le sol, plusieurs mètres plus loin.

Un tel choc aurait dû la tuer, ou du moins la blesser gravement. Elle se releva presque sans mal.

Séraphine se précipita à ses côtés pendant que les autres surveillaient le mur qui faiblissait, jetant de fréquents regards à l'ensorceleuse, mais n'osant quitter leurs positions.

Un sifflement se fit entendre, provenant de Jamila. Elle regarda autour d'elle pour en découvrir l'origine, avant que ses yeux ne se posent sur son manteau protecteur.

La fourrure se détachait par touffes, disparaissant totalement en touchant le sol. Quand il ne resta plus que du cuir nu, il se rétracta en plusieurs endroits, créant des tensions entre ces points, jusqu'à ce qu'il se déchire et tombe, définitivement.

L'opération n'avait pas duré plus de deux minutes, pendant lesquelles les amis de Jamila, abasourdis, n'avaient pu détacher leur regard d'elle.

L'ensorceleuse frémit soudain. Elle n'était plus vêtue que de sa tunique des Arcannes. Le vent se mit alors à souffler plus fort, comme s'il avait attendu cet instant précis, s'engouffrant dans le cou, sous les vêtements.

Cependant, au milieu de la rafale, Jamila perçut un murmure, un souffle, un espoir...

- Attrape ! cria une voix près d'elle.

Une masse de fourrure légère atterrit à ses pieds. Levant les yeux pleurant sous le froid, l'ensorceleuse vit Pierrick, couvert de son armure et d'une simple tunique de toile en dessous.

- Tu vas mourir de froid ! cria la sorcière, mouvant difficilement ses lèvres bleuies.

- Non.

La réponse n'avait pas été prononcée d'un ton sec, ni arrogant. Pourtant, il était clair qu'elle n'appelait pas de réplique.

Hochant la tête, Jamila enfila le manteau pour se sentir immédiatement réchauffée.

Sa vie n'étant plus en danger, elle examina d'abord Pierrick qui la fixait toujours. Il ne tremblait pas dans cette tempête. Ses joues n'étaient pas rougies par le froid, ni ses lèvres bleuies. Ses yeux étaient grands ouverts face au vent.

Se forçant à détourner son attention, l'ensorceleuse chercha son mur des yeux. Il tenait encore, bien que fortement affaibli.

Elle entreprit de le renforcer.

Les flammes jaillirent plus haut que jamais.

Avant de retomber inexorablement.

Le vent redoubla. Il était si fort qu'il n'attisait plus le feu, mais l'amenuisait rapidement. Les aventuriers se tenaient prêts. Les muscles tendus à l'extrême, attendant le moment où ils devraient à nouveau combattre.

Ce moment ne vint pas.

La bourrasque se concentra étrangement, laissant retomber les cheveux de Jamila et Lili, zigzagant entre nos amis, formant un couloir où le vent était si puissant qu'il aurait ébranlé la montagne.

Il frappa le mur de flammes qui fut soufflé sur le coup.

Voyant là une faiblesse de la part de leurs ennemis, les démons se jetèrent à l'assaut. Leur charge fut stoppée par une tornade. Des dizaines et des dizaines de monstres se retrouvèrent projetés dans les airs, montant si haut qu'ils devenaient de simples points noirs dans le ciel immaculé, retombant ensuite lourdement, des kilomètres plus loin.

Puis tout s'arrêta. Aussi soudainement qu'il s'était levé, le vent tomba, après avoir décimé un bon tiers de l'armée.

Ce ne fut pas tout. Si les démons paraissaient effrayés par une telle puissance, ils étaient toujours beaucoup plus nombreux. Ils auraient pu lancer une attaque et tuer ces guerriers prétentieux.

Malheureusement pour eux, les flammes revinrent. Surgissant des tranchées, de chaque trou, pour infime qu'il fût, des traînées de feu jaillirent à une échelle gigantesque, dirigées vers les démons.

Ce fut la débandade. Au milieu des vapeurs créées par les flammes se déplaçant sur le sol gelé, les monstres succombaient dans d'horribles hurlements de douleur. Une odeur de chair brûlée emplit peu à peu l'atmosphère, jusqu'à saturation.

Courbés, les mains protégeant leurs yeux et leurs narines, osant à peine respirer dans cet enfer, nos amis toussaient, cherchant désespérément de l'air pur.

La tempête de feu eut raison de plus de la moitié des monstres. Ceux qui avaient survécu se replièrent, se bousculant les uns les autres, piétinant leurs morts.

Seule dans toute cette confusion, une silhouette les poursuivit, entourée d'une aura de froid. Impitoyable. Sa seule présence suffisait à tuer les démons se trouvant trop près. D'un pas rapide, elle atteignit le sommet de la colline, multipliant encore le nombre de cadavres sur son passage.

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Shenk avait regardé ses monstres combattre, puis se faire décimer, sans pouvoir rien faire. Toute la fumée qui montait des flancs de la colline l'empêchait de voir clairement ce qu'il se passait. Cependant il comprenait bien que ses armées n'étaient plus...

Une ombre se détacha petit à petit du nuage dense. Un homme en sortit. Vêtu de peaux de bêtes, entouré de courants d'air palpables. Il était encore jeune, mais son expression trahissait une longue expérience et une maîtrise totale de son art. Ses longs cheveux roux sombres étaient retenus par un diadème. Cela aurait pu lui donner un air efféminé, si ses yeux n'avaient dégagé tant de froideur. Une promesse de mort.

L'homme écarta les bras, invoquant des vents qui frappèrent le démon de plein fouet. S'il fut surpris, Shenk se reprit rapidement. Il n'était pas l'un des premiers vassaux de Baal pour rien !

Son long fouet siffla vers l'inconnu pour ne rencontrer que le vide. Un autre coup de vent le frappa alors sur la droite. Tournant la tête, il vit l'homme qui arborait un sourire moqueur. Il jouait avec lui !

Alors que Shenk levait à nouveau son arme, le sourire laissa la place à un visage inexpressif. Un tic au niveau des cils... Une douleur dans le bras gauche.

Sans que Shenk ne s'en soit rendu compte, un loup était apparu à côté de lui et lui avait bondi dessus, crocs en avant.

La panique commença à l'envahir. Cet homme était un Démon ! D'un brusque mouvement du bras, il envoya voler le loup qui disparut en frappant le sol, ne laissant comme trace de son passage qu'une chair déchirée en guise de bras démoniaque.

L'homme avança vers lui d'un pas décidé. Il ne tenta pas d'esquiver le troisième coup de fouet. La lanière de cuir s'enroula autour de son bras. Le démon laissa échapper un gloussement de plaisir, malgré la douleur qui lui engourdissait le bras. Son adversaire n'était pas si fort, après tout !

Il tira sur le fouet pour rapporter sa prise.

Qui résista.

Sans paraître forcer, l'inconnu ramenait inexorablement le démon vers lui, croisant son regard pour y lire de l'étonnement, de la peur, puis de la détermination.

Quand il fut assez près, Shenk tendit son cou vers son ennemi, ouvrant la gueule sur une rangée de dents acérées.

Il fut retenu à une dizaine de centimètres du but. Une liane venait de s'accrocher à son cou, le forçant à l'immobilité.

Il n'eut que le temps de voir la haine envahir le regard de l'homme avant de sentir une atroce douleur, brûlante, transpercer son ventre.
Le cadavre encore fumant retomba lourdement au sol.

L'inconnu décida alors de faire demi-tour. La fumée s'était dissipée quand il avait interrompu ses flammes. Il savait tous les regards tournés vers lui.

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Alors que tous regardaient le nouveau venu arriver, encore atterrés par la facilité avec laquelle il avait mis un terme à l'affrontement, Jamila ne put retenir une exclamation de surprise. Croisant son regard, l'homme eut un petit sourire et dit, d'une voix posée :

- Salut, Jamila. Ça fait un bail, pas vrai ?

- E... Elvan !

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La nuit était tombée et seule la clarté de la lune était visible par les fenêtres. Assis dans des fauteuils confortables ou allongés sur un lit, les huit aventuriers attendaient patiemment.

Ils étaient rentrés à Harrogath, accompagnés d'Elvan. Si les questions avaient d'abord fusées, l'intéressé avait décrété qu'il raconterait tout ce qu'il avait à dire une fois leur ancien groupe réuni. Thann, Altor, Jamila et lui.

Malah avait donné son accord, à condition que Thann lui rapporte tout ce qu'il jugerait important. Ils étaient entrés dans la pièce mitoyenne et n'en étaient pas sortis depuis des heures.

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- Vas-y Elvan, l'encouragea Thann. Nous sommes tous réunis, tu peux nous raconter ce qu'il t'est arrivé.

Apprenant la nouvelle, Altor s'était précipité dans la demeure de Thann, d'autant plus qu'il n'y avait plus de démons à surveiller. Ils avaient retrouvé avec nostalgie la pièce où ils passaient une grande partie de leur temps, adolescents. Un des murs portait encore la marque du coup de poing donné par Thann, la veille du départ de Jamila. Sur l'un des fauteuils on pouvait voir que des coups d'épée avaient raccourci un pied. Ils avaient énormément de souvenirs...

Tous s'étaient mis à l'aise, laissant le fauteuil bancal de côté.

- Bon, commença le druide en souriant, qu'est-ce que tu... qu'est-ce que vous voulez savoir ?

- Tu as disparu il y a trois ans, lui rappela Altor. Nous avons gardé de tes nouvelles pendant ce temps, mais il y a deux mois, nous avons complètement perdu contact.

- Nous pensions que ton groupe avait été attaqué et décimé par les démons, renchérit Thann.

- Et toi ? Petite soeur ? demanda Elvan à Jamila, sans se départir de son sourire. Qu'est-ce que tu me reproches ?

- Ce ne sont pas des reproches, répondit-elle doucement. Tu nous as manqué, c'est tout.

Jaugeant du regard l'attitude de ses interlocuteurs, le jeune druide abandonna son sourire pour redevenir sérieux.

- Comme je vous l'avais dit à mon départ, commença-t-il, Mon peuple était la proie des démons. Ils avaient besoin de tous leurs membres, aussi jeunes soient-ils. C'est pourquoi, malgré mes dix-sept ans, j'ai dû y retourner. Là-bas, j'ai revu mes anciens amis, ou plutôt, les anciens amis de mes parents. Ah, comme vous le savez, mes parents sont morts lors de l'attaque de Diablo à Tristram.

Les yeux perdus dans le vague, il se reprit néanmoins et continua son récit :

- Je me suis vite rendu compte que j'avais de bonnes capacités, autres que la création de corbeaux, ajouta-t-il en lançant un clin d'oeil à Jamila. J'ai été entraîné au maniement des armes durant deux ans et demi. La métamorphose, la maîtrise de ma forme animale, tout était parfaitement assimilé. Durant tout ce temps, de nombreuses attaques contre nous furent lancées. Aussi étions-nous forcés de ne rester au même endroit que quelques jours.

- Viens-en au fait, Elvan ! s'impatienta Thann. Tu nous as déjà raconté tout ça par des lettres. Que s'est-il passé pour que tu disparaisses ?

- Toujours aussi impatient, hein ? Fier Guerrier, va ! Bon, passons, donc. Vous avez raison sur un point : mon groupe à bel et bien été attaqué par les démons. Peu d'entre nous s'en sont sortis. Moi, comme vous pouvez le voir, ainsi que le loup qui t'a accompagné, Jamila. Seuls deux autres ont survécu aussi.

- Le Fléau vient de ta tribu ? s'étonna l'ensorceleuse.

- Si c'est bien Le Fléau du Chaperon Rouge, oui. Il nous avait rejoints un peu après que je n'arrive. Après cette attaque, il a décidé de faire partie de l'expédition qui poursuivrait les Démons Majeurs. Mais reprenons. Cette attaque a eu lieu il y a trois mois. Oui, cela nous rapproche de la date où mes corbeaux ont disparu. J'ai erré pendant un mois, avant de faire la connaissance de quelqu'un. Un sage. Je ne vous en dirai pas plus sur son identité. Il m'a proposé la puissance, avec pour prix l'abandon de mes anciennes aptitudes.

- Tu as accepté... souffla Thann d'un air atterré.

- Évidemment ! Je ne pouvais rien faire contre les démons à ce moment là. Depuis, grâce à son entraînement, je suis capable de prouesses... Vous l'avez vu !

- Dis-moi, reprit Thann, laissant les autres en dehors de la conversation, Ce... sage... Est-ce que tu le connais bien ?

- Hmm... Je ne vois pas où tu veux en venir, répliqua Elvan d'un ton qui gagnait en froideur.

- Contente toi de répondre, fit le barbare adoptant le même ton.

- Soit, si c'est ce que tu veux ! Oui, je le connais bien. Il s'est occupé de moi alors que je risquais de mourir. Je l'admire et le vénère plus qu'un père.

- Dis-m'en plus sur lui.

- Non.

Le regard d'Elvan était redevenu froid. Si Thann avait été son ami, il n'avait pas le droit de le forcer à révéler ses secrets.

- Non, je ne te dirai rien sur lui. C'était une des clauses du contrat. Je le connais et ça devrait te suffire. Ça devrait vous suffire !

- Calme toi, Elvan, intervint Jamila d'un ton apaisant. Tu n'es pas forcé de nous le dire. Je te fais confiance.

- Merci, petite soeur. Je...

- Ce n'est pas une question de confiance ! coupa Thann en haussant la voix. Si tu avais été manipulé...

- Je n'ai pas été manipulé, Thann. Sache que j'ai servi cet homme de mon plein gré !

- Que tu l'as servi ? Comme un esclave !

- Comme un ami !

- Capitaine Thann ! intervint Altor. Pourquoi...

- Non Altor, ne t'en mêle pas, s'il te plait !

- Capitaine... s'étonna Elvan. Es-tu bien l'ami que j'ai connu, Thann ? On ne creuse pas de tels fossés entre nous et nos amis. Pas même chez les barbares, tu le sais, non ?

- Là n'est pas la question ! s'emporta le barbare. Dis moi qui est ce sage qui t'a aidé !

- Thann ! cria Jamila. Pourquoi est-ce si important ! Elvan est notre ami, nous venons de le retrouver, et c'est ce qui compte !

- Jamila, répondit le guerrier sur le même ton. C'est important car j'ai de bonnes raisons de penser que la personne qui lui a conféré ses pouvoirs, qu'il vénère tel un maître, n'est autre que Baal en personne !

La déclaration jeta un froid sur le groupe. Altor et Jamila tournèrent prudemment les yeux vers le druide, cherchant à discerner la vérité.

- Pauvre idiot... souffla Elvan dans un ricanement désabusé. C'est arrivé avant que Baal ne soit libéré.

- Si ce n'était pas Baal, un de ses serviteurs, alors ! Le Seigneur de la Destruction n'a eu qu'à parfaire ton entraînement lorsqu'il est revenu !

- Dis moi, mon ami, pourquoi Baal ordonnerait à un des siens de décimer plus de cinq mille de ses démons. Explique moi ta théorie, elle m'intéresse au plus haut point.

Les deux hommes s'étaient levés, se fusillant du regard. Jamila et Altor avaient fait de même, prêts à intervenir en cas de conflit.

- Pour gagner notre confiance ! Si tu es assez puissant pour détruire cinq mille démons sans toi-même en souffrir, Baal y gagne au change !

- J'aime ton raisonnement. Tu cherches le mal entre tes murs, parmi tes amis, alors qu'il assiège ta cité. Tu n'as pas changé. Toujours aussi doué pour te tourner en ridicule.

Le poing fusa, trop rapide pour que quiconque ne puisse s'interposer. Elvan fut jeté à terre. Lorsqu'il se releva, du sang coulait de la commissure de ses lèvres.

Altor et Jamila s'étaient mis entre eux pour éviter un deuxième coup.

Une fois debout, le druide essuya le sang d'un revers de manche avant de fixer Thann dans les yeux.

- Quel que soient tes convictions là-dessus, fit-il d'une voix grave, je suis toujours du bon côté.

Il se retourna, ouvrit la porte et sortit, entendant les dernières paroles du barbare fuser dans son dos :

- Il me semble que nous n'ayons pas la même idée de ce qu'est le bon côté !

Elvan referma soigneusement la porte derrière lui. Il jeta un regard circulaire à la nouvelle pièce pour y découvrir les huit autres aventuriers. Il adressa un rapide signe au druide, accompagné d'un sourire, qui le lui rendit. Puis il avança.

Une voix l'interpella, c'était le jeune garçon :

- Hey ! Euh... Elvan, c'est ça ?

- Oui, répondit l'intéressé d'une voix étonnée, sur ses gardes.

- Je voulais te remercier pour nous avoir aidés tout à l'heure. Sans toi on était morts !

Elvan s'arrêta, se détendit et se tourna complètement vers Pierrick avant de répondre, un sourire aux lèvres :

- Ce fut un honneur pour moi d'avoir pu venir en aide à ceux qui ont déjà tué deux des Trois.

- J'espère que tu resteras avec nous pour combattre Baal ?

À ces mots, le druide tiqua. Cela faisait plaisir de voir que quelqu'un ne le croyait pas mauvais. Surtout si cette personne ne le connaissait pas. Cela signifiait qu'il ne dégageait pas une aura si mauvaise que ça.

- Nous verrons, répondit-il en se retirant, nous verrons...

Dans la nuit, une silhouette se déplace furtivement. Quitte la cité à l'insu des gardes, pour s'évanouir dans les collines obscures.
Minuit avait depuis longtemps sonné entre les murs de l'imposante cité barbare. Depuis lors, nul bruit, si infime fut-il, n'avait parcouru ses rues. Il se trouvait pourtant une demeure qui abritait au moins deux personnes dont l'activité cérébrale était loin d'être tarie.

La bâtisse se trouvait à quelques cinq cents mètres de celle de Malah et était plus richement meublée. Elle servait à accueillir les invités de marque, et la coutume voulait qu'ils soient mieux logés que le - ou la - chef barbare. L'édifice comprenait de nombreuses chambres destinées à héberger les ambassadeurs étrangers et leurs suites.

Pourtant, cette nuit-là, ce n'était nul roi d'un pays voisin qui occupait les chambres, bien que ce fût indéniablement des gens importants. En effet, huit des neuf aventuriers qui s'étaient lancés à la poursuite des Trois se partageaient la maison. Uniquement à tire de dortoir, cela va sans dire. Ils préféraient largement passer le reste de leurs journées dans les tavernes ou à casser du démon sur les flancs du Mont Arréat !

Si seulement huit d'entre eux se trouvaient sous ce toit, c'est que Bob, le Maître d'Arme barbare, avait passé la plus grande partie de la nuit à s'entretenir avec Thann à propos des démons de Baal, et qu'il avait fini par décider de finir sa nuit chez le jeune capitaine.

Ereintés par la grande bataille qui avait eu lieu plus tôt dans la journée, Hammerdin_PK, Le Fléau, La mort dans tes Os, Hébus, Séraphine et Lili dormaient profondément. Il en allait tout autrement pour Jamila et Pierrick.

Le hasard avait voulu qu'ils aient des chambres contiguës, ils les avaient cependant rejointes sans s'adresser la parole, absorbés par leurs pensées respectives.

La jeune ensorceleuse ressassait sombrement la réunion qui avait rassemblé les quatre vieux amis et pensait à la façon dont elle s'était terminée.

Se pouvait-il que Thann ait raison ? Alors Elvan... un traître ? Impossible !

De son côté, Pierrick s'attardait sur des questions moins existentielles. Couché sur le dos, les bras croisés sous sa tête, il réfléchissait avec amertume à tout ce qui s'était produit depuis son arrivée à Sanctuary. Plus précisément aux événements qui le mettaient en action aux côtés de Jamila.

Il revit rapidement son arrivée au camp des Rogues, avec sa langue bien pendue. Il préféra passer à un autre extrait.

Il y avait eu cet épisode avec le Forgeron. Il s'était délibérément fait casser un bras pour sauver la jeune fille et, bien que ce ne fût pas couronné de succès, cela avait semblé les rapprocher.

Bien sûr, quelques heures plus tard, elle lui avait crié de partir... Pourtant elle était revenue le chercher quelques jours après - pour le mettre en danger, certes - mais elle avait semblé en éprouver un profond remord !

Et puis il y avait eu le fameux baiser à Lut Golhein, et les nombreuses séances d'entraînement à la magie.

Tout semblait aller pour le mieux jusqu'à ce que... Eh bien jusqu'à ce que Thann entre en scène !

Pour qui il se prenait ? Juste parce qu'il était grand, beau, musclé, loyal envers sa cité et qu'il occupait un poste important dans l'armée barbare...

Que savait Pierrick à propos de Thann ? Il était capitaine, petit ami officiel de Jamila, formé au maniement des armes par Bob lui-même et... ah oui, c'était aussi le petit frère d'Anya. Il était d'ailleurs étrange que la grande soeur ne se soit pas encore manif...

Anya !

Pierrick se releva d'un bond, renversant une chaise qui se trouvait à côté du lit avec un bruit qui résonna longtemps dans le silence.
Comment avait-il pu oublier la quête qui lui donnait +10@ et l'accès à Pindle ?

Sans plus attendre, il se précipita dans le couloir où il trouva, à son grand étonnement, Jamila, emmitouflée dans une épaisse couverture. Il pouvait lire de l'inquiétude sur son visage fatigué ; elle avait été alertée par le bruit.

- Tu vas bien ? hasarda-t-elle.

- Oui, oui, répondit précipitamment Pierrick. Il faut que je voie Bob immédiatement ! Tu sais où c'est ?

- Tout de suite ? Ça pourrait pas attendre demain ? C'est seulement dans quelques heures, tu sais...

- Non ! s'impatienta le garçon. Tu comprends pas ! Il y a un traître à Harrogath !

Aussitôt, Jamila revit Thann frapper Elvan.

- Un traître ? Elvan... ?

- Qui ça ? Oh ! Non, je pense pas...

- Qui alors ?

- Nihlathak. Il a passé un accord avec Baal pour qu'il atteigne la Pierre Monde. Il a enlevé Anya ! T'occupe pas de savoir comment je le sais ! cria-t-il alors qu'elle ouvrait la bouche. Tu peux me faire confiance !

- Si tu as raison... Alors ça ne peut pas attendre l'aube ! Par contre, tu devrais faire quelque chose avant...

- Quoi ? Tu viens d'admettre que c'était important ! Qu'est-ce qui pourrait être plus pressé ?

- Euh... Te couvrir, peut-être ?

Pierrick resta quelques secondes interdit, puis il baissa lentement les yeux sur son corps pour voir le simple caleçon qui enserrait ses hanches.

Sans un mot, il s'enferma dans sa chambre pour en ressortir un instant plus tard, habillé convenablement.

Jamila lui jeta un coup d'oeil inquiet, ayant elle-même passé le chaud manteau barbare :

- Tu vas avoir froid comme ça...

- T'occupe ! la coupa Pierrick. Il faut qu'on se dépêche de trouver Bob.

Alors qu'ils couraient dans la nuit froide, Pierrick crut apercevoir une lueur blanche , au-delà des collines, telle une immense flamme de pureté. Il était cependant trop pressé pour y accorder plus d'importance sur le moment.

Quand Jamila l'eût conduit devant la maison de Thann, il tambourina à la porte en appelant Bob à grands cris. En attendant une réponse, il dit à Jamila :

- Va réveiller les autres. Allez chez Nihlathak et surveillez-le.

Hochant la tête, la sorcière disparut, utilisant le téléport. Pierrick se retrouva seul, remarquant une fois de plus que le froid ne l'atteignait pas.

Il ne put étendre sa réflexion car plusieurs choses se produirent presque simultanément : Alertées par les cris, Malah - dont la demeure se trouvait à une dizaine de mètres - était sortie dans une robe de chambre blanche sur laquelle restaient plusieurs taches, souvenirs de potions renversées.

La matriarche allait demander des explications quand la porte devant laquelle se trouvait le garçon s'ouvrit à la volée, révélant Bob, suivi de Thann, tous deux de méchante humeur.

