Fanfiction Diablo II

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Kal'zar, Paladin de l'Ordre Divin du Zakarum

Par Benj

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Epilogue

Dix ans... dix ans ont passé depuis ma première rencontre avec l'un de ces Démons. Il y a dix ans, un homme apellé le Rôdeur parcourut la terre de Sanctuary afin de libérer deux Démons, deux des trois frères Démons, les créateurs du Mal, Baal et Méphisto. J'appris plus tard que le Rôdeur n'était en fait que le troisième du trio infernal : Diablo. Ce que je vais vous raconter dans l'histoire qui suit sont les faits exacts de mon aventure. Certains préfèrent oublier cette période maudite et me traitent aujourd'hui de fou. Mais je vous le dis au nom du Zakarum, cette guerre a vraiment eu lieu. Je vais commencer au tout début, avant ma rencontre avec l'Amazone OeilDuCiel, l'Ensorceleuse Élucia, le Barbare Bul-Kathos et les autres...

A l'époque je n'étais qu'un pauvre Disciple de l'Ordre Sacré du Zakarum, un Ordre voué à la défense du Bien et de la Lumière. Je ne recherchais ni gloire, ni fortune, seulement un endroit où me sentir chez moi. Le destin m'a réservé un tout autre avenir, beaucoup moins paisible que ce que j'avais imaginé.

Je marchais tout droit dans les grandes landes appelées Plaines Gelées. Quelques jours auparavant, j'étais encore en compagnie de Bartuc, mon maître et Grand Prêtre du Zakarum.
« Tu es encore jeune Kal'zar, du moins par rapport à moi, mais bientôt sois- en sûr tu seras capable d'affronter les épreuves qui feront de toi un Paladin au service de la Lumière et loyal à l'Ordre.

- Oui maître. Je le crois aussi.

- J'ai toujours eu une grande confiance en toi mon garçon. Maintenant va ! Et rejoins Hsarus, je crois qu'il a quelque chose pour toi. »
Ce fût la dernière fois que je revis mon maître en vie. Du moins que je le revis entièrement humain. Je m'en fus donc vers la forge de Hsarus. C'était un homme grand, presque un géant. Comme tout forgeron, il avait une musculature imposante, indispensable pour soulever les dizaines d'épées qu'il forgeait chaque jour. Il arborait toujours une petite barbe taillée en pointe. La suie cachait ses traits, mais malgré la noirceur on pouvait distinguer les formes de son visage jeune bien que marqué par ces années de loyaux services à la cause du Zakarum, et toujours souriant.

« Tiens ! Kal'zar ! Cela fait longtemps que je ne t'avais plus vu.

- Pardonne- moi, maître Hsarus, mais mon entraînement m'a pris beaucoup de temps ces jours- ci. Le Grand Prêtre m'a appris que tu avais quelque chose pour moi. Qu'est- ce que c'est ?

- Ah oui ! Tiens, c'est là- bas. »

Je tournai mon regard vers une alcôve de la forge, tout près du grand soufflet. Là étaient posés un bouclier, des bottes en fer et une ceinture.
« Bartuc m'a dit que tu passais tes épreuves très bientôt. Voilà déjà de quoi t'équiper pour affronter les dangers de ton initiation. Je les ai enchantés moi- même hier. »

Je n'en revenais pas. Moi Kal'zar, simple apprenti Paladin, je venais de recevoir des mains du forgeron le plus estimé et respecté de toute la province de Kurast une parure magique.

« Je ne sais comment vous remercier ! balbutiai- je.

- En réussissant tes épreuves, jeune homme, c'est tout ce qui m'importe.

- Je ne vous décevrai pas maître Hsarus ! Que la Lumière vous bénisse !

- Et que la force du Zakarum t'accompagne, jeune Paladin, » dit- il finissant de réciter le serment sacré de l'Ordre.
Je repartis vers mes quartiers avec les pièces d'armure qu'il m'avait fournies. Le soir, avant le coucher du soleil, j'entendis un bruit étrange, comme un murmure. Pourtant la prière du soir était terminée depuis plus d'une heure. J'ouvris ma porte et une chose me frappa : personne dans les couloirs. D'ordinaire à cette heure- ci, les corridors regorgeaient d'apprentis, de maîtres, de guerriers, de serviteurs. Mais à cet instant, personne. Et toujours ce murmure persistant et qui semblait monter des entrailles du temple. J'en déduisis que cela venait des sous- sols. Je pris le temps de m'habiller et je descendis les escaliers menant aux caves et aux laboratoires. Au fur et à mesure que je progressais, le murmure s'intensifiait. A présent j'étais sûr qu'il s'agissait d'une incantation mais je n'arrivais toujours pas à définir qui la proférait. Je continuais donc d'avancer dans la semi- obscurité, quand l'escalier déboucha sur une immense salle éclairée par quelques torches disposées ça et là.

« Cette salle ne m'a jamais été montrée, » pensai- je. Au centre de cette salle étaient présents plusieurs maîtres Zakarumites, dont Bartuc, Ismail et Geleb, les trois plus grands de l'Ordre, en habits de cérémonie. Leurs paroles me terrifiaient. Ils étaient en train de consacrer un culte au plus craint des trois Démons : Méphisto. Je remarquais que mon maître avait changé, ses yeux étaient devenus rouges et un feu démoniaque les consumait. Son visage était parsemé de boutons ressemblant étrangement à de petits volcans. J'adressai une prière silencieuse à la Déesse : personne ne m'avait repéré et je n'osais imaginer ce qui était arrivé aux Paladins ayant refusé de se soumettre à ce culte diabolique. Je m'éclipsai de cette bien sombre assemblée et décidai d'aller raconter la scène à Hsarus. Lui seul comprendrait ce qui se passait et au fond de moi je savais qu'il n'avait pas été corrompu. Pas encore... Quand j'arrivai à sa forge, je sus que je ne pourrais le sauver. Il était aux prises avec deux hommes. Enfin deux ex- hommes. Leurs chairs étaient en décomposition et des lambeaux de peau tombaient de temps à autre à terre. Un des assaillants avait même un oeil enfoncé dans son orbite. Des Zombis !

J'attrapai la première épée qui me passa sous la main, j'adressai une prière à la Déesse, puis je poussai un cri de guerre et me lançai dans la bataille pour sauver mon deuxième maître. Je vis alors les restes de trois autres monstres.

« S'il a déjà combattu ceux- là, Hsarus doit être épuisé, » pensais- je.

« Arrière Démons ! Au nom de l'Ordre je ne me rendrai jamais, » cria- t- il.

Il abattit son marteau de toutes ses forces restantes sur le Zombi le plus proche qui y laissa un bras. Le second monstre contourna le forgeron déchaîné et tenta de le griffer afin de le contaminer.

Je me jetai alors sur ce même Zombi. Il n'eût pas le temps de réagir, sa tête alla rouler contre le soufflet de la forge, tranchée par la lame de ma courte épée. Le premier Zombi désormais amputé d'un bras profita de la surprise que javais provoquée chez Hsarus pour lui griffer le bras et le cou. Fou de rage, le forgeron se retourna et écrasa ce qui avait été un torse humain quelques heures auparavant. Hsarus s'écroula après cet ultime effort pour sauver sa vie. Je me précipitai à ses cotés : « Hsarus ! »

Il me regarda avec ses grands yeux bleus maintenant emplis de tristesse et de peur. La peur de la mort.

« Kal'zar... Tu sais ce qui va m'arriver... Je vais muter en Zombi moi aussi... Kal'zar... »

Il regarda mon épée et eut une sorte de rictus, que j'interprétais comme un sourire : « Garde l'épée, petit, c'est ton grand père Culwen qui voulait qu'elle te revienne. Je l'avais oubliée quand je t'ai donné... le reste de l'équipement. Maintenant va, dit- il dans un ultime soupir, avant que je ne me transforme... Cours ! Quitte ces lieux maudits !

- Je ne peux vous abandonner ! Nous irons voir un Guérisseur au bazar de Kurast.

- Non... tout Kurast est condamné... Va- t- en vite ! » hurla- t- il dans un dernier effort.

Effrayé par cette dernière vision de mon maître, je m'élançai à travers les couloirs vides du Haut Temple du Zakarum. Je sortis toujours en courant et je ne m'arrêtai pas avant d'avoir vu disparaître les toits du temple à l'horizon. Je bivouaquai pour la nuit dans la lande froide et silencieuse de Kurast.

Le lendemain je repartis en direction des quais de Kurast afin de prendre un navire vers l'est et de fuir au plus vite ces contrées maudites pour ne plus jamais y revenir. La deuxième partie de mon souhait ne se réalisa pas.
Maintenant je me suis mis en route. Je marche toujours tout droit à travers les landes froides des Plaines Gelées. Le voyage depuis Kurast s'est bien passé malgré cette attaque du navire par une créature étrange, une sorte de grand serpent de mer, en qui je pouvais sentir un esprit démoniaque.

Plongé dans mes pensées je ne vis pas les premières palissades d'un camp apparaître à l'horizon. Une flèche se ficha alors dans mon bouclier. Surpris, je me jetai derrière un rocher afin de me protéger de cette nouvelle menace.

« Des civilisés, » pensais-je.

Je risquai un coup d'oeil dehors. J'eu juste le temps de voir des fumées de feux de camp quand une deuxième flèche passa à cinq centimètres de ma tête.

« Qui que vous soyez, sortez en gardant vos mains visibles, si vous en avez, au nom de la Sororité de l'Oeil Aveugle, » dit une puissante voix féminine.

La porteuse de cette voix était presque à cinq cent mètres de mon rocher-abri mais je l'entendais comme si elle se tenait devant moi. Je sortis de ma cachette et je me demandai quels dangers j'allais encore affronter. Deux femmes en armes avancèrent dans ma direction. Des Rogues à en juger par le blason sur leur tunique. Elles portaient également un pantalon marron et chacune avait un arc où une flèche était déjà encochée, prête à servir si je manifestais le moindre geste hostile.

« Vous avez pénétré dans notre territoire, reprit la Rogue à la forte voix, je répète : qui êtes-vous ? »

Elle était grande, brune, comme presques toutes les Rogues, avec des yeux marron. Elle scrutait sans cesse l'horizon derrière moi comme si elle craignait quelque chose. Voyant que je n'avais guère d'autre choix, je pris la parole : « Je me nomme Kal'zar, je suis... »

J'allais donner ma fonction de Disciple mais je me rappelai que je ne n'étais plus le Disciple de personne. A ce moment je brisai le premier serment de l'Ordre : ne jamais mentir.

« ... Paladin de l'Ordre Sacré du Zakarum, tombé il y a peu sous le joug démoniaque de Méphisto et je suis à la recherche d'un abri pour passer la nuit.

- Dans ce cas bienvenue à toi Paladin d'un Ordre déchu. Excuse-nous pour cet accueil un peu rude mais depuis que la Démonne envoyée par Méphisto, Andarielle, a lâché ses troupes sur nos terres et a envahi notre monastère, nous sommes devenues méfiantes. »

Elles m'invitèrent ensuite à penétrer dans leur camp de fortune. Les Rogues étant d'anciennes Amazones exilées, comme elles leur peuple était composé exclusivement de femmes. Seulement trois personnes dans le camp étaient des hommes, et Kashya (la Rogue à la voix puissante) ne m'informa que sur deux d'entre eux. Le premier s'apellait Warriv, il était caravanier dans l'est mais comme la seule route pour aller à Lut Golhein passait par le monastère, le pauvre homme était contraint de rester chez les Rogues. Le second s'apellait Gheed et était marchand ambulant.

Les Rogues ne savait presque rien sur lui. Le troisième était âgé, portait une barbe grise et une longue tunique grise ressemblant étrangement à celle des anciens Mages Horadrim disparus depuis des centaines d'années.

« Allez donc voir Charsi au fond du camp, me dit Kashya entre deux ordres donnés à ses guerrières, elle pourra sans doute vous donner un équipement digne de votre rang avant que vous ne repartiez, si vous le pouvez.

- Suis-je le premier Paladin que vous rencontrez ? demandais-je.

- Paladin oui. Mais il y a quelques jours, une Amazone est venue avec la ferme intention de défier et de détruire Andarielle. »

Je fut surpris. D'ordinaire les Amazones ne s'aventuraient pas en dehors de leur île, et encore moins pour rendre visite à leurs consoeurs.

« Une Amazone, ici ?

- Oui, cela nous a paru étrange aussi. Elle se nomme OeilDuCiel et s'appelle elle-même l'Oracle en raison de ses soi-disant pouvoirs occultes. Cela fait plusieurs jours que nous ne l'avons vue. »

Elle s'excusa et retourna auprés de son groupe. Je me dirigeai vers la forge située près du mur ouest du camp. Une jeune femme était occupée à forger un bouclier. Charsi sans aucun doute, comme l'avait dit Kashya.

« Salutations forgeronne.

- Salut ! » me lança-t-elle, un radieux sourire illuminant son visage encadré de cheveux bruns presque roux.

Elle ne devait pas avoir plus de dix-huit ans... C'était très jeune pour être forgeron.

« Enfin je vois un Paladin ! reprit-elle. Un vrai ! J'ai à un moment hésité à faire le pélerinage du Zakarum, mais ma place était ici auprés de mes soeurs.

- Eh bien, j'apprécie que quelqu'un s'intéresse autant à notre Ordre pour faire le pélerinage si jeune. Je te félicite jeune Charsi. »
Je lui expliquai ensuite le pourquoi de ma visite, et j'en profitai pour lui demander des détails sur l'homme à la tunique grise. Je ne m'était pas trompé : il s'agissait bien d'un Horadrim. Le dernier pour être plus précis. Il se nommait Deckard Cain et avait été sauvé d'une ville envahie par la même OeilDuCiel qui parcourait en ce moment les catacombes du monastère rogue à la recherche de sa Némésis.

« Pour ce qui est de l'équipement, reprit Charsi, revenez dans une demi-heure, je vous aurai préparé tout ça. J'ai quelques pièces d'armure ancienne dont personne ne se sert car on dit qu'elles sont enchantées mais vous ne devriez pas avoir de problème à les porter. Du moins je l'espère.

- Merci beaucoup, jeune forgeronne. »

Je décidai de me diriger vers l'autre extrémité du camp, vers une tente rouge. Une femme était assise devant et semblait en pleine méditation. Elle était brune comme la majorité des Rogues et portait une grande cape violette avec un médaillon (en or certainement) autour du cou.

« Bonjour, je suis..., commençai-je.

- Kal'zar, Paladin, » termina la femme.

J'en restai bouche bée ! Ce devait être une voyante ou un Mage. Mais il était étonnant d'en voir une chez les Rogues.

