Fanfiction Diablo II

Retour à la liste des Fanfiction

La flamme de sang

Par Tae-Kwon

Chapitre 1 : Une ombre dans la nuit

Chapitre 2 : Les fléaux du nord

Chapitre 3 : De nouvelles Ténèbres

Chapitre 4 : Ombre et Lumière

Chapitre 5 : La montée du Crépuscule

Chapitre 6 : Le Feu et les Cendres

- Allez Hanya, courage ! Il ne reste plus que trois ou quatre cents mètres et nous sommes arrivés à la porte de Sareys !

- Je... Je suis désolée Lindorim... Je n'en peux plus...

L'Assassine se laissa tomber à terre. Le Druide, revenant en arrière, souleva sa compagne et la transporta délicatement dans ses bras jusqu'à la
Porte.

Sareys... La Ville de la Rivière, cette ville qui, pendant plus de trente ans, avait tenu tête à la Terreur... Elle se dressait là, imposante, avec ses trois tours.

Lindorim frissona. Non pas qu'il eût froid, loin de là, mais il sentait une présence néfaste non loin. Il se retourna et scruta les environs brumeux. Rien ne se montrait à ses yeux. Il haussa les épaules et s'enfonça dans Sareys, Hanya dans les bras. Leurs compagnons les attendaient déja depuis longtemps à la Grande Auberge et une ovation s'éleva lorsque le Druide et l'Assassine entrèrent dans la chaude et accueillante atmosphère. Lindorim se dirigea vers la table où étaient assis le Barbare, l'Amazone et le Paladin, et saisit une bouteille de liqueur odorante. Il en versa un verre à Hanya et s'en servit lui-même avec générosité.

Au-dehors, dans la nuit, une lame luisit, telle une froide étoile.
- Vous voulez encore quelque chose ?

Le vieux Nécromancien Rein Hart, les Paladins Karthal et Sieg, le Barbare Hangilh... Tous leurs compagnons étaient présents... Sauf Bärshal, le
maître de Lindorim.

- Encore deux bouteilles de fortifiant, s'il vous plaît, fit Hanya pendant que Lindorim cherchait son maître des yeux. Ne le voyant pas, le Druide
inquiet demanda à ses compagnons :

- Est-ce que mon maître...

- Ah toi, la barbe, répliqua Sieg en faisant des gestes désespérés à Rein Hart. On t'expliquera demain.

- Mais...

- La ferme toi-même, Sieg ! Donc, voilà, reprit Rein Hart. Lorsque tu as quitté la Grande Route et traversé la Rivière avec Hanya, nous sommes
tombés dans une embuscade de Démons Noirs. Nous les avons repoussés mais il y avait là un Démon terriblement puissant, tel que je n'en ai jamais vu. Il nous a forcé à reculer et ton maître lui a tenu tête pour nous ouvrir le chemin... Il est mort en héros.

- Je sais quelle était cette créature, fit Hangilh. Il y en avait beaucoup dans les Hautes Terres barbares, mais elles avaient toutes subitement disparu lors de la chute de la Terreur. En langue commune, nous les nommons Rash-Irial... Les Fléaux du Nord.

Lindorim ne trouva pas le sommeil cette nuit-là. Il entendait résonner dans sa tête la voix de son maître. "Fie-toi aux esprits et aux voix de la nature". Il se leva, jeta un regard sur sa compagne endormie. "Quand le devoir t'appelle, ne te retourne pas, même sur ceux que tu aimes plus que ton âme". Il empoigna son glaive, le Feu des Etoiles, et sortit de l'auberge.

Il avançait ainsi depuis quelques temps lorsque sa lame se mit à étinceler. Il s'arrêta un instant et se mit à écouter. Rien d'anormal. Pourtant son
glaive devenait de plus en plus lumineux. Perplexe, Lindorim regarda autour de lui. Dans un torrent de lumière, il vit son maître courir vers lui,
puis... plus rien. Un froid glacial, le même que celui qu'il avait ressenti près de la Porte, lui transperça les os. Le Feu des Etoiles s'éteignit brusquement et il s'effondra au sol, inconscient.