- QUI VENIR FOUTRE BORDEL QUAND BOB DORMIR ! hurla le maître d'arme. Oh ! Pierrick, c'est toi ! Tu veux quoi ? ajouta-t-il, radouci.
Thann, cependant, ne semblait pas le moins du monde heureux de cette rencontre. Il voulut parler, mais Pierrick ne lui en laissa pas le temps :

- Bob ! Il faut que...

Il fut malheureusement lui aussi interrompu par trois éclats simultanés de lumière bleutée, juste derrière lui.

Si les personnages présents ne comprirent pas immédiatement de quoi il s'agissait, ils furent forcés de reconnaître que trois TP avaient été ouverts, lorsque pas moins de quinze personnes en sortirent. Il fallut encore quelques instants à Thann pour les identifier comme des guerriers barbares disparus lors des assauts lancés contre les démons.

Une fois ce fait remarqué, il ne fallut pas un quart d'heure pour réveiller tout Harrogath et faire apporter aux malheureux des vêtements convenables et plusieurs décilitres de bonne bière... chacun !

Alors que tout le monde festoyait gaiement, Jamila revint, repéra Pierrick et lui cria, tout en avançant vers lui au travers des buveurs :

- Pierrick ! Il a disparu ! Nihlathak s'est enfui !

Le garçon secoua la tête.

- Tant pis, affirma-t-il, désespéré. De toute façon, personne ne nous écouterait... On en parlera plus tard.

Alors arrivèrent les autres membres du groupe qui n'avaient pas eu recours à la téléportation. Ils allaient poser une question quand la puissante voix de Thann étouffa les bruits de la foule :

- Soldats ! Racontez-moi ! Dites-moi ce qu'il s'est passé !

Un des hommes posa sa chope, s'avança, et prit la parole :

- Capitaine Thann, nous étions retenus prisonniers comme des bêtes, dans des enclos, dans les Hautes Glaces. Cette nuit, nous avons entendu des cris démoniaques, mais l'obscurité nous empêchait de distinguer quoi que ce soit. Un moment plus tard, un homme est arrivé, certains d'entre nous l'ont reconnu : c'était le druide, Elvan ! A lui tout seul, il a tué tous les démons du secteur et nous a libérés. Peu après, vous ne me croirez pas, mais les hommes le confirmeront, l'Archange Tyrael est apparu !

Des exclamations confirmèrent ces paroles avant que l'homme ne reprenne :

- Ils ont parlé un instant sans que nous puissions les entendre. Puis ils ont disparu, dans une explosion de lumière, nous laissant ces portails.

Un long silence suivit ces paroles. Tous les regards étaient tournés vers le capitaine qui restait sans bouger, le regard perdu dans le vague, comme profondément choqué par ce qu'il venait d'entendre.

Il avait mis tant de force à se convaincre que Elvan était bien le traître qu'il cherchait ! Et à présent il apprenait que c'était un héros envoyé par les Archanges.

Profitant de la soudaine accalmie, Pierrick s'avança bien en vue et commença à crier :

- Hey ! Faudrait voir à repousser la fête ! On a encore quelques problèmes à régler, vous croyez pas ?

- De quoi tu parles ! répondirent des barbares sur le même ton. Plusieurs de nos amis viennent de rentrer alors que nous les croyions perdus !

- Plusieurs, mais pas tous !
Jetant un regard circulaire autour de lui, il continua :

- Anya n'est pas rentrée ! Elle a été enfermée par Nihlathak. Si vous n'avez pas confiance en moi, Jamila et les autres peuvent confirmer la fuite de ce traître !

Alors, Jamila s'approcha de Pierrick pour prendre la parole :

- C'est vrai. Nous sommes allés chez Nihlathak pendant que Pierrick réveillait Bob et Thann. Nous avons trouvé sa maison en vrac et plusieurs signes d'un départ précipité.

Une rumeur grandissante parcourut la foule. Malah vint couper court aux discussions :

- Peuple d'Harrogath ! Depuis longtemps je soupçonnais Nihlathak d'être un traître. Il a provoqué la perte de nos patriarches. Il a vendu les notres à Baal. Pourquoi ne l'ai-je pas banni ? J'espérais lui faire cracher ses secrets. Malheureusement, mes meilleures potions n'ont rien pu lui soutirer. Je suis navrée, mais lui parti, notre dernière chance de percer les intentions de Baal et de retrouver Anya disparaît...

Encore une fois, la voix de Pierrick s'éleva, derrière la matriarche, presque murmurante, mais néanmoins bien audible par tout Harrogath :

- Baal veut avoir accès à la Pierre Monde. Nihlathak doit lui donner une relique pour qu'il n'ait pas à combattre les Anciens. Et Anya est gardée prisonnière dans la rivière glacée, sous le passage cristallin, au-delà des Hautes Glaces.

Tous les regards le fixèrent, brillant d'un éclat étrange. Sans laisser le temps à ses auditeurs de l'interrompre, Pierrick reprit plus vite :

- Ne vous occupez pas de savoir comment je le sais ! L'important est de sauver Anya, non ?

- Et si tu nous envoyais dans un piège ? cria un des barbares. Et si tu étais un traître, toi aussi ?

- Vous faites une fixation sur les traîtres, pas vrai ? Je vous demande pas de venir tous... Seulement ceux qui peuvent me faire confiance. Puis, se tournant vers Malah : Il me faudrait une potion pour atténuer le sommeil, je viens de passer une nuit blanche... Ensuite j'irai chercher mes armes pour partir chercher Anya... Seul, s'il le faut !

- Et tu crois vraiment qu'on va te laisser faire ? intervint La Mort dans tes Os.

- Je suis un serviteur de la lumière, dit Hammerdin_PK. De plus, je suis ton ami. Je viens avec toi.

- Je m'ennuie quand je massacre pas des démons, avoua le Fléau. Et puis, Elvan était aussi mon ami.

- Huk ! Huk ! Huk ! Ça va bastonner !

- Dès qu'on est pas là, soupirèrent Séraphine et Lili, tu fais des bêtises. Il faut bien qu'on te surveille.

Thann s'avança, toujours sous le choc :

- Anya est ma soeur. Je dois venir.

- Toi rester ici, fit Bob en lui tapotant l'épaule. Bob s'en occuper.

- Depuis que tu es dans ce monde, commença Jamila, t'as commencé par nous apporter pas mal de problèmes. Mais tu t'es largement rattrapé et tu fais partie de notre équipe. J'aimerais revoir Anya et je crois que ça lui ferait une très bonne impression de me voir combattre aux côtés de celui qui a battu Méphisto en combat singulier. Je viens aussi, conclut-elle avec un sourire.

Malah apporta une caisse remplie de différentes potions. Elle en indiqua une sorte qui dissiperait leur fatigue. Ensuite, chacun se servit des potions de santé et de mana.

Voyant que la question était réglée, la plupart des barbares avaient repris les festivités et seuls quelques-uns vinrent saluer le départ des aventuriers.

Chacun habillé de son manteau, exceptés Bob, Pierrick et Hébus, les Héros traversèrent rapidement les collines sanglantes où gisaient les vestiges de la bataille de la veille. Tous les cadavres avaient gelé et la neige était tombée, épargnant à nos amis la vue de ce spectacle putride. Ce n'est qu'arrivés dans les hautes glaces que leurs estomacs firent des bonds et qu'ils se félicitèrent de n'avoir pas mangé.

Des centaines de corps carbonisés s'amoncelaient devant eux, une fumée noire et épaisse s'en dégageant encore, formant un énorme nuage qui obstruait le ciel, à une dizaine de mètres d'altitude. Des viscères encore chauds avaient glissé hors de blessures béantes et empuantissaient l'atmosphère. Des ruisseaux de sang s'écoulaient des cadavres, rendant les rochers et la terre glissants.

- Il est un peu bizarre, ce Elvan, s'exclama Hébus, mais on peut pas dire qu'il manque de classe ! Un Troll n'aurait pas fait mieux ! Regardez-moi ça, fit-il en soulevant une carcasse brûlée. Du vrai travail de pro ! Cuit à point. Vous en voulez un bout ?

- Euh... hasarda le nécromancien alors que les autres détournaient le regard, dégoûtés. Si tu pouvais...

- T'inquiète pas nécro ! Je te garde les os !

- Cool, merci !

- Oh ! Et ça ? C'est quoi ? Mais... Cette bête est énorme ! Et y'en a même une plus petite dans un espèce de panier cramé, sur son dos ! J'adore ce genre de monstres pochette-surprise ! Huk ! Huk ! Huk ! Allez, je le prends aussi ! Oui, oui, je te garde les os.

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La nuit avait lentement quitté Harrogath, emportant avec elle les restes du festin improvisé. Thann interpella un des soldats qui avaient été libérés la nuit :

- Toi, as-tu vu Elvan parler à Tyrael avant de disparaître ?

- Affirmatif mon Capitaine. J'étais dans la prison qu'il a ouverte en dernière.

- Conduis-moi là-bas.

- Mais... Capitaine... Maintenant ? Ma femme et mes enfants...

- Montre-moi juste où c'est. Tu pourras repartir après.

- Je... Bien, capitaine.

Sans donner d'explications à personne, les deux guerriers sortirent et marchèrent sur les traces des aventuriers qui étaient partis quelques heures plus tôt.

A l'instar de leurs prédécesseurs, ils traversèrent les collines sanglantes sans embûches. Ce n'est qu'en entrant dans les Hautes Glaces que leur chemin s'écarta de celui tracé entre les cadavres. Ils parcoururent une centaine de mètres avant d'arriver devant les vestiges de ce qui avait été un enclos fait de troncs d'arbres plantés dans le sol, hauts de quinze mètres.

- C'est là-bas, Capitaine, affirma le barbare. Juste derrière la barricade. A présent, si vous le permettez...

- Vas-y, souffla Thann sans lui prêter aucune attention.

Le guerrier partit sans demander son reste et Thann s'avança, contournant les arbres. Il découvrit un large cercle totalement dépourvu de cadavres et des souillures dues aux combats. Au centre de ce cercle s'élevait une stèle d'un blanc immaculé. A son pied gisait une statue allongée, tout aussi blanche, les mains croisées sur la poitrine. Les traits de son visage ne mentaient pas. Il s'agissait bien d'Elvan.

Thann s'approcha de la pierre tombale pour y découvrir, inscrits en lettres dorées, les mots que voici :

« Ci-gît Elvan, messager de Tyrael. Rappelé au Paradis pour avoir courageusement bravé les instructions qu'il avait reçues. Jamais Elvan ne sera considéré comme un traître parmi les Anges. Sa dévotion envers ses amis était plus grande encore que son amour de la vie. »

En dessous de ce message était gravée une date étrange :

15 jours avant la Chute Démoniaque

Le barbare s'agenouilla devant la pierre et murmura :

- Elvan... Je pensais bien te trouver ici. Depuis combien de temps on se connaît ? Quinze ans, peut-être ? On a toujours été inséparables tous les trois, avec Altor. Tous les quatre, même, quand Jamila est arrivée. Tu ne peux pas imaginer notre tristesse en pensant t'avoir perdu. Pourtant tu es revenu, hier. Et moi... Je t'ai accusé d'être un traître. Je t'ai frappé, même. Et toi, tu n'as pas bougé, tu as souligné mon incompétence. Et à présent je vois que tu avais raison et que j'avais tort... Peut-être que tu m'entends, d'où tu es, j'en suis même sûr. Je peux au moins te dire que je regrette...

A ce moment, une vive lumière blanche irradia de la stèle et la statue parut s'animer. Au second coup d'oeil, Thann s'aperçut que la statue ne bougeait pas, mais qu'un esprit s'en dégageait. Quelques secondes plus tard, son ami se tenait devant lui, bien que ses contours soient flous et que le paysage reste visible à travers lui.

- Il n'y a rien à regretter, mon ami, affirma l'apparition d'une voix douce et bienveillante.

- Elvan ! C'est toi ! Mais... Comment ?...

- Tyrael m'a permis de revenir une dernière fois. Je vais tout te raconter. Tu te souviens du sage dont je t'ai parlé ? C'était Tyrael lui-même. Je n'entrerai pas dans les détails car je n'ai pas beaucoup de temps. Il m'a confié ce pouvoir comme je vous l'ai dit. Cependant, il y a autre chose que tu ne sais pas. Je vous ai parlé d'une attaque de démons. Elle a réellement eu lieu, seulement je ne m'en suis pas sorti vivant.

- Comment ? Elvan ! Je ne comprends pas...

- Je suis mort il y a deux mois, Thann. Tyrael m'a renvoyé sur Sanctuary, plus puissant que jamais, mais pour cela il est allé me chercher chez les morts. Il m'a confié une mission : je devais tuer Baal. C'est pour cette raison que je me trouvais dans les collines sanglantes hier.

- Mais alors... Pourquoi Tyrael t'a-t-il rappelé ? C'est écrit sur ta stèle...

- Pour une raison que j'ignore, Tyrael ne voulait pas que je vous vienne en aide. Ma mission était de tuer Baal, pas ses démons. Tyrael semblait penser que les aventuriers devaient se débrouiller tous seuls pour ça. Mais il ne les sentait pas assez forts pour venir à bout du Seigneur de la Destruction. Pourtant, j'ai décidé d'enfreindre ses ordres. Hier, j'ai reçu un avertissement après avoir tué Shenk, mais je n'ai pas pu m'empêcher de sauver ces hommes, cette nuit, alors que tant d'entre eux avaient été mes amis. Je n'ai plus beaucoup de temps. Thann, dit à Altor et Jamila que j'aurais aimé les revoir. Dis-le-leur, s'il te pl...

Telles furent les dernières paroles du messager de Tyrael, enfin libéré de sa mission. Il incomberait à d'autres de délivrer à Baal ce message mortel.

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- J'adore vraiment ce genre de couloirs ! s'exclama Hébus en décrivant un autre arc de cercle avec le squelette à présent rongé de l'énorme bête. C'est excellent y'a pas assez de place pour vous alors c'est moi qui tape tout le monde tout seul !

- Ouais, ouais... soufflèrent les autres, dépités.

Cela faisait bien une demie heure que le Troll prenait toute la place dans le passage cristallin, ne laissant aucune chance aux créatures qui lui faisaient face. Voyant qu'il n'en démordrait pas, les autres s'étaient assis en cercle, autour d'une flamme créée par Jamila, et attendaient patiemment que leur ami poilu ait fini de nettoyer la zone pour descendre dans la rivière glacée.

La Mort dans tes Os avait l'air encore plus boudeur. Quand ses amis s'enquirent de son humeur, il répondit, sifflant entre ses dents :

- Il m'avait promis de me donner les os, et là il arrête pas de les abîmer sur des monstres de glace qui peuvent même pas être ressuscités...

- Raaah ! hurla Hébus de loin (on ne le voyait plus). Fais pas la gueule ! T'auras qu'à ressusciter Baal quand on y sera ! Alors, je suis pas sympa ?

- Mouais... Ça va être comme d'habitude...

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Nan, rien !

- Moi ce que j'aime bien avec les monstres, reprit Hébus sans plus faire attention à ses amis laissés derrière, c'est que ça se jette tout le temps dans tes pattes, même si t'es environ un petit million de fois plus costaud et plus grand. Et puis surtout, pour la plupart, ils sont très bons à manger ! Tiens, regardez celui-là - ah non, vous pouvez pas, vous êtes trop loin derrière. Alors je vais vous raconter ! Il est gros, avec des cornes sur la tête et une hache dans chaque main. P'tain ! Il bouge vite, l'animal ! Ah, voilà, il me tape. Donc ça rebondit sur mes magnifiques pectoraux poilus. Sa deuxième hache vient se cogner contre mes dents et se casse en plein de petits éclats. Il se prend un bout de métal dans l'oeil. Là, vous l'entendez hurler ? Oh tait-toi ! Là je lui ai collé une grosse baffe et il est allé s'écraser sur les autres derrière. Bon, maintenant, je le mange ! Bon, vous gentendez ? Là je chuis gen train de le mâchonner. Et là... Oh ça croustille !

- C'est l'armure ! cria Pierrick. Abruti ! Et dépêche toi un peu de trouver la rivière glacée, on s'ennuie ici !

- Oui, oui, ch'est bon ! *déglutition* Tiens, il est là, ton tunnel. Oh, mais y'a pas beaucoup de place, je vais être obligé d'y aller tout seul ! ajouta-t-il d'un air réjoui.

Le Troll se courba pour entrer dans le tunnel. Une fois de l'autre côté, il se rendit compte qu'il y avait largement assez de place pour que tout le monde tienne côte à côte. Il hésita quelques instants, tourna la tête en arrière, puis haussa les épaules en reprenant sa route.

Il fut bientôt interpellé par un groupe de zombies traînant de lourdes épées.

- Cool, un autre casse-croûte !

Un des monstres se jeta vers lui et abattit son arme. Hébus l'attrapa entre deux doigts et secoua la tête d'un air contrit :

- Faut pas jouer avec ces gros trucs, tu risques de te faire bobo !

Sur ce, il arracha la lame des mains de son propriétaire et s'en servit comme d'une batte, frappant le mort-vivant avec la garde et l'envoyant frapper ses congénères qui s'étalèrent comme des quilles.

- Bon, c'est pas bien costaud, tout ça. On va voir si y'a pas mieux plus loin.

Continuant son avancée le long de la rivière glacée, il trouva trois succube voletant au-dessus de la glace. Elles le chargèrent toutes les trois en même temps. L'une d'elles finit écrasée sur la poitrine de Hébus, faisant gicler du sang de partout. Une autre le rata et termina sa course sur la glace en tournoyant (elle ne put d'ailleurs pas se relever tant ça glissait, et elle s'était foulé une aile). Et la troisième vint planter ses griffes dans l'épais pagne en cuir qui recouvrait l'engin cauchemardesque dont était équipé tout Troll qui se respecte.
Hébus l'attrapa délicatement par la nuque, la décrocha et la porta à hauteur de ses yeux pour lui dire :

- Huk ! Huk ! Huk ! T'es mignonne, mais tu devrais pas aller voir là-dessous, tu vas avoir peur !

Il lui écrasa négligemment la tête sur sa massue avant de lui aspirer la moelle épinière.

_______________


- Une paire ! annonça le nécro en fixant les seins de Lili, tout en bavant.

- Moi j'ai un carré de dames, répondit-elle. Et regarde un peu tes cartes, vieux pervers !

- Moi j'ai seulement un brelan de neufs, se plaignit le paladin.

- Moi rien, cracha Pierrick, dégoûté.

- Non plus, ajouta Séraphine.

Bob et Jamila ne jouaient pas, l'un ne comprenant pas l'intérêt de ces bouts de papier, l'autre supervisant la partie.

- Hé hé hé ! ricana le druide. Moi j'ai une quinte flush royale !

- Comment ? s'exclama Pierrick, encore plus dégoûté. Mais c'est la cinquième fois que tu gagnes !

- Qu'est-ce que tu veux, petit, y'en a qui ont de la chance !

- Dis moi, Fléau, fit remarquer Jamila. Comment tu peux avoir une dame dans ton jeu alors que les quatre sont dans celui de Lili ?

- Zakarum ! s'écria Hammerdin_PK. Elle dit vrai ! Vil maraud ! Tu oses tricher alors que nous mettons de l'or en jeu ?

- Eh oh ! rétorqua le druide. Si on va par là, ce serait pas interdit de jouer de l'argent chez les paladins ?

- Hey ! s'interposa Lili, qui aurait gagné sans la triche du druide. Change pas de sujet ! Tu vas me rendre tout le fric que tu m'as piqué !

Le tricheur aurait voulut refuser, il aurait même tenu tête à l'amazone, si le reste de l'équipe ne s'était pas jeté sur lui, lui arrachant des touffes de poils pour faire baisser sa vie à 1 et forcer ainsi la fin de la métamorphose, afin d'avoir accès à ses poches pour récupérer leur argent.

Au moment où, ayant arraché sa hache de ses mains, Séraphine et Lili furent tentée d'arracher en plus la couche de vêtements qui recouvrait un corps prometteur, un bruit de pas lourd et retentissant se fit entendre dans les couloirs.

- Hey Hébus ! cria Pierrick. Ça y est ? T'as tout tué ? Mais qu'est-ce que t'as ? T'es tout bleu !

- F... F... Froid... Gr... Gros M... Monstres... costauds...

- Cool ! fit Bob, heureux de comprendre enfin quelque chose. Bastonner !

- Moi, dit Séraphine, ayant laissé tomber le druide, j'ai mon corbeau gelé, je risque rien.

- Moi, fit remarquer Pierrick, le froid, ça me fait rien du tout.

- A ce propos, coupa Jamila. Comment tu expliques ça ?

- Boarf, j'en sais rien... Je m'en suis rendu compte en arrivant à Harrogath. Du moment que ça marche, je me plains pas.

- Oui... ça mériterait quand même une étude...

- D... Dites ! s'impatienta Hébus. Ça v... vous d... dé... déran... gerait de vous... occu... per de m... moi ?

- Oui, oui, répondit l'ensorceleuse d'un air distrait. Voilà, ajouta-t-elle en lançant une boule de feu aux pieds du Troll, lui faisant ainsi roussir les poils.

- Merci ! Bon, on y retourne ? Mais, où est Bob ?

- Bob déjà parti ! cria une voix venant du tunnel.

Forts de cette information, le groupe se mit en marche. Assez curieusement, le druide resta en arrière, ne voulant peut-être pas risque le peu de poils qui lui restaient.

Ils furent vite arrivés au point de tension qui avait forcé Hébus à faire demi-tour. Cinq énormes brutes se dressaient de l'autre côté de la rivière, à deux mètres du pont mais trop bêtes pour penser à l'utiliser.

Semblables au monstre tué par Pierrick (bien involontairement) dans le Bois Obscur, si ce n'est qu'ils étaient tout de blanc vêtus et semblaient beaucoup plus forts - et beaucoup plus idiots, proportionnellement parlant.

- Attendez ! cria Pierrick alors que les CàC fonçaient vers le pont.

- Ben quoi ?

- Regardez-les, ces idiots ! Ils restent sans bouger, faut pas les attaquer au corps à corps ! Jamila, lance donc un météore sur eux, pour voir si ça les remue.

La jeune fille hocha la tête et obtempéra. Dans un fracas effrayant, une énorme pierre rougeoyante tomba, fracassant le plafond de la grotte, projetant de gros morceaux de roche et de glace sur les ennemis, avant de tomber à travers la glace de la rivière, découvrant l'eau froide qui dormait en dessous.

- Ouais, ironisa le nécromancien, ben c'est pas super précis, tout ça !

- Oh ça va, hein ! rétorqua Jamila. Tu crois que c'est facile quand on est sous la montagne ?

Ils furent coupés dans leur altercation par un hurlement de rage, suivit d'un gros « PLOUF ». L'explication leur vint alors qu'ils tournaient la tête vers l'origine des bruits. Hébus avait ostensiblement exposé son arrière-train musclé aux monstres, se donnant de plus de grosses claques dessus, avec l'évidente intention de provoquer ses ennemis. Cela eut incontestablement le résultat escompté, car un des Yétis, fou de rage, s'était jeté en avant, au travers de la rivière glacée, pour attaquer le Troll. Il avait malheureusement compté sans le trou formé par le météore. Ceci explique donc le deuxième bruit.

Un éclat de rire ébranla la coterie devant cette preuve vivante - anciennement vivante, plutôt - que les barbares n'étaient pas les plus stupides créatures de Sanctuary.

- Bon, admit La Mort dans tes Os. Je reconnais que ton sort a servi à quelque chose. Maintenant, à moi de m'amuser !

Avec un rire sardonique, il pointa sa baguette osseuse vers les quatre bêtes restantes. Le bout de son arme parut s'allonger démesurément, en une longue épine dorsale ondulante. A mesure que les vertèbres apparaissaient, elles se faisaient aussi plus grosse, de sorte qu'il devint bientôt évident que ce n'était pas une élongation de la baguette, mais plutôt une invocation propre au nécromancien.

Traversant l'air dans un sifflement morbide, la lance d'os fusa vers le premier monstre et le transperça de part en part.