« Ne reste pas planté là la bouche ouverte, reprit-elle, c'est Kashya qui m'a prévenue de ton arrivée. Je me nomme Akara, Grande Prêtresse de la Sororité de l'Oeil Aveugle et j'ai quelque chose pour toi. »

Elle entra dans sa tente et en sortit avec un petit coffret : « Voici deux anneaux magiques forgés par les Nains. Je les réservais pour le premier Paladin qui viendrait nous voir, car je rêve depuis toujours d'échanger certains points de vue sur les art ocultes avec un membre de ton Ordre. Nous appelons ces anneaux les Étoiles Naines. Porte les fièrement, Paladin de l'Ordre.

- Merci, » fut tout ce que je pus articuler. Ces anneaux étaient vraiment magnifiques, ornés de runes sans doutes naines et forgés dans un alliage d'or et de platine. Plus tard, on m'apprit que ces anneaux avaient été coulés dans du sang de Dragon. Je ne pus jamais vérifier cette hypothèse car les Nains ainsi que les Dragons ont disparu de la terre de Sanctuary.

« Maintenant laisse-moi finir ma méditation. Nous discuterons un autre jour. Charsi doit avoir fini de te préparer ton équipement. »
Elle rentra alors dans sa tente sans que je puisse ouvrir la bouche pour la saluer. Cette rencontre était étrange. Akara agissait comme si elle avait deviné ma visite bien avant que Kashya ne l'en ait avertie.

Je retournai voir Charsi, et celle-ci me donna un casque ayant appartenu à un voyageur tombé au combat, Guillaume, un noble Chevalier. Il avait pris l'habitude d'appeler son heaume son visage du fait qu'il ne le quittait jamais et était toujours prêt à combattre quelles que soient les situations. Elle me confia aussi des gants en cuir ainsi qu'une épée un peu plus résistante que celle de feu mon grand-père.

Je remerciai vivement Charsi et je décidai d'aller reparler à Akara d'Andarielle et de son rapport avec le Démon qui avait détruit une partie de ma vie, et une autre partie de mon âme en anéantissant le Zakarum.

J'allai pénétrer dans sa tente quand un bruit retentit derière moi. Je me retournai et vis apparaître au centre du camp un cercle de lumière bleue. Il en sortit un homme, ou plutôt une femme vu ses courbes sous son armure noire. Elle portait un heaume en os teinté de vert ainsi qu'un arc qui semblait fait de feu tellement l'aura rouge qui l'entourait était puissante. Une Rogue approcha de moi.

« Voila OeilDuCiel, mais bien vivante. Je m'attendais plutôt à la voir revenir transformée en Goule. »

L'Amazone avança au centre du camp en titubant et s'effondra.

Je me précipitai vers elle, mu par un sentiment que je ne connaissais pas. Je m'accroupis près d'elle et entrepris de lui ôter son heaume. Une cascade de cheveux blonds se déversa sur ses épaules recouvertes de fer. Je stoppai net. Malgré les nombreuse blessures qui couvraient son visage et les petites cloques vertes qui parcouraient ses joues (du poison à en juger par l'odeur et les brûlures similaires apparentes sur ses mains) elle restait extrêmement belle.

Sans le savoir encore je venais de rompre le deuxième serment de l'Ordre : ne jamais tomber amoureux.

OeilDuCiel fut amenée chez Akara pour y recevoir des soins appropriés à son état critique.

Je ne sais pas si ma prière à la Déesse y contribua, mais elle guérit deux fois plus rapidement qu'Akara l'eut espéré. Je restai à son chevet tout le temps de sa convalescence.

Trois jours plus tard, j'entrai dans la tente d'Akara, qui m'annonca qu'OeilDuCiel pourrait être debout le lendemain.

« Le Zakarum en soit loué !


- J'ai parlé avec elle, dit Akara, avant qu'elle ne s'endorme. Elle a vaincu Andarielle ! C'est l'explication de la présence de si dangereuses blessures. Nous sommes libres Kal'zar ! Et si tu veux, tu pourras repartir vers l'est avec Warriv et OeilDuCiel.

- J'en serai honoré, Prêtresse, dis-je avec plus de joie que je n'aurais imaginé, maintenant que Charsi m'a aidé en m'équipant convenablement. Et remerciez-la pour moi une fois que je serai parti. »

Je sortis de la tente et allai à la rencontre de Warriv pour parler des modalités du voyage, quand un attroupement attira mon attention. Toutes les Rogues du camp s'étaient rassemblées à côté de l'entrée.

« Encerclez-le ! Il est entré sans notre permission mes soeurs ! » dit une voix étrangement nerveuse.

Je pressai le pas et j'aperçus au centre des Rogues un homme. Un homme grand, très grand. Il portait un casque d'origine Barbare avec deux étranges ailes en fer qui partaient en arrière. La face de son heaume était entièrement recouverte d'acier, exceptée au niveau des yeux où on voyait deux fentes, et au niveau des lèvres où le métal s'écartait pour former une bouche en fer. Ce casque ressemblait fort au légendaire Visage d'Arreat, qui, selon la légende, aurait été perdu durant la dernière bataille contre les forces infernales. Ce casque aurait été forgé par deux Barbares forgerons et enchanté par les trois Gardiens du mont Arreat, la montagne sacrée des Barbares du nord. Il arborait aussi une armure qui lui couvrait le corps complètement et il avait une épée dans chaque main, une grande et une petite, toutes deux décorées de signes tribaux.

« Reculez misérables Amazones ! rugit le Barbare d'une voix qui me fit frémir. Je viens en paix et je n'ai que faire des vos arcs mais s'il le faut, je me battrai avec chacune d'entre vous ! »

« Oui, seul un Barbare du nord pourrai s'adresser comme cela à des Rogues, » pensai-je.

Mais par tout ce qui est sacré, celui-là a une imposante présence. Rien qu'à le voir on n'a pas envie de lui marcher sur les pieds et on ne peut lui parler qu'avec beaucoup de respect.

J'avais entendu parler d'un Barbare ayant fait des ravages dans le nord contre les armées démoniaques lors de l'insurection du Démon Bélial il y avait quelques années de cela, et on racontait à l'époque que ce même Barbare faisait mourir les opposants au seul son de sa voix.

Je m'avançai vers lui, prudemment. Les Rogues semblaient convaincues que ce nouvel arrivant était en un sens pacifique.

« Salutations, noble Barbare, dis-je d'une voix timide.

- Bonjour jeune (il regarda mon équipement avec mépris) guerrier ? palefrenier ? truc ?

- Je suis un Paladin !

- Un Paladin, voyez-vous cela ? Encore un de ces fanatiques qui se prennent pour plus forts qu'ils ne sont. Bah ! Laisse-moi passer, et retourne à tes jeux, petit... hum... Paladin, me dit-il avant de commencer à marcher en direction de Warriv.

- Hé ! Je suis un Paladin de l'Ordre Sacré du Zakarum et même si mon Ordre a été sali je ne laisserai personne, pas même un tas de muscles sans cervelle, m'insulter. Par la Lumière si tu veux défier quelqu'un ici, ce sera moi ! »

Je fus le premier surpris par mon ton. Surpris et apeuré, je ne savais pas quelle réaction allait avoir le "tas de muscle sans cervelle", capable de me tuer d'une pression sur mon crâne. Je me voyais déjà massacré !

Le Barbare me regarda quelques secondes qui me parurent une éternité et partit d'un rire monumental : « Hé bien ! Je n'ai pas affaire à un freluquet qui se démonte au premier choc. Je me nomme Bul-Kathos, Paladin. Et toi, héros, quel est ton nom ? » dit-il sur un ton ironique.

Je fus stupéfait ! Bul-Kathos, LE Bul-Kathos, celui qui faisait mourir les ennemis au son de sa voix. Le Barbare ayant dejoué les pièges de Bélial !
« Je... je... je... ne savais... pa... pa... pas. Je suis... »

Il haussa un sourcil : « Bègue ?

- Non ! Je sui... ho... ho... honoré de...

- D'être un Paladin ? Il n'y a vraiment pas de quoi. Sauf ton respect Paladin je hais tes comparses. Fanatiques, imbus d'eux-mêmes, toujours à essayer de contrôler les espèces inférieures. Je répète ma question car tu me sembles brave mais ton esprit a du mal à cogiter : ton nom, jeune homme ?

- Je suis Kal'zar, puissant Bul-Kathos, votre serviteur. Depuis vos exploits dans le nord, je ne vis que pour vous rencontrer !

- Un Paladin ? Serviteur d'un Barbare ? (il rit de plus belle) Je sais me servir tout seul, Kal'zar. Si un jour j'ai besoin d'aide, je ferai appel à toi. Je suis ici car j'ai appris que Warriv repartait demain et j'ai des affaires qui m'attendent dans l'est.

- Formidable ! Je pars avec vous alors. Il y a aussi une Amazone qui fera partie du voyage. Celle qui a vaincu Andarielle.

- Oh... Je respecte les Amazones, beaucoup plus que les Paladins ou que les autres. Mais pourquoi viendrait-elle dans l'est ?

- Ça, je ne sais le dire, puissant Barbare.

- Arrête de m'honorer ! Je ne suis pas encore un dieu et je n'aspire pas à le devenir. »

Je m'excusai vivement, confus d'avoir provoqué sa colère. C'était la première fois que je respectai un de ces Barbares. Bul-Kathos alla ensuite parler à Warriv afin de préparer le voyage. Puis il revint vers moi.

« Tiens, voilà des bottes, des gants, et une ceinture. Ils sont plus résistants que les vieilleries que tu portes. »

Je ne relevai pas l'insulte faite aux objets de Hsarus. Je lus le nom sur les bottes : Embrouilleur. Sûrement une origine magique.

« Merci, Bul-Kathos, j'en prendrai grand soin.

- J'y compte bien ! Les gants et la ceinture ont appartenu à de valeureux guerriers tombés au combat il y a plusieurs années de cela. Leurs noms étaient Whilem et Magnus. Fais-y attention, jeune Paladin, ne les oublie jamais ! Nous ne devons pas oublier ceux qui sont tombés pour que nous puissions vivre. »

Son regard se fit vide, comme s'il réfléchissait intensement et un silence de plomb s'installa entre nous deux.

Au même moment, OeilDuCiel sortit de la tente d'Akara. Elle avait remis son heaume en os et tenait son arc accroché dans son dos.

« Salut à vous, guerriers ! lança-t-elle.

- Ah ! Tu es réveillée. Louée soit la Déesse, répondis-je non sans rougir.

- Oui Kal'zar, je vais mieux, merci.

- Comment connais-tu mon nom ?

- Akara ma raconté comment tu t'étais précipité à mon secours et comment tu t'étais impliqué dans mon rétablissement. Je t'en remercie vivement. Il est rare qu'un Paladin se soucie d'autre chose que de sa propre personne. »

« Décidément, tout le monde a des idées bien arrêtées sur mon Ordre, » pensais-je.

Elle s'avanca alors vers moi et me déposa un baiser sur la joue. A ce moment-là, le deuxième serment de l'Ordre venait d'être brisé à tout jamais.

« Alors, voilà donc OeilDuCiel, la courageuse Amazone ! dit Bul-Kathos de sa voix de ténor.

- Oui Barbare, me voici. Tu doit être Bul-Kathos, le héros du nord ?

- En effet c'est bien moi. Je pense que nous allons nous côtoyer quelques temps puisque je vais venir avec vous deux à Lut Golhein.

- Parfait. Nous irons donc tous vers l'est, » acheva l'Oracle.

Elle engagea ensuite une discussion animée avec Bul-Kathos sur la façon dont on devait anéantir un Chaman Déchu. J'en profitai pour regarder plus attentivement l'arc d'OeilDuCiel. Je compris alors pourquoi cet arc semblait fait de feu. C'était un arc confectionné avec un morceau de peau d'Hydre mélée à du bois. Celui-ci se nommait Windforce. Ce devait être un puissant artefact pour qu'une Amazone du rang de celle-ci le porte. Encore admiratif après cette nouvelle analyse, j'essayai tant bien que mal de rattraper le fil de la conversation entre les deux héros.
Nous partîmes tous les quatre le lendemain vers l'est, vers les monts arides de Lut Golhein. Nous ne savions pas encore que nous allions trouver une ville quasi-déserte, ravagée par les attaques démoniques et où le sentiment omniprésent était la peur.

Le voyage dura plusieurs jours durant lesquels Warriv nous abreuva d'histoires étranges sur toutes les choses obscures qui hantaient ce désert. Il nous raconta également comment le Rôdeur était parvenu à entrer dans le monastère et à corrompre ses habitants. OeilDuCiel profita de ce moment pour nous raconter en détails le récit de ses aventures dans les catacombes. Bul-Kathos nous conta quelques légendes barbares, notamment sur les gardiens du mont Arreat, qu'il faut vaincre si on veut accéder à la chambre de la Pierre Monde. Cette chambre est, d'après la légende, le lieu où ont été créées les Pierres d'Âme que détiennent les trois Démons pour canaliser leurs pouvoirs. A ce moment, je me sentais comme isolé, rejeté. J'étais le seul de cette minuscule assemblée à ne rien avoir à raconter, si ce n'était mes années d'études dans le Haut Temple. Mais je profitai de ce voyage pour me raprocher d'OeilDuCiel, qui ne semblait pas insensible à mes efforts. J'eu même l'occasion de lui prendre la main. J'ai aussi pris la main de Bul-Kathos et de Warriv étant donné que c'était pour les bénir avant d'arriver à Lut Golhein le lendemain, mais c'était à ne pas négliger.

La dernière nuit avant notre entrée dans la ville, pendant mon tour de garde, il se passa un évènement bien étrange. Vous ririez si je vous disais que nous avons été attaqués par des vautours. Ce fut pourtant le cas. J'entendis un bruit derrière moi. J'eu à peine le temps de saisir mon épée (que j'avais baptisée Matraqueuse) que je sentis des serres immenses se planter dans ma cotte de mailles. Par réflexe je criai. Mes amis, réveillés en sursaut, furent eux aussi attaqués par ces étranges créatures. Bul-Kathos s'était déjà saisi de Garde Tribale et de Charge Sacrée, ses deux épées, et commençait à engager le combat avec deux créatures démoniaques. OeilDuCiel protégeait tant bien que mal Warriv qui n'était qu'un simple marchand et était donc dépourvu d'arme. Je me retournai, fou de rage d'avoir été si facilement surpris. Je vis alors une bête de cauchemard : au moins deux mètres d'envergure, de petits yeux jaunes brillant d'une intelligence maléfique. Les créatures avaient leurs plumes tachées de sang et à certains endroits leur peau était visible. Une peau qui ne semblait pas animale tellement sa couleur jaune pâle était ahurissante. Je me jetai sur un de ces oiseaux de malheur et réussis à faire lâcher prise à mon assaillant. Je l'envoyai rouler contre le chariot de Warriv. Deux autres créatures se préparaient à m'attaquer.