- Et maintenant, annonça le vieillard, regardez la puissance d'un nécro expert !

Alors qu'il prononçait ces mots, la lance se recourba, faisant s'entrechoquer les vertèbres dans un bruit inquiétant (surtout s'il avait fait nuit et qu'ils avaient tous été assis devant un film d'horreur, une boite de pop corn à la main) et revenant en arrière, refrapper le même monstre.

L'opération reprit trois fois avant de laisser un cadavre mutilé et de passer aux autres brutes qui, soit dit en passant, ne pouvaient que regarder leur congénère se faire frapper, n'esquissant que peu de gestes protecteurs, se bornant tout juste à courir en faisant des cercles si petits qu'ils se cognaient les uns les autres. Le tout, évidemment orchestré par des hurlements.

Au bout de cinq petites minutes, il ne restait plus que quatre corps percés de multiples trous. Hammerdin_PK s'indigna :

- Hey ! Espèce d'égoïste ! T'aurais pu nous en laisser un peu ! (Approbation de Hébus et Bob). Maintenant c'est toi qui as pris toute l'expérience !

- Mais nan ! rétorqua le nécro. T'as jamais appris qu'en coterie on partageait l'xp si on est à moins de deux écrans de différence ?

- Beuh... Tu sais, quand on est PK, les coteries...

- C'est pas le problème ! explosa Hébus. Nous on voulait taper dessus !

- Ouais ! approuva Bob. 'A pu baston !

- Frileux comme t'es, accusa la Mort dans tes Os, tu te serais encore retrouvé tout bleu !

Une énorme baffe le cueillit alors sur l'épaule et la tête (Hébus avait de très larges mains), entraînant le craquement sinistre caractéristique des vieux os cassés.

- Nous les Trolls, on est pas susceptibles. Mais faut pas trop pousser quand même. Bon, maintenant que tout est réglé, elle est où la fille qu'on doit sauver ?

_______________


Malah embrassa l'assemblée du regard. Debout - elle refusait toujours de s'asseoir lors des cérémonies - elle attendait que tout le monde soit prêt. Sur la droite de la salle se trouvaient les principaux chefs militaires, dont Qual-Kehk et Thann. Debout à côté de la Matriarche, Anya était rétablie. Elles avaient décidé de récompenser les héros pour leurs prouesses.

En face d'elles, un peu gênés par cette décision, le groupe attendait nerveusement le moment où Malah parlerait.

Elle ne se fit plus beaucoup attendre :

- Nobles Héros, commença-t-elle, sa voix résonnant dans le silence quasi-religieux. Vous avez déjà tué deux des Trois, apportant la paix à une grande partie de Sanctuary. Depuis votre arrivée à Harrogath, des milliers de démons ont été repoussés et vous avez même délivré Anya ! Aussi avons-nous décidé de vous récompenser. Seulement, vous venez tous de contrées lointaines, nous ne connaissons pas toutes vos coutumes respectives. Pour cette raison, nous vous laissons choisir votre récompense dans la mesure de nos moyens. Jeune Paladin, veuillez avancer d'un pas et nous annoncer votre souhait.

Hammerdin_PK avança et réfléchit quelques instants avant de donner sa réponse :

- J'aimerais, si c'est chose possible, récupérer les oreilles de vos guerriers morts au combat. Cela me permettrait de leur offrir les derniers euh... sacrements.

- Voilà une coutume plutôt étrange, mais nous pouvons vous l'accorder, à présent que les collines sont sûres. Quel est votre souhait, maître nécromancien ?

- Eh bien, dit le nécro après s'être avancé, je voudrais avoir accès aux anciennes affaire de Nihlathak, comme c'est un nécromancien, ça pourrait m'être utile.

Anya et Thann tiquèrent à ce nom, mais Malah répondit comme si de rien n'était :

- C'est tout à fait naturel. Je vous l'accorde. Monseigneur Troll ?

- Moi, j'me suis concerté avec Bob et on a décidé que tant qu'on nous laisserait taper sur les démons, c'est tout ce qu'il nous faut ! Huk ! Huk ! Huk !

- Ouais ! approuva Bob.

- Euh... Fort bien... Eh bien, Dame Séraphine ?

- Je dois dire que je cherche depuis longtemps un anneau qui me rajouterait quelques petits trucs, genre un bonus aux aptitudes, du mana. Si vous aviez ça, ça m'arrangerait bien.

- Il faudrait voir avec notre forgeron, mais je pense que cela peut s'arranger. Demoiselle amazone ?

- Eh bien... Une fois Baal mort, j'aimerais revenir ici et pouvoir entraîner un régiment au maniement du javelot. Sauf votre respect, je trouve que cela manque cruellement à votre culture.

Malah consulta rapidement Qual-Kehk du regard et obtint un hochement de tête en réponse.

- Ça ne posera pas de problème, répondit-elle avec un sourire. Fléau ?

- Je cherche aussi un objet. Les bottes ayant appartenues au grand Aldur. On dit qu'elles se trouvent dans les environs d'Harrogath, mais j'ignore si c'est vrai.

- J'irai consulter nos maîtres druides qui ne sont pas présents ici. Et toi, Jamila ?

- J'aimerais avoir accès à toutes les affaires que ma mère a laissé, souffla-t-elle.

- Evidemment, répondit doucement Malah. Si c'est tout ce que tu désires... Alors il nous reste le jeune garçon.

Pierrick s'avança, regarda autour de lui. Son regard s'arrêta d'abord sur Thann, puis vint se fixer sur Jamila qui gardait la tête baissée.

- Je ne veux rien, répondit-il, sans prendre conscience que tout le monde l'écoutait avec attention. Ce que je désire...

A ces mots son regard brilla si fort que Jamila sembla le sentir et redressa la tête.

- ... a déjà été conquis.

Si l'ensorceleuse tourna enfin les yeux vers lui, Pierrick avait déjà retourné la tête, interpellé par Thann, bouillonnant de fureur :

- Il y a trop longtemps que tu tournes autour de ma fiancée ! Sur le champ et devant témoins, je te défie en duel, avec pour seules armes nos épées !
- Tu ne dois pas accepter ! répéta Jamila pour la énième fois. Tu ne connais pas les coutumes d'Harrogath ? Le plus souvent, ce genre de duel continue jusqu'à la mort d'un des combattants !

- Tu es très gentille de me le rappeler une cent treizième fois, soupira Pierrick. Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre ?

- Refuser, tout simplement ! Tu dis que tu trouves ça indigne d'un héros et puis ça passera tout seul !

- Ah ! ricana le garçon. Et tu parlais de coutumes barbares ! Ma cote de popularité est déjà pas terrible, alors si en plus je me défile...

- Mets un peu ton orgueil de côté, tu veux ? Tu es là pour tuer Baal, pas vrai ? Comment tu vas y arriver si tu te fais découper en petits cubes, demain ?

- Hey ! Là je trouve que t'y vas un peu fort ! J'ai été formé par Bob et Hébus ! T'as pas confiance en leur entraînement ?

- C'est pas ça ! Mais Thann aussi a été entraîné par Bob !

- Oh... Alors c'est en moi que t'as pas confiance... conclut tristement Pierrick.

- Oh ! Tu m'énerves !

Pierrick allait rétorquer quelque chose, la porte devant laquelle ils se trouvaient s'ouvrit, découvrant Bob et ramenant ainsi le silence. Le barbare fit face aux deux jeunes gens et contempla leurs visages rouges et leurs yeux lançant des éclairs. Ils étaient néanmoins prêts à l'écouter.

- Malah dire pas pouvoir empêcher duel. Thann avoir droit défier qui il veut.

- Mais Pierrick peut quand même refuser, pas vrai ? implora Jamila.

- Pierrick pouvoir, mais...

- Mais c'est absolument hors de question ! coupa le jeune homme d'un ton catégorique. Qu'est-ce qu'on va croire après ? Qu'un des neuf héros, après avoir affronté Méphisto et même Diablo, sans compter tous leurs larbins, va s'incliner devant un barbare ? De toute façon j'ai décidé !

Jamila lui jeta un regard furibond mais ne put rien dire car une voix retentit, en provenance de l'autre côté de la pièce :

- Huk ! Huk ! Huk ! T'as parlé comme un vrai Troll, gamin !

- Ouais, s'emporta l'ensorceleuse. Le problème, c'est que c'est pas un Troll, bien qu'en ce moment il semble être aussi borné que la plus bornée des boules de poils !

- Ecoute, Jamila, fit Pierrick en la fixant droit dans les yeux. Je vais participer à ce duel...

- Mais tu ne peux pas gagner !

- ... et je verrai bien ce qui m'arrivera, continua-t-il sans tenir compte de l'interruption. Peu importe qu'il soit plus fort que moi, ce qui n'est pas encore prouvé ! Je suis pas sûr qu'il aurait pu tuer Méphisto tout seul !

- Contre Méphisto tu pouvais te servir de ta magie, alors que là c'est interdit !

- Eh bien, ça me fera au moins une excuse en cas de défaite...

_______________


L'arène était modélisée par un large cercle de cinquante mètres de diamètre. Le sol était couvert de cailloux plus ou moins gros, sur lesquels on pouvait glisser facilement les jours de grand froid. Il semblait que tout Harrogath fût rassemblée dans les tribunes, ravis de voir leur capitaine mettre une bonne raclée à un mago prétentieux. La loge officielle abritait toutes les personnalités importantes, dont, bien sûr, Anya et Malah.
La loge la plus étonnante, et sans conteste la plus jolie, était suspendue à quinze mètres de haut, par quelque magie. Son plancher était inexistant et les personnages qui s'y trouvaient pouvaient donc voir absolument tout ce qui se passait, que ce soit dans l'arène ou dans le public. Ils étaient en outre protégés d'une chute éventuelle par un champ de force placé sous la tribune.

Conformément à la coutume, les invités d'honneur y avaient pris place, ce qui incluait les huit héros restants, étant donné que l'un d'entre eux se trouvait quinze mètres plus bas.

Au niveau du sol, disposés à dix mètres l'un de l'autre, Thann et Pierrick se fixaient, attendant plus ou moins patiemment que tout le public soit fin prêt. Le barbare était équipé de la même façon que lors de leur première rencontre, avec sa grande épée accrochée dans le dos et une lame plus petite pendant à sa ceinture. Le torse recouvert d'une belle cotte de maille et le crâne d'un casque chromé, il avait fière allure.
Pierrick, lui, était moins impressionnant. Habillé d'un pantalon de toile grossière, son armure en peau de Vipermage descendant jusqu'à son bassin et laissant une grande partie de ses bras à découvert, une épée à une main quelconque fixée à son ceinturon. De plus, la tension le faisait trembler imperceptiblement.

Petit à petit, le silence se fit dans les tribunes, ne laissant plus de place qu'au bruit du vent sifflant. Alors, la neige se mit à tomber. A petits flocons d'abord, puis rapidement à flocons plus épais. Le casque de Thann le protégeait suffisamment pour qu'il n'en soit que peu gêné. Pierrick, de son côté, pouvait garder les yeux ouverts sans ciller, malgré le froid environnant. Les seuls incommodés étaient ceux qui comptaient assister à un magnifique spectacle : ils ne verraient que des ombres.

- Si tu es prêt ? cria Thann pour que tout le monde comprenne que le combat allait débuter.

Pourtant, Pierrick ne semblait pas enclin à commencer tout de suite.

- C'est facile pour toi, pas vrai ? T'as quoi ? Cinq ans de plus que moi ? Plus ?

- Environ, mais un héros (Thann cracha à moitié ce mot) tel que toi devrait savoir que dans un combat, l'âge n'est pas déterminant.

- Voilà enfin un point sur lequel on est d'accord, répondit Pierrick avec un petit sourire que Thann ne put voir.
Les deux adversaires dégainèrent alors leurs armes.

Thann tenait sa grosse épée dans la main gauche. La gardant haute, prête à frapper, il lança d'abord plusieurs estocs rapides que Pierrick para avec quelques difficultés. Il lança alors son bras gauche en avant, balayant ainsi la garde de son adversaire. Il profita des courtes secondes d'ouverture pour relancer sa plus courte épée et ouvrir deux plaies sur la joue gauche du garçon.

Essuyant le sang du revers de sa main, Pierrick voulut atteindre le visage de son adversaire. Son coup fut paré et, bondissant sur le côté, il esquiva in extremis la riposte. Reprenant rapidement ses appuis, il se fendit, pour voir sa lame riper sur l'armure du Barbare.

Du coin de l'oeil, il vit la courte épée tournoyer en l'air, sans aucune main pour la tenir. Au même instant, un violent coup de poing vint le cueillir dans l'estomac. Il fut repoussé malgré la protection qu'offrait la peau de Vipermage. En retombant sur le dos, glissant sur les cailloux gelés, il vit Thann rattraper d'un geste vif son arme.

Effectuant une roulade arrière pour se relever, il ne vit qu'au dernier moment la main de Thann dévorer la faible distance qui la séparait de son ventre.

Cela n'aurait pas posé plus de problèmes que ça si elle n'avait tenu la longue lame.

Pierrick abattit désespérément son épée pour dévier celle de Thann vers la droite, tout en se contorsionnant vers la gauche pour éviter l'attaque le plus possible.

La lourde épée vint néanmoins frapper l'abdomen du garçon, lui faisant perdre l'équilibre et il se retrouva encore une fois les fesses par terre.

- Pauvre petit garçon, railla Thann. Tu as encore du mal à tenir sur tes jambes...

Bouillonnant de rage, Pierrick voulu se relever, mais une lame relativement courte vint s'appuyer sur sa gorge.

- Abandonne, petit. Tu ne peux pas gagner. Tu as eu un excellent professeur, mais on ne peut pas faire d'un cancre un génie...

- Tais...toi, articula lentement Pierrick, n'oubliant pas le fil tranchant posé sur sa pomme d'adam. Tu... ne... m'impressionnes... pas du tout ! Essaye donc de me frapper ! cracha-t-il.

Sans se le faire répéter, Thann laissa tomber son épée courte et empoigna sa lame du colosse à deux mains, la leva au dessus de sa tête pour l'abaisser de toutes ses forces.

L'air crépita alors que Pierrick offrait ses paumes ouvertes à la lame du barbare. Le choc ébranla toute l'arène. Le garçon tenait le fer entre ses mains, des fragments de glace éclatèrent en tout sens à partir du point de contact.

- De la magie, observa Thann en hochant froidement la tête. En plus d'être lâche, tu ne suis pas les règles...

Le visage du garçon était déformé par l'effort et la colère. Ses cheveux volaient, soufflés par un vent enveloppant son corps, faisant reculer la neige si bien qu'autour des deux combattants, l'espace était dégagé mais parcouru d'un puissant vent circulaire.

- Ne... m'énerve... pas ! cria-t-il, crachant chacun de ses mots. Tu ne mérites pas mon respect !

Alors, la zone où sévissait le vent s'élargit brusquement et les bourrasques régulières, formant des cercles concentriques autour de Pierrick, frappèrent le barbare de plus en plus fort.

- Arrête immédiatement, hurla Thann pour couvrir le vent. Tu enfreints la règle la plus sacrée d'Harrogath !

- Tu me saoules ! JE ME FOUS DE TES REGLES !

C'est à ce moment que, au comble de sa colère, Pierrick libéra tout son pouvoir. L'onde de choc fut si puissante que Thann fut projeté une dizaine de mètres en arrière. Son heaume s'envola pour disparaître dans les tribunes et son épée lui fut arrachée des mains.

La tempête tomba aussi vite qu'elle était apparue et Pierrick tomba à genoux, essoufflé. Son arme était à terre, à côté de lui. Respirant si fort que tout le public devait l'entendre, il se releva, ramassant son épée. Il regarda Thann l'imiter, quoique avec un peu plus de peine.

- Désolé, s'excusa Pierrick sans pouvoir se départir d'un petit sourire. Je peux pas toujours me contrôler quand je suis énervé.

- Tu... as... enfreint... une règle... fondamentale... de ce duel...

- Je sais... soupira le garçon, exaspéré. Je t'ai dit que j'avais pas fait exprès ! Je peux pas revenir en arrière ! Hum... Par contre, je vais faire quelque chose pour qu'on soit quittes.

- Comment ça... ?

- Frappe moi... Je ne me mets pas en garde, ça remboursera le coup que tu t'es pris.

Pour confirmer ses paroles, Pierrick écarta les bras et ferma les yeux, prêt à encaisser. Thann ne se le fit pas dire deux fois. Il avança rapidement vers son adversaire, ramassa sa courte épée qui était restée là et colla un formidable uppercut dans la mâchoire du garçon, s'aidant du pommeau de son arme.

Pierrick recula de plusieurs pas, sentant sa tête résonner.

Thann le fixait avec mépris. Laisser ainsi un ennemi le frapper n'était pas digne d'un guerrier ! De son arme gauche, il écarta la lame qui arrivait maladroitement vers sa poitrine, puis se fendit, faisant ripper sa propre épée sur l'armure de Pierrick. S'il ne s'était pas attendu à autant de résistance de la part du cuir, il se reprit rapidement, relançant sa lourde épée vers les cotes du garçon, trop rapidement pour qu'il ait le temps de parer. Il frappa du plat de la lame et l'armure atténua beaucoup la force du coup. Pierrick n'en fut pas moins projeté sur le côté.

Cette fois, cependant, se trouvant sur sa jambe valide, il ne tomba pas. Il n'eut par contre pas le temps de voir arriver trois coups qui lui ouvrirent trois petites plaies sur les joues.

Epuisé, ses cotes le faisant affreusement souffrir, la neige devenant trop épaisse pour que ses yeux larmoyants voient correctement et les bras pendants, trop fatigué pour relever son arme, il ne vit arriver le coup.

Thann avait lâché sa petite épée, empoignant l'autre à deux mains. Il renouvela son attaque dans les cotes du garçon, sentant avec satisfaction les os craquer.

Le jeune homme s'écroula sur les rochers où les gouttes de sang avaient coloré la neige par endroits. Ayant laissé tomber son épée, il respirait faiblement, du sang se mêlant à la bile qu'il recrachait tant qu'il pouvait, chaque haut-le-coeur le faisant souffrir de manière insupportable.
Il entendit vaguement le bruit du métal frappant la pierre, mais ne comprit pas que Thann avait lâché sa deuxième épée. Sentant quelque chose le saisir par les aisselles, il gémit en sentant le mouvement forcé de sa cage thoracique. Une voix lui parvint :

- Je te laisse la vie sauve parce que Jamila et Bob me l'ont demandé ! Mais ne te mets plus jamais en travers de mon chemin !

Ne pouvant rien répondre car la seule contraction de son diaphragme faisait bouger ses côtes cassées, venant ainsi frotter des terminaisons nerveuses, il vomit encore un peu de bile et de sang, souillant son armure et crachant ce qu'il put au visage de Thann.

Il sentit alors son crâne exploser. Un flot de liquide chaud s'échappa de ce qui avait été son nez quelques secondes plus tôt. La douleur, indescriptible, se répandit dans tout le visage, augmentant encore d'intensité à chaque battement de coeur, frappant comme un maul à deux mains contre les parois de son crâne. Une myriade d'étoiles constella l'intérieur de ses paupières alors que le sang coulait sans discontinuer. Il sombra lentement et douloureusement dans l'inconscience.

_______________


Une fois de plus, Pierrick se réveilla dans un lit chaud, avec l'impression d'une "Explosion Morbide" lancée à répétition sous son crâne. Il tâta son visage avec précaution mais ressentit néanmoins une vive douleur. Il ne portait aucun bandage mais son nez avait l'air d'avoir pris quelques centimètres cube.

- Ça y est ? demanda une voix féminine. Tu es réveillé ?

- Mouais...

Pierrick releva la tête pour voir que toute la coterie était rassemblée autour de son lit.

- Pas terrible comme baston, gamin ! fit remarquer Hébus.

- Thann beaucoup plus fort ! affirma Bob.

- Ouais, ça va... coupa mollement Pierrick. A quoi ressemble mon nez ?

- Eh bien... répondit Lili. Il est pas si amoché...

- Non, confirma Séraphine avec précaution, c'est vrai que ça pourrait être pire...

- Comment osez-vous mentir à ce pauvre garçon ? intervint le paladin. Il ne faut pas lui cacher que son nez ressemble à une grosse patate violette !

- Tout à fait d'accord avec toi, palouf, ajouta le Fléau. Même que si Malah m'avait pas dit que c'était ici, je l'aurais pas reconnu !

- Toi, menaça Pierrick, dès que je suis remis, je te gèle les poils jusqu'à ce que tu puisses plus bouger !

Seule Jamila restait silencieuse et le garçon ne lui adressa pas la parole. Il ne voulait pas lui donner une occasion de lui rappeler qu'elle l'avait prévenu, que s'il l'avait écoutée, il ne lui serait rien arrivé.

- Bon, reprit-il. Combien de temps je suis resté assommé ?

- Deux jours, répondit La Mort dans tes Os. D'ailleurs ça m'a laissé le temps de chercher des trucs dans la maison de Nihlathak et, avec l'aide d'Anya, j'ai trouvé de quoi ouvrir un portail pour le repaire de ce traître !

- En fait, expliqua Pierrick, ça sert à rien d'y aller. Il a déjà donné la relique à Baal. Faudrait plutôt se dépêcher d'aller buter le démon avant qu'il lance une plus grosse attaque.

- Comment ? Tu veux dire que j'ai fait ça pour rien ?

- Non, on pourra toujours y aller plus tard, mais Baal est plus important, pas vrai ?

- Oui, admit enfin Jamila. C'est vrai qu'on devrait plutôt s'occuper de Baal en premier. Nihlathak est secondaire. Je vais le dire à Thann.

_______________


Thann regarda le portail ouvert par sa soeur avec l'émerveillement d'un enfant. Rouge, irradiant une aura mystérieuse, il se dressait, à hauteur d'homme, prêt à conduire quiconque le voudrait jusqu'au Temple de Nihlathak.
Jamila arriva à ce moment.

- Tiens ! l'accosta Thann. Te voilà. Si les autres membres du groupe sont prêts, on va pouvoir y aller. Je viens avec vous, cette fois.
Je dois punir ce traître de mes mains !

- En fait, répondit l'ensorceleuse, gênée, je crois qu'on ne va pas y aller tout de suite.

- Comment ça ? Il faut l'empêcher de donner la relique à Baal !

- Pierrick nous a dit que Baal la possédait déjà. Je sais ce que tu penses de lui, ajouta-t-elle précipitamment. Mais je sais aussi que je peux lui faire confiance. Si Baal a déjà atteint la Pierre Monde, c'est plus important de s'occuper de lui en premier, non ? On reviendra tuer Nihlathak ensuite.

- Non ! protesta le barbare avec rage. Il a trahi mon père, ta mère, même, et emprisonné ma soeur ! Faites ce que vous voulez, mais moi j'y vais !

Sans attendre de réponse, il s'engouffra dans le portail, laissant Jamila seule. La jeune femme ne perdit pas un instant. Elle se téléporta jusqu'à ses amis pour leur exposer ce qu'il venait de se passer.

- Il faut que nous y allions aussi, conclut-elle. Thann risque de ne pas faire le poids contre Nihlathak et ses monstres !

Si presque toute la coterie accepta aussitôt, Pierrick rétorqua :

- Baal est plus important. On doit s'en tenir à notre mission. Si cet idiot a décidé d'aller mourir, c'est son droit. Ne comptez surtout pas sur moi pour aller l'en empêcher !

Alors Jamila lui jeta un regard imprégné de quelque chose de pire que la haine. On y lisait clairement le dégoût. Il était clair qu'elle faisait beaucoup d'efforts pour se retenir de le gifler.

Détournant le regard, Pierrick affirma, douloureusement :

- Tu as changé depuis qu'on s'est rencontrés, Jamila...

- On appelle ça grandir, Pierrick ! Et ce serait pas mal que tu fasses la même chose ! Tu es resté le même petit adolescent stupide et arrogant ! Essaye un peu de penser à autre chose qu'à ta petite personne !