« Attention ! cria Bul-Kathos. Elles se regroupent ! Rompez leur formation où nous finirons en plat principal et c'est la dernière chose dont j'ai envie, me faire bouffer par des poulets ! »

Ce qui m'effrayait le plus était qu'il parlait d'eux comme s'il s'agissait d'êtres humains. A ce moment, il poussa un cri tonitruant, puis un autre, puis encore un autre. J'avais entendu parler des cris de guerre des Barbares mais je n'avais jamais vu un membre de leur peuple les utiliser en plein combat. On aurait presque dit une chanson venue d'un autre âge. OeilDuCiel visa un des vautours démoniaques. Celui-ci s'envola à tire d'ailes, comprenant le danger que représentait cette guerrière. Le tir le frôla mais ne réussit qu'à lui arracher quelques plumes.

« Pas de chance ! Tu en auras un des autres, » lui dis-je, me voulant réconfortant.

Elle me sourit et émit un petit rire amusé. Elle visa droit devant elle où se trouvait le vautour quelques instant plus tôt. Elle banda son arc et décocha une seconde flèche. Je ne comprenais pas pourquoi elle avait gâché bêtement un projectile. Mais je fus stupéfait : la flèche enchantée changea immédiatement de trajectoire et alla à la rencontre de deux autres oiseaux situés prés de Bul-Kathos, à plus de cent mètres d'elle. Le projectile magique traversa le premier adversaire comme du beurre et alla se planter dans le second monstre. Les deux créatures s'effondrèrent, sectionnées en deux.

« Magie, » me dit OeilDuCiel en m'adressant un clin d'oeil.

Je n'en revenais pas. Je connaissais pourant les pouvoirs des Amazones. Et la magie en général, étant moi-même un apprenti jeteur de sort. Mais guider les flèches en plein combat, je ne l'avais jamais vu ni même entendu.

Bul-Kathos avait tué ses deux adversaire et était en train de ramasser les pièces d'or que l'un des Démons avait laissé tomber.

« Qu'est ce que c'était que ça? demandais-je.

- Aucune idée, me repondit Bul-Kathos. Mais Démons ou pas, ils saignent et meurent comme des hommes. C'est tout ce qui m'importe.

- Retournons nous coucher, il nous reste pas mal de chemin à parcourir demain, » proposa Warriv.

Le lendemain matin, les premiers toits de Lut Golhein furent en vue. Plus nous approchions de la ville et plus un malaise se faisait sentir au sein de notre groupe : rien ne bougeait, aucun bruit ne montait de la ville côtière, autrefois fabuleuse.

Nous avancions dans le silence le plus complet quand une flèche se ficha dans mon bouclier.

« J'ai l'habitude, » pensai-je.

« Tous derrière le chariot ! » cria Bul-Kathos.

Personne de se fit prier pour y aller. Nous entendîmes alors un bruit de sabots. Ce pas n'était pas celui d'un monstre démoniaque mais plutôt celui d'un cheval.

« Sortez de là-bas ! cria le cavalier.

- Presentez-vous avant, dit OeilDuCiel.

- Je suis Farad, défenseur du Sultan Jerhyn de Lut Golhein. Et vous, que faites-vous dans cette zone hostile ? »

Pour la première fois, je pris la parole sans y être invité : « Nous sommes des voyageurs recherchant un asile. Mais peut-être que votre ville est trop occupée pour nous accepter. »

Le garde me regarda avec mépris. Vraiment personne dans ce monde n'appréciait les Paladins. Vivants du moins.

« Ça va. Suivez moi mais ne vous éloignez pas. Les Démons sont toujours présents et nous avons bien besoin de bras pour les repousser. »
Nous suivîmes le soldat jusqu'au coeur de la ville. C'était une ville autrefois prospère mais qui avait souffert de la guerre : des maisons dévastées, la tour du palais royal en ruine, aucun bateau dans le port pourtant réputé comme un des meilleurs de Sanctuary.

Le guerrier nous amena devant une grande femme rousse qui portait une chemise blanche très ample et un pantalon noir. A en juger par le marteau qu'elle portait, elle devait être forgeronne.

« Salut à vous, étrangers ! nous lança-t-elle. Cela fait plaisir de voir que de plus en plus de gens se dressent contre les méfaits des Trois. Je suis Fara. Je suis la guérisseuse et la forgeronne de cette ville. »

Seuls les enfants du Zakarum avaient la capacité de contrôler les deux domaines.

« Etes-vous un membre de l'Ordre ? demandai-je.

- Oui, jeune frère, j'ai suivi l'entrainement des Paladins du Zakarum et je suis revenue ici ensuite.

- Au lieu de discuter de vos origines, s'impatienta Bul-Kathos, réparez-moi mes lames. J'ai besoin d'un équipement en parfait état si je veux retourner dans ma patrie.

- Bien sûr, Barbare, ce sera fait. Laissez-moi vos affaires ici et revenez demain, j'aurai terminé. »
Il fut extrêmement difficile de convaincre Bul-Kathos de laisser tout son équipement entre les mains d'un Paladin mais à raison de plusieurs promesses de dédommagement OeilDuCiel y parvint.

Ensuite, chacun alla explorer la ville à la recherche de chambres convenables afin de passer la nuit.

« Nous déciderons de ce que nous ferons demain, après une bonne nuit de sommeil, » avait dit l'Oracle.

Je choisis de me diriger vers un établissement assez grand qui ressemblait à une auberge. Je me renseignai autour de moi et un des habitants qui n'avait pas déserté la ville m'apprit qu'il était tenu par une femme du nom d'Atma. La pauvre veuve avait perdu son mari il y avait plusieurs semaines. Lui et son fils avaient été massacrés par un Mort-vivant. Quelqu'un avait depuis tué le monstre et le poids d'Atma s'était quelque peu allégé. Je me dirigeai vers son auberge, espérant qu'elle aurait des chambres à louer.

Je pénétrai dans la maison et l'ambiance qui y régnait me surpris tout de suite : on entendait des rires, des chants, des discussions et les personnes présentes ne semblaient pas affectées par les maux du monde autour d'eux. Je me dirigeai vers une table libre pour consommer une boisson locale avant de repartir, quand un homme s'interposa entre moi et mon objectif. Il mesurait bien une tête de plus que moi.

« Pardon, monsieur, j'aimerais passer.

- On ne passe pas sans l'acccord de Gelash, dit l'homme, c'est à dire MOI !

- Et de quel droit devrais-je vous demander de passer ?

- Parceque, petit, je suis... (il s'interrompit, essayant de penser à ce qu'il allait dire ) plus fort que toi sur tous les points ! Voilà pourquoi. »

En parlant, il titubait légérement. C'est alors que je remarquai la bouteille vide qu'il tenait à la main gauche.

« Cet homme est ivre, je ne devrais pas le provoquer... De toute façon il me battrait certainement, » pensais-je.

« Laissez-moi passer, Gelash !

- Sinon quoi ? Ah ah ah... (il manqua tomber) Tu me fais rire, tu ne serais même pas capable de tuer un rat avec un piège ! »

Je ne pus retenir ma rage plus longtemps. Jamais on ne m'avait insulté de la sorte. Je rassemblai mes forces et je lui fonçai dessus. L'ivrogne fut tellement surpris qu'il lâcha sa bouteille et recula. Le coup que je lui avais porté au ventre ne semblait pas le gêner mais il regardait ébahi les morceaux de verre par terre.

« Espèce de... Je vais te réduire en bouillie morpion ! »

Il poussa une sorte de cri de guerre misérable comparé à ceux du héros Barbare et chargea. Je fermai les yeux, espérant que la souffrance ne serait pas trop horrible. Mais rien ne se passa. Quand j'eus le courage de rouvrir mes yeux, ce fut pour voir Gelash à terre, tenant son nez ensanglanté avec sa main.

Près de lui se tenait Bul-Kathos, un sourire aux lèvres.

« Ah ah ah, rugit-il, et on ose faire la loi ? Gelash, tu ne vaux rien. Va-t-en d'ici avant que je ne te tue de sang froid ! »

L'ivrogne ne se fit pas prier, il prit ses jambes à son cou et s'enfuit aussi vite que lui permettait son taux d'alcoolémie, par la porte secondaire située sur le côté de l'auberge.

« Merci beaucoup puiss... ( je m'interrompis net) ami Bul-Kathos.

- De rien, Paladin. As-tu eu le temps de te renseigner ?

- Non, je comptais le faire mais cet incident m'a retardé.

- Bien, je vais au port, reste ici et préviens-moi si tu as du nouveau.

- A vos ordres, chef, » dis-je avec amusement.

Il ne releva pas mon ton goguenard, sortit par la porte principale puis fila en direction du port de la ville. Je décidai de chercher la responsable de cet établissement, Atma. Je la vis au comptoir aux prises avec une jeune serveuse qui ne semblait pas concernée par sa tâche : « Pas comme cela ! cria-t-elle. Les pièces d'or ici et celles d'argent là. Ce n'est pourtant pas bien compliqué !

- Excusez-moi, mais je cherche Atma, lançai-je.

- Un Paladin ! Un Paladin qui me cherche ! Enfin un signe du destin. Que puis-je pour vous messire Paladin ?

- Juste deux chambres à nous louer à mes compagnons et à moi.

- Bien sûr ! Je vous prépare cela pour ce soir. Revenez et vous serez servi comme un roi. Mon mari était lui-même un ancien Paladin ayant fait la Grande Guerre de Bélial. Laissez-moi vous faire un cadeau. »

Surpris par tant de sollicitude à mon égard, je décidai de ne pas broncher. Elle sortit de dessous le comptoir un coffret en bois fermé par une serrure que j'aurais jurée magique. Elle appuya à un certain endroit de la serrure, qui s'ouvrit. Le contenu de la boîte était tout aussi merveilleux : une amulette en or avec un saphir incrusté au centre. Tout le disque était orné de symboles dans l'ancienne langue du Zakarum. Je ne parlais pas le Zakarum mais je devinai facilement qu'il s'agissait de bénédictions.

« Elle appartenait à mon mari. Je ne sais quoi en faire alors je veux que vous la gardiez !

- Mais je ne peux accepter, c'est bien trop précieux.

- Prenez-le. Ou alors je vous fais payer triple les chambres ! »

En disant celà, elle m'adressa un petit clin d'oeil.

« Mon mari l'apellait le Scarabée d'Atma, comme cela il pensait à moi chaque fois qu'il partait en croisade. En vérité cette amulette se nomme l'Hymne du Séraphin. Elle a des origines beaucoup plus anciennes que ce monde. Je n'ai jamais su comment mon défunt mari se l'était procurée.

- Merci vraiment beaucoup, maîtresse Atma. »

Je pris l'amulette avec beaucoup de soin et je la passai autour de mon cou. Une clarté blanche l'entoura un court instant. C'était bon signe. Cela signifiait que l'amulette me reconnaissait comme un être digne de la porter.

Je partis ensuite en quête de Bul-Kathos afin de lui annoncer la nouvelle. Je le trouvai en grande discussion avec un marin.

« Alors, on est bien d'accord : cinq cent pièces d'or pour un voyage sur ton rafiot pourri ?

- Mon rafiot pourri, répondit le marin, est un bateau qui a parcouru les trois mers de long en large, et il a certainement vu plus de contrées que vous, Barbare.

- Il a peut-être voyagé mais avec beaucoup de chance ! Je suis certain que si je monte dessus, ta coque de noix me noie.

- Vous n'avez qu'à savoir nager. Et au prix où est le voyage, vous pourriez vous abstenir de commentaires ! »

Il fallait que je m'interpose sinon Bul-Kathos allait noyer le marin. Il avait déjà serré les poings.

« Bul-Kathos ! J'ai trouvé des chambres pour la nuit. Venez vite ! »

Il me regarda puis se retourna vers le marin, qui se nommait Meshif. C'était le même marin qui m'avait accompagné durant ma fuite de Kurast.

« On se retrouvera toi et ta chaloupe miteuse ! »

Il m'emboita le pas et il n'eut aucun mal à me ratrapper. Une question brûlait mes lèvres : « Pourquoi voulez-vous donc aller à Kurast?

- Je ne sais pas. Contrairement à ce que ce pêcheur de plancton peut dire, c'est le seul endroit que je n'ai pas visité. Ensuite je rentrerai chez moi.

- En tout cas, ne comptez pas sur moi pour vous accompagner. J'ai fui Kurast et le Zakarum et je n'y remettrai plus jamais les pieds.

- Comme bon te semble, Paladin. A ce propos, sais-tu où est l'Amazone que tu reluques sans cesse ?

- Je ne la reluque pas ! Et elle s'apelle OeilDuCiel. Et non je ne sais pas où la trouver. Il n'est pas encore l'heure du rendez-vous et de toute manière... »

Je fus interrompu net. Une grande porte de lumière bleue venait d'apparaître devant moi. Une femme en sortit, une Ensorceleuse. Elle était vêtue d'une lourde armure, portait une coiffe en cuir et arborait un superbe bouclier en os ainsi qu'une baguette magique. Elle semblait épuisée mais pas blessée, seulement furieuse

« Baal me le paiera ! » cria-t-elle.

Atma accouru : « Qui y a-t-il Élucia ?

- Tu sais que j'était partie afin de tuer le Sorcier Tal Rasha, avant que Diablo ne libère son frère Baal enfermé à l'intérieur du corps du puissant Mage. C'était la mission que mes maîtres Vizjerai m'avait confiée. Hé bien c'est trop tard. Le Rôdeur est déjà en route pour Kurast avec Baal pour retrouver leur frère Méphisto.

- Terrible nouvelle. Mais au moins les armées du Rôdeur cesseront de nous importuner.

- Bah, je suivrai Diablo où qu'il aille et je le tuerai. Tiens, de nouvelles têtes, dit elle, se tournant vers Bul-Kathos et moi. Hum... Un Barbare et un Paladin. Bien étrange couple en vérité.

- Je suis Kal'zar pour vous servir et voici Bul-Kathos.

- Pour ne PAS vous servir, Sorcière. Et elle n'a pas besoin de connaître mon nom ! »

J'avais oublié la haine ancestrale que les Barbares vouaient aux Ensorceleuses. Il haïssait son Ordre encore plus que le Zakarum, ce qui n'était pas peu dire. En vérité, le Barbare n'aimait pas grand chose. Élucia partit d'un petit rire : « Bien. Pour ma part je suis Élucia, Ensorceleuse Vizjerai. Mes amis m'appellent Lucia.

- Élucia, pourrais-je vous poser une question ? hasardai-je.

- Bien sûr. Que veux tu savoir, frère Paladin ?

- Je voudrais que vous me racontiez ce qui s'est passé en bas. J'ai entendu les faits de votre bouche mais je ne les comprend pas. Qui sont Diablo et Baal ? Vous parlez des deux frères de Méphisto ? Et Tal Rasha ? Qui est-il ? Quand au Rôdeur, qu'est-il devenu ? »

Elle me regarda, l'air amusé : « Oui je veux bien tout te raconter, mais autour d'une chopine. Je meurs de soif.

- Oui bien sûr. »

Je me tournai vers le Barbare : « Heu, à mon humble avis, vous ne devriez pas venir, à moins que vous ne vouliez que du sang d'Ensorceleuse et de Barbare soit répandu.