Sur ce, elle quitta précipitamment la chambre suivie des autres héros, laissant un garçon pensif et peiné.

Alors qu'ils arrivaient en vue du portail (à pied, pour que tout le monde puisse suivre), une crépitation se fit entendre, à dix mètres devant eux.

L'orbe pendant à sa ceinture, l'épée sanglée dans le dos, le nez toujours explosé, Pierrick se tenait à quelques mètres du portail.

Jamila lui jeta un regard froid en lui crachant :

- Tu as décidé de venir nous dire au revoir ? Ou alors tu es peut-être devenu courageux en dix minutes ?

- Il serait peut-être temps que le petit adolescent stupide et arrogant vous montre qu'il est capable d'aider quelqu'un, même un boulet comme Thann !

Alors, sans faire plus attention aux autres, Pierrick franchit le portail. Qui disparut après son passage.

Huit héros se concertèrent alors du regard, avec une expression qui résumait bien les choses : « On est dans la merde... »
Contrairement aux rues d'Harrogath, un vent mordant soufflait sur le plateau. Des colonnes dont le pied était recouvert de glace et de neige délimitaient une allée qui menait à des marches, s'enfonçant dans une obscurité malsaine. Plusieurs dizaines de cadavres putréfiés gisaient à terre. Après un rapide examen, Pierrick fut assuré qu'ils ne se relèveraient pas. Thann avait fait du bon travail.

Il avait été surpris de voir le portail se refermer derrière lui. S'il désirait prouver son utilité, il n'avait pas envisagé de le faire seul. Cependant, le martèlement qui irradiait son nez lui avait vite fait oublier ces tourments pour le ramener à la douloureuse réalité. Il avait dû user d'un faible sort de glace pour endormir la douleur.

Le garçon sortit son orbe et avança jusqu'aux marches. Il lui sembla qu'il traversait un rideau liquide alors qu'il pénétrait dans l'ombre du Temple de Nihlathak. Des torches éclairant faiblement permettaient de voir le sol. Là aussi, des corps avaient été déchirés par les épées de Thann. Là aussi, la mort avait frappé. Pierrick continua son avancée et descendit dans le niveau inférieur du Temple.

De faibles flammes brillaient encore dans la pénombre et laissaient apercevoir l'oeuvre destructrice du Barbare en de formes sombres étendues au sol, baignant dans un liquide épais qui semblait être du sang.

Si des grognements et autres frottements inquiétants parvenaient au jeune garçon, venant des couloirs adjacents, il lui suffit de suivre la piste sanglante tracée par son rival pour éviter les ennuis. Il voulait arriver rapidement devant le nécromancien, et si possible, frais et dispos.
Pierrick parcourut rapidement le premier niveau et parvint à une seconde série d'escaliers qu'il descendit sans attendre. Encore une fois, il suivit les cadavres.

Cependant, le barbare avait dû commencer à fatiguer en arrivant là, car les corps étaient moins nombreux, et plusieurs fois, Pierrick dut recourir à la téléportation pour éviter un petit groupe de squelettes.

Ce n'est qu'en arrivant devant les escaliers menant au troisième sous niveau qu'il ne put esquiver. Autour de la cage se trouvaient deux énormes minotaures, l'un équipé de deux haches, l'autre de deux fléaux. Le garçon aurait pu se téléporter dans les escaliers, si un troisième monstre ne s'était trouvé sur la première marche.

Son arrivée était détectée. Il sortit son orbe, prêt à se battre.

Un des monstres se jeta sur lui, fouettant l'air de ses fléaux. Sa rapidité était surprenante et Pierrick ne put esquiver le premier coup qui vint le cueillir dans les côtes encore fragilisées, malgré les potions de Malah. Il fut projeté sur le côté, évitant ainsi le second coup.

Usant de la téléportation pour se placer hors d'atteinte, le garçon riposta aussitôt avec un épieu de glace. La magie bleutée traversa la salle avec une lenteur irréelle pour aller frapper le monstre. Une couche de glace se forma sur le pectoral droit du minotaure, bloquant ainsi son bras. Pierrick s'autorisa un ricanement, avant d'être brutalement coupé dans son enthousiasme par un coup de poing sur la joue, réveillant instantanément la douleur de son nez.

Il avait omis de prendre en compte le troisième monstre qui venait des escaliers.

Se relevant difficilement, Pierrick chargea de la magie au bout de ses doigts, alors que le monstre chargeait. Il relâcha son orbe de glace qui alla frapper le démon de plein fouet.

Malheureusement, le garçon ne put apprécier son résultat car une douleur fulgurante traversa son bras gauche. Une lame d'acier venait de mordre avidement sa chair, créant une large plaie d'où le sang coulait abondamment.

Pierrick leva son arme et lança une autre orbe de glace vers son attaquant. Son adversaire avait certainement été au moins ralenti, car plus aucun coup ne vint le frapper. Il se dépêcha de jeter un sort de glace sur son bras, stoppant ainsi l'hémorragie. Il porta ensuite une fiole remplie d'un liquide rouge à sa bouche. Une fois la potion ingérée, les tissus de son bras commencèrent à se refermer et, si ce n'était pas une guérison totale, cela avait le mérite de lui permettre de bouger son membre.

D'un regard circulaire, il s'enquit de l'état de ses ennemis. Deux d'entre eux étaient morts, le troisième restait au loin, le bras toujours gelé. Pierrick ne voulait pas risquer un autre affrontement et les escaliers étaient à sa portée. Il descendit.

_______________


Thann avait lâché sa courte épée et tenait la longue lame avec ses deux mains. Son avancée jusqu'ici, après de longs combats éreintants, avait été éprouvante. Mais il était enfin arrivé au but ! Nihlathak se tenait devant lui. Entouré de plusieurs dizaines de monstres. Cependant, ils étaient de ceux qui servent de chair à soldats. Il en avait déjà tué plusieurs centaines pendant le siège. Une vingtaine de plus importait peu.
Les beaux discours n'étaient pas son fort, alors il chargea, avec un hurlement faisant trembler tout le hall.

Sang.

Le sang gicle alors que la lourde lame de colosse fauche le premier rang des combattants. Thann est pris d'une furie telle que plus rien ne peut le stopper. Les lames adverses semblent glisser sur sa cotte de maille, n'ouvrant que de faibles blessures dans ses bras et ses jambes. Animé d'une force surhumaine, le barbare traverse les corps de part en part. Il est de plus en plus proche du nécromancien. Plus que cinq mètres ! Deux autres démons tombent. Encore trois mètres. Il y est presque, encore un peu et il pourra le toucher rien qu'en étendant son bras. Deux mètres. Les cadavres sont innombrables. Thann lève une dernière fois son arme pour abattre le mage qui ne bouge toujours pas.

Sang.

Nihlathak éclata d'un rire méprisant. D'un geste distrait de la main, il fit exploser le corps le plus proche du barbare. Sous la force de la pression, les entrailles giclèrent, accompagnées par des os encore attachés à de la chair. Le barbare fut projeté en arrière par le souffle. Le sang des démons se mêlait au sien. L'explosion l'avait abattu, mais il n'avait pas encore dit son dernier mot. Il se releva, mais le nécromancien fit un autre geste. Une nouvelle explosion. Cette fois-ci, la jambe gauche de Thann fut en partie déchirée par le choc. Il fut encore projeté, mais ne put se relever.
Le visage éclairé d'un sourire démoniaque, Nihlathak leva une troisième fois la main, regardant le barbare haletant.

Sang.

L'explosion eut lieu, mais elle fut différente des précédentes. Le corps gonfla lentement, puis l'épiderme se déchira brusquement. Les entrailles sortirent, projetées hors du corps, avant de se solidifier.

Le cadavre-bombe retomba au sol et se brisa. Les morceaux étaient recouverts d'une fine couche de glace.

- Tiens, cria une voix. Voilà ce qui arrive quand on essaye de faire le boulot des Héros !

Pierrick se tenait suffisamment éloigné des démons encore vivant pour pouvoir anticiper une attaque, ainsi que des cadavres, évitant ainsi d'être pris pour cible de bombes.

Thann l'observa quelques instants. Il ne restait plus aucune marque du coup de boule qu'il lui avait donné, et ses côtes ne semblaient pas le faire souffrir non plus. Malah semblait avoir fait du bon travail.

Le garçon se rapprocha du barbare, faisant fi des monstres, sans même leur jeter un coup d'oeil. Arrivé auprès de Thann, il lui jeta simplement une potion de santé.

- Regarde derrière toi, idiot ! cria Thann en voyant arriver un démon derrière Pierrick.

Le garçon ne bougea pas. Pourtant, le monstre ne frappa pas. Le capitaine crut halluciner. Recouvert de glace, le monstre ne bougeait plus. Levant les yeux pour remonter la trajectoire qu'avait suivi le trait de glace, il aperçut, à son grand étonnement, une autre silhouette sortir de la pénombre.

Elle était en tout point identique à la personne qui se trouvait à présent devant lui.

- Je ne savais pas qu'il y avait des jumeaux parmi les Héros, susurra Nihlathak. Peut importe, mes trésors vont s'occuper de vous !

- Idiot, souffla le second Pierrick.

- Je n'ai pas de jumeau, affirma une voix, venant du deuxième couloir.

Éberlué, le nécromancien vit apparaître un troisième garçon, semblable aux deux autres. Thann ne comprenait pas plus. Son regard passait sans cesse de l'un à l'autre, puis au troisième, sans en apprendre plus sur leur provenance.

- Peu importe combien vous êtes ! cracha le mage. Mes enfants vous tueront tous !

Et, sur un geste de sa main, dix monstres se jetèrent à l'encontre des trois Pierrick. Cinq d'entre eux finirent gelés par des épieux, et trois autres furent transpercés par une épée. Cependant, les deux derniers avaient choisi la même cible. Ils frappèrent en même temps et Pierrick ne put esquiver l'attaque.

Le corps du garçon explosa littéralement. Des dizaines de morceaux de glaces furent projetés dans tous les sens, frappant les monstres de plein fouet. Il ne resta bientôt plus de ce Pierrick qu'une flaque d'eau où flottaient encore quelques glaçons.

- Je vois, fit gravement Nihlathak, hochant la tête. Des clones de glace... Astucieux et relativement de haut niveau. Voyons... Lequel est le vrai ?

- Que... ne comprenait pas Thann.

À ce moment, un autre Pierrick apparut. Celui-ci avait le nez bien amoché et son bras gauche conservait la trace d'une hache.

- À trois contre toi, fit le nouveau venu en désignant ses deux clones, tu n'as aucune chance.

- Oh, le vrai a été blessé ? Mais tu n'as pas reproduit cette blessure sur tes clones. C'est une erreur ! À présent je peux te tuer rapidement et tes clones disparaîtront aussi !

Le nécromancien leva les bras vers les cadavres de monstres. Si le garçon était loin d'eux, une explosion suffirait à en projeter quelques uns suffisamment près de lui. Ce fut ce qui arriva. Trois corps furent soufflés aux pieds du garçon. Nihlathak leva une dernière fois la main, fasciné par la mort qu'il offrait sans aucune retenue.

Sauf une.

Une lame d'acier tranchant, posée sur sa gorge.

Un hoquet s'étouffa dans la gorge de Nihlathak, finissant en gargouillis indistinct.

Comment était-ce possible ? Le barbare avait-il déjà récupéré ? Un rapide coup d'oeil lui apprit que ce n'était pas le cas. Thann était toujours allongé au sol, bien que sa jambe semble aller mieux.

Alors qui ?

- Tu prétends être un mage ? fit une voix grave, venant de derrière Nihlathak. Tu négliges les ondes magiques alors que, dans ton propre sanctuaire, tu devrais ressentir toute perturbation. Mes clones ont créé la diversion parfaite pour détourner ton attention. Au moment où tu étais sûr de me tuer, j'ai pu me téléporter alors que tu invoquais ton sort. Ainsi je t'ai eu par surprise alors que j'étais blessé et désavantagé par le terrain. À présent tu vas mourir.

La lame frémit sur la gorge du vieil homme, mais ne s'appuya pas davantage.

- Vas-y ! cria Thann. Tue-le maintenant !

Pierrick - le vrai - avait le bras qui tremblait de plus en plus fort. La sueur coulait sur son visage déformé par la haine.

La gorge serrée du nécromancien laissa passer un gloussement.

- C'est la première fois que tu es sur le point de tuer un être humain, n'est-ce pas ? Hum... Pas facile, hein ? Il faut plus que de la maîtrise magique pour ça. Possèdes-tu assez de cran pour me tuer, petit ?

- ...

Thann grogna en essayant vainement de se relever.

- C'est ce que je pensais, ricana Nihlathak. Tu n'es qu'un gamin, après tout. Peux-tu faire face à ça ?

Sur ces mots, le nécro fit exploser deux cadavres se trouvant à ses pieds. Inexplicablement, il n'était pas importuné par son propre sort. Par contre, Pierrick fut projeté en arrière, sa lame laissant une fine ligne sanglante sur le cou du mage.
Voyant cela, les clones concentrèrent leurs attaques sur l'ennemi, n'ayant pas les scrupules de leur original. Les épieux de glace furent tous absorbés par un bouclier magique.

Le bras de Pierrick s'était remis à saigner et il s'était cogné la tête contre un mur en étant projeté. Avec stupeur, il vit un cadavre gonfler à côté de lui. Il n'eut que le temps de se téléporter de l'autre côté de la salle, étant néanmoins touché par l'explosion.

- Une fois le stratagème découvert, il ne vaut plus rien, fit remarquer le nécro. Tes clones ne sont plus d'aucune utilité face à moi.

- Ah ouais ? C'est ce qu'on va voir...

Alors, chacun des Pierrick leva ses mains vers le mage. De la lumière bleutée en irradia rapidement, formant des sphères de plus en plus grosses. Nihlathak prit peur et envoya plusieurs cadavres vers le vrai Pierrick.

Un des clones relâcha alors son énergie qui alla frapper les corps destinés à exploser, les réduisant à néant. Le clone se désintégra aussitôt, ayant utilisé trop d'énergie.

Les trois autres portaient à ce moment des sphères de trente centimètres de diamètre au bout des mains. Nihlathak renouvela son attaque, qui fut une nouvelle fois parée par un clone, disparaissant à l'instar de son prédécesseur.

Les sphères atteignaient à présent cinquante centimètres. Le dernier clone se désintégra en protégeant son créateur.
Thann ne pouvait que regarder la puissance irradiant de Pierrick. Il avait devant lui un mage réellement puissant, digne des éloges qui avaient été faits sur lui !

Le nécromancien avait encore trois cadavres à sa disposition. L'un explosa pour projeter les deux derniers vers le garçon.
Dans un hurlement, délivrant toute la puissance qu'il possédait, atteignant le même niveau que les plus grands archimages, Pierrick relâcha alors son orbe de glace. La sphère mesurait plus de soixante-dix centimètres de diamètre. Elle engloba sans peine les corps qui volaient à sa rencontre.

Nihlathak ne pouvait plus bouger. Chaque millimètre cube de son corps lui hurlait de faire quelque chose. Mais ce qui avançait vers lui avait une telle beauté qu'il en était hypnotisé. Il fut lentement traversé par l'orbe qui continua sa route pour aller disparaître en frappant le mur, laissant à la place une muraille de glace.

Là où s'était trouvé le nécromancien quelques secondes auparavant se tenait une statue si réaliste que le regard restait imprégné d'une sainte terreur, telle celle que l'on lit dans les yeux des fanatiques servant un dieu maléfique.

Pierrick s'approcha lentement, tourna autour puis jeta un regard à Thann, toujours à terre.

- Il est mort ? demanda le garçon d'une voix mal assurée.

- Je pense... souffla Thann.

- Je... J'ai tué... un humain...

Il resta quelques instants interdit puis, semblant refaire brusquement surface, il avança vers le barbare aussi vite que le lui permit son corps blessé et fatigué par la magie qu'il avait déployée.

Il aida le capitaine à se relever, passant son bras sur ses épaules. Pierrick ouvrit un portail de ville.

- Attend, souffla Thann. Avant qu'on remonte...

- Quoi ?

- Pourquoi... Pourquoi es-tu venu me sauver ? Seul... ?

- Je suis venu pour que les autres ne pensent pas que je voulais ta mort. Et je suis seul parce que le portail d'en haut s'est refermé derrière moi...

Thann hocha alors gravement la tête. Comme il ne semblait plus vouloir rien dire, ils avancèrent vers le portail, clopin-clopant.

Arrivés sur la place principale d'Harrogath, les deux blessés ne purent qu'apercevoir la foule qui les observait avec des regards anxieux, avant qu'ils ne s'effondrent sous le poids l'un de l'autre.

_______________


- Je vais bien ! s'époumona Thann. Combien de fois je devrai vous le répéter ? Laissez-moi me lever !

Depuis près d'une demi-heure, il s'était réveillé, allongé sur un des lits présents dans les chambres de l'auberge de Malah. Sa jambe était complètement guérie et il ne supportait pas d'être retenu contre son gré par quatre de ses hommes.

- C'est bon, Capitaine Thann, admit un des soldats. On va vous laisser y aller.

- C'est pas trop tôt !

À ces mots, Thann bondit hors de son lit et sortit de la chambre à grandes enjambées. Arrivé dans le couloir, il hésita quelques instants sur la direction à prendre, avant d'opter pour la droite, où il voyait une porte entrouverte.

Il entra d'un pas plus timide. Tout le groupe des Héros était présent, soit assis, soit debout, autour du lit de Pierrick qui racontait ce qui s'était passé avec un enthousiasme non dissimulé :

- Quand on était à Kurast, j'ai vu plusieurs fois Lili créer un clone d'elle. Mais il restait immobile, c'était juste un leurre. Ensuite, j'ai vu que Séraphine invoquait une ombre qui, elle, se battait avec nous. Je me suis dit que je pouvais faire pareil ! J'ai concentré pas mal de magie et j'ai réussi à fabriquer quatre clones. Les trois premiers n'avaient aucune de mes blessures. Mais j'ai créé le quatrième avec mon nez cassé et ma blessure au bras, pour que Nihlathak pense que c'était le vrai. Et ça a marché ! Il a voulu l'attaquer, et pendant ce temps, je me suis téléporté derrière lui !

- Impressionnant, admit Jamila qui semblait absorbée par ses pensées.

- Et tu as pensé à tout ça sans personne pour t'aider ? railla Séraphine.

- Ouais, confirma Lili en faisant un clin d'oeil, tu deviens presque autonome ! Peut-être même que tu seras utile contre Baal !

- Le Zakarum a guidé tes actes, affirma Hammerdin_PK. Aie ! s'exclama-t-il en recevant une grosse patte griffue sur le crâne.

- Ce que le palouf essaye de dire, expliqua le druide en bâillonnant le paladin d'une main, c'est que tu t'en es sacrément bien sorti !

- C'est dommage que tu n'aies pas pu récupérer des objets sur le corps de Nihlathak, fit le nécro, déçu.

- Nihlathak mort gelé, affirma Bob. Pas d'objets sur lui !

Pierrick écoutait ces louanges avec un grand sourire. Thann choisit ce moment de répit pour faire remarquer sa présence. Le silence retomba lourdement. Les Héros s'écartèrent pour le laisser passer.

- Je t'ai mal jugé, admit-il d'une voix rauque, s'adressant à Pierrick. Je... Je ne pensais pas que tu étais si puissant, que tu pouvais réellement faire quelque chose contre les démons qui nous assaillaient... Et même après ce duel où je t'ai ridiculisé devant tout mon peuple, tu as décidé de venir m'aider.

Le barbare tendit sa main droite au garçon.

- Je te remercie, fit-il.

Pierrick hésita, tenta de sourire, mais cela se solda par une grimace. Haussant les épaules, il serra la main de Thann.

- Pas de problème, souffla-t-il sur un ton peu convaincant.

Le silence dura encore quelques instants jusqu'à ce que Hébus décide de le rompre en s'exclamant gaiement :

- Bon ! Eh ben je crois qu'on va pouvoir finir ça avec une bonne bouffe !

_______________


Toutes les torches de la ville étaient allumées et des cris de joie résonnaient dans toutes les rues. Une forte odeur d'alcool se dégageait de la place principale d'Harrogath où étaient rassemblés la plupart des barbares. Aux vapeurs de bière se mêlait le doux fumet de la viande rôtie, donnant un mélange particulier qui avait le don de vous prendre à la gorge.

Si Hébus et Bob participaient activement à la fête, les autres héros restaient calmes, conscients que le lendemain, ils devraient gravir le Mont Arréat et combattre les trois Anciens.

Pierrick se tenait à plusieurs centaines de mètres de la foule, en étant séparé par plusieurs pâtés de maisons. Il pouvait cependant voir la haute flamme qui éclairait toute la ville et les collines alentour. La lumière ainsi dégagée formait des ombres mouvantes sur son visage fermé, en pleine réflexion.

Allongé sur le dos, les mains croisées sous la tête, il contemplait le vide sidéral qui s'offrait à son regard.

Il possédait un réel pouvoir, ça il en était conscient. Mais il ne savait pas le contrôler. Enfin, pas complètement. Bien sûr, il était capable de faire des choses extraordinaires, comme ces clones de glace, mais... Tuer des monstres ne lui faisait rien, mais cet après-midi, il avait...

- Tu vas bien ? demanda une voix timide qu'il n'eut aucune peine à reconnaître.

Le garçon se releva partiellement, restant en appui sur ses coudes. Il fixa Jamila d'un regard encore perdu dans ses pensées, puis hocha lentement la tête.

La jeune fille vint s'asseoir à côté de lui, créant une gêne tendue. Elle semblait hésiter. Voulant dire quelque chose, elle avait néanmoins peur de la réaction que cela engendrerait. Elle s'était si souvent disputée avec Pierrick ces derniers temps, et il avait montré à chaque fois, d'une manière plus ou moins détournée, qu'il valait mieux que ça...

Le garçon sentit cette gêne et décida d'y mettre fin en prenant lui-même la parole :

- Tu veux savoir pourquoi j'y suis allé, c'est ça ? demanda-t-il d'une voix qu'il voulait douce, mais que l'amertume rendait un peu rauque.

Jamila se tourna vers lui pour lui jeter un regard soulagé, puis hocha la tête.

- Ben, reprit le jeune mage d'un ton hésitant, est-ce que tu crois vraiment que... que j'aurais pu me regarder dans une glace si... si je vous avait laissé y aller seuls ?

La jeune ensorceleuse resta silencieuse, cherchant comment formuler sa réponse. Elle espéra vainement que Pierrick lui ôterait une fois de plus ce fardeau, mais dut se résoudre à parler :

- Je crois... Je ne crois pas que... que ça t'aurait posé beaucoup de problèmes...

Comme effrayée par la réaction probable du garçon, elle lui jeta un regard suppliant. Il comprit et ne répliqua pas.

- Je pense... reprit Jamila, hésitante. Je pense que tu ne te serais pas senti gêné de ne pas aider celui qui t'avait humilié devant tout le monde...

- Je vois... En fait, tu dois avoir raison, répondit sourdement Pierrick. Mais... Est-ce que toi, tu aurais pu me regarder en face ? Me parler comme tu le fais là ?

Le garçon vit les yeux de Jamila le supplier de ne pas continuer, mais il ne put s'en empêcher, libérant ainsi un poids qu'il avait sur le coeur :

- Ne mens pas, Jamila. J'ai vu comment tu m'as regardé, j'ai lu la haine dans ton regard...

Un lourd silence régna pendant un moment qui sembla durer plusieurs éternités. Chacun attendant que l'autre parle. L'ensorceleuse se leva alors et entreprit de partir.

- Reste, coupa la voix de Pierrick, s'il te plait...

Jamila se retourna et regarda le garçon. Il avait l'air si malheureux, elle décida de l'écouter et revint s'asseoir.

- Merci, souffla-t-il doucement.

Le silence perdura encore avant que Pierrick, hésitant, ne le rompe à nouveau :

- Alors... Tu es fiancée ? C'est Thann qui l'a dit quand il m'a provoqué en duel...