- Tu as raison. Je vais essayer de trouver ton OeilDuCiel. On se retrouve à neuf heures devant l'auberge... Sans la Sorcière j'espère.

- D'accord mais encore une chose.

- Oui ?

- Ce n'est pas MON OeilDuCiel ! »

Il émit un petit ricanement puis partit à travers les rues désertes de la cité. Élucia et moi retournâmes dans l'auberge d'Atma. Nous nous assîmes à une table éloignée des autres clients, et Atma vint personnellement prendre nos commandes.

« Deux héros dans mon établissement le même jour, quel honneur, lança-t-elle. Qu'est ce que vous prenez ?

- Moi je prendrai une bière d'Harrogath, dis-je. Et vous ?

- Kal'zar, on va se tutoyer si on débute une amitié, me dit-elle avec un grand sourire. Et appelle-moi Lucia. Même si tu as un Barbare pour compagnon, je t'apprécie. Je vais prendre du cidre. Ce vieux bandit de Meshif en a rapporté de son dernier voyage dans son pays d'origine.

- D'accord. »

Je fus surpris car d'ordinaire les Ensorceleuses ne manifestaient pas tant de respect envers les Paladins. Quand Atma nous eut apporté nos boissons, Lucia commença son récit. Elle avait été entraînée spécialement dans la lutte contre les Démons. Elle connaissait donc parfaitement leurs faiblesses.

Elle me raconta ses recherches sur le Mage Horadrim Tal Rasha. Il y a longtemps, les trois Démons essayèrent de régner sur le monde. Une poignée de Mages Horadrim attirèrent Baal dans les confins du désert de Lut Golhein où ils réussirent à l'emprisonner, mais il menaçait sans cesse de s'échapper. Alors, pour leur assurer une totale victoire, un des Mages, Tal Rasha, se dévoua afin de s'enfonçer la Pierre d'Âme de Baal dans le ventre. Ainsi, le Démon serait prisonnier du corps de l'Horadrim. L'Archange Tyrael aida les Mages à enfermer Baal et son geôlier dans une tombe secrète, enfouie sous les sables du désert. Seul un ancien livre retenu dans le Sanctuaire des Arcanes (le sanctuaire d'un puissant Vizjerai, disparu aujourd'hui) pouvait ouvir la porte qui menait à la tombe. Élucia avait trouvé cette porte et l'avait franchie. Elle avait alors découvert le tombeau de Tal Rasha et avait combattu son gardien, le Prince de la Douleur, le Démon Duriel. Mais, en arrivant au coeur du tombeau, l'Ensorceleuse avait découvert l'Archange Tyrael prisonnier d'un sort de Baal. Elle l'avait libéré et il lui avait raconté en retour que le Rôdeur n'était autre que Diablo lui-même, et qu'il avait réussi à libérer son frère. Tout deux se dirigeaient maintenant vers le Haut Temple du Zakarum où Méphisto était retenu prisonnier.

Cette nouvelle me fit un choc. Ainsi donc les Paladins avaient emprisonné Méphisto dans le Haut Temple. C'est pourquoi ils avaient été corrompus. Rester en présence du Démon les avait influencés.

« C'est pourquoi je dois aller à Kurast désormais, finit Élucia. Je dois tuer Méphisto avant qu'il ne se réunisse avec ses frères, et que Diablo ne récupère la totalité de ses pouvoirs et sa véritable apparence.

- J'irai avec toi. Et je défierai Méphisto. Pour le salut de mes frères ! Je dois les venger et sur mon honneur j'y arriverai !

- C'est très dangereux. Mais je ne peux t'empêcher d'y aller. »

Nous rejoignîmes ensuite Bul-Kathos devant l'auberge. Celui-ci attendait avec OeilDuCiel, qui avait acheté des provisions. Nous decidâmes ensuite de tous aller à Kurast.

Il fut encore très compliqué de convaincre Bul-Kathos de voyager avec Élucia. Mais OeilDuCiel, en bonne diplomate, réussit à trouver un terrain d'entente : ils voyageraient l'un à la poupe du navire et l'autre à la proue.
Le lendemain à l'aube nous embarquâmes à bord de la Sirène, le navire de Meshif et nous recupérâmes nos équipements. Bul-Kathos avait raison sur un point : il s'agissait bien d'un rafiot pourri. Le bois semblait se décomposer de toutes parts, et il tombait littéralement en ruine.

« Mais il flotte, avait dit son capitaine, c'est déjà ça ! »

Le voyage se passa sans encombre jusqu'au dernier jour. Bul-Kathos et Élucia venaient de se disputer, comme à leur habitude. Cette fois-ci, c'était parce que le Barbare avait eu plus de pain que l'Ensorceleuse. Elle, ayant perdu son combat, était partie bouder à la poupe du bateau quand elle apella Meshif.

« Capitaine ! L'eau bout ici, est-ce normal ? »

Meshif eut l'air amusé : « L'eau qui bout ? Vous n'auriez pas dû forcer sur l'eau-de-vie, madame.

- Je te prierai de bien vouloir me parler avec respect si tu ne veux pas que je déchaîne les éléments contre ta coque de noix ! »
Ses paroles eurent l'effet escompté : Meshif blêmit, s'excusa puis alla rejoindre Élucia à l'arrière du vaisseau.

« L'eau qui bout... Elle nous aura fait les quatre cent coups, celle-la. » J'avais dit cela avec une pointe de sarcasme dans la voix.

Meshif se pencha par-dessus bord : « Mais... mais... c'est vrai ! L'eau bout ! Il y a des remoux sur le côté du bateau. »

Ni une, ni deux, nous étions tous autour d'Élucia et de son étrange découverte. Nous nous penchâmes tous en même temps. Les remoux augmentèrent et en un éclair nous nous retrouvâmes tous les quatre à terre. Une chose monstrueuse était sortie des flots. Un gigantesque Serpent Dragon des mers mais celui-ci paraissait plus gros et plus terrifiant. Il n'était pourtant pas différents des Serpents Dragons habituels si ce n'était les énormes cornes qui lui sortaient de la tête et l'espèce de fumée rouge qui entourait ses yeux. C'était le même Démon qui m'avait attaqué lors de ma fuite de Kurast.

Bul-Kathos poussa un cri de guerre tonitruant et sortit ses deux lames de leur fourreau. Les épées brillaient d'une lueur diffuse. OeilDuCiel arma son arc et décocha une flèche si vite que j'avais l'impression qu'elle n'avait pas eu le temps de viser. Mais c'était sans compter sur ses incroyables pouvoirs de guidage des projectiles. La flèche fila droit vers un des yeux du monstre, mais au dernier moment, la créature cracha des flammes de sa gueule béante et anéantit le projectile enchanté. Cela eut pour effet d'énerver le monstre plus que de le calmer. J'adressai une prière silencieuse à la Déesse. Le monstre attaqua la cible la plus proche de lui : Élucia.

« Lucia ! Attention ! »

La Sorcière avait une expression sereine. Elle se tourna vers moi et sourit avant d'être avalée par le monstre.

« Nooooooooooooooon !

- Bah, dit Bul-Kathos, ce n'était qu'une Sorcière. Occupons-nous plutôt de ce Démon !

- Je crois que tu n'en auras pas besoin, Barbare, dit OeilDuCiel d'un ton decontracté qui me révolta.

- Tu ne t'inquiètes même pas de son sort ?

- Non Kal'zar, on voit que tu ne connais pas les Ensorceleuses Vizjerai. »

Elle pointa le doigt vers la créature infernale. Cette dernière avait de la fumée qui sortait de sa gueule. Elle poussa un rugissement terrifiant. Puis sa tête se pétrifia. On avait l'impression qu'elle était faite de glace. Mon hypothèse fut vérifiée quand la tête de la bête explosa en un millier de petits cristaux de glace. Le reste de son corps retomba à la surface de l'eau et je vis Élucia, marchant sur le pont comme si de rien n'était.

« Lucia !

- Oui Kal'zar ? »

Elle sourit largement dévoilant des dents blanches parfaitement alignées.

« Hum... rien. »

Je souris à mon tour.

« Peuh, ces Sorcières, toutes les mêmes. Elle ne savent pas avoir recours à d'autres moyens que la magie. Je lui aurais réglé son compte si tu n'avais pas été là, Sorcière, et sans sortilèges ! dit Bul-Kathos.

- Peut être Barbare, mais tu serais mort. Cette créature était insensible aux dégâts physiques. Seuls les dégâts magiques ou spirituels pouvaient l'atteindre.

- Je me serais débrouillé, » grommela le barabre, visiblement profondement vexé.

Le suite du voyage se déroula normalement. Bul-Kathos essaya à nouveau de réduire Élucia en bouillie. Il avait fallu le calmer en lui lançant un baquet d'eau salée et glacée à la figure. Cette fois-ci, ils s'étaient disputés pour une histoire de corvée sur le navire.

Deux jours plus tard, nous arrivâmes enfin en vue des quais de Kurast. De bien sombres images me remontèrent en mémoire : Hsarus se faisant tuer par les Zombis, mon maître corrompu à l'intérieur du temple.

Meshif accosta à un quai libre et nous descendîmes tous les quatre sur le ponton de bois. Un homme s'avança vers nous. Il portait une large tunique rouge et avait les cheveux couleur de jais, noués en une queue de cheval qui tombait sur son dos.

« Bienvenue à vous, voyageurs ! lança-t-il. Rares sont ceux qui s'aventurent ici de leur plein gré depuis les évènements survenus au temple. Je me nomme Hratli et je suis un modeste Mage entraîné à réparer les armes et les armures plutôt qu'à lancer des sorts.

- Nous sommes ici pour réduire au silence le Démon Méphisto, forgeron, dis-je.

- Méphisto ? Vous voulez vaincre Méphisto ? Même le plus puissant d'entre vous n'arriverait pas à le défaire. Renoncez-y avant qu'il ne soit trop tard.

- Nous sommes venu tuer ce Démon et le renvoyer d'où il vient. Ce n'est pas toi qui nous en empêchera. Dis-nous plutôt si tu connais un moyen d'accéder à sa prison.

- Dans sa prison, non, mais je peux vous amener dans la ville la plus proche. »

Je connaissais parfaitement cette ville, elle se nommait...

« Travincal. L'ancienne demeure des hauts dirigeants de Kurast, » dit Hratli, terminant ma phrase muette.

Il nous invita à pénétrer plus à l'intérieur de la cité.

« J'ai un sort de téléportation à votre disposition, héros. Malheuresement, il ne peut cibler qu'une seule personne.

- Pas question que l'un d'entre nous y aille seul, dit OeilDuCiel. Nous ne devons pas nous séparer si nous voulons vaincre.

- Je regrette, reprit Hratli, mais ce n'est pas moi qui fixe les textes des sorts. Ce sera une personne ou vous vous passerez de mes services, guerriers. »

Je pris la parole. Je fus le premier étonné par le courage dont je faisais preuve.

« C'est moi qui irai.

- Kal'zar ! Tu es devenu fou, cria OeilDuCiel.

- Non, Oracle. Je dois retourner dans le temple. Et, après tout, je suis le seul ici à connaître l'intérieur du temple. Vous vous perdriez au moindre tournant.

- Sage décision, frère Paladin, dit Hratli. Maintenant mets-toi au centre de ce cercle de téléportation et dit adieu à tes amis. M'est avis que tu ne les reverras jamais malgré ton courage exemplaire. »

Élucia s'avança : « Soit prudent, Kal'zar, dit-elle en m'étreignant.

- Ouais, pour une fois je vais être d'accord avec cette pourriture d'enchanteresse. Soit prudent mon frère. »

Le grand Bul-Kathos m'appellait son frère. Il n'y avait pas de mots assez forts pour exprimer ce que je ressentais à ce moment.

OeilDuCiel s'approcha de moi et, sans crier gare, m'embrassa avec fougue. Puis elle s'écarta et s'en fut par un des nombreux pontons du quai. J'entendis Bul-Kathos siffler puis ricaner mais je n'eus pas le temps de réagir. Déjà, une épaisse fumée bleue m'enveloppait. Un éclair puis... puis... plus d'amis, plus de forgeron, plus de quai, juste une pièce froide et humide. La salle était faite en pierre et d'étranges symboles ornaient les murs, dans la langue Zakarumite. Je me trouvais à Travincal, surnommée autrefois la magnifique. La ville n'avait plus rien de magnifique. Je sortis de la petite demeure et le spectacle me terrifia : des hordes de créatures que je ne connaissais pas patrouillaient dans le ciel. Au sol, plusieurs groupes de Démons portant l'uniforme des Disciples du Zakarum. Sûrement, en un temps reculé, avais-je cotoyé ces hommes. Peut-être était-ce des amis de jeu ou d'étude. Maintenant tout ce qui m'importait était que ces hordes infernales ne me repèrent pas. Je marchais en direction du temple qui se trouvait plus au nord de la ville. Au détour d'une ruelle, je me trouvais nez à nez avec un des gardes.

« Da... loritss... shlakif ? » demanda-t-il dans une langue gutturale.

Je ne réfléchis pas : cette créature souillait la ville de ses pattes. Il fallait qu'elle périsse. Je brandis mon épée et le garde poussa un cri de douleur. Laissant la dépouille du monstre sur place, je m'élançai à travers les grands jardins du temple. De mystérieuses plantes flottaient à la surface de l'eau croupie des bassins. D'autres végétaux que je ne connaissais pas garnissaient les allées et les marches du Haut Temple du Zakarum. Je gravis les premières marches qui était recouverts d'une substance violette, répugnante, et je commençai à avancer en direction des escaliers menant aux sous-sols du temple. Le médaillon d'Atma brillait, comme pour m'avertir d'un danger imminent. Une voix retentit alors, une espece de râle, mais je comprenais les mots qu'elle prononçait : « Bienvenue, jeune Paladin. »

Le son semblait venir de plusieurs gorges en même temps et était terrifiant.

« Nous t'attendions. Tu as mis un certain temps à nous revenir. Embrasse la domination de Méphisto et rejoins-nous à ses cotés. Tu es très puissant, Kal'zar. Ne refuse pas notre offre et tu pourrais sans doute régner sur l'empire de Kurast aux cotés de Méphisto. »

Le souvenir de Bartuc durant la sombre cérémonie que j'avais surprise remonta en moi, encore plus fort que sur les quais et avec elle un sentiment de vengeance. Oui, je devais venger mon maître.

« Jamais, dis-je, je ne vous rejoindrai. Je suis le serviteur de la Lumière et rien ne me détournera de ce chemin !

- Alors, laisse-nous au moins nous présenter. Je suis Ismail, voici Geleb et ici Toorc. »

Ils étaient les Grands Maîtres du conseil Zakarum, ceux qui accompagnaient mon maître dans la sombre assemblée.

C'est alors que mes trois interlocuteurs sortirent de l'ombre. Ils n'avaient plus rien d'humain. Ils avaient revêtu leurs robes de cérémonie et ils portaient un heaume rouge d'où dépassait une corne sur le dessus. On ne voyait pas leurs yeux mais on devinait que la lueur de vie qui y avait été autrefois avait disparue. Leur mains étaient terminées par de gigantesques griffes et leurs pieds étaient pourvus de sabots.