- Pas encore... Je devrai donner ma réponse après la mort de Baal...

Le garçon laissa échapper un son incompréhensible pour montrer qu'il avait compris. Un poids aussi lourd que le monde fit s'affaisser ses épaules.

Ils restèrent là, silencieux, jusque tard dans la nuit. Pierrick, insensible au froid, finit par s'endormir. Jamila le contempla alors un moment, hésita, puis déposa un léger baiser sur ses lèvres toujours chaudes, malgré la température extérieure.

Déchirée, elle s'en alla à pas furtifs. Une larme roula sur sa joue qu'elle ne chercha pas à essuyer. La jeune ensorceleuse atteignit la maison où elle était supposée vivre durant son séjour à Harrogath. Elle monta péniblement les marches pour arriver au couloir où se trouvait sa chambre. Elle se coucha mais garda les yeux ouverts, fixés sur le plafond. Une fine traînée givrée par le froid toujours présente sur sa joue.

_______________


Plus tard dans la nuit, Pierrick se réveilla. Le feu avait baissé mais il restait toujours quelques buveurs. Un fourmillement parcourut ses lèvres sans qu'il en comprenne la raison. Cependant, cela lui procura une sensation d'apaisement, si bien qu'il pût se rendormir facilement, bercé par une douce mélopée venant de nulle part mais présente dans tout son corps.
Pour la première fois depuis des semaines, un doux soleil de début de printemps émergea lentement de derrière la montagne, apportant espoir et gaieté au peuple barbare. Le ciel habituellement blanc de nuages se teintait de bleu. La douce chaleur vint cueillir Pierrick au réveil, lui révélant cette vue presque idyllique, encouragement tacite pour son combat contre les Anciens qui surviendrait dans la journée.

Il avait passé une excellente nuit, contrairement aux précédentes, depuis qu'il était à Harrogath. Une vague de bien-être déferlait en lui, sans qu'il en connaisse la raison.

Excellente nuit, donc, mais uniquement si l'on excluait le fait qu'il avait dormi dehors, dans l'herbe mouillée et sur un sol dur et plein de bosses. Le garçon jura et son sourire en fut affecté.

C'est animé de cette bonne humeur matinale qu'il se leva, s'étira, avant d'aller faire un tour sur le lieu du banquet. Une dizaine de barbares étaient assoupis sur de grandes tables en bois, des choppes renversées dont ils tenaient encore l'anse, de la bave coulant de leurs lèvres entrouvertes et, pire que tout, d'énormes ronflements s'échappant de leurs gorges.

Mais, il fallait bien trouver un bon côté à tout ça, sans quoi la gaieté du garçon aurait été mise à rude épreuve. C'est donc en souriant toujours que Pierrick se saisit d'un beau pavé de viande froide mais cuite à point qui traînait dans un plat en terre cuite.

Il passa une bonne dizaine de minutes à mastiquer la viande qui aurait certainement mérité d'être un bon pain au chocolat, étant donné l'heure matinale, mais il ne faut pas être difficile.

Une fois son petit déjeuner improvisé terminé, il chercha de quoi se rincer la bouche. Malheureusement (ou miraculeusement, diraient certains), seule de la bière se trouvait encore dans des outres ou même des jarres posées sur les tables.

Jetant un regard dégoûté au barbare ivre mort le plus proche de lui, il se détourna, dédaignant l'alcool (oui, il a absolument le même caractère que moi !).

Pierrick se dirigea alors vers la demeure où il aurait normalement dû passer la nuit. Les rues étaient vides, les fêtards ayant rejoint leurs lits très tard dans la nuit, ou plutôt très tôt dans la matinée.

Comme à chaque fois, il s'arrêta en bas des marches, évaluant encore le temps qu'il lui faudrait pour grimper tout ça, la douleur dans ses quadriceps que cela allait engendrer au bout de la trentième ou trente-et-unième marche.

Finalement, comme à chaque fois, il se téléporta directement dans sa chambre, bénissant le jour où il avait appris à maîtriser ce sort à volonté.

Il y avait un accès à une salle de bain, comme celle qu'il avait utilisée à Lut Golhein (oui, comme dans beaucoup de livres, les héros ne se lavent que très rarement). Pierrick se passa de l'eau sur le visage et, faute de dentifrice, il commença par se faire un bain de bouche à l'eau.

Ce n'est qu'une demi-heure plus tard qu'il ressortit, le plus frais et le plus dispo possible, habillé de vêtements neufs dont les armoires de cette demeure étaient remplie. Le garçon n'avait pas passé beaucoup de temps à chercher, il avait pris les premières choses qui lui tombaient sous la main, soit un léger pantalon qui aurait normalement eu sa place dans une belle journée d'été et un haut à manches longues, tissé plus finement que la grossière lingerie de Lut Golhein.
Une fois son ceinturon ajusté, son épée glissant facilement dans son fourreau, son orbe accroché à côté du pommeau, il se dirigea vers la porte, mais ne l'ouvrit pas tout de suite.

Il était loin le temps où il avait débarqué sur Sanctuary. C'était la deuxième fois en moins de trois jours qu'il y repensait. Son estomac se noua un peu et sa bonne humeur fut soudain altérée alors qu'il réalisait que seules deux quêtes le séparaient du retour dans son monde.

Enfin bon, se dit-il avec résignation, Jamila allait se marier après la mort de Baal. Et si les autres membres du groupe lui étaient chers aussi, ce n'était pas une motivation suffisante pour le faire rester, face à la douleur de voir celle qu'il aimait en épouser un autre.

D'un geste déterminé, il appuya sur la poignée et poussa la porte.

Il s'arrêta de nouveau, cette fois à cause de la personne qu'il vit dans le couloir.

- Jamila ! s'exclama Pierrick. Je t'ai réveillée ?
L'ensorceleuse avait l'air très fatiguée et une trace gelée était présente sur sa joue, touchant son oeil.

- Quoi ? demanda l'ensorceleuse en se frottant les yeux. Oh... Non, non. C'est juste que j'ai pas beaucoup dormi.

- Ouais, concéda Pierrick, compatissant. À cause des Anciens qu'on doit battre aujourd'hui ? Je crois que personne a super bien dormi non plus.

- Et toi ? interrogea la sorcière. T'as passé une mauvaise nuit aussi ?

- Moi ? En fait non, j'ai passé une nuit presque super ! En fait j'ai fais un rêve ! J'ai rêvé que tu... Euh... Enfin... ajouta-t-il, gêné et rougissant. On va être bien, ensemble ! Euh... Je veux dire, pour les Anciens et Baal, hein.

- Ouais, admit Jamila avec un sourire à moitié dissimulé. Je pense que tu as raison.
Dans cet état d'esprit que ni l'un ni l'autre ne pouvait clairement définir, ils descendirent les marches sans utiliser de sort, étant donné qu'il était plus facile et moins fatiguant d'utiliser l'escalier dans ce sens. Arrivés sur le seuil de la maison, voulant prendre la direction de la porte d'Harrogath, les deux jeunes gens remarquèrent un attroupement au bout d'une rue. Curieux, ils allèrent voir de quoi il retournait.
Un brouhaha continu empêchait quiconque de savoir exactement de quoi les autres parlaient. Presque tout Harrogath se trouvait rassemblée dans un espace où il était étonnant d'imaginer que telle chose serait possible. Pourtant, lorsque les barbares virent Jamila et Pierrick arriver, un silence quasi-religieux se mit immédiatement en place et, plus surprenant encore, les rangs déjà si serrés des habitants de la grande cité se rétractèrent encore pour laisser un couloir de taille très raisonnable, menant les nouveaux venus à l'entrée de la maison autour de laquelle se regroupait l'attroupement.

Anya et Thann se tenaient devant, l'une fixant les arrivants d'un oeil bienveillant, l'autre d'un regard résigné.
En avançant, Pierrick remarqua que presque tous ses compagnons se trouvaient aussi présent, à l'exception du paladin.
Anya pris la parole :

- Bienvenue à vous deux, héros. Mais qu'avez-vous fait de ce noble paladin ?

- Quoi ? s'étonna Pierrick. Qu'est-ce qu'on aurait pu faire du palouf ?

- Tu l'as envoyé nous chercher ? demanda Jamila, plus lucide.

- Oui, mais alors, pourquoi êtes-vous venus ici ? S'il ne vous a pas prévenus...

- On a entendu du monde par ici alors on est venus voir ce qu'il se passait, résuma le garçon.

D'un regard, Anya consulta son frère qui haussa les épaules en signe d'indécision. Alors que le silence devenait pesant, un grésillement se fit entendre par les non magiciens, tandis que les mages ressentaient une perturbation dans la magie.

- Désolé, fit une voix. Je les ai pas trouv... Mais ils sont déjà là !
Il s'agissait bel et bien de Hammerdin_PK, venant de se téléporter. Il lui fut raconté la raison de sa mission inutile et échouée, avant qu'Anya pût enfin reprendre la parole :

- Si tout le monde est rassemblé ici, fit-elle d'une voix forte, c'est pour louer et récompenser le courage dont a fait preuve Pierrick en allant au secours de mon frère. Alors que leur antipathie réciproque était de notoriété commune.

- Euh... souffla Pierrick en espérant vainement que seule Anya l'entendrait. Arrête, hein ? C'est pas la peine d'en faire tout un plat, c'était pas totalement désintéressé non plus...

- J'ai donc décidé, continua la femme sans tenir compte de l'interruption entendue par tout le monde, de lui offrir une des reliques les plus importantes de notre cité. C'est un artefact qu'on dit animé de l'âme de son premier possesseur.

À ce moment, Bob disparut à l'intérieur de la maison pour en ressortir un court instant plus tard, portant ce qui ressemblait fort à une énorme épée à deux mains, de la même taille que celle de Thann.

Pierrick ne pouvait que la fixer, ébahi.

- Elle a appartenu au père de mon père, fit Anya en souriant. Elle n'a pas de nom car on la dit possédée par son âme.

- Grand Père... souffla Pierrick.

- Elle aurait dû revenir à Thann lors de la chute du dernier des Trois, mais nous pensons que ton acte de bravoure mérite un tel présent.

Entendant ces dernières paroles, le garçon secoua énergiquement la tête :

- Non. Si c'est l'héritage de Thann, j'ai pas le droit de le prendre.

Alors, le capitaine barbare prit la parole. Sa voix était grave et peu enthousiaste, mais déterminée :

- Tu m'as sauvé la vie. Nous ne reviendrons pas sur notre décision. Cette épée t'appartient.

_______________


- J'ai toujours dit qu'il faisait trop froid dans ce pays ! critiqua Séraphine avec humeur.

Ils étaient ressortis du passage cristallin et arpentaient la toundra glacée où soufflait un vent glacial et tous les héros, à part ceux qui n'en avaient pas besoin, étaient emmitouflés dans leurs manteaux, et même cela ne parvenait pas à enrayer totalement le froid mordant.

- Non, ça va, fit Pierrick en haussant les épaules.

- T'es un cas à part, mon petit, intervint Lili. Je dois dire que la chaleur des îles amazones me manque en ce moment précis.

- Et pourtant, fit remarquer le druide, tu veux rester ici après la mort de Baal ?

- Oui, c'est pour entraîner ces barbares. Sans vouloir te vexer, Bob, ils ne valent pas un clou à distance !

- Bob savoir tirer à l'arbalète !

- Eh ben t'aurais dû leur apprendre.

- Mais se battre à distance, expliqua Hébus, c'est être lâche. On peut se battre comme un homme uniquement au corps à corps ! Pas vrai ?

- Tout à fait ! approuva le paladin.

- Ça te va bien de dire ça ! s'exclama le nécromancien. Alors que tout le monde sait que les paladins sont gays !

- Et alors ? s'indigna Jamila, contre toute discrimination. On peut très bien se battre au corps à corps comme un homme gay, là n'est pas le problème !

- Mais non ! s'écria Hammerdin_PK, outré. Tous les palas ne sont pas gays ! C'est une fausse rumeur, comme quand on dit que tous les barbares sont cons... Euh non, ça c'est pas un bon exemple... Aïe !

- Barbares pas cons ! le corrigea Bob après lui avoir administré une belle claque.

- Tout à fait ! railla Pierrick. Mais pour les paladins gays, c'est véridique, hein ! Tiens, essaye toujours de me toucher, ajouta-t-il en riant au paladin qui s'efforcer d'échapper à l'étreinte de Hébus. C'est comme les nécros qui sont à peu près aussi résistants qu'une vitre face à une trombe. Aieuh...

- Idiot ! fit La Mort dans tes Os d'un air vexé en donnant un coup de baguette en os sur le crâne du garçon.

- Mais sinon, changement de sujet, reprit Pierrick en se massant la tête. Vous trouvez ça normal qu'on croise pas de monstres ? Ça fait quand même plusieurs heures qu'on marche depuis le passage cristallin et on a trouvé presque personne.

- Ben, hasarda Séraphine, peut-être qu'après la dérouillée qu'ils se sont prise par Elvan, les démons se sont réfugiés chez Baal ?

- Ouais, répondit Lili, ou alors peut-être qu'il en reste vraiment plus beaucoup ? Faut dire que Elvan en a tué plus de dix mille !

- Dans ce cas, intervint La Mort dans tes Os, soit on va se retrouver avec énormément de démons sur le dos en nous rapprochant de Baal, soit ce sera très rapide. Personnellement, je préférerais la deuxième solution.

- Plus vite on tue Baal, résuma Pierrick, devenant alors grave, plus vite je rentrerai chez moi...

La rumeur qui parcourait le groupe une seconde plus tôt fut aussitôt étouffée. Chacun prenant conscience du fait que leur coterie, soudée par une amitié ferme malgré les petites querelles passagères, allait bientôt être dissoute. Il serait faux de dire que Pierrick et Jamila en étaient les plus affectés. En vérité, cet état des faits attristait tout le monde, y compris le Troll et le barbare.

La bonne humeur de Pierrick avait rapidement laissé place à une morosité qu'il avait fini par trouver habituelle au cours des derniers jours. Leur longue marche sous le vent glacial les mena au pied d'un gigantesque mur de roche recouverte de glace. Ils restèrent un instant perplexes devant l'uniformité de la chose, et l'absence de passage apparent. Nous devons d'ailleurs à Bob la magnifique remarque que voici, confirmant notre impression sur le quotient intellectuel de cette race, bien qu'on n'ose le dire tout fort :

- Pas de passage, tant pis ! Nous creuser à coup de massue et d'épée !

Ce n'est qu'après une bonne demi-heure de recherches, durant laquelle ils avaient tout fait pour trouver un autre moyen que celui proposé par le barbare, qu'ils découvrirent le trou, à peine de la taille d'un homme moyen, s'enfonçant sous la falaise.

Chacun y pénétra et, si les jeunes filles n'eurent aucun problème, ce ne fut pas le cas de Bob et Hébus qui restèrent coincés pour deux raisons principales. La première vient de leurs tailles respectives, dépassant les deux mètres. La seconde, en revanche, relève de leur inaptitude à réfléchir convenablement. En effet, ils avaient décidé de passer dans le ridicule petit trou tous les deux en même temps.

Cela leur prit dix minutes supplémentaires, mais, avec force coups d'épaules, ils défoncèrent largement l'entrée du tunnel pour s'offrir un passage confortable.

- Bob prévenir, meilleur moyen de passer ! fit remarquer le maître d'arme d'un air satisfait.

Leurs images se reflétaient dans l'inégale surface gelée des murs. Chacun de leurs pas était un fracas dont l'écho perdurait longtemps dans un silence effrayant. Parfois, une ombre fugitive faisait son apparition sur le sol, avant de disparaître aussi vite. Se faisaient alors entendre les sifflements caractéristiques des épées que l'on tire hors de leur fourreau, suivis d'un soupir quand ils voyaient que ce fait n'était dû qu'à la flamme ondulante d'une torche.

Les aventuriers furent enfin soulagés de leur angoisse quand ils aperçurent les vieilles marches de bois éclairées par la salvatrice lumière extérieure.

Le vent froid se remit à souffler, plus fort que jamais, alors qu'ils émergeaient hors du tunnel. Il fallut quelques instants à leurs yeux pour s'habituer à la clarté éblouissante. Quand ce fut chose faite, un spectacle à couper le souffle s'offrit à eux.

Ils se trouvaient sur un plateau enneigé. Le plus impressionnant n'était pas l'autel, entouré de trois statues, pourtant imposantes, ni les hautes colonnes formant un cercle autour de ces statues.

C'était le vide.

Ils n'étaient qu'à quelques mètres du bord du plateau, qui tombait à pic sur certainement plus de deux kilomètres. Rendue minuscule par la distance, Harrogath leur apparaissait telle qu'elle était : refermée sur elle-même, coupée du monde par ses remparts et la chaîne montagneuse.
Les héros se sentaient absorbés par cette beauté vertigineuse, si bien qu'ils s'en approchaient à petits pas, inexorablement.

Incapables d'en détourner leur regard, comme hypnotisés, ils avançaient vers le précipice. Même le vent semblait avoir cessé, laissant entendre le faible bruit de leurs respirations.

Plus haut encore que le plateau où se trouvaient nos amis, un soupir exaspéré s'échappa de la cagoule sombre et vide de l'archange Tyrael. Ces mortels ne valaient décidément pas grand-chose ! Vaincus par un simple sortilège d'hypnose... Mais malheureusement, il ne pouvait pas les laisser mourir maintenant... Cruel dilemme... Il choisit enfin.

_______________


Alors que Pierrick, membre de la coterie le plus avancé vers le bord, levait le pied pour couvrir la faible distance qui le retenait encore à la vie, il fut violemment frappé par un éclair. La foudre le toucha au front, parcourut tout son corps, contractant ses muscles et lui dévoilant une douleur telle qu'il n'aurait jamais pensé ressentir, et qu'il ne voulait plus jamais éprouver.

Le seul effet bénéfique fut une projection en arrière, accompagnée d'un cri de douleur.

Alors, Bob, Hébus, Lili, Jamila, Séraphine, La Mort dans tes Os, Hammerdin_PK et le Fléau arrêtèrent d'avancer. Ils clignèrent des yeux, comme s'ils se réveillaient d'un rêve.

- Pierrick ! s'écria Jamila, prenant conscience de l'état du garçon et se précipitant vers lui.

- Qu'est-ce que... commença le paladin.

Mais il ne put finir, ayant été interrompu par le cri de surprise de Jamila lorsqu'elle essaya de toucher Pierrick. Le corps du garçon était parcouru d'énergie magique et, alors que l'ensorceleuse avait approché sa main, elle avait été repoussée par un bouclier de glace parcouru d'éclairs.

Une marque noire était apparente sur le front du jeune homme inconscient, comme une brûlure.

Jamila voulut réessayer de le toucher, sans plus de succès.

- Arrête, lui intima Hammerdin_PK. Je vais voir ce que mes auras peuvent faire pour lui.

- Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé, demanda Lili alors que Jamila obtempérait.

- Je ne sais pas vraiment... fit le Fléau, encore sous le choc. On a été hypnotisés, ou quelque chose comme ça. Et il s'est passé quelque chose... Je sais plus quoi... C'est confus.

- J'ai vu un éclair... souffla La Mort dans tes Os.

- Oui... balbutia Jamila. Un éclair...

Pierrick était toujours inconscient, mais sa respiration semblait régulière.

- En tout cas, fit remarquer Séraphine, quoi qu'il se soit passé, ça nous a sauvés. Il me semble que nous étions sur le point de tomber ?

- Ouais, approuva Bob. Tomber...

- Bon ! trancha Hébus. C'est pas tout ça, mais on peut peut-être finir notre quête, tant qu'on y est, non ?

- Pas tant que Pierrick ne sera pas réveillé ! lui cria presque Jamila.

- Bon, bon...

- Je peux rien faire ! laissa tomber Hammerdin_PK avec un soupir de découragement. Aucune de mes auras ne marche sur lui.

- Mais... commença Lili. Normalement, elles sont actives sur tous les membres de la coterie, non ?

- Normalement oui... le paladin jeta un regard désolé à ses amis. Ce qui veut dire, puisque visiblement il est encore en vie, qu'il n'est plus avec nous...

- Comment ça ? s'inquiéta Séraphine, alors que ses amis ouvraient la bouche de surprise. Il est contre nous ? Et ça va durer combien de temps ? Et comment ça se fait ?

- Attends, attends ! la coupa le hammerdin. J'ai pas dit ça. Je n'ai aucun moyen de savoir s'il va se retourner contre nous ou pas. Il peut très bien avoir comme objectif la mort de Baal. Auquel cas il se battra contre les Anciens. Ensuite, je ne sais absolument pas pourquoi ça se passe comme ça, ni si ça peut s'arrêter un jour.

- En tout cas, conclut Jamila, il faut qu'il se réveille.

- Attention ! cria alors le Fléau.

Tout le monde s'écarta précipitamment du corps du garçon. Celui-ci était parcouru de spasmes. Ses yeux roulaient sous ses paupières. Et, surtout, le puissant champ magique qui l'entourait s'élargit soudain, crépitant, parcouru d'éclairs et de glace.
Et puis, tout s'arrêta.

Aussi vite que cela avait commencé, la magie disparut. Alors, Pierrick se releva lentement, ne pouvant s'asseoir à cause de la longue épée qui pendait dans son dos. Ne réagissant d'abord pas alors que ses amis le questionnaient. Il s'épousseta négligemment le pantalon et se retourna enfin pour croiser le regard de Jamila. À la vue de ses yeux, l'ensorceleuse étouffa un cri de surprise.
Ils étaient gris et froids.

- Pierrick ? demanda-t-elle, intimidée.

- Non, répondit celui qui avait l'apparence du garçon.

Sa voix était grave, presque effrayante.

- HA ! s'exclama Séraphine, presque hystérique. Je le savais ! L'épée ! L'épée d'Anya est possédée ! Tu es le grand-père d'Anya, pas vrai ?

- Mais oui ! réalisa Lili. C'est évident maintenant.

- Alors, fit Jamila, quand est-ce que tu vas laisser Pierrick revenir ?

Le garçon réfléchit un instant, jeta un regard circulaire, puis répondit :

- Quand il ne sera plus inconscient.

- De... quoi ?

- Les Anciens nous attendent. Allons-y.

Et, sans attendre de réponse de la part de la coterie, Pierrick possédé avança vers l'autel, souleva le livre ouvert qui y était posé et lu à haute voix :

- « Nous sommes les esprits des Nephalims, les Anciens. Nous avons été choisis pour garder le Mont Arréat où est conservée la Pierre Monde. Peu sont dignes de l'approcher, moins encore comprennent son véritable pouvoir. Avant d'entrer, vous devrez nous vaincre. »
Sans refermer le manuscrit, Pierrick jeta un regard en arrière, vers l'entrée du tunnel.

- L'entrée est bloquée, fit-il observer. Je ne pense pas non plus qu'on puisse ouvrir un portail vers la ville à partir d'ici. Bien, si vous êtes prêts...

D'un geste, il referma le livre dans un claquement qui retentit longtemps sur une note surnaturelle, avant de le reposer sur l'autel. Alors, les statues de pierre, représentant respectivement un barbare armé d'une lourde hache d'arme, un autre d'une épée et d'un bouclier, et le dernier de deux haches de lancer, quelques dizaines d'autres pendant à sa ceinture, explosèrent en une myriade d'étincelles dorées. Le nuage ainsi créé était si dense que les trois Anciens furent un instant dissimulés à la vue de nos amis. Lorsqu'il se dissipa, les trois barbares n'étaient plus réduits à l'immobilité, ni même n'avaient encore la consistance du granit.

Enveloppés d'une aura de puissance, ils étaient protégés par une armure rouge.

Un cri de guerre ébranla la montagne, améliorant la défense des Anciens.

Alors, le combat débuta.

Madawc le gardien lança deux haches en direction de Bob, avec une précision et une rapidité surhumaines. D'un même geste, le maître d'armes dégaina son épée et para un des projectiles alors que l'autre rebondissait sur son bras, pénétrant toutefois la chair, laissant une blessure d'où le sang commençait à couler.