« Si tu ne veux pas nous rejoindre, reprit Ismail, alors meurs, Paladin de l'Ordre déchu ! »

Sur ce il fit signe à ses deux accolytes d'avancer vers moi. Ils se précipitèrent pour m'attaquer. Soudain, un éclair éblouit la scène, suivi par un retentissant bruit d'explosion. Quand je pus rouvrir mes yeux, les deux membres du Haut Conseil étaient à terre et baignaient dans une marre de sang jaspé de vert. Je baissai les yeux et vis que l'amulette d'Atma brillait d'une aura étrange. Elle était brûlante et la même lumière qui m'avait illuminé lorsque j'avais passé la corde autour de mon cou brillait par son orifice central.

« C'est impossible, dit Ismail. Bon, admettons. Maintenant Paladin, mesure-toi à moi ! »

Il décrivit des cercles avec ses bras au-dessus de lui et fit apparaître dans sa main griffue une énorme épée. Il écrivit dans l'air d'étranges signes et dirigea ses doigts vers mon cou où se trouvait le Scarabée. Celui-ci rougeoya et tomba au sol. Il brandit sa lame : « En garde, guerrier ! »

Il chargea en poussant un effroyable cri de guerre et à ce moment je sus que je ne pourrais m'en sortir qu'en combattant vaillamment. Je me mis en position de défense comme on me l'avait enseigné pendant mes études : le bouclier levé et prêt à parer, l'épée en arrière pour riposter en cas de choc. Comme prévu, son attaque fut arrêtée par le bouclier. Je lançai mon bras tenant l'épée en avant et lui portai un coup qui aurait été fatal à tout adversaire normal. Je le frappai au niveau de ses cornes frontales. Autant essayer de rayer un diamant avec du bois : mon attaque fut stoppée par les diverses couches d'armures organiques qui le recouvraient.

« Tu croyais pouvoir m'avoir, Paladin ? »

Il me frappa au ventre. Mon armure encaissa mais j'en eu le souffle coupé. Je m'écroulai au sol, haletant.

« C'est tout ce dont tu es capable ? Il va falloir en finir, petit guerrier. »

Soudain, une formule magique surgit dans mon esprit. Une formule que je n'avais jamais apprise mais que je semblais connaître depuis ma plus tendre enfance. Les mots se reformaient peu à peu dans ma mémoire. Je sentais que quelque chose se passait, mes yeux se mirent à me brûler. A présent je voyais le monde sous une couleur rouge. Je jetai un rapide coup d'oeil dans le bassin à coté de moi : mes yeux étaient effectivement devenus rouges. Mais non seulement mes pupilles était colorées, mais les orbites avaient aussi pris une couleur rouge. Le Mage du Conseil semblait encore plus surpris que moi.

« Non... tu ne peux pas être... le descendant de l'Église Zakarum... celui qui héritera de la puissance des anciens... cela ne doit pas se passer comme cela ! »

Je n'avais aucune idée de ce qu'il disait. Tout à coup, des mots surgirent de ma bouche comme si une force extérieure m'avait obligé à parler : « Kar kala démonis tulera olide puvro balazefi Zakarum ! »

Je fut presque effrayé par le ton de ma voix. Mes mains me picotaient étrangement. Un court regard m'apprit que ce n'était pas étonnant : au creux de chacune de mes paumes était apparue une boule de feu. Je devais sauter sur l'occcasion de détruire le Démon face à moi. Les mots que je prononçai ensuite venaient de moi mais il me firent autant peur : « Que le Zakarum t'accueille au ciel mon frère déchu et que la vie de l'au-dela t'aprenne la rédemption ! »

Je dirigeai ensuite mes mains vers cet être autrefois humain. Les boules de feu crépitèrent et partirent en direction du Mage terrifié par cette démonstration de pouvoir. Il fut désintégré en une fraction de seconde. Seuls des morceaux de son infernale armure restaient encore à terre. Je me relevai doucement, encore sous le choc de ce prodige. Jamais je n'avais été capable de lancer un sort. Jamais un Paladin n'aurait pu lancer un sort de cette catégorie. Seules les Ensorceleuses en était capables.

«Tu as une mission à accomplir Kal'zar, tu t'interrogeras plus tard » me dis-je à moi-même.

Je repartis donc à la recherche de l'escalier descendant dans les profondeurs du Temple du Zakarum. Je le trouvai peu après, derrière une statue représentant les mains de la Déesse. Il descendait en colimaçon. Je l'empruntai avec un sentiment de peur extrême. Le temple était devenu froid, sale et silenceieux. Rien à voir avec l'École de Paladins qu'elle avait été jadis. Je continuai de descendre les sombres marches. Un étage. Deux étages. Trois étages. Arrivé en bas de ce troisième escalier, la pièce était moins sombre. Quelques torches surplombaient la chambre. Une porte se trouvait à droite de cette entrée. De moins en moins rassuré, j'avançai prudement. A peine eu-je franchi l'arche de la porte, je m'arrêtai.

Devant moi se tenait un portail aux contours rouges dont l'intérieur était gris. Mais le plus étonnant était qu'à l'intérieur de la substance grise formant le portail, on voyait se dessiner des têtes d'hommes et des membres. Alors je me rappelai les légendes que l'on me racontait pour me faire peur et m'empêcher d'aller dans les sous-sols du temple : elles racontaient qu'un antique portail démoniaque menant tout droit en enfer se trouvait au troisième étage sous terre. Je n'avais pas cru à ces histoires mais ce que j'avais à présent devant les yeux me faisait changer d'avis immédiatement : le portail existait bel et bien et il avait été activé. On m'avait raconté que pour ouvrir ce portail infernal, il fallait que les trois Démons assemblent leurs pouvoirs. Penser que les Trois s'étaient retrouvés ici me terrifiait. Pourtant, je continuai à avancer. Je devais arrêter ces Démons avant qu'ils ne traversent la porte. Les pensées d'OeilDuCiel m'embrassant, de Bul-Kathos et d'Élucia se disputant avec lui me ramenèrent le sourire aux lèvres.

Malheuresement, ce semblant de bonheur ne dura que quelques secondes : j'arrivai en face du portail. Un pont était apparu fait d'os, de chair et de sang. Il reliait une plate-forme de marbre à la base du portail, plongé dans un lac de sang. Dans mes souvenirs les historiens disaient qu'un tel pont apparaissait seulement si quelqu'un traversait la porte démoniaque. J'espérai seulement que ce quelqu'un ne soit pas d'essence infernale. Une voix retentit soudain, une voix si terrifiante qu'on eut dit que mon coeur était transpercé de mille aiguilles : « Mes frères vous ont échappé, mortel. Vous n'auriez pas du venir ici. Vous avez couru à votre perte ! Vous me gênez dans mes plans. Je vais donc vous éliminer. Allez brûler en enfer ! »

J'eu à peine le temps de me retourner que je me retrouvais plaqué au sol, les poumons en feu et le visage en sang. Je ne sentais plus ma main droite. Je la pris machinalement avec mon autre main. C'est alors que je me rendis compte que ma main ne pourrait plus jamais servir : elle était tranchée au niveau du poignet. Une douleur atroce m'envahit et je fit un effort incommensurable pour ne pas crier, cela aurait trop satisfait mon assaillant. Malgré mon invalidité, j'avais encore les notions d'honneur et de fierté enseignée à tous les Paladins de l'Ordre. Méphisto était tourné vers le portail et ricanait : « Vous avez bien résisté mais c'est terminé ! » dit-il en se tournant vers moi.

Il était terrifiant : il n'avait pas de jambes, son être s'arrêtait au niveau du bassin. Il était muni de deux bras squeletiques terminés par des grand doigts en forme de griffes. Sa tête semblait vaguement humaine, il avait deux yeux, une bouche et un trou au milieu de ce qui lui tenait lieu de visage, où aurait dû se trouver le nez. Son crâne était allongé vers l'arrière et formait deux cornes qui s'entremêlaient. Il ressemblait plus à un Mort-vivant qu'à un Démon. Méphisto leva ses mains au-dessus de sa tête et une étrange boule bleue, semblable à la boule de feu que j'avais lancée quelques minutes plus tôt, se forma. Il la lança dans ma direction. Je me levai afin de mourir dignement, en fermant les yeux. Et... rien ! Mon coeur battait toujours, j'avais toujours mon corps. J'osai un regard. Je ne me trouvais plus dans le sombre Temple du Zakarum.

La pièce était lumineuse, très lumineuse. De grandes colonnes partaient vers le plafond, quelques peintures décoraient les murs. Ces dessins représentaient des passages du Livre Sacré du Zakarum, racontant les débuts de l'Ordre et les actions héroïques des Chevaliers garants de la justice. Je me levai avec difficultés, étant un peu secoué par ce brusque changement de lieu. Il y avait un tel contraste entre les sombres couloirs du temple, le Démon et sa voix, et la paix et la tranquillité de ce lieu. Aucun bruit ne passait, seulement celui de mes pas alors que je me mis en route pour trouver un moyen de sortir d'ici. Ce lieu aussi merveilleux était-il ne semblait pas avoir d'issue. Une voix assez diffuse me parvint alors, brisant le silence religieux :

« N'aie pas peur, fier soldat. Rien ne peut t'arriver en cet endroit sacré. Tu es en sécurité jusqu'à ce que j'en décide autrement. »

Je ne voyais pas la personne, une femme à en juger par l'intonation que j'entendais. Cet endroit me semblait peu à peu de plus en plus familier.

J'étais maintenant persuadé de l'avoir dejà vu, même sans y être entré. Et puis la mémoire me revint : cet endroit baigné de lumière, ces dessins sur les murs, ils étaient présents dans le Grand Livre du Zakarum, au chapitre de la Déesse elle-même. Je me trouvais en ce moment dans le lieu qui servait de demeure à notre Déesse vénérée.

« Tu as deviné, Paladin, je suis la Déesse, reprit la voix. Celle par qui tout a commencé, celle qui décide du sort des mortels, celle qui décide qui vit et qui meurt. »

Je ne pouvais y croire : ma foi était puissante mais j'avais toujours eu la crainte en moi que la Déesse ne soit que pure invention. A moins que je ne sois en train de rêver, la preuve du contraire était en train de se révéler à moi.

« Tu as été choisi, Kal'zar, serviteur du Zakarum. Étant le dernier Paladin encore en vie ou n'étant pas encore corrompu par les pouvoirs de Méphisto, c'est à toi que revient la tâche de défier et de détruire les Trois et leurs armées démoniaques. Je vais te soigner et te renvoyer sur ton monde, Paladin, mais attends-toi à un signe de ma part. »

Je n'eus pas le temps d'articuler le moindre mot. La lumière blanche se fit plus intense, comme à mon arrivée dans le sanctuaire, et je me retrouvais tout à coup dans les sombres entrailles du Haut Temple, devant l'escalier qui menait à la chambre où Méphisto m'avait mis en déroute. Un sentiment étrange se réveilla en moi. Une chose qu'on nous enseignait à contrôler dans les écoles de l'Ordre. Un sentiment se nommant la vengeance. Je n'avais plus qu'une envie en moi : venger mes camarades, mon Maître et mon honneur. Puisque j'étais le seul Paladin encore debout, je le resterai encore longtemps. Et je décidai de mettre tout en oeuvre pour arrêter les Trois. J'adressai une rapide prière à la Déesse afin de la remercier de m'avoir montré la voie, même si je doutais encore un peu de ce que je venais de vivre. Mais après tout, il m'était arrivé tellement de choses étranges depuis le début de mon voyage...
Je me mis en route. Les couloirs n'avaient pas changé : toujours aussi sombres, humides et maléfiques. La partie du temple où je me trouvais ne m'était pas inconnue : il s'agissait de la forge de feu Hsarus. De douloureux souvenirs remontaient en moi et un en particulier obscurcissait tous les autres, celui du maître forgeron mourant, déjà ravagé par la contamination des Zombis. Je décidai de retourner dans ce lieu maudit et, pour en finir avec mes cauchemards, de détruire le monstre qu'était devenu le plus grand forgeron de Kurast. J'espérai de tout mon coeur que l'ancien artisan aurait hanté sa forge et ne serait pas parti en quête de massacres dans une autre partie de Sanctuary.

Je pénétrais dans l'enceinte de l'atelier. Aucun son ne troublait le silence pesant qui régnait dans l'obscurité. La forge était vide, seul le gros soufflet était encore comme neuf, bien que recouvert de poussière. Toutes les armes et armures du forgeron avaient été retirées, certainement pour servir de défenses aux hordes démoniaques que Méphisto invoquait.

Je continuais ma progression quasiment à l'aveuglette quand une lueur me parvint. Elle venait du fond de l'atelier, là où Hsarus rangeait l'équipement destiné aux Maîtres et aux plus valeureux d'entre nous. Dans ces ténèbres, je me dis que tout ce qui était dans la lumière devait être bénéfique. Je courus presque vers la source de luminosité et je pénétrai dans l'arrière-salle. Pas un grain de poussière ne salissait le sol, aucune toile d'araignée ne pendait au plafond et les murs était blancs comme dans le sanctuaire de la Déesse, à qui je dis encore une prière dès que j'entrai dans ce lieu. Au fond de la petite pièce se trouvaient des pièces d'armure ainsi qu'une masse, ou plus exactement une sorte de sceptre, et un bouclier. Je m'avançai prudemment et je n'en crus pas mes yeux : les objets flottaient dans l'air, baignés par l'étrange lumière. Je me rapprochai encore. Pendant que j'avançais, la voix de la Déesse m'apella : « Kal'zar ! »

Il régnait dans cette salle un écho surnaturel. Il répéta les mots de la Déesse, rendant sa voix presque assourdissante : « Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! Kal'zar ! »

La Déesse reprit et cette fois l'écho ne jugea pas bon de répéter ses paroles : « Voici les pièces de ton nouvel équipement. Celui qui t'aidera à accompir ton destin. N'aie pas peur et avance. Prend les armes et cours défier Méphisto avant qu'il ne soit trop tard.

- Mais d'où vient cet équipement, Déesse vénérée ? »

J'avais parlé presque en criant. Je n'eus pour toute réponse que l'écho de ma voix.

« Vénérée... Vénérée... Vénérée... Vénérée... Vénérée... » dit inlasablement l'écho.
Maintenant j'étais soit complétement convaincu par la présence d'une force divine soit complétement fou, mais je m'avançai tout de même vers les objets flottants. Je pris tout d'abord l'armure et je n'en crus pas mes yeux. Elle était vieille de plusieur milliers d'années et était présente dans toutes les légendes où l'on voyait l'Archange Hudikel, le fondateur de l'Ordre du Zakarum. Je tenais dans mes mains l'armure sacrée de l'Archange Hudikel lui-même, celui apellé la Puissance du Templier. Seuls quelques élus à travers le monde avaient eu la chance et l'honneur de porter cette armure. Je défis les sangles de mon actuelle protection, qui me semblait maintenant bien inutile et laide à côté de la splendeur et de l'impériosité qu'inspirait la Puissance. Je pris l'armure et je fus surpris par son poids : elle me paraissait moins lourde que mon ancienne cote de maille. Je la revêtis non sans adresser de nombreuses prières de remerciement à la Déesse. Je me tournai ensuite vers le bouclier et je le reconnus sans peine : le Héraut du Zakarum, le bouclier qui avait été forgé, disait-on, par l'Archange Hudikel. Je le pris et le soulevai. Il était encore moins lourd que l'armure ! Je m'entrainai à parer les coups d'un ennemi invisible pour tester la maniabilité de ma nouvelle acquisition. Ensuite je me dirigeai vers l'emplacement du sceptre. Je m'attendais un peu à ma découverte mais je ne pus réprimer un profond respect quand je vis l'arme : le Rédempteur, le sceptre de l'Archange Hudikel, celui qui avait aidé les anciens Horadrims à enfermer les Trois. Ces artefacts très précieux m'assureraient sûrement la victoire face aux Démons.

La foi revint en moi et avec elle le désir de vengeance, toujours plus grand, toujours plus fort. Dès que j'eus mis les pièces de mon nouvel équipement, la même lumière qui m'avait amené dans le sanctuaire de la Déesse m'entoura, et je me retrouvai à nouveau sans aucun repère. La lumière se dissipa enfin et je réapparus au milieu de la salle de Méphisto. Ce dernier se tenait en face de moi. Il avait toujours cette sorte de boule d'énergie bleue et me regardait comme s'il s'attendait à ce que je l'implore. J'étais revenu quelques minutes en arrière, au moment où le Démon allait me tuer, avant que je ne me fasse emporter au Ciel. Le Démon libéra la boule de foudre qui s'abattit sur moi. A sa grande surprise, et à la mienne, il ne se passa rien. La boule entra en contact avec mon armure mais son effet fut réduit à néant par la formidable énergie que contenait la Puissance du Templier. Je m'autorisai un petit sourire derrière mon heaume. Méphisto ne pouvait me voir, et c'était mieux ainsi, sinon il aurait vu se refléter sa propre mort dans mes yeux avant que je ne passe à l'action.

Je commençai d'une voix forte : « Méphisto ! Ton heure est venue ! Et avec toi périront toutes les engeances démoniaques qui foulent notre terre ! Prépare-toi à retourner d'où tu viens !

- Pauvre mortel. Tu ne peux rien contre moi ! Ma boule de foudre a echoué, certes, mais ce n'était rien comparé à ce qui suit ! »

A ces mots, je sentis mes forces se décupler. Je courus vers Méphisto et je commençai à le frapper de toutes mes forces avec ma nouvelle masse. Il y eu un bruit écoeurant comme si des milliers d'os se brisaient en même temps.

« C'est impossible ! Tu ne peux pas me vaincre ! Je suis le... »

Le Démon ne finit pas sa phrase, il s'écroula sur le sol, du sang sombre s'échappa de la plaie béante qui s'étendait de son cou au bas de son effroyable buste. Je n'en crus pas mes yeux. Moi, Kal'zar, simple Paladin, j'avais vaincu seul un des trois Démons fondateurs de l'Enfer. Je restais là pendant plusieurs minutes, abasourdi. Puis je me rappelai le portail qui reliait le Temple du Zakarum et le sanctuaire de Diablo. En face de l'endroit où j'avais vaincu mon premier grand ennemi, la porte luisait. C'était une lueur obscure, terrifiante. Des visages grimaçants dépassaient du portail, ils étaient animés et hurlaient des noms et des phrases dans un langage depuis longtemps oublié et que plus personne ne parlait en Sanctuary. Ces voix me traversèrent le coeur comme une dague : je ne pouvais comprendre la signification de leurs paroles mais je ressentais de la peine, de la douleur et de la souffrance venant de ces êtres damnés, condamnés à rester en Enfer pour l'éternité. Un son me parvint alors, différent. Ce bruit-là m'était familier. Une sorte de cri, mêlant des notes et des paroles. « Le cri de guerre de Bul-Kathos » pensai-je. Puis un autre bruit survint, celui d'une flèche se fichant dans de la chair : le Windforce d'OeilDuCiel.

Je décidai alors d'aller à leur rencontre mais le portail se mit à luire de plus en plus. Je me retournai, cherchant à fuir mais il était trop tard : je fut aspiré par la porte béante jusqu'aux Abysses. Je poussai un cri déchirant comme si j'avais pu me libérer en expulsant tout l'air de mes poumons. Puis ce fut le vide absolu, et je m'évanouis.

Quand je repris conscience, j'étais étendu sur le ventre, la face contre un sol de marbre. Un silence de mort régnait, et seul le crépitement de quelques torches m'indiquait que j'étais réveillé. Je m'accordai quelques instants de repos et de répit, puis je me relevai tant bien que mal. Je me trouvais dans un endroit entièrement blanc : les murs, le sol, les colonnes, le ciel, tout cela était de couleur blanche. Je me trouvais dans une cour pavée et devant moi s'ouvrait une vaste salle soutenue par des colonnes de marbre. Je me retournai et ce que je découvris me glaça le sang : au-delà des constructions dans lesquelles je me trouvais s'étendait une plaine immense, noire et rouge, faite de cendre et de sang. Il n'y avait pratiquement pas de relief, seulement quelques crevasses à certains endroits d'où sortait de la lave. Je voyais des mouvements sur le sol mais j'étais trop loin pour déterminer ce que c'était réellement. C'est alors que je vis un large escalier, blanc lui aussi, qui descendait dans cette plaine. Et je compris que je me trouvais dans la Forteresse de Pandémonium, le dernier bastion de la lumière avant l'Enfer. La plaine que je voyais en contrebas était tout simplement les Abysses. Je contemplais, muet de terreur, le sol déserté et les hordes de Démons qui le parcouraient, quand une voix m'interpella : « Paladin ! Frère ! »

Je dirigeai mon regard vers la provenance de ce son. Elle venait d'un homme d'âge mûr, aux traits durcis par des années, peut-être même des siècles de combat contre les forces du Mal. Des cheveux courts et bruns encadraient son visage dénué de toute expression. Il avait de petits yeux verts perçants qui semblaient analyser l'âme d'une personne d'un seul regard. Il portait une armure dorée aux épaulettes rouges.

« Salut à vous, guerrier, répondis-je.

- Je me nomme Halbu et je suis le forgeron et le protecteur de la Forteresse de Pandémonium. Je t'ai vu arriver par le portail du Zakarum. Personne n'était venu par là depuis cinquante siècles. Aurais-tu vaincu le Seigneur de la Haine ?

- Cinquante siècles ? Êtes-vous aussi âgé, maître Paladin ? »

Une ombre passa sur son visage marqué par la guerre : « Tu ne réponds jamais aux questions posées?

- Pardonnez-moi. Oui j'ai vaincu Méphisto et je suis ici pour défier et anéantir son frère. Sauriez-vous par quel chemin pourrais-je aller vers son sanctuaire ?

- Tous les chemins mènent à lui ! Mais je peux t'y conduire si tu y tiens tellement. Avant d'entrer dans son sanctuaire, tu en trouveras le gardien, l'Archange Hadriel. Il te sera de bon conseil si tu tiens à rester en vie quelques heures de plus. Mais j'en doute. Bien que l'on dise que Méphisto soit le plus puissant des trois par ses énergies maléfiques, celui qui te posera le plus de difficultés est Diablo. Hadriel t'en parlera. Es-tu prêt, Paladin de l'Ordre ?

- Oui je suis prêt. Envoie-moi en Enfer et je ne reviendrai que lorsque le dernier d'entre eux aura péri. »

Halbu se mit à incanter. Il prononça des paroles dans la même langue gutturale et mystérieuse que les êtres qui hurlaient dans le portail. En un éclair, tout disparut. A la place de la forterresse se tenait une rivière, une rivière de feu. Un chemin serpentait entre les flots brûlants et débouchait sur une porte, que j'apercevais au loin. La porte était en fait le porche d'une gigantesque cathédrale faite de roche volcanique. Elle avait des formes démoniaques. Chaque colonne se terminait par une aiguille de roc comme un doigt macabre pointant vers un ciel de cauchemard. Je contemplait ce spectacle, mi-apeuré mi-respectueux : il s'agissait d'un chef-d'oeuvre, qu'il soit démoniaque n'y changeait rien. Je m'engageai sur le chemin quand une forte lueur m'arrêta. Je me protégeai les yeux avec ma main et j'entendis une voix qui m'apaisa. Je connaissais ce type de voix à la fois puissante et douce, pourvue de son propre écho, c'était la voix d'un Archange. A en juger par les propos de Halbu, celui-là devait se nommer Hadriel. L'Ange se posa devant moi, ses ailes bleues et blanches flottaient autour de lui. Comme tous les êtres divins de son rang, il avait le visage masqué par une profonde capuche. Son armure bleue ressemblait en tout point à la mienne. Elles venaient toutes deux certainement de la même forge et cette idée me remplit d'une telle fierté que j'eus le courage de prendre la parole en premier face à un Ange : « Salutations, vénéré Hadriel. Halbu m'a dit que je vous trouverais ici. Je suis venu défier Diablo et j'ai l'intention de réussir.

- Je sais tout cela Paladin, » répondit l'Archange d'une voix calme et posée.

Il marqua un temps d'arrêt comme s'il essayait de lire dans mes pensées.

«Evidement qu'il sait tout ça, » me réprimandai-je intérieurement. «Ne parle que si c'est nécessaire ! »

L'Ange prit une longue inspiration à en juger par le soulèvement de sa cage thoracique et reprit : « Allez héros, avancez dans l'Antre de la Terreur. Sachez que le sanctuaire de Diablo est protégé par cinq sceaux. Il vous faudra tous les ouvrir avant de pouvoir accéder à l'ultime bataille. Faites très attention, ne sous-estimez pas le Seigneur de la Terreur. »

A ces mots, l'Ange déploya ses ailes et s'envola, ne me laissant aucune chance de poser la moindre question aussi simple fut-elle. Je décidai que j'avais perdu assez de temps et je commençai à m'avancer vers l'antre du Démon. En chemin, j'adressai une prière silencieuse à la Déesse et à n'importe qui qui pouvait l'entendre. Je serrai le scarabée d'Atma aussi fort que possible et je continuai d'avancer vers mon destin.
Arrivé au bout du long chemin fait de rocs, je m'autorisai une pause afin de contempler à nouveau le fabuleux et terrifiant édifice. Perdu dans mes pensée je n'entendis pas les quatre Démons s'aprocher de moi. Le Rédempteur dans ma main droite commença à luire, signe de l'approche d'un danger. Je me retournai juste à temps pour parer le premier coup de mon assaillant avec mon bouclier. Aussitôt, je contre-attaquai sans même chercher à connaitre l'identité de mon agresseur. Le coup de masse que je portai à mon adversaire aurait pu décapiter tout être normalement constitué. Tout être excepté un Démon gardien de la forteresse de Diablo. En face de moi se tenait un de ces gardiens : mesurant deux mètres de haut, deux cornes frontales partaient de son crâne et montaient vers les cieux. Sa peau à la teinte bleutée luisait avec les reflets des flammes de la rivière embrasée. Il tenait dans la main un sabre à la lame épaisse comme deux fois mon bras et sûrement aussi tranchante que la meilleurs des épées. Une lueur maléfique dansait dans ses yeux consumés par la haine et le mal. Mon coup porté à son bras ne fit que lui briser deux os tout au plus, à en juger par le bruit quasi insoutenable que fit son membre gauche. Il grogna mais ne se soucia pas le moins du monde de la douleur, comme si ce sentiment lui était inconnu. La créature leva son cimeterre et se prépara a m'embrocher. C'était sans compter sur la puissance du Templier. Le cimeterre entra en contact avec mon armure bénite avec fracas. Au moment où la lame toucha le métal de l'armure, elle tomba en poussière. Ayant été créée par l'Archange lui-même, aucune arme démoniaque de bas niveau ne pouvait l'entailler. Le monstre, surpris par cette démonstration de force, recula de quelques pas. Quelques pas qui lui furent fatals. Je profitai de sa passagère inattention pour me relever. Je fis des petits moulinets avec ma masse, et je la lançai vers le Démon. L'arme s'enfonça sans aucune difficulté dans la chair du monstre et alla se planter dans sa cage thoracique. Son cimeterre devait avoir des proprietés de protection. Le Démon tomba à genoux. Je m'avançai avec prudence et je retirai le Rédempteur de la poitrine du monstre. Un flot de sang noir m'aspergea et le Démon poussa un cri déchirant avant de prendre feu. Un feu qui le consumma de l'intérieur. Quand il eut brûlé entièrement il ne restait de lui que la trace noircie de son corps.

Mais il restait encore deux Démons. Je m'élançai sur le plus proche, qui para mon attaque avec son bras comme son compagnon. Mais cette fois j'étais préparé à cette tactique : alors qu'il était concentré sur la main qui tenait ma masse, je lui assenai un coup de bouclier en plein visage, si on pouvait qualifier sa tête de visage. Les bords affûtés du Héraut s'enfoncèrent dans sa face hideuse. Il poussa un cri déchirant et s'effondra sur moi. Il pesait lourd, très lourd. J'étais écrasé et je peinais à respirer. Au prix d'un énorme effort, je réussis à soulever le monstre et à le faire rouler sur le côté. J'étais étendu sur le dos, haletant, et je commençai à retirer les pièces de mon armure car je peinais à respirer.
J'avais oublié le troisième Démon ! Il me décocha un coup de sabot dans les côtes. Je roulai sur le sol pavé, le souffle coupé. Il s'approcha de moi et fit apparaître une boule de feu dans sa paume. Il leva sa main et se prépara à me désintégrer. Mais tout à coup un étrange fait se produisit : une troisième main apparut au centre de son throrax. Une main grise et poilue, pourvue de griffes acérées. La patte transperça le torse du Démon et se retira à la même vitessse fulgurante. L'infernale bête s'écroula à mes côtés, tuée sur le coup. Derrière elle se tenait un loup. Ou plutôt un Loup-garou : sa tête était bien celle d'un loup mais il avait le corps d'un homme, recouvert de fourrure, et se tenait sur ses deux pattes postérieures. Ses bras se terminaient par deux grandes mains aux longues griffes qui luisaient sous le ciel de braise. Son regard brillait d'une intelligence hors du commun. Il me regardait fixement comme s'il essayait de lire dans mon esprit qui j'étais et ce que je faisais ici. Nous sommes restés ainsi plusieurs minutes qui me parurent interminables.