Jamila jeta un regard autour d'elle. Tout allait si vite ! Les trois statues étaient revenues à la vie. Bob était aux prises avec l'une d'elles, suivi de près par Hébus, le nécro et le druide fonçaient vers une autre des statues, et la troisième... Elle se dirigeait vers elle !

L'ensorceleuse lança une boule de feu vers Talic, alors que celui-ci entamait une trombe vers elle. Le sort fut absorbé par l'armure de l'Ancien qui continua sa course, peut-être encore plus rapide.

La sorcière ne put que se téléporter hors de sa trajectoire, réapparaissant au bord du gouffre, déséquilibrée avant de se stabiliser à peu près.
Korlic, armé de son énorme hache, fit un bond prodigieux, visant le druide métamorphosé. Ce dernier, utilisant sa rapidité et sa détente de loup, sauta aussi à la rencontre de son adversaire. Les deux protagonistes se frappèrent en même temps, le barbare frappant le loup avec le manche de sa hache, trop longue pour utiliser le tranchant, l'autre plantant crocs et griffes dans l'armure de plaques du Protecteur. Leur étreinte sanglante parut durer une éternité. Des touffes de poils étaient arrachées du Fléau et de profondes traces de griffes labouraient la peau luisante de l'Ancien.

Lorsqu'ils touchèrent enfin le sol, le Fléau fut écrasé sous le poids de son adversaire, dont l'armure pesait facilement cent livres.
Korlic se releva rapidement et brandit son arme pour l'abattre sur le druide qui tentait tant bien que mal de se remettre debout. Un crâne brillant vint alors frapper la poitrine du barbare, inscrivant dans la cuirasse un impact qui gênerait son propriétaire pour respirer et se mouvoir. Le Protecteur fut projeté plusieurs mètres en arrière.

Le nécromancien s'approcha rapidement du druide et lui donna une potion de vie, avant de reprendre le combat.

Alors que Madawc lançait haches sur haches vers Bob, le corps de ce dernier se couvrant de sang et de coupures, le maître d'arme s'approchait inexorablement de son agresseur, l'épée à la main, faisant de son mieux pour parer les projectiles qui le faisaient néanmoins souffrir. Quand il fut à portée suffisante, il frappa de taille.

Son coup rebondit sur l'armure de son adversaire. Il se retrouva repoussé par un bouclier invisible et projeté en arrière, atterrissant sur les fesses. Deux autres haches vinrent frapper ses chevilles, lacérant la peau qui recouvrait les tendons, si fine que Bob, le plus endurci des barbares, le plus insensible à la douleur de la coterie, hurla.

Entendant cela, Hébus se jeta en avant, apportant ainsi un précieux renfort à son ami blessé. Sa massue en bois hérissée de clous rebondit de même que l'épée, mais le Troll n'avait pas dit son dernier mot. Dans le monde d'où il venait, les Trolls étaient des créatures cruelles et dotées d'une force titanesque. Il ne pouvait tout simplement pas accepter qu'un être en partie humain puisse lui résister. Prenant son arme à deux mains, faisant fi des haches qui lui entaillaient le corps, il frappa à nouveau.

L'onde de choc fut si forte que Hébus se retrouva projeté près de l'entrée du tunnel. Madawc avait reçu une bonne dose de dégâts aussi ; étalé au sol pour un court instant, son armure était enfoncée dans ses côtes et son lancer du bras droit serait moins précis.

Talic chercha un moment un nouvel adversaire, puisque la sorcière qu'il avait en vue venait de disparaître. Son épée enflammée se pointa vers le paladin qui cherchait avidement comment aider ses amis face aux deux autres Anciens.

Le Défenseur allait se lancer dans une trombe lorsque l'un des membres de la coterie adverse vint se placer devant lui. Un jeune garçon, le visage fermé, sûr de lui, armé d'une épée plus grande que lui. Une épée que Talic connaissait. Mais qu'importe. Son rôle était de tester les guerriers qui venaient ici et de tuer les faibles, peu importe l'arme qu'ils portaient.

Il entama donc une trombe vers le jeune homme. Ses gestes étaient si rapides pendant cette attaque qu'on ne pouvait presque pas les voir à l'oeil nu.

Pourtant, effectuant des mouvements invisibles tant ils étaient fulgurants, Pierrick para chacun des coups et en porta plusieurs. De même que ceux de Bob et Hébus sur Madawc, chaque choc engendrait une onde, mais la lame passait néanmoins et frappait l'Ancien, faisant apparaître une pluie d'étincelles au contact de son armure. Étincelles qui laissaient presque aussitôt la place à des percées dans la cuirasse, puis à des plaies dans la chair non protégée.

Talic stoppa sa trombe et tenta de parer les coups grâce à son bouclier, mais il fut rapidement repoussé par la lourde épée de Pierrick.
Essoufflé, il regarda son adversaire d'un air effrayé. Croisant le regard gris impitoyable, le barbare comprit qu'il ne s'en sortirait pas. Il n'était cependant pas dans les habitudes de son peuple de fuir devant l'ennemi. Il relança une trombe.

Pierrick s'effaça devant l'attaque, comme une téléportation ; pourtant la magie n'avait pas été perturbée.

Il ne s'agissait que de vitesse physique.

Le barbare stoppa une nouvelle fois son attaque Il n'entendit que trop tard le sifflement venant de derrière lui. La lame de colosse traversa le cou du Défenseur comme si c'était du vent. Son corps se transforma alors en une brume dorée qui rejoignit le piédestal où elle reforma une statue qui semblait faite d'or massif.

Korlic était en train de sauter successivement pour tenter de frapper Hammerdin_PK qui se téléportait au dernier moment, sans toutefois réussir à toucher le Protecteur avec ses marteaux. Le barbare en eut rapidement assez et se tourna vers le bord où il vit Jamila.

La sorcière lança une série de boules de feu sur le barbare qui, d'un saut extraordinaire, volait presque vers elle. L'ensorceleuse voulut reculer, mais son pied dérapa sur les pierres gelées du rebord. Elle perdit l'équilibre et se pencha tant bien que mal en avant pour éviter de chuter de deux mille mètres. Jamila put retomber sur ses genoux, mais elle offrait sa nuque à la grosse hache du barbare.

Trois éclairs vinrent frapper le torse de Korlic, suivis par un javelot. Ces attaques le dévièrent un peu de sa trajectoire. Son arme fracassa le sol à quelques centimètres de l'ensorceleuse, faisant éclater la roche dont des morceaux gros comme le poing la frappèrent au visage, l'assommant sur le coup. Un mince filet de sang, coulant continuellement, s'échappait de ses lèvres entrouvertes.

Les pièges de Séraphine crachaient des lances de foudre sur le barbare, ne l'incommodant presque pas. Lili se mit à courir alors que Korlic levait encore sa hache. Elle ne pouvait arriver à temps, mais son amie ne devait pas mourir ! Le tranchant tomba, accéléré par la force à la fois musculaire et magique qui animait le Protecteur. Lili plongea, il ne restait plus que deux mètres entre elle et Jamila.

La hache s'arrêta à quinze centimètres de l'ensorceleuse.

Lili finit son plongeon en roulade et se releva en voyant que son amie n'était plus menacée.

Une large lame retenait la hache sans peine apparente, large lame tenue par Pierrick. Avec un effort à peine plus intense, le garçon possédé repoussa Korlic au loin.

- Dépêchons nous ! cria-t-il, pour la première fois semblant inquiet. Il revient à lui !

- Qui ça ? demanda Lili qui avait du mal à faire le rapprochement. Pierrick ?

- Trop tard... soupira le garçon d'un air résigné.

Il n'y eut pas de changement apparent, mais Pierrick cligna des yeux et l'on put s'apercevoir qu'ils étaient redevenus marrons. Il sembla un instant perdu. L'épée dans sa main devint soudain lourde et retomba sur le sol.

- Qu'est-ce que... commença le garçon, avant que son regard ne tombe sur l'ensorceleuse. Jamila !

Il sortit alors un parchemin de porte de ville et entreprit de lire les instructions qui y étaient inscrites, quand Lili l'arrêta :

- Non ! On ne peut pas faire ça.

- Mais Jamila va mourir ! C'est pas une potion de santé qui la sauvera !

- Je sais mais...

- Peu importe !

Alors, Pierrick rangea le parchemin et souleva la jeune femme inconsciente.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Lili, jetant un regard en arrière pour voir si le combat reprenait.

- T'occupe, je la ramène en ville.

- La porte est bloquée...

Avec un sourire d'excuse, faute de pouvoir faire un geste de la main, Pierrick disparut, ayant utilisé la téléportation.

_______________


Le garçon fut si surpris en se matérialisant dans le vide qu'il faillit lâcher Jamila. Il tombait avec de plus en plus de vitesse et le sol se rapprochait de lui beaucoup trop rapidement à son goût. De plus, une douleur inexpliquée meurtrissait tous ses muscles.

La distance le séparant du sol d'Harrogath était trop grande pour qu'il puisse l'atteindre en un seul déplacement. Il invoqua encore une fois le téléport qui le rapprocha d'Harrogath, mais le laissant toujours tomber, en accélération constante. Pierrick sentit la panique l'envahir, si bien qu'il avait du mal à garder la tête froide et réfléchir.

Mais il devait trouver une solution ! Arriver si près du but pour finir de cette façon... C'était presque risible ! Tournant la tête dans toutes les directions pour trouver une échappatoire qui lui permettrait entre autre de ne pas finir en bouillie sur le flanc - si beau soit-il - du Mont Arréat.
Là ! Il y avait un lac. Si Pierrick réussissait à tomber dedans, l'eau le freinerait et, la protection de son armure aidant, il s'en tirerait sans trop de mal. L'eau serait extrêmement froide, mais lui ne risquerait rien, et le manteau de Jamila devrait faire son office, du moment qu'ils ne restaient pas trop longtemps sous l'eau.

Voilà qui poserait un problème. Car si le choc ne le tuerait pas, il risquait de l'assommer. Et le sol qui se rapprochait toujours à une vitesse vertigineuse. Il ne devait pas rester plus de cent mètres ! Soixante-quinze...

Mais déjà, une autre difficulté apparaissait : le lac était gelé ! Si Pierrick ne tentait pas quelque chose... Tant pis ! Perdus pour perdus, s'il s'écrasait par terre sa mort ne faisait aucun doute ! Alors que...

Il se téléporta une nouvelle fois, après avoir retenu son souffle.

Le garçon était habituellement insensible au froid, mais lorsqu'il se retrouva complètement immergé dans l'eau glaciale, il se retrouva presque immédiatement transi, ses muscles ne répondant plus totalement aux instructions désordonnées de son cerveau. Il ne pouvait pas non plus utiliser de sort.

Son crâne se cogna contre l'épaisse couche de glace qui recouvrait le lac. S'engourdissant de plus en plus, Pierrick sentit son esprit se déconnecter. Il ne perçut que faiblement une vague de chaleur, sans vraiment comprendre d'où elle venait ni ce qu'elle signifiait.

_______________


Au sommet de la montagne, Lili et Séraphine s'étaient vite reprises, ne pouvant s'attarder sur la disparition du jeune homme et de l'ensorceleuse. Alors que le Fléau, Hammerdin_PK et La Mort dans tes Os se battaient contre Madawc, les deux filles entreprirent de s'occuper de Korlic. Lili sortit trois javelots et les lança successivement vers l'Ancien. Le barbare ne bougea pas, sachant qu'il ne serait pas touché. Seulement, alors qu'ils arrivaient à moins d'un mètre de lui, les trois projectiles se chargèrent d'éclairs et se plantèrent dans le sol, autour du Protecteur, marquant les trois sommets d'un triangle équilatéral parfait.

Séraphine lança trois pièges au milieu de chacune des bases du triangle.

Korlic ne comprit pas ce qui allait se passer, pourtant il estima que ce ne serait pas très bon pour lui. Il voulut bondir hors du piège, mais n'en eut malheureusement pas le temps.

Les éclairs parcourant les javelots convergèrent vers le centre de gravité du triangle, occupé par le barbare, le clouant sur place, le corps parcouru des feux destructeurs de l'amazone. Au même instant, les pièges de l'assassin crachèrent leurs foudres, si puissantes que le barbare fut soulevé de terre.

Le paladin se servait de son large bouclier pour parer les haches qui volaient vers lui. De larges fentes couvraient le pavois mais, renforcé par le sort du serviteur du Zakarum, il tenait bon. Derrière lui, le nécromancien lançait des sorts tels que des esprits et lances d'os, s'arrêtant parfois pour maudire son adversaire.

Le plus vulnérable était le druide, puisqu'il attaquait au corps à corps, se retrouvant lacéré par les puissantes haches de lancer. Ses crocs et ses griffes frappaient le barbare, ne lui occasionnant que peu de dégâts en raison de son armure magique.

Madawc avait pourtant été affaibli par le splendide coup de massue de Hébus. Il était cependant toujours en état de se battre et d'encaisser les chocs. Chaque fois qu'une patte griffue venait le frapper, celle-ci et son propriétaire se retrouvaient propulsés en arrière, revenant néanmoins encore et toujours à la charge.

Le druide recula soudain et fléchit ses pattes arrières. Un grondement sourd s'échappa de sa gorge, pour se transformer en rugissement lorsqu'il bondit sur son adversaire, griffes en avant. De longues et profondes traînées s'ouvrirent sur le visage de l'Ancien.

Le Gardien recula, portant ses mains à sa figure en grognant. Il se reprit néanmoins rapidement et, d'un large mouvement circulaire, frappant le Fléau de ses deux haches. Le fer pénétra la chair et lacéra les muscles abdominaux. Le sang macula la fourrure gris-blanc alors que le druide était projeté au loin. Les haches de lancers s'enveloppèrent d'une aura dorée et fusèrent vers le paladin et le nécro. Elles heurtèrent les héros avec une telle force que le bouclier du paladin fut écarté, éjectant son propriétaire.

L'armure d'os du nécromancien fut aussi brisée comme du verre, le tranchant de la hache lui ouvrit légèrement le ventre, freinée par l'armure de cuir. Reculant, le vieillard sénile trébucha sur le corps de Bob qui tentait depuis plusieurs minutes de se relever, en vain.

Si léger soit-il, le nécromancien s'affala sur le maître d'arme et aucun des deux ne put bouger avant un instant.

Hébus s'était depuis longtemps relevé, mais ses oreilles bourdonnaient et il avait du mal à reprendre son équilibre. Pourtant, en voyant Korlic éjecté par les éclairs, il ne fit ni une, ni deux, se jeta à l'assaut du Protecteur et le frappa avec toute sa force de Troll. Korlic, déjà affaibli par la foudre, se retrouva projeté encore plus loin, poursuivi par les éclairs des pièges de Séraphine.

Le barbare retomba sur le sol glacé et roula en arrière avant de se relever avec difficulté, chancelant, son armure de plaques fumante et couverte de coups et de marques noires.

Vacillant, il releva sa hache d'arme et tenta un bond vers le Troll qui se rapprochait à une vitesse vertigineuse. Le Protecteur voulut frapper, mais ses gestes étaient ralentis par la fatigue et la douleur, aussi, Hébus le percuta-t-il à toute vitesse. La boule de poils perdit l'équilibre en traversant le barbare comme s'il n'était formé que de vent. Le Troll tomba par terre en contemplant la brume dorée qui allait rejoindre le deuxième piédestal pour reformer une statue.

Hammerdin_PK se releva aussi vite qu'il put et se téléporta vers Madawc. Il commença à lancer des marteaux, prenant des risques pour éviter à ses amis de se faire toucher. Le manche d'une hache le cueillit à la mâchoire, après que le Gardien se soit prit plusieurs milliers de dégâts par les marteaux spirituels. Notre paladin fut repoussé plusieurs mètres en arrière, glissant sur les pierres gelées.

Le Fléau se tordait de douleur au sol, son sang coulant abondamment, chaque mouvement sollicitant ses abdos le faisant affreusement souffrir.
La Mort dans tes Os saignait aussi un peu, mais l'armure avait considérablement émoussé la puissance du coup. Le nécro avala le contenu d'une fiole remplie du liquide rouge salvateur.

Sans s'attarder sur l'état de Bob auquel il ne pouvait visiblement rien, il se releva, chancelant.

Mais, alors qu'il marchait le plus vite possible en direction du druide, une hache le frôla de peu, la précision de Madawc ayant été déréglée par les dégâts qu'il avait encaissés. La seconde hache, en revanche, fusait droit vers lui avec célérité.

Elle ne le toucha pourtant pas. Un javelot et un éclair la frappèrent, la faisant dévier de sa trajectoire. Profitant de cette diversion, le nécro se précipita vers le loup qui perdait de plus en plus de sang. Il lui lança un faible décrépit dessus pour ralentir le saignement et le força à boire sa seule potion de rajeunissement.

Le Gardien ne se sentit nullement effrayé par ce rassemblement, même si cela donnait du six contre un. En effet, il est de notoriété publique que les barbares ne sont pas renommés pour leur exceptionnelle réflexion.

Par conséquent, il lança deux autres haches qui avaient pour but de frapper Séraphine et Lili qui arrivaient en courant et à cause de qui il avait manqué sa cible précédente.

Hébus s'interposa, comptant sur son prodigieux épiderme poilu pour servir de bouclier. Cependant, la puissance de l'Ancien n'était plus à démontrer, et deux plaies s'ouvrirent dans le flanc droit du Troll, faisant se courber la bête velue. Avec une rapidité hors norme, Madawc se déplaça pour assener un redoutable uppercut sous la mâchoire de Hébus, projetant ce dernier en arrière et l'assommant du même coup.
Ce jour resterait dans les mémoires comme celui où Hébus le Troll avait perdu un combat.

Continuant sa danse de mort, le barbare tournoya sur lui-même en une parodie de trombe néanmoins efficace, ses haches tranchant les chairs de ses ennemis à portée, soit Hammerdin_PK, La Mort dans tes Os, Lili, Séraphine et le Fléau qui s'était relevé pour tenter de reprendre le combat malgré sa blessure.

Satisfait de son effet, Madawc s'apprêta à lancer une hache sur le Troll qui, le premier, avait endommagé son armure.

Pourquoi une seule hache ? Sans raison particulière, si ce n'est que l'état de Hébus ne nécessitait pas deux coups pour l'achever.

Toujours est-il que s'il y avait eu deux haches lancées simultanément, notre ami poilu eût certainement succombé.

Un bruit métallique résonna au sommet du Mont Arréat et le Gardien contempla stupidement ce qu'il restait de son bras droit. À savoir un moignon qui ne saignait pas.

Soufflant comme un boeuf, Bob tenait son épée à deux mains pointée vers le sol, à côté de l'avant bras encore dans son armure.

Il avait fallu au maître d'arme surmonter son immense douleur pour se remettre debout. Ses tendons d'Achille n'avaient pas été tranchés, heureusement, sans quoi il lui eût été impossible de venir en aide à son ami. Ruisselant d'une sueur froide, il releva lentement son épée dans l'espoir de frapper son adversaire.

_______________


À quatre pattes sur le sol enneigé, la tête courbée, les bras tremblants, Pierrick crachait toute l'eau qui avait pénétré ses poumons. Il n'était pas vraiment conscient de ce qu'il faisait, c'était simplement un réflexe salvateur.

Lorsqu'il put enfin respirer relativement bien, il s'effondra par terre, marmonnant des paroles incompréhensibles, les gouttes de sueur se mêlant à l'eau froide sur son visage.

Jamila avait allumé un feu magique pour les réchauffer tous les deux. Elle s'était réveillée grâce au changement brutal de température lorsqu'elle avait été plongée dans l'eau. La première chose qu'elle avait vue était l'épaisse couche de glace qui la séparait de l'air libre. Sans faire ni une, ni deux, elle avait lancé un inferno pour pouvoir sortir. Ce n'était qu'après avoir ouvert la voie qu'elle avait senti le bras rigide mais inanimé qui la retenait. Elle avait alors tiré le garçon sur le sol sûr. Elle avait alors avalé le contenu d'une potion de santé en se sentant prise de vertiges.

Voyant qu'il gisait à présent quasiment inconscient, tremblant de tous ses membres, l'ensorceleuse tira Pierrick à elle. Instinctivement, il se blottit contre elle et Jamila le berça doucement jusqu'à ce que ses frissons se calment.

Alors, elle les téléporta vers Harrogath, en plusieurs fois, où elle savait qu'ils recevraient les soins nécessaires.

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- Pfiou... souffla enfin le druide. C'était assez coriace, je dois dire.

Tout le monde était regroupé devant les trois statues dorées, les blessés ayant été soignés grâce à des potions de santé.

Bob n'avait pas eu besoin de porter le dernier coup. Madawc s'était lentement incliné vers lui et avait disparu, ayant sans doute reçu trop de dégâts.

- Ouais... répondit Séraphine. Et encore, heureusement que Pierrick était possédé, hein ?

- Il s'est super bien battu affirma le paladin. Dommage que ce soit pas comme ça tout le temps !

- Tu rigoles ? s'exclama Lili. Il est déjà suffisamment orgueilleux habituellement, si en plus il se bat comme un dieu, on en a pas fini !

- En réalité, fit remarquer La Mort dans tes Os, s'il ne se bat pas comme ça contre Baal, on va vraiment avoir du mal.

- Ouais... approuva mollement Hébus que sa défaite travaillait encore. En tout cas, reprit-il joyeusement (l'accablement d'un Troll dure rarement plus d'une dizaine de minutes), c'était une belle baston ! Même notre vieillard gâteux et usé a réussi à faire quelque chose ! ajouta-t-il sans prendre garde au regard noir du nécromancien.

- Maintenant rentrer à Harrogath, fit Bob d'un air éreinté. Dodo et guérir.

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Habituellement, de grands festins succèdent aux grandes victoires. Cependant, Les circonstances n'étaient pas propices à la fête. Cela ne venait pas du fait que Pierrick avait été soi-disant possédé par l'épée, car c'était une chose qui avait été cachée aux barbares, même à Malah. Non, la véritable raison, c'était que le lendemain, le combat contre Baal les attendait.

Et aussi, accessoirement, qu'ils étaient tous crevés par la chouille de la veille et le combat.

Pourtant, Pierrick se tournait et se retournait dans son lit, sans trouver le sommeil. Depuis plusieurs heures une vérité passait et repassait dans sa tête : il allait partir. Plus qu'un combat, sans compter les petits monstres autour.

Et ensuite... Le démon aux pattes d'araignée tomberait peut-être de sa passerelle, ou alors il mourrait sur la pierre rouge. Puis Tyrael descendrait pour ouvrir un portail de retour à ses amis. Alors que pour lui et Hébus...

Le portail serait-il différent ? Ou alors peut-être y aurait-il un éclair, comme à son arrivée ? Mais il se retrouverait chez lui.
Garderait-il ses pouvoirs là-bas ? Qui sait ? Quelle importance...

Énervé de ne pas réussir à s'endormir, il s'assit et posa ses pieds par terre avec humeur, puis se leva.

Pour éviter de croiser quelqu'un dans le couloir, Pierrick se téléporta dehors, s'étant d'abord assuré qu'il portait bien des vêtements.

Il marcha dans la nuit silencieuse jusqu'au chemin de garde, sur les remparts, où il s'appuya sur un créneau en scrutant l'horizon noir sans y chercher vraiment quelque chose.

Un léger froissement se fit ressentir dans la magie et une voix se fit entendre, si douce qu'un léger frisson parcourut l'échine de Pierrick, sans que la faible température nocturne y soit pour rien.

- Toi non plus, tu n'arrives pas à dormir ? (1)

Le garçon se retourna et tenta un sourire sous la lueur de la lune, mais son visage était crispé. Il répondit à Jamila :

- Non... Je suis un peu nerveux pour demain.

- Le combat ? Ou bien après le combat... ?

- Han... Deuxième solution...

- Alors c'est décidé ? Tu pars ?

Pierrick hocha faiblement la tête.

Jamila laissa échapper un petit rire nerveux :

- Quand on était à Kurast... à Travincal, je t'ai demandé pourquoi tu étais resté, tu te souviens ? Et tu m'as répondu que c'était pour moi...