Enfin l'homme-loup pris la parole : « Tu es bien loin de chez toi, jeune Paladin. »

Sa voix était un mélange de grognement et de douceur. Il fit des signes avec ses pattes au-dessus de sa tête et il commença à changer. Son museau se raccourcit et se transforma en bouche, ses oreilles diminuèrent et se fondirent dans sa tête, sa fourrure laissa place à une peau de métal, ses griffes furent remplacées par une épée et un bouclier, ses pattes se reformèrent en bottes. A présent se tenait devant moi un Druide.

« Que fais-tu là ? reprit l'homme.

- Je suis ici pour affronter Diablo et le tuer, répondis-je.

- Fort bien, nous allons donc poursuivre cette quête ensemble. Si tu le veux, bien évidement.

- Bien sûr que je le veux ! Toute aide me sera utile. »

Le Druide ne répondit pas et se mit en route sans me jeter un regard. Les membres de son peuple étaient réputés pour leur légendaire solitude mais celui-ci me paraissait encore plus silencieux que les autres. Je n'avais jamais rencontré de Druide auparavant mais les écrits sur eux étaient souvent fondés sur des faits réels. Je lui emboîtais le pas et nous poursuivîmes le chemin menant à la grande cathédrale. Il marchait vite, très vite, j'avais toutes les peines du monde à le suivre. Il ne s'arrêta qu'une fois arrivé au porche de la Citadelle de Diablo.

Dès que je fus près de lui, j'essayai d'engager la discussion : « Au fait je ne connais pas votre nom ! Quel est-il ?

- Tu n'as pas à le savoir. Nous combattrons côte à côte mais nos rapports s'arrêteront ici et je n'ai aucune envie de... »

Une boule d'énergie verte passa à quelques centimètre de son heaume en forme de tête de loup. Il s'interrompit immédiatement et, comme je l'avais prévu, prononça un mot de pouvoir qui eût pour effet de le retransformer en Loup-garou. A peine la transmutation s'était-elle accomplie qu'il se jeta à corps perdu dans la bataille sans même prendre le temps de voir ce qui nous attaquait. Il aurait dû.

Les êtres qui se tenaient devant nous faisaient partie de trois castes de Démons différentes : la première était composée de Chevaliers du Chaos, des guerriers damnés avec des armures jaunes légères, un heaume muni de deux cornes et une épée dans la main. La seconde, des Mages de l'Apocalypse, vêtus de la même façon que les Chevaliers du Chaos à ceci près qu'ils étaient d'essence magique. Ils étaient donc dépourvus d'arme mais avaient au creux de la main des boules d'énergie de différentes origines : certaines de glace, d'autres de foudre, d'autres encore d'un poison mortel. C'étaient ces Mages qui avaient frôlé le Druide avec leurs projectiles venimeux. La dernière caste était composée de Démon bleus comme nous en avions combattus un peu plus tôt. Il y en avait des dizaines.

Je me préparai donc au combat en invoquant un sort mineur de protection, puis je me précipitai au secours de l'homme-loup qui était aux prises avec cinq Démons. Quelques minutes plus tard, il ne restait plus aucun monstre. Le Druide avait invoqué des Loups pour l'aider au combat et ses animaux s'étaient occupés d'une grosse partie du groupe infernal. Quant à moi j'étais venu à bout des Démons proches sans aucune difficulté étant donné que je savais déjà comment vaincre les Démons bleus et que les Chevaliers du Chaos et de l'Apocalypse ne représentaient pas un grand danger.
Tout au long de notre parcours nous affrontâmes des hordes de Démons, pour avancer au plus profond des entrailles de la Forteresse de la Terreur. Au bout d'une demi-heure de lutte incessante, nous sommes arrivés au coeur de la Cathédrale démoniaque. Après avoir massacré proprement tous les Démons présents, nous nous sommes mis à inspecter la salle. Trois immenses couloirs partaient vers l'est, le nord et l'ouest. Au centre, une énorme plate-forme circulaire entourait une étoile de pierre dessinée au sol. Entre les branches de l'étoile on pouvait voir la rivière de feu et son magma incandescent. La hauteur de la salle était impressionante : au moins trois cents mètres. Le regard s'y perdait quand on levait les yeux. Le Druide n'avait pas desseré les dents (ou les crocs) depuis le début de notre traversée de la Cathédrale.

« Bon... Et comment appelle-t-on le Seigneur de la Terreur ? dit il.

- Un Ange m'a dit qu'on devait ouvrir les cinq sceaux. M'est avis qu'ils se trouvent au bout de chacun des couloirs.

- Tu discutes avec les Anges ? demanda-t-il en haussant un sourcil. Parfait... »

Une ombre passa sur son visage : « On se sépare ?

- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Mais si cela te parait être la meilleure tactique... Bonne chance, Druide, on se retrouve ici dès que les sceaux sont ouverts. Je prends l'ouest. Nettoie l'est et commence le nord, je viendrai t'aider ensuite. »

Le Loup-garou scruta le couloir dans la direction que je lui avais suggérée. Pendant quelques secondes, j'ai cru qu'il ne respirait plus. Puis il reprit la parole un court instant : « Je me nomme Hel'zar. Cela signifie fils de la fureur. Ton nom n'est pas un hasard. » Et il s'en fut dans sa direction, disparaissant dans les ténèbres.

Je me dirigeai donc vers l'ouest. Le couloir était large et semblait interminable. Arrivé au bout, je trouvais un cercle de fer entouré par trois branches du même métal qui se dressait au-dessus de ce rond, comme trois griffes. Je m'approchai doucement de l'étrange assemblage et à peine étais-je à proximité qu'il commença à luire, et des runes cabalistiques apparurent sur le dessus du cercle. Un son sourd suivi d'un soupir comme celui d'un mourant retentit derière moi. Je me retournai pour tomber face à face avec six monstres. Des Ombres Fantômes. Leur tête ressemblait vaguement à une tête humaine mais leur corps semblait comme un nuage blanc-gris. Deux ailes monstrueuses et décharnées partaient de leur tronc. Sans un mot (je doutais fort qu'elle sachent parler) elles se ruèrent vers moi. La première fut fauchée par le Rédempteur avant même d'avoir compris ce qui se passait. La seconde fut renvoyée chez ses aïeux par un coup du Héraut de Zakarum. J'assénai aux deux suivantes un coup de masse légendaire sur leur crâne difforme. Elles s'écroulèrent en repliant leurs ailes sur leur torse, comme deux macabres araignées. L'avant-dernière ne me posa aucune difficulté.

Je ne peux pas en dire autant pour l'ultime monstre. Elle avait la même forme que ses comparses mais sa couleur virait plus au rouge qu'au blanc. Ses orbites vides brillaient d'un regard malveillant. Elle leva ses ailes et de petits missiles en forme de boules partirent de l'extremité de ses membres et se dirigèrent vers moi. Ses projectiles me clouèrent au sol, leur force était surprenante. Je sentais mon énergie se vider. J'avais entendu parler de tels sorts qui vous fatiguaient tellement que vous vous sentiez obligé rendre les armes et d'attendre votre mort, passif. L'Ombre plongea vers moi avec un cri strident tout droit sorti d'une gorge démoniaque. Elle passa au-dessus de moi et, sans même me toucher, réussit à faire sauter mon heaume qui roula à plusieurs mètres de l'endroit où je me trouvais. Elle se retourna et fondit à nouveau sur moi. Elle me toucha au bras et je sentis une douleur atroce. L'Ombre repartit cette fois avec le Rédempteur qu'elle lâcha un peu plus loin. Il était déjà étonnant qu'un Démon puisse toucher cette arme bénie. Ce devait être un être très puissant. La douleur me sortit de ma réflexion. « Mon bras est en feu, » pensai-je. Après un rapide coup d'oeil qui m'assura que tout était en ordre, je compris que je me consumais de l'intérieur d'un feu infernal. Mon bras n'avait aucune trace de brûlure, ni aucune blessure apparente mais je sentais tout de même la chaleur et la souffrance que pouvait engendrer un incendie. Je récitai très vite les paroles d'une prière pour la Déesse, croyant que ce serait la dernière chose que je prononcerais dans ma vie.

Je vis alors l'épée d'un des Chevaliers de l'Apocalypse que j'avais tué un peu plus tôt. Avec un peu de courage, peut-être que je pourrais... Je ne réfléchis pas d'avantage et je me jetai sur l'arme. Le Démon derrière moi compris ma tactique et le danger pour lui si je retrouvais une arme. Je réussis à me relever malgré le contrecoup de l'attaque du monstre. Les effets des missiles qu'il m'avaient lancés commençaient à se dissiper. Je courus le plus vite possible jusqu'à l'épée démoniaque. Je prononçai les mots d'une antique formule magique qui permettait de dissiper tous les enchantements magiques attachés à une arme. Le léger flot de lumière qui émana de l'épée m'indiqua que j'avais bien fait de faire cette analyse. Je me saisis de l'arme et la lançai de toutes mes forces en me retournant. Comme je l'avais prévu, le Fantôme était aligné face à moi et se préparait à me lancer une nouvelle série de missiles rouges. L'épée l'atteignit à une de ses ailes. Il s'écroula au sol dans un râle qui me terrifia. J'étais épuisé, pourtant il fallait que je l'achève. Je me dirigeai donc vers le Rédempteur, tombé à quelques mètres de l'endroit où gisait le monstre. Je pris l'arme dans mes mains et l'abattis d'une force prodigieuse sur le torse de la créature. Elle implosa en plusieurs éclats, mélange de chair, de feu et de magie.

J'étais épuisé. Je devais pourtant continuer, et combattre Diablo. Mais comment l'affronter dans mon état ? C'était impossible. Je me morfondai quand j'aperçus le reflet d'une fiole remplie d'un liquide mauve. Je me rapprochai de cette potion, reconnaissant une potion de rajeunissement total. Il s'agissait d'une décoction dont la formule était à l'origine détenue par les plus sages des Horadrims mais était hélas oubliée aujourd'hui. Il était étonnant d'en trouver une ici. Je connaissais les pouvoirs de ces fioles c'est pourquoi je rassemblai mes dernières forces et rampai en direction de la potion. Ces potions étaient conçues pour redonner à celui qui la buvait toute sa santé et son énergie. Elle effaçait les blessures, la fatigue, les brûlures et tous les effets négatifs des combats. Je débouchai la fiole et bus son contenu d'un seul trait. A peine le liquide entra en contact avec ma langue que ses effets commencèrent à se faire sentir. Mon bras ne me démangeait plus et la fatigue commençait à disparaitre. Au fur et à mesure que la potion descendait dans mon organisme, je retrouvais mes forces. Quand la dernière goutte fut avalée, je me sentais aussi fringuant que lorsque j'étais arrivé au Sanctuaire de Diablo. C'était impressionant !

Je ramassai mon heaume et décidai de partir à la recherche du deuxième sceau qui devait se trouver à proximité du premier. Je le trouvai en effet à quelques mètres de l'autre. Comme le premier sceau, au moment où j'aprochais il commença à luire puis les runes apparurent. Je m'attendais à combattre encore une horde démoniaque mais rien ne se passa. Je me rappelai alors les écrits conçernant le Sanctuaire de la Terreur : Diablo avait trois généraux, chargés de le protéger et de diriger ses armées. Ces trois gradés s'apellaient le Lord de Seis, le Grand Vizir du Chaos et le Corrupteur d'Âmes. Ils devaient apparaître un par un à chaque couloir qui partait de l'étoile centrale. Je me redirigeai donc vers le centre de la Cathédrale afin d'y retrouver Hel'zar et de combattre le dernier général. Je comptais aussi demander au Druide des explications sur sa mystérieuse phrase concernant mon nom.

Arrivé au milieu, j'entendis des bruits de combat au nord, là où devait se trouver le Lord de Seis. Je courus en direction du bruit et je trouvai Hel'zar aux prises avec un Mage de l'Apocalypse à l'armure rouge. A ses pieds reposaient les corps de cinq autres Mages démoniaques. Hel'zar ne semblait pas épuisé et s'avançait vers le gradé de Diablo quand celui-ci se mit à faire des signes au-dessus de sa tête hideuse. Des runes apparurent au bout de ses longs doigts effilés et se déplacèrent pour venir se placer au-dessus du crâne de Hel'zar. Ce dernier poussa un rugissement effrayant et chargea le monstre. Il lança ses griffes en avant. Elles s'enfoncèrent sans aucun effort dans la poitrine du Démon. Mais soudain, Hel'zar se figea, les yeux écarquillés. Il porta alors son attention sur son abdomen. Et je vis deux mains griffues le transpercer. Pourtant, aucun ennemi n'était derrière lui. Le Druide retira ses mains du tronc du Démon, et les griffes qui l'avaient blessé se retirèrent au même moment. Je compris alors que par un terrible sortilège, le Lord de Seis avait réussi à retourner l'attaque de Hel'zar contre lui-même. Le Druide s'effondra, blessé à mort. Dans un dernier soupir, je l'entendis murmurer : « La Dame de Fer... »

Il ferma les yeux et demeura ainsi, à l'agonie. Ensuite je ne compris pas ce qui se passa. Je me retrouvai avec le cadavre du Lord de Seis à mes pieds sans avoir réalisé que je l'avais tué. Sans doute la rage y était-elle pour quelque chose. Je demeurai là, incrédule. Hel'zar essaya d'articuler des mots, ce qui eût pour effet de me ramener à la réalité. Je me précipitai à ses côtés.

« Tu vas t'en sortir, frère Druide.

- Non, il est trop tard pour moi. Le glas de ma défaite a sonné. Mais toi... Kal'zar il te reste encore beaucoup à accomplir. Tu ne peux te permettre de perdre. Dans ma langue, ton nom signifie Fils de la Lumière. Tu étais prédestiné à vaincre les tenébres et... (il poussa un râle déchirant) tu ne dois pas baisser les bras. Fais-le pour moi, mon frère. »

Il ferma les yeux et resta allongé, mort. Le sol trembla. Une violente secousse ébranla toute la Cathédrale. J'entendis au loin les cris de toutes les âmes qui nageaient dans la rivière de feu. Il arrive, pensai-je. Un grognement suivi d'un terrible rugissement emplit la salle du sanctuaire. Un rugissement émis par une gorge massive, une gorge non-humaine. Je me tournai vers le centre de la pièce, là où se trouvait la plate-forme en étoile. La terre s'ouvrit à cet endroit et des entrailles de feu surgirent deux mains munies d'immenses griffes rouges. Une créature se hissa à la force des bras dans la Cathédrale. Le tonnerre retentit dans la plaine désolée au dehors. Le monstre était doté de piques noires qui ornaient ses bras hideux. Sa musculature était imposante. Son buste massif était rouge sang, et blanc au niveau du torse. Son corps se finissait par une gigantesque queue recouverte de pointes acérées. Sa gueule semblait faite de flammes, et deux cornes partaient du sommet de son crâne, s'entremêlant en arcs de cercles devant son visage. Il poussa un rugissement digne des plus féroces prédateurs. Nous nous regardions depuis un petit moment déjà : lui ne savait pas à qui il avait à faire et moi qui ne savait que faire face au Seigneur de la Terreur lui-même.