Nouveau hochement de tête.

- Alors maintenant... reprit l'ensorceleuse. Je te demande pourquoi tu pars...

- Je...

Le garçon resta un instant muet avant de murmurer, mal à l'aise :

- Pour toi...

- Tu peux pas t'en tirer de cette façon ! répliqua Jamila en haussant légèrement la voix, plus aiguë que d'habitude.

- Jamila... Je... Dans mon monde, j'ai une famille, des amis... Et puis... Pierrick baissa les yeux. Et puis tu vas te marier...

La jeune fille resta silencieuse, fixant le sol. Pierrick attendit quelques secondes avant de la regarder à nouveau. Il vit alors son corps animé de petits tremblements à chacune de ses brèves inspirations.

Le garçon sentit la détresse l'envahir. Il ne savait pas quoi faire.

- Pourquoi ? s'écria l'ensorceleuse d'une voix aiguë en levant ses beaux yeux verts noyés de larmes. Si tu m'aimes, alors reste ! Tu cherches des excuses ! Tu veux partir mais me faire croire que tu veux rester ? Arrête de me mentir ! Arrête de TE mentir ! Pourquoi...

Le garçon tendit vainement une main vers l'ensorceleuse qui se détourna brusquement et se mit à courir, fuyant sa présence. Ses cheveux volaient dans le vent, des larmes s'y accrochant brièvement à chacun de ses pas. Dans sa course désordonnée, elle heurta le manche d'une lance qui était restée appuyée contre le rempart. Déséquilibrée, elle ne sentit pas la distorsion magique alors qu'elle tombait, comme au ralenti.
Pour se retrouver dans les bras de Pierrick.

Elle écarquilla les yeux de surprise quand il l'embrassa, tenta vaguement de résister, avant de s'abandonner pleinement.

_______________


Beaucoup plus tard dans la nuit, les larmes s'étaient taries. Assis contre les créneaux, face à Jamila, Pierrick chercha à savoir ce qu'il s'était passé contre les Anciens.

- Tout ce dont je me souviens, fit-il, c'est d'un éclair quand j'allais tomber. Ensuite je me suis retrouvé l'épée à la main avec toi par terre.

- Les autres pensent que tu as été possédé par l'âme du grand père d'Anya, dans l'épée. Tu t'es battu de façon excellente, avec une rapidité quasi-divine.

- Aaah, je vois. Donc le vieux m'a pris en charge pendant que j'étais évanoui. Sympa. Et puis ça explique les courbatures : se battre à une telle vitesse, ça sollicite les muscles...

- Mais en fait, continua Jamila, je pense pas que ce soit ça...

- Ah ? Pourquoi ?

- Eh ben... l'ensorceleuse se sentait mal à l'aise. Tu avais des yeux bizarres... Ils étaient gris...

- Et alors ? C'est bien possible que ce soit le vieux barbare qui m'ait fait ça, non ?

- En théorie, oui, mais... En fait c'était pas la première fois que je te voyais comme ça...

Pierrick resta silencieux, attendant de voir ce qu'elle allait dire.

- Avant le combat contre Diablo, quand tu t'es battu contre le fantôme.

- Oui, je me suis évanoui aussi et tu m'as sauvé, non ?

- Pas vraiment... En fait, tu as été comme possédé et tu as développé des pouvoirs super puissants.

- Oh... Et mes yeux... devina-t-il.

- Ils étaient gris, oui. Et puis tu m'as dit quelque chose que je n'ai pas compris. C'était un langage ancien, il me semble, mais je l'ai ressenti comme une menace, comme quelque chose qui ne serait pas bon pour mon avenir.

- Je te promets que j'y suis pour rien. Jamais je voudrais te faire de mal...

L'ensorceleuse tourna brièvement la tête, passant sur ce commentaire qu'elle trouvait, à ce moment, un peu déplacé.

- Et aussi, reprit-elle. Contre les vipères. Là aussi tu as montré un super pouvoir de glace. C'est pour ça que je t'ai donné cette feuille de mon carnet.

- Donc j'ai quelque chose en moi qui n'est pas un ancien barbare, qui maîtrise la magie comme personne, qui se sert d'une épée comme un dieu et qui te veut quelque chose. C'est assez... flippant, non ?

- Plutôt...

- Enfin bon, si ça me permet de tuer Baal demain, pourquoi pas ?

Jamila hocha lentement la tête mais resta silencieuse.

- En tout cas, reprit Pierrick d'une voix douce, je suis heureux que tu sois là, avec moi.

- Moi aussi, murmura l'ensorceleuse. Moi aussi...

(1) Je ne pouvais pas m'empêcher de placer au moins une fois dans ma ff cette phrase mythique des Final Fantasy ^^
Les flancs des collines sanglantes grouillaient de monde. Des centaines de barbares, hommes, femmes et enfants, se tenaient debout, murmurant une douce mélopée. Menant de la porte d'Harrogath à la ligne d'horizon au sommet de la colline, un passage large d'une quinzaine de mètres avait été laissé libre.

La complainte, déclamée dans un ancien dialecte, résonnait sur les hauts murs de roche naturels. Cela racontait l'histoire d'un ancien héros, parti seul affronter une armée de démons, dans l'espoir de sauver sa bien aimée.

Beaucoup de légendes racontent la même chose, et la fin décrit invariablement le mythique duel entre le héros et le Roi des démons.
Les barbares ont une autre vision de la réalité. Le héros de leur chanson périt irrémédiablement contre les armées démoniaques, n'étant pas assez fort pour tous les combattre.

Pourquoi est-ce un héros, alors ? Pour avoir eu le courage d'entreprendre une quête désespérée...

Curieuse chose, d'ailleurs, que ce chant s'élève au pied du Mont Arréat en ce jour précis...

Les neuf compagnons sortirent de la ville, marchant côte à côte d'un pas lent et mesuré. Ils avaient l'air à la fois pressés d'en finir et tentés de rebrousser chemin.

Ils avaient passé la matinée à faire leurs adieux aux habitants de la cité barbare, tant pour Pierrick et Hébus qui ne reviendraient pas, que pour les autres qui risquaient aussi d'y rester.

Les paroles de la chanson imprégnaient l'air comme un voile de tristesse, un adieu, et tous le ressentaient comme tel.

Ils avaient fière allure, les héros. Hébus et Bob aux extrémités, tels deux remparts inébranlables. Lili et Séraphine à leurs côtés respectifs, les yeux brillant d'un éclat électrique. Encore entre elles avançaient Hammerdin_PK, le Fléau et La Mort dans tes Os, remis de leurs blessures, ils arboraient qui les armoiries de sa caste, qui la forme quasi parfaite du loup et qui une magnifique armure d'ossements immaculés.

Enfin, au centre, Jamila, qu'on voyait enveloppée d'une aura enflammée, des braises brûlant au fond de ses yeux verts ; ainsi que Pierrick, faisant contraste avec son armure de glace, une longue et belle épée pendant dans son dos, son orbe accroché à sa ceinture.

Poussés en avant par la douce mélopée qui se répercutait contre la falaise pour revenir en un écho infini, ils gravirent le flanc de la colline, où même le vent semblait s'être arrêté de souffler, attendant avec une impatience tendue l'événement colossal qui allait changer la face de Sanctuary.

Les décors qui avaient guidé leurs pas tout au long de la quête qui tirait à présent à sa fin défilaient autour d'eux, sans qu'ils n'y puissent prêter attention, fixés sur leur unique objectif.

Bientôt s'offrirent à leurs yeux les trois magnifiques statues dorées sur lesquelles se réfléchissaient les rayons du soleil, apportant une lueur d'espoir alors que quelques mètres plus loin s'ouvrait un gouffre vers les abysses démoniaques : la porte vers les méandres qui les mèneraient à la Pierre Monde.

Devant ce spectacle, le druide s'écroula, éreinté par la longue escalade et quelque peu désespéré, instaurant ainsi une pause non prévue.

- J'en peux plus ! soupira-t-il d'un air accablé.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? s'étonna son ami paladin. Nous y sommes presque !

- Oui, je sais... Mais il nous reste quoi ? Des étages à descendre d'après Pierrick, et ensuite cinq vagues de monstres tous plus puissants les uns que les autres... Et ensuite Baal. Capable de créer un clone aussi puissant que lui. Je vois mal comment on pourra s'en sortir cette fois...

- Écoute... commença Lili d'une voix claire et rassurante, avant d'être interrompue par les paroles, plus graves mais empreintes d'une implacable certitude, de Pierrick :

- Nous ne pouvons pas perdre.

À ces mots, tous ses compagnons se tournèrent vers lui, lui jetant des regards interrogateurs. Fermant les yeux pour ménager son effet, le garçon répondit à ces questions silencieuses :

- Nous ne pouvons pas perdre, répéta-t-il, tout simplement parce que nous n'avons pas le choix. Tout le monde compte sur nous. Pas seulement à Harrogath, mais aussi dans tout Sanctuary. Ils ont placé leurs espoirs en nous. Et qui serions nous, si nous ne nous en montrions pas dignes ?

Le jeune mage reprit sa respiration et, gardant les yeux fermés, continua sa proclamation d'une voix émue :

- Cette fois, nous ne pouvons pas compter sur l'arrivée inopinée d'un grand guerrier comme Elvan dans les Collines Sanglantes. Et si nous échouons, le mal se répandra dans ce monde. Et personne ne pourra l'en empêcher. Car, sans orgueil, nous pouvons affirmer être les plus à même de réussir...

- Pierrick... l'interrompit doucement Jamila.

Le garçon ouvrit les yeux et les cligna plusieurs fois avant de se réhabituer à la lumière éclatante du sommet Arréat. À sa grande surprise, seule Jamila était encore là et les traces de pas laissées par leurs compagnons menaient vers la Pierre Monde.

Au regard inquisiteur que lui lança son ami, l'ensorceleuse répondit par un vague haussement d'épaules avant de l'inviter à la suivre.

Après avoir descendu les escaliers et rejoint le reste du groupe, Pierrick les interpella :

- Hé ! Pourquoi vous m'avez laissé faire mon speech tout seul ? C'était fait pour vous remonter le moral, alors si vous vous en foutiez fallait m'arrêter, pas partir sans moi !

- Oh, fit le druide en haussant les sourcils, comme s'il trouvait inenvisageable qu'on se vexe pour si peu. T'avais l'air si pris dans ton rôle qu'on a pas osé te déranger...

C'est en grommelant que le garçon emboîta le pas à ses compagnons.

Curieusement, aucun adversaire ne se présenta durant leur descente aux enfers. Cela confirmait une hypothèse qu'avait formulée le nécromancien, à savoir que Elvan avait fait le plus gros du travail.

Ainsi donc, il ne resterait plus que Baal et ses sbires... Mais même ainsi, la tâche s'annonçait ardue.

Un silence pesant régnait sans que personne ne trouve quoi que ce soit à dire pour détendre l'atmosphère.

Personne, ou presque. Mais les vaines tentatives du Fléau et de La Mort dans tes Os avaient été proprement remerciées par de jolies baffes servies par Hébus, lui-même tourmenté par ses mouches.

Les longs couloirs en devenaient monotones, pourtant Lili trouva quelque chose à faire : elle ramassa plusieurs arbalètes disposées sur des râteliers d'armes et les lança aux deux colosses.

- Tiens, fit-elle. Hébus, Bob ! Vous avez dit savoir tirer à l'arbalète, non ? Ça pourra certainement vous être utile !

- Huk ! Huk ! Huk ! ricana le Troll. Oui, j'ai déjà utilisé ces trucs là contre des dragons au Darshan.

- Tant que tu peux t'en servir contre nos ennemis, expliqua Hammerdin_PK, c'est tout ce qui nous intéresse.

- Il faudrait peut-être qu'on réfléchisse à une stratégie, non ? avança timidement Pierrick.

- Ouais, approuva Bob. Pierrick intelligent ! Hum...

Le barbare ferma les yeux, crispant ses paupières et se donnant l'air idiot de celui qui n'a pas l'habitude de réfléchir et qui pourtant veut s'y exercer.

- Je sais ! annonça-t-il, triomphant. Hébus et Bob foncer dans le tas ! Et puis les autres finir petits morceaux !

- Mouais... Je suis pas convaincu, laissa tomber le nécromancien.

- Si ! Si ! Si ! intervint Hébus. Super stratégie ! Bravo Bob, ajouta-t-il en donnant une forte frappe dans le dos de son ami, ce qui eut pour effet d'ébranler les murs.

- Mais... tenta Jamila.

- Allez ! coupa le Troll. C'est décidé, on peut y aller !

C'est ainsi que le groupe s'aventura de plus ou moins bonne volonté dans la salle où se trouvait le Trône de la Destruction.

Seules quelques torches accrochées aux murs dispensaient une faible lumière rougeâtre dans les couloirs, dégageant une atmosphère inquiétante.

Pourtant, nul bruissement, feulement ou grognement démoniaque ne résonnait contre les parois de pierre.

- Il semble que ma théorie se vérifie, fit remarquer le nécromancien. Il n'y a plus de monstres ici... Elvan a vraiment bien travaillé.

- Oui, approuva Pierrick. Mais ce sera quand même assez difficile comme ça...

- Alors, l'interpella Séraphine. Dis nous un peu ce qui nous attend ?

- Pour commencer ça va être facile : des petites merdes de déchus avec un shaman qui essayera de les ressusciter. Si on le bute pas tout de suite, ça risque d'être long, mais pas dangereux.

- Ouais, ça je pense que ça ira, approuva Lili. Ensuite ?

- Ensuite c'est les squelettes de Lut Gholein, avec des momies Horadrims. Faudra faire très attention au poison. Je propose qu'on les attaque à distance...

- Non ! trancha Bob. Poison pas peur !

- Oui, bon, admit Pierrick, toi tu pourras y aller...

- Moi aussi ! intervint Hébus, de peur d'être en reste.

- Oui, d'accord...

- Ah, fit Le Fléau, mais moi je suis d'accord avec toi, p'tite tête. Vaut mieux laisser les grosses brutes s'en occuper ! Hey ! Me regardez pas comme ça ! Ma résist au poison à moi, elle est en négatif !

Le reste du groupe le regardait avec un sourire moqueur. Pierrick secoua la tête pour éviter de penser à un loup au poil verdâtre courant de partout pour éviter les sorts de glace jetés par des squelettes, puis reprit :

- Après ça va commencer à se corser... Ah, en fait non, ça va pas poser de problème...

- Comment ça ? s'étonna Jamila.

- Ben en fait, dans une équipe normalement constituée, ça peut être assez dur, mais avec Hébus et Bob, ça va passer tout seul.

- Tu pourrais te montrer un peu plus explicite ?

- C'est des membres du conseil. Comme à Travincal...

- Oh...

- Houlà ! s'inquiéta La Mort dans tes Os. Alors avant qu'ils apparaissent faudra qu'on renforce bien tous les piliers, pour éviter que tout s'effondre !

- Quoi ? demanda Bob, sortant de sa rêverie.

- Quand on te le dira, expliqua Hébus, faudra faire un pogo, tu te souviens ?

- Oh OUAIS !

- Et donc après, cria Pierrick pour couvrir les exclamations de joie du Barbare, on se retrouve face à des balrogs, comme chez Diablo.

- Pas de problème, fit le druide. Je m'en suis occupé tout seul la dernière fois.

- Oui, mais le plus dur vient après : la dernière vague. C'est des brutes épaisses qui ressemblent à des dinosaures. Le mieux ce sera que je les gèle du mieux que je pourrai pendant que vous taperez dessus...


Alors qu'ils s'avançaient dans l'obscurité, Jamila lançant de temps à autre une volée de boules de feu visant à éclairer leur chemin, ils arrivèrent finalement face à ce qui était le légendaire trône de la Destruction, guerre plus vacant depuis que le dernier des Trois l'avait conquis.
Ce même Démon se trouvait assis sur se monument millénaire, dominant le groupe de son aura maléfique.

Moult émotions s'inscrirent successivement sur les visages de nos amis. Souvent, on y retrouvait la peur et le dégoût, ainsi que... la déception ?

- Quoi ? s'étonna la grosse voix du Troll. C'est ça, Baal ? Mais c'est rien qu'une grosse araignée avec une tête qui ressemble à rien !

Le faciès jusqu'à présent impassible du démon changea du tout au tout lorsque les paroles de Hébus parvinrent à ses démoniaques oreilles. Reflétant à la fois la Terreur de Diablo et la Haine de Méphisto, il écarta ses multiples bras et dégagea une vague d'énergie que les mages de l'équipe reçurent de plein fouet.

Tous se sentir effrayés, craignant que le sort lancé par le Démon Primaire ne leur soit, sinon fatal, hautement néfaste.

C'est un sourire blasé qui se peignit sur leurs visages lorsqu'ils se rendirent compte de la réalité.

En effet, il s'agissait de la première vague de monstres envoyée par Baal : un chaman accompagné de ses déchus...

- Bon, fit Pierrick en s'approchant du Troll, faisant fi des monstres qui lui étaient devenus insignifiants, Hébus, faut que je t'explique un truc...

- Oui ? répondit la boule de poils, regardant avec amusement ses amis jouer avec les déchus, qui posant sa main sur le front d'un monstre, l'empêchant d'avancer, qui lui confisquant son cimeterre, qui se téléportant au dernier moment derrière son ridicule adversaire, le laissant indécis.

- Le démon que tu traites d'araignée, reprit le garçon, c'est Baal, le Seigneur de la Destruction. Et si, pour le moment, on en a pas l'impression, en fait, c'est quelqu'un de vachement puissant.

- Ah ouais ?

- Voilà, donc montre un peu plus de respect, s'il te plait.

- D'accord, pas de problème. Baal, c'est ça ?

- Ouais, t'as tout compris...

Acquiesçant, Hébus se tourna vers le trône et progressa au travers des monstres, donnant des baffes au rabais et avec des bonus pour les bons clients (qui, il faut se le dire, se faisaient rares). Arrivé face au démon, il esquissa son plus beau sourire plein de dents, leva la main et la secoua de gauche à droite en signe de salut avant de s'exclamer :

- Salut mon pote !

Pierrick de se prendre la tête dans les mains en « gnégnéant » (= dire « gnégnégnégnégné ! ») avant de s'approcher de son ami, alors que les petits monstres se faisaient anéantir par des aventuriers lassés.

- Non, non, non, Hébus... C'est pas ton pote, en fait il veut nous tuer... Tiens, voilà ce qu'il fait, par exemple !

Alors que le garçon parlait, une nouvelle vague d'énergie l'avait frappée. Il se téléporta prestement hors de la zone d'apparition des monstres, ne voulant pas être pris pour cible principale des momies et de leurs squelettes.

Le Troll, pourtant haut de plus de deux mètres, fut soudain enseveli sous un amas d'ossements, cerné par une dizaine de momies géantes qui commençaient déjà à cracher des nuages empoisonnés vers les aventuriers, ainsi qu'à lancer des étoiles d'énergie négative.

Un énorme hurlement retentit, ponctué par une explosion d'os volant dans tous les sens : Hébus s'était libéré du tas qui le recouvrait et, d'un coup circulaire de sa massue, avait arraché la tête d'un grand mage.

Comme décidé précédemment, la plupart des humains s'éloignèrent à une distance minimale de sécurité, laissant le barbare et le Troll s'en donner à coeur joie.

Pour faire bien, mais surtout pour la forme, ceux qui pouvaient attaquer à distance lancèrent quelques sorts où javelots, mais il était communément reconnu que les deux brutes n'en avaient nul besoin.

Alors que le massacre suivait gentiment son cours, La Mort dans tes Os interpella Pierrick :

- Hey, vu qu'ils ont presque fini, faudrait penser à renforcer les colonnes, non ? Je vais mettre des os partout, et toi tu gèleras le tout, ok ?

- Ouais, ça marche !

En quelques minutes, les monstres étaient retournés aux Enfers, et les piliers étaient proprement étayés.

- Bon, clama Hébus de sa puissante voix. T'es prêt, Bob ?

- Ouais ! Pogo !

Ainsi fut-il. Aussitôt que les Membres du Conseil apparurent, nos deux masses se mirent à bondir dans tous les sens, pareils à de gigantesques lapins. Chaque choc ébranlait toute la salle, faisant même frémir les ossements sous leur couche de glace pourtant épaisse.

Sans pouvoir faire quoi que ce soit, les monstres se retrouvèrent plaqués au sol, n'ayant nulle autre issue que celle de geindre (mais ça leur servait à rien, puisque les hurlements de Hébus et Bob couvraient tout autre bruit).

Il ne fallut guerre plus de temps à notre équipe bien rôdée et habituée au combat pour exterminer cette vermine. On en vint même à se dire que, tout compte fait, il serait facile d'arriver jusqu'à Baal.

Le fameux Seigneurs Venins eux-mêmes n'opposèrent qu'une faible résistance, causant néanmoins quelques dégâts non négligeables.

Fier de sa prestation dans le Sanctuaire du Chaos, Le Fléau s'était animé d'une furie dévastatrice dont la frénésie laissait présager une issue de combat rapide. C'est la raison pour laquelle les autres membres de l'équipe restèrent en retrait pour le regarder.

Le loup frappait avec majesté, glissant entre ses adversaires, se fondant entre les souffles de feu, ouvrant de larges sillons dans les gorges démoniaques. Aussi insaisissable qu'un courant d'air, seuls ses grognements sourds et les gargouillis des monstres agonisants ponctuaient ce qu'on ne pouvait appeler qu'un massacre en règle.

Ce n'est qu'arrivé au plus grand, au plus massif de tous les Balrogs, que celui qu'on appelait Le Fléau du Chaperon Rouge faillit. Ses griffes volèrent avec une précision et une vitesse implacables vers le poitrail du démon, pour se retrouver bloquées à quelques centimètres du cuir épais.

Surpris par l'immunité physique du monstre, le druide ne put éviter l'énorme coup de poing qui lui écrasa le museau et l'envoya se fracasser les côtes sur un pilier recouvert de glace.

Ce n'est qu'à ce moment que les autres, se rendant compte de la mauvaise posture de leur ami, se jetèrent à corps perdu dans la bataille. À la suite de ce combat, ils purent dénombrer, fichés dans la poitrine du Balrog, trois javelots parcourus d'éclairs, une épée, celle de Bob (elle était certainement magique), deux marteaux immatériels qui ne tardèrent pas à disparaître, des traces de brûlures côtoyant des membres gelés, et même des empreintes de dents de Troll.

Mais c'est à ce moment que la tension était à son comble, car tous savaient, d'après les dires de Pierrick, que c'était là que tout allait se jouer. Le combat contre Baal, s'ils réussissaient cette épreuve, ne serait plus qu'une simple formalité. Ils devaient affronter les fameux Serviteurs de la Destruction.

La vague de magie qui déferla sur nos mages était plus puissante que toutes les précédentes. Elle traduisait une phénoménale quantité d'énergie déployée par le Démon Primaire pour envoyer son ultime rempart.

Puis ils furent là.

Imposant le respect par le sentiment de puissance qu'ils dégageaient, les derniers monstres dépêchés par Baal étaient tout bonnement effrayants. Immenses, leur tête culminant à plus de trois mètres de haut, ornée d'une corne massive de trente centimètres, tout le corps recouvert d'une épaisse peau jaunâtre à la consistance rocheuse et balayant l'air d'une queue longue de deux mètres, menés par le légendaire Lister, les derniers adversaires de nos amis représentaient bel et bien la parfaite arme de la Destruction.

On remarquera que c'est toujours le début dans un combat : Hébus et Bob se ruent vers les ennemis en poussant des hurlements sauvages. Cet affrontement ne faisait pas exception à la règle, tandis que Pierrick hurlait qu'il fallait attendre qu'il les gèle.

Remarque dont les brutes ne firent aucun cas : ils étaient déjà fascinés par la résistance des démons qu'ils étaient en train de frapper, ne laissant guère de champ à leurs alliés qui hésitaient à lancer leurs sorts où javelots.

- Jamila, fit Pierrick d'un ton pressant. Ils sont immunisés au feu. Tu pourras rien faire... Reste à l'écart !

L'ensorceleuse lui jeta un regard incrédule. Il n'y avait pas quelques mois, ce garçon était encore un jeune adolescent incapable de savoir tenir une épée, et voilà qu'il était devenu un grand mage.

Hochant la tête au jeune homme qui concentrait déjà de l'énergie bleutée dans ses mains, Jamila se contenta de chercher avidement parmi ses amis si l'un n'était pas en mauvaise posture, auquel cas son téléport pourrait le sauver.

Obéissant à la tradition quasi-suicidaire des Hammerdins, le paladin apparut au milieu des monstres et commença à lancer ses marteaux. Les premiers tirèrent des beuglements de douleurs aux dinosaures, mais un violent coup de corne, dans la mêlée, projeta notre serviteur du Zakarum quelques mètres plus loin, glissant dans les entrailles précédemment déversées.

Lili lançait ses javelots du mieux qu'elle pouvait, mais l'efficacité n'était pas totalement au rendez-vous... La peau des monstres était si dure que rien ne semblait pouvoir la traverser.

Séraphine, elle, ne pouvait que lancer des pièges, étant donné que ses griffes ne seraient d'aucune utilité...Un de ses pièges passa tout prêt d'un sort de glace lancé par Pierrick visant à geler un ennemi. La bataille faisait rage. C'était une explosion de coups, de bruits et de magie qui brouillait la vue de tous. Si bien que La Mort dans tes Os ne savait que faire. IOl se tenait prêt, baguette haute, lançant de temps à autres quelques sorts aussi ridicules qu'inutiles. Parfois, un de ses compagnons fusait hors de la mêlée, avant d'y retourner de plus belle. Le nécromancien saisit prestement une ouverture dans la barrière que formaient ses amis pour lancer une série de lances d'os dont les effets lui furent impossibles à distinguer dans la masse.

Le Fléau combattait comme un diable, mais il restait coincé entre les démons, invisible de l'extérieur. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit, sortant du poitrail du monstre qu'il combattait, des anneaux consécutifs d'énergie blanche.

Comme au ralentit, il regarda la lance d'os achever le Serviteur de la Destruction pour s'avancer lentement dans sa propre poitrine. Il ne pouvait rien faire ! Bien conscient de la mort qui le guettait, il n'avait aucun moyen de s'éclipser en moins de temps que le sort ne mettrait à le transpercer ! Le sortilège toucha les poils drus, vrilla la chair, puis finit sa course dans le mur de pierre rouge.

Jamila soutenait un druide sous forme humaine, tremblant de tous ses membres, des sueurs froides lui coulant sur les tempes, collant ses cheveux, trempant ses joues.

L'homme, voyant qu'il était encore en vie, se tâta prestement la poitrine et, constatant qu'elle n'était qu'à peine effleurée, tourna la tête dans tous les sens pour comprendre ce qui s'était passé.

- Jamila ? fit-il, fébrile. Qu'est-ce que...

- Prends une potion, lui intima la sorcière, et calme toi. Tu t'es bien battu, mais tu ferais mieux de rester ici le temps qu'ils en finissent.
Obtempérant, Le Fléau hocha frénétiquement la tête. Il avait frôlé la mort plusieurs fois dans son existence, mais jamais il ne l'avait vue approcher si distinctement, si inéluctablement...

- Regarde, le pressa l'ensorceleuse, le combat est presque terminé !

En effet, peu de dinosaures étaient encore debout, et les quelques uns qui restaient ne payaient guère de mine. Bientôt, tous furent achevés.
Nos héros se regroupèrent au centre de la salle, chaque combattant au corps-à-corps portant son comptant de balafres (y compris Hébus et Bob), mais dans l'ensemble, tous s'en sortaient plutôt bien.

La Mort dans tes Os se rapprocha, non conscient d'avoir failli être la cause de la mort d'un de ses amis.

- Bon, fit-il. Alors maintenant on doit aller se taper contre l'araignée, là ?

- Oui, répondit Pierrick. On attend qu'il passe son portail et on le suit dans la chambre de la Pierre Monde.

- Alors il se dépêche d'y aller cet enfoiré de Démon aux pattes d'insecte dénaturé ?! s'énerva Hébus, postillonnant sur ses mouches.

Mais alors que le groupe commençait à marcher vers les marches menant au trône de Baal, l'atmosphère devint soudain lourde. Un puissant courant d'air frappa notre coterie, charriant de l'électricité statique qui faisait briller les cheveux de minuscules éclairs.

Étouffé, à l'instar des autres mages, par la dose de magie présente dans l'air, des centaines de fois supérieure à celle déployée pour la dernière vague de Baal, le nécromancien hurla, pour couvrir la tempête qui s'était levée :

- Pierrick ! C'est trop gros, cette fois !

Se contentant d'un hochement de tête, le garçon écarta les bras, paumes verticales tournées vers l'extérieur du groupe, aussitôt imité par le nécro. Ils déversèrent leur magie autour de leurs alliés, jusqu'à former un mur constamment alimenté par leurs énergies.

Il était temps, car pas plus de deux secondes après qu'ils ne réagissent, ce ne fut pas des centaines, mais bien des milliers de monstres qui se matérialisèrent, écrasant les piliers, défonçant les murs, grouillant jusqu'au plafond, même ! Des blocs de pierre tombaient un peu partout dans le quatrième sous-sol du temple de la Pierre Monde actuellement surpeuplé.

Et, couvrant le tout, un rire démoniaque...

Au travers du mur de glace et d'os, on put apercevoir Baal s'éclipser calmement au travers de son portail. Les bras tremblants sous l'effort, chacun presque à cours de mana, La Mort dans tes Os et Pierrick se regardèrent, chacun demandant à l'autre ce qu'il fallait faire. Les autres membres de l'équipe restèrent un instant sans réaction, avant de se ressaisir et de regarder aux alentours comment la situation se présentait.
C'était à présent presque un dôme qui les recouvrait, les protégeant ainsi des démons volants, mais il était visible que les deux mages ne pourraient tenir bien plus longtemps...

Lili prit une décision.

- Apparemment, fit-elle d'un ton étonnamment calme, on peut pas passer tranquillement jusqu'à Baal...

- Merci... souffla Pierrick, peinant à respirer normalement. J'avais vu...

- Donc, reprit l'amazone comme si de rien était, je ne vois qu'une seule solution...

- Accouche ! la pressa le nécromancien.

- Il y a parmi nous trois personnes capables de se téléporter : Jamila, Pierrick et Hammerdin_PK. Vous trois, vous vous téléportez à travers le portail de Baal !

- Impossible, la coupa le paladin. Vous allez rester tous ici et vous allez vous faire tuer !

- Hors de question, approuva Jamila. Aucun de nous n'acceptera de partir en vous laissant ici !

- De toute façon... intervint Pierrick. C'est au nécro... et à moi... de décider... Et je ne veux pas... partir en vous laissant... sans protection... D'accord, tes Os ?

- Je m'appelle La Mort dans tes Os, parvint à articuler l'intéressé en souriant. Et je peux vous dire que... si vous ne partez pas maintenant... tous les trois... je relâche mes murs d'os... et je vous maudis le cul avec des sorts !

- Il faut se dépêcher de décider, fit remarquer le druide, pragmatique.

- Non, non et non ! s'insurgea Jamila, haussant la voix. On tuera Baal tous ensemble, après avoir tué ceux-là !

Pierrick crispait les paupières avec l'espoir que ça l'aiderait à tenir plus longtemps, car dès qu'il lâcherait, les attaques répétées des monstres et démons démoliraient sa barrière. Quitter six membres du groupe pour avoir une chance de tuer Baal... C'était la seule solution pour éviter que leur trajet n'ait été vain...

Sa raison lui criait que c'était la seule solution envisageable, étant donné que les troupes démoniaques étaient trop nombreuses, mais son coeur ne voulait pas en entendre parler.

- Allez-y... supplia le nécromancien qui risquait de lâcher prise d'une seconde à l'autre.

- On peut pas faire ça... fit l'ensorceleuse, résistant encore à l'affreuse idée.

- Je crois qu'on a pas vraiment le choix... fut contraint d'admettre le paladin.

- Pierrick, supplia la jeune fille, tu es d'accord avec moi ?

- Jamila... souffla le garçon, à bout. Je peux plus... tenir... Il... faut... faire comme ça...

Ses bras retombèrent mollement le long de son corps, à cours d'énergie, imités par ceux du nécro. Aussitôt, les coups portés à la barrière se firent plus présents, plus violents.

- Bonne chance, murmura Pierrick. Vous êtes tous des Héros... Vous avez intérêt à nous rejoindre en vie !

Sur ce, il disparut, suivi de près par Jamila et Hammerdin_PK après qu'ils aient prononcé des paroles d'adieu.

Une puissante lumière les éblouit lorsqu'ils se matérialisèrent de l'autre côté du portail. En effet, la gigantesque Pierre Monde dispensait une lueur rouge d'une intensité égalant le soleil, mais aux teintes maléfique dues à son caractère corrompu.

Pierrick s'effondra. Sa téléportation avait été l'ultime sort dont il était encore capable. Se retenant de parler, Hammerdin_PK et Jamila le retinrent pour l'appuyer contre un mur. De là, le paladin activa son aura de méditation, tandis que l'ensorceleuse le forçait à boire une potion remplie d'un liquide bleu.

Le garçon reprit assez rapidement ses esprits. Il commença à se relever lorsqu'ils sentirent tous une distorsion dans la magie. Phénomène caractéristique qu'ils connaissaient tous très bien : un téléport...Un instant plus tard, Baal était là, imposant. Ses bras tentaculaires fouettèrent l'air en direction de nos amis qui avaient déjà pris leur décision. Ils disparurent tous, laissant le démon bredouille.

Ils arrivèrent ainsi devant une passerelle menant à la pierre colossale. De part et d'autre de cette passerelle, un gouffre plus noir que la nuit s'enfonçait dans les profondeurs infernales.

Jetant des regards autour d'eux, ils virent qu'en réalité, seule une vingtaine de mètres les séparaient de Baal.

Il fallait prendre les devants. Hammerdin_PK se téléporta face au démon et, faisant fi de tout bon sens, commença à l'arroser de marteaux magiques. Si les attaques portaient, elles ne semblaient pas pour autant incommoder le démon, qui riposta d'un revers de tentacule, se retrouvant projeté en arrière, comme il commençait à en avoir l'habitude.

Profitant que le paladin libérait le champ, Pierrick lança une orbe de glace visant à ralentir Baal, mais le sort était amoindri par la fatigue accumulée par les combat précédents, et n'eut que peu d'effet. Suivant la danse, Jamila envoya une série de boules de feu, mais elles non plus ne firent pas fléchir le démon primaire. Baal était heureux, si on peut ainsi définir son humeur. Il avait face à lui trois mages. Il pourrait donc utiliser sa malédiction préférée.

Refusant d'admettre un échec, Pierrick voulu lancer un blizzard. Mais lorsqu'il voulut concentrer l'énergie dans ses mains, il sentit une douleur atroce lui enserrer la poitrine, comme si son coeur cessait de battre pendant plusieurs secondes. Un étau lui comprimait le muscle cardiaque, si bien que le garçon s'effondra, secoué de quelques spasmes avant que la douleur ne s'estompe.

Ses deux amis se précipitèrent à ses côtés pour l'aider à se relever et lui demander ce qui n'allait pas.

- Ne lancez plus de sorts... souffla Pierrick. Ils drainent notre vitalité...

- Voilà qui va être problématique, fit posément remarquer le paladin. Comment on va faire ?
Mais avant qu'ils ne puissent trouver une solution, ils se retrouvèrent encerclés par une forêt de bras végétaux pareils à des tentacules.
Jamila et Hammerdin_PK effectuèrent quelques comiques pas de danse pour éviter les coups, alors que Pierrick se retrouva frappé plusieurs fois.

Semblant enfin réfléchir un peu tandis qu'il roulait sur le sol pour ne plus se faire toucher (et y arrivant moyennement), le garçon dégaina sa longue épée dès qu'il put se relever, et trancha plusieurs bras qui disparurent aussitôt.

Adoptant une position d'attaque, le garçon murmura :

- Allez petit démon possesseur. Si tu veux te manifester, c'est le moment...

Impossible, pensa-t-il.

Il était d'ailleurs trop occupé à trancher des tentacules pour se dire que lui-même n'avait eu aucune raison ni envie de penser ce mot-là...

Quoi qu'il en soit, il se retrouvait bien seul, avec sa lourde épée, face à Baal, ses deux amis n'étant là que pour le soutenir moralement. Hammerdin_PK pouvait, à la rigueur, utiliser ses auras pour l'aider.

Ainsi débuta son court combat contre Baal. Le démon ne se battait pas dans la même catégorie. En effet, Pierrick n'était pas habitué à se battre contre des démons supérieurs aux multiples bras.

Et il faut dire que l'épée était trop lourde pour lui permettre de parer facilement tous les tentacules de Baal, si bien que, s'il réussit à en amocher quelques uns (ils étaient plus résistants que les plantes), un violent coup porté à l'épaule le souleva de terre, projetant son épée au loin.
Il resta d'ailleurs en l'air plus longtemps qu'il ne l'aurait supposé au premier abord. C'est alors qu'il sentit le froid tentacule enroulant sa taille, glissant en partie sous son armure et frottant sur son dos une substance épaisse et visqueuse.

Pour ajouter à son désespoir, Pierrick entendit le cri de douleur de Jamila et du paladin. Ils l'avaient poussé en essayant, qui de se téléporter, qui d'envoyer des boules de feu pour l'aider. Mais la malédiction du démon était trop forte, et les deux humains s'étaient écroulés et ne devaient plus se relever pendant plusieurs minutes, car dans leur volonté de sauver leur ami, ils avaient forcé jusqu'à ce que la douleur ne leur fasse perdre connaissance.

Pierrick eut soudain très peur. Arriver jusque là pour mourir bêtement... Alors qu'il aurait pu s'en sortir en écoutant Tyraël et en partant lorsqu'il était à Lut Gholein !

Il se débattit du mieux qu'il put pour se dégager de la mortelle étreinte, mais rien n'y fit. Frappant des poings sur toutes les parties du corps du Démon qu'il pouvait atteindre, il ne faisait plus attention à ce qui se passait autour de lui. Un détail le fit stopper.

Un détail en bois, haut d'un mètre cinquante, équipé d'une corde où était encoché un carreau.

L'arbalète du colosse frappa le démon avec une telle force qu'elle le fit rouler par terre, lâchant ainsi le garçon. Baal se téléporta sur la passerelle.

- Huk ! Huk ! Huk ! Je t'avais dit que je savais me servir d'une arbalète !

Cette voix ! Ce rire !

- Hébus ! s'exclama Pierrick, soulagé. Vite, viens par là ! Jamila et Hammerdin_PK sont pas bien !

Mais déjà, les deux intéressés se relevaient en faisant signe que tout allait à peu près bien.

- Où sont les autres ? demanda Jamila, inquiète de ne pas les voir apparaître.

- Oh, fit Hébus, embarrassé. Bob et Lili arrivent, et le nécro est en train de soigner ses blessures...

- Et... commença le paladin, interrompant sa phrase, la bouche ouverte et les yeux écarquillés.

Bob venait d'apparaître. Son visage était couvert de contusions, de larges plaies s'ouvraient dans ses membres et sa poitrine. Il ne semblait pas en souffrir, non... le pire était la silhouette couchée dans ses bras, mutilée, mais pas au point de ne pouvoir reconnaître celui qui avait été leur compagnon, Le Fléau...

Alors que l'horreur se peignait sur tous les visages, le paladin fut le premier à réagir et à se jeter à genoux à côté du cadavre doucement déposé par le barbare au visage fermé.

Hammerdin_PK ne dit rien, mais il s'activa, concentrant sa magie, constatant au passage que la malédiction de Baal n'agissait plus, il essaya toutes ses auras, tous ses sorts, avant de se rendre à l'évidence : le druide ne se relèverait pas.

Il releva alors la tête, cherchant secours auprès de ses amis, avant de voir qu'une seconde tragédie s'était abattue sur leur groupe. Lili venait d'apparaître elle aussi. Sur son visage se mêlaient larmes et sang. Une partie de son armure était enfoncée et devait lui meurtrir les côtes, mais elle n'en avait cure, sa pensée uniquement rivée sur le corps qu'elle tenait dans les bras, encore blottie contre la poitrine de l'amazone, comme si elle craignait de quitter ce monde. Séraphine aussi, avait succombé aux démons de Baal...

Suivit La Mort dans tes Os. De tous les survivants, il était le plus amoché. Sa chair était à vif sur la moitié d'une joue, et des morceaux de muscles semblaient avoir été arrachés de sa jambe.

Il tenta un sourire, mais ce simple effort le fit grimacer, ce qui lui fit encore plus mal.

- Baal... ! ragea Pierrick, le visage en larmes.

Sans faire plus de discours, le garçon se jeta en avant vers la passerelle où se tenait toujours le Démon. L'épée haute, la vue brouillée par les larmes, il semblait totalement déchaîné.

Il frappait de taille, sans se soucier de la vilaine blessure qu'il avait reçue un peu plus tôt à l'épaule.

Voyant qu'il ne pourrait arrêter cette furie, Baal regroupa tous ses bras-tentacules, les tressant ensemble. Le membre ainsi créé formait à présent une lance très pointue.

Lance que le démon voulu planter dans le corps du garçon qui ne faisait rien pour l'éviter.

Pierrick fut éjecté d'un violent coup d'épaule et l'arme improvisée du démon traversa l'épaisse fourrure qui s'opposait maintenant à lui, faisant gicler sang et os, pour ressortir dans le dos du troll.

Hébus avait pris la place du garçon et s'agrippait à présent aux bras du démon, l'entraînant de plus en plus vers le gouffre.

Sous le regard horrifié du jeune mage, le sourire carnassier du Troll s'agrandit à mesure que ses yeux se voilaient jusqu'à perdre toute leur vitalité.

De la gorge de Baal s'échappa un hurlement lorsqu'il tomba, accompagné de son agresseur, dans les profondeurs infernales.

Ainsi sonna la fin des Trois.



Longtemps, les survivants pleurèrent la mort de leurs amis les héros. Pierrick avait jeté son épée. Il avait tenté, dans un sursaut de folie, de sauter à la suite du Troll, pensant pouvoir le sauver. Heureusement, ses amis l'en avaient empêché.

À présent, les larmes s'étaient taries, et tous s'étaient faits à la réalité, bien qu'ils ne l'aient pas encore acceptée.

Le nécromancien venait d'être soigné par l'archange Tyraël en personne, descendu du Paradis pour les féliciter.

Vint l'heure des adieux.

Un portail blanc était ouvert devant Pierrick.

- Tu as fait tes preuves dans ce monde, Pierrick, affirma Tyraël de sa voix omniprésente. Il reste encore deux démons en vie. Si tu le désires, tu peux rester...

- Je rentre chez moi... souffla le garçon après quelques secondes d'hésitation.

L'archange s'inclina légèrement et lui céda le passage.

- Attends ! implora Jamila. Tu... tu ne vas pas le regretter ?

S'il allait le regretter ? Bien sûr qu'il le regretterait ! Chaque fibre de son corps lui criait de faire demi-tour ! Son âme lui hurlait de rester avec Jamila ! Évidemment que...

- Non.

La réponse avait sonné tel un glas.

Une dernière phrase résonna longtemps dans la chambre de la pierre monde...

« Je t'aime... Adieu... »
Quelques cimes d'arbres se balançaient mollement au gré du vent. Un beau soleil brillait dans le ciel vide de nuages. Les rayons de lumière traversaient les carreaux, infléchissant ainsi quelque peu leur trajectoire, pour aller se refléter sur l'écran, allumé, de l'ordinateur, avant de frapper le visage du jeune homme assoupi.

Il se réveilla, grimaçant, aux cris de son frère qui accourait.

- Pierrick ! hurlait-il. Ça fait deux heures que t'es sur l'ordi ! C'est à moi là !

- De... quoi ? s'étonna l'intéressé, encore à moitié dans les vapes.

- Mens pas ! Regarde-toi dans une glace : t'as la marque du clavier sur les joues !

- Je... hein ? Qu'est-ce que je fais là ?!

- C'est justement ce que je te demande ! Et d'ailleurs tu vas réfléchir à la réponse à un autre endroit !

Se levant paresseusement, Pierrick restait pensif. Se pouvait-il que tout cela n'ait été qu'un rêve ? Alors tout ce qu'il avait vécu, ou pensait avoir vécu, n'aurait pas existé ?

Il s'étira, ankylosé qu'il était, mais dut réprimer un cri de douleur lorsqu'il tendit le bras gauche. Se précipitant dans sa chambre, en haut des escaliers, il retira son t-shirt pour s'examiner. En effet, les touches du clavier étaient bien imprimées sur son visage. Mais là n'était pas l'important.

Une plaie, en passe de guérir, ouvrait son épaule gauche. Souvenir que Baal lui avait laissé avant de mourir. Bientôt cette blessure ne serait plus, grâce aux soins de Tyraël, mais pour le moment elle témoignait de la véracité de ses souvenirs, et cela éveillait en lui une multitude de sentiments, allant de la joie à la tristesse, en passant par le dégoût.

Pierrick passa le reste de l'après-midi à se morfondre, comprenant qu'il avait certainement des devoirs à faire, mais incapable de s'y forcer.
Au bout de quelques heures, il décida d'aller faire un tour dehors.

Le vent frais lui fit du bien lorsqu'il marchait sur le trottoir le long de la route. Une route habituellement fréquentée par tout ce que la ville pouvait regrouper de chauffards inconscients.

Cette réputation était certainement la cause de l'agitation qui régnait à une centaine de mètres de là.

En effet, en s'accordant sur le fait qu'une voiture passait à plus de cent kilomètres à l'heure dans cette rue toutes les sept minutes environ, on n'était pas très loin de la réalité. Or, Pour ce que voyait Pierrick, une dizaine de passants, bien rangés sur les trottoirs, regardaient avec étonnement la personne qui se tenait assise au milieu de la chaussée, ne semblant pas s'inquiéter de ce qui pourrait arriver, d'autant plus que le vrombissement d'un moteur poussé à plein régime se faisait de plus en plus présent.

Pierrick s'affola un peu, mais fut, somme toute, prompt à réagir. Après le manque d'attention dû à son réveil, il sentait à présent la magie circulant toujours en lui. Si dévoiler ses pouvoirs pouvait permettre de sauver une vie, alors il n'hésiterait pas.

Venant de se faire doubler par la puissante Porsch qui fonçait comme un boulet de canon, Pierrick se mit en action.

Un violent coup de frein se fit entendre, mais, malgré toutes les prouesses de la marque de voitures, il était évident qu'il ne serait suffisant pour s'arrêter à temps.

Sur le trottoir, des cris s'élevèrent, sans conviction, comme attestant d'un fait habituel.

Le choc aurait dû survenir.

Mais il n'en fut rien.

Plus loin, encore baigné de magie, Pierrick tenait l'inconscient dans ses bras. L'inconsciente, en fait, car la cascade de cheveux bruns qui lui s'étalaient sur son visage trahissait son appartenance à la gent féminine.

Le garçon aida la jeune fille à se relever.

- Ça va ? demanda-t-il, le coeur battant encore à l'idée qu'il aurait pu rater son téléport.

- Ton monde est bizarre, répondit une voix enjouée qu'il connaissait bien. Tu m'embrasses maintenant et tu me fais visiter après ?

Après l'étonnement, la joie se peignit sur le visage du garçon, alors qu'il obtempérait avec plaisir. À ce moment, un énorme poids s'envola de ses épaules, et le vide laissé dans son coeur fur parfaitement comblé.

Jamila s'abandonna à lui, heureuse d'avoir pris cette décision.

Pourtant, l'ensorceleuse savait que cette idylle ne durerait éternellement. Tyraël l'avait prévenue... Mais qu'importe ! Ils avaient encore bien du temps...
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