Il me chargea, tête baissée. Je n'eus pas le temps de réagir, la violence du choc m'envoya rouler contre un des piliers de l'église démoniaque. Mon armure encaissa une partie du choc mais il avait été porté avec une telle puissance que j'en eu le souffle coupé. Le Démon partit d'un rire inhumain et parla dans une langue gutturale, la même que celle entendue dans le portail reliant la prison de Méphisto à la Forteresse de Pandémonium. Je n'avais aucune idée de ce qu'il racontait mais cela devait être fort drôle étant donné qu'il ne cessait de rire. Je me relevai tant bien que mal et je fonçai sur mon nouvel adversaire. Ma masse entra en contact avec sa peau rugueuse et commença à chauffer. On aurait dit que sa peau était faite de métal en fusion. Je réussis à lui entailler la jambe. Je continuai dans ma lancée, m'éloignant de Diablo afin de mieux le charger au prochain assaut. A peine m'étais-je retourné pour lui faire face que je recommençai mon attaque. La deuxième fois, je réussis à frapper au même endroit ce qui eût pour effet d'arracher au Seigneur de la Terreur un hurlement de douleur. Il me dévisagea, son regard alimenté par une rage à l'ampleur indescriptible.

Il leva alors les bras au ciel et prononça une formule magique faite d'antiques mots runiques. Des flammes sortirent de la terre et se précipitèrent vers moi. J'étais entouré par un flot de feu. Je sentais la chaleur qui menaçait de me consumer. Je me dégageai tant bien que mal de cette étreinte et me précipitai derrière un pilier afin de récupérer un peu de forces. Diablo ne me laissa pas le temps de souffler. Il invoqua un cercle de flammes qui partit de ses jambes et qui dévora tout sur son passage, les cadavres des Démons abattus, les pièces d'armure que je n'avais pas ramassées et moi. La puissance du sort était moins forte que celle du précédent mais comme le cercle envahissait toute la pièce, impossible d'y échapper, et mon armure devint bouillante. Je tins bon, conscient que si je l'enlevais je mourrai. Mais allai-je vivre tout en la gardant ? Rien n'était moins sûr. Je me jetai au sol, essayant d'échapper aux flammes mortelles. Diablo se rua sur moi, m'attrapa avec une patte griffue et de l'autre me décocha un coup de poing magistral. J'étais entrainé à recevoir les coups physiques mais venant d'un poing normal, pas d'un poing ayant le diamètre d'une roue de charrette. Je reçus l'uppercut en pleine tête. Mon heaume vola en éclats. Du sang ruisselait de ma tempe meurtrie. Diablo me reposa alors, savourant sa victoire. Il me regarda pendant un petit moment qui me parut une éternité puis il s'avança pour me donner le coup de grâce. C'est alors qu'il fût distrait par une voix derière lui : « Hey grand truc ! Attaque-toi à quelqu'un de ta trempe, allez viens te battre chien galleux ! »

Impossible pour moi de regarder dans la direction d'où venait la voix, car j'étais face contre terre et dans l'incapacité de me relever tant j'était sonné du coup que je venais de recevoir. Mais j'avais reconnu l'audace et la voix de Bul-Kathos.

« Bul ! On doit y aller ensemble ! »

« OeilDuCiel, » pensai-je.

« Rien à cirer, je le décalque tout seul ! Va t'occuper de ton Paladin. »

Puis s'adressant à moi, du moins je le supposai : « Courage mon frère ! »

A ces mots il poussa un de ces cris dont lui seul avait le secret, et j'entendis des bruits de course sur le marbre qui recouvrait le sol du Sanctuaire. Diablo se détourna de moi pour faire face à ce nouvel adversaire qui semblait plus intéressant à défier. Le bruit de ses grognements se mêla au fracas des épées contre sa peau et au martèlement des pas sur le marbre. Je fermais les yeux un instant essayant de rassembler mes forces afin d'aller aider mon ami. Quand je les rouvris, le visage d'OeilDuCiel se tenait au-dessus de moi : « Hel'zar, tu vas bien ? On est là pour te sauver, t'inquiète pas. »

Justement je m'inquiétai. J'entendis les cris de Bul-Kahos mais ceux-la étaient non plus de guerre mais de douleur.

« Ha ! fit-il. Tu veux jouer au méchant ? Hé bien approche, je vais te montrer ce que savent faire les Barbares du Nord et j'vais te donner une nouvelle définition du mot douleur. Par les Anciens, je te tuerai avant le lever de ton maudit soleil. »

Je me concentrai à nouveau sur OeilDuCiel : « Comment êtes-vous venus ici ?

- C'est Halbu qui nous a fait passer au prix d'un effort considérable. Il a refusé au départ mais comme à chaque fois, le Barbare s'est montré très persuasif.

- Et Élucia ? demandai-je, la voix pleine d'anxiété.

- Elle est partie au nord défier Baal. Nous avons préféré venir ici, sachant que tu ne pouvais vaincre Diablo tout seul. Allez, lève-toi et bois cette potion. »

Sa voix mélait de la tendresse et de la fermeté. Comment résister ?

Elle me tendit son bras et je m'appuyai sur lui pour me remettre sur mes jambes. Puis elle me donna une fiole de potion de rajeunissement total. Cela faisait deux fois que je voyais un objet d'une aussi grande valeur en si peu de temps. Je bus le contenu de la fiole d'un trait. Pendant que mes forces revenaient, OeilDuCiel m'embrassa puis encocha une flèche à son arc et vola au secours de Bul-Kathos. Ce dernier venait de sectionner une corne frontale du Seigneur de la Terreur mais la force du coup qu'il avait porté l'avait précipité au sol, vulnérable. La flèche de l'Amazone atteignit le Démon à l'avant-bras, ce qui fit couler quelques gouttes de sang noir qui embrasèrent le marbre au moment même où elles touchèrent le sol. A peine OeilDuCiel avait-elle tiré qu'elle encocha une nouvelle flèche et visa de nouveau. Son deuxième projectile fut devié par la queue du monstre et finit sa course sectionné en deux. Diablo se prépara alors à relancer le sort du cercle de feu. Le cercle apparut et j'eut juste le temps de m'abriter derière une colonne qui stoppa les flammes. Elles enveloppèrent Bul-Kathos et OeilDuCiel mais aucun des deux ne semblait affecté par ce feu démoniaque.

Je décidai de revenir dans le combat. Je pris mon arme à deux mains pour me donner plus de puissance et je fonçai sur Diablo. Je réussis à lui entailler une de ses pattes postérieures. Il riposta en me décochant un coup dans l'abdomen. Je roulai à plusieurs mètres de là. Il s'occupa ensuite d'OeilDuCiel qu'il avait attrapée et qu'il refusait de lâcher apparement. Il lui pris un bras et serra. J'entendis l'horrible bruit qui caractérise si bien les os qui se brisent. OeilDuCiel poussa un cri déchirant et Diablo la lâcha, préférant se concentrer sur Bul-Kathos.

« Il faut en finir, Paladin ! cria Bul-Kathos en parant un coup de griffe avec sa plus grande épée.

- Bien d'accord, il ne manque plus que de savoir comment.

- Aucune idée ! Je cogne, je réfléchirai après.

- Comme d'habitude ! » répondis-je.

Le Barbare ricana et chargea Diablo avec toute la force dont il était capable. Le Démon le repéra et dévia son attaque d'un coup de tête, envoyant le Barbare au sol. Le guerrier cria de douleur mais se releva presque immédiatement, prêt à recommencer l'attaque. Je courus vers OeilDuCiel. Rien que de voir l'angle étrange que formaient son bras et son épaule, je me doutais que son membre était brisé.

« Ça aurait pu être pire, » dis-je, me voulant rassurant.

Je ne vis pas si elle souriait étant donné que son casque masquait ses traits mais j'entendis un petit rire, signe que tout n'allait pas si mal que ça.
« Oui. Il va tous nous tuer. Regarde Bul-Kathos ! » dit-elle d'une voix étonnament faible.

Le Barbare avait une moitié de heaume détruite et essayait de se dégager de l'emprise du Seigneur de la Terreur. Il réussit à lui briser une des cornes noires sortant de son bras. De surprise, le Démon le laissa tomber à terre. Comme à chaque fois, le guerrier se remit sur ses pieds presque aussitôt et recommença son attaque. Diablo l'intercepta dans son élan grâce à la force phénoménale de sa queue et l'envoya contre un pilier.

OeilDuCiel et moi nous précipitâmes à sa rencontre pendant que Diablo reprenait ses esprit après avoir été victime d'un sort mineur des Amazones, visant à dérouter pendant quelques minutes un adversaire. Sur un monstre aussi gigantesque que le Seigneur, ce sort ne devait durer que quelques secondes... avec de la chance.

« Vous avez remarqué mes amis, dit Bul-Kathos, son point faible c'est son front. Regardez la pierre qui brille au centre de sa tête. »
Et c'était vrai. La Pierre d'Âme de Diablo, le joyau qui lui permettait de contrôler ses pouvoirs et sa puissance, luisait au centre de son horrible crâne.

« La seule chance qu'on ait de vaincre ce Béhémoth, c'est de lui enfonçer cette pierre jusqu'au cerveau. C'est un bon défi. Que je vais m'empresser de relever.

- Non ! m'écriai-je. C'est bien trop dangereux. Si vous l'attaquez de front, même si vous le touchez, vous vous exposerez à lui et il sera alors impossible de vous sauver. Je vais y aller moi, mon âme est déjà prise par les cieux. Je ne risque rien. »
Le Barbare regarda alternativement OeilDuCiel blessée, puis moi.

« Tu as une Amazone dont il faut t'occuper petit Paladin. Je ne suis pas sûr qu'elle survive longtemps sans toi et je ne suis pas convaincu que ta foi te protège contre un tel monstre. Reste ici mon frère et sois prêt à me venger si mon plan ne marche pas. »

J'attrapai le Barbare par le bras : « Je refuse que vous risquiez votre vie et je ne... »

Ma phrase resta en suspens car Bul-Kathos m'assena un magistral coup de poing qui m'envoya au sol et m'étourdit pendant quelques instants.
« C'était nécessaire. Adieu Paladin de l'Ordre. »

Il poussa deux cris terrifiants puis se rua sur le Seigneur de la Terreur. Le Démon fut tellement surpris de le voir charger qu'il en oublia ses moyens de défense. Bul-Kathos, toujours en criant, prit une impulsion sur ses jambes massives et sauta au niveau de la tête du géant. Le coup qu'il porta au crâne du Démon fut si puissant que son épée resta fichée dans la tête du monstre. Diablo poussa un hurlement déchirant et porta ses mains à la blessure béante, à l'endroit où se trouvait sa Pierre d'Âme quelques instants auparavant. Bul-Kathos retomba au sol, en appui sur un seul genou, l'autre plié sous lui. Il se releva doucement.

« Hé hé. Et c'est tout ce dont tu es capable petit ?

- Bul-Kathos ! Attention ! » criai-je a plein poumons.

Le Barbare, surpris, se retourna et vit que Diablo, les yeux remplis de haine, une main toujours sur sa blessure, dessinait des signes cabalistiques sur le sol. Le bruit de la foudre retentit et deux éclairs éblouissants partirent des griffes du Démon accroupi à terre, pour atteindre Bul-Kathos en pleine tête. Le Barbare s'écroula, raide mort.

« Nooooooon ! »

Empli d'une rage sans nom, je me ruai sur Diablo et de deux coups de Rédempteur je lui enfonçai un peu plus l'épée de Bul-Kathos dans le crâne. Le monstre se releva, recula, tituba, puis s'écroula au centre de l'étoile dessinée au sol. Sa Pierre d'Âme luit légèrement, puis une reproduction de lui-même, blanche, telle un fantôme de Démon, sortit de la pierre, fit plusieurs tours du cadavre en hurlant puis rentra dans le crâne de feu le Seigneur de la Terreur. Ce fût la fin du plus puissant Démon de tous les temps.

Je lâchai mon arme et mon bouclier et me précipitai vers OeilDuCiel. Cette dernière s'était évanouie, sûrement de fatigue après son dernier sort.
Un bruit me fit me retourner. Un bruissement d'ailes. Je vis alors un Archange qui semblait soulever quelquechose, un corps. Je compris alors : il emportait Bul-Kathos vers son ultime demeure. Me remarquant, l'Ange stoppa et me considéra à travers sa capuche baissée. Une voix féminine qui semblait venir de nulle part et de partout, caractéristique de ces créatures divines, s'éleva alors :

« Paladin Kal'zar, je suis l'Archange Louna, au service du puissant Tyrael. Nous emmenons Bul-Kathos au panthéon de ses ancêtres. Il fût un bon roi. Il sera un dieu encore plus puissant et respecté. Nous te remercions pour l'aide et l'amitié que tu lui a prodiguées. Garde ses épées, qu'elles soient les témoins muets de son existence et des grandes choses qu'il a accomplies. Adieu Kal'zar. »

Et l'Ange s'envola vers le toit de la Cathédrale puis disparut dans les ténèbres. OeilDuCiel m'appela alors. Je fonçai à ses cotés.

« Où est Bul-Kathos ? demanda-t-elle, plus inquiète que je ne l'aurais cru pour le Barbare.

- Il a rejoint ses ancêtres, il s'est sacrifié pour nous sauver. Ça va aller, reste tranquille. Je vais invoquer un portail de retour. Tout va aller bien, c'est fini.

- Fini... oui. »

Elle répéta plusieurs fois cette phrase, sous le choc de la terrible bataille entre le Bien et le Mal qui avait eu lieu ici, puis se rendormit.
Nous rentrâmes à la Forteresse de Pandémonium. Halbu et Jamélia, la Sorcière de la forteresse, nous prodiguèrent les soins appropriés puis nous partîmes pour Harrogath, afin d'honorer une dernière fois Bul-Kathos. Élucia nous attendait là-bas. Elle avait tenu parole et avait vaincu Baal en combat singulier. Les trois Démons étaient morts. Le Mal ne règnerait plus jamais sur notre monde. Élucia et moi-même retournâmes dans la Rivière de Feu, afin d'aller briser les deux Pierres d'Âme aux Forges de l'Enfer, tandis qu'OeilDuCiel récupérait ses forces. C'était le seul moyen d'empêcher les Trois de revenir dans notre monde. Pendant ce temps-là, Tyrael s'occupa de détruire la source des Pierres d'Âme, la Pierre Monde.
Aujourd'hui, dix ans ont passés. Je me suis marié avec OeilDuCiel. Nous vivons tous les deux une vie tranquille, loin de tout combat. C'est pour cela que j'ai décidé de consigner ici mon histoire. Pour que ceux qui ont oublié se rappellent.

Allez en paix, et que la puissance du Zakarum vous accompagne jusqu'au bout. Je sens que les ténèbres ne sont jamais loin. Peut-être sont-elles prêtes à revenir. Dans ce cas, nous serions obligés de reprendre les armes, en l'honneur de tous ces héros tombés au combat. D'après l'Oracle, ce jour approche.
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