Quand il revint à lui, il était entouré d'une horde de Démons Noirs de haute taille. L'un d'eux était plus grand que les autres et tenait une longue
épée noire à la main. Il fit face à Lindorim, qui dût faire un effort surhumain pour ne pas s'évanouir. Ainsi c'était celui-là qui avait un pouvoir de gel
si puissant qu'il pouvait détruire tout être vivant d'un geste. Celui-là aussi qui avait tué son maître. Le Druide se leva. Il ramassa son glaive et s'avança vers le Démon. Seul...
Hanya s'éveilla en sursaut. Le loup de Lindorim gémissait en lui grattant les pieds avec insistance.

- Kaderian ? Qu'est-ce qu'il y a ?

L'Assassine regarda autour d'elle. Son compagnon avait disparu. Sans doute était-il sorti pour prendre l'air... Non, c'était impossible. Kaderian n'avait jamais été aussi nerveux. Il n'était comme cela seulement lorsqu'il sentait un danger aux alentours.

La jeune femme se leva d'un mouvement souple. Elle endossa sa lorica d'écailles et enfila ses bottes légères. Puis, saisissant ses katars au passages, elle courut vers la porte de l'auberge, en enjambant Hangilh et Karthal étendus par terre...

En ouvrant la porte, elle heurta de plein fouet le vieux Nécromancien Rein Hart.

- Hanya ! Que fais-tu donc ici, en armes et pendant que tous se reposent ?

L'Assassine se rembrunit.

- Eh bien justement, pas tous, répliqua-t-elle. Lindorim est sorti à l'improviste cette nuit et j'ai un mauvais pressentiment. D'ailleurs, reprit-elle en jetant un coup d'oeil au Nécromancien, moi aussi je pourrais vous demander ce que vous faites, vous, en armes et sur pied pendant que les autres dorment.

Rein Hart sourit de la réponse de la jeune femme.

- Eh bien, si tu tiens à le savoir, moi aussi j'ai eu un mauvais pressentiment. Et sais-tu que j'ai la faculté de parler aux âmes des morts ?
Hanya regarda le Nécromancien.

- Qu'est-ce que...

- Cela signifie, fit Rein Hart en anticipant la réponse, que je viens d'avoir une petite discussion avec le maître de notre cher Lindorim.

L'Assassine resta interdite.

- Cela, reprit l'autre, cela veut dire aussi que je détiens à présent de très précieuses informations qu'il m'a confiées à l'instant.

La jeune femme retrouva enfin l'usage de la parole.

- Mais, enchaîna-t-elle, pendant ce temps, Lindorim a certainement des ennuis, et...

- Je n'ai pas fini, coupa Rein Hart. Je disais donc : de précieuses informations qui nous seront très utiles. Par exemple, ajouta-t-il en barrant le passage à Hanya qui tentait en vain de le contourner, que le Démon que ton cher Lindorim affronte en ce moment est un des trois Seigneurs Fléaux, qui maîtrise les éléments obscurs. Ses deux frères sont aussi puissants, même plus puissants que lui et le soutiennent, de leurs pensées noires ou de leurs armes.

L'Assassine s'assit dos contre un mur, le visage inexpressif.

- Et c'est pour cela, reprit le Nécromancien, que tous devront lutter avec lui, pour venir à bout des trois Messagers de l'Ombre.

Hanya leva la tête et son regard clair plongea dans les yeux d'un gris d'acier du vieux Rein Hart.

- Oui, tous, continua ce dernier. Même si la tentative d'arrêter la montée des nouvelles ténèbres échoue, nous devons l'aider jusqu'à la mort.

La jeune femme hocha la tête en signe de détermination.

- Que dois-je faire ?

Le vieux Nécromancien, qui courait déja dans la ruelle, s'arrêta.

- Moi, je vais au secours de Lindorim. Quant à toi, réveille les autres et rejoignez-nous aussi vite que vous le pourrez. Kaderian vous guidera. Il saura retrouver son maître.

Il s'enfonça dans les ténèbres.

La lame du Démon siffla dans les airs et frôla le visage de Lindorim, qui se jeta tant bien que mal en arrière. Un froid mordant s'étant emparé de lui pendant le combat, il invoqua une armure de feu pour se réchauffer. Son glaive étincela un court instant, puis sa lumière s'éteignit. Le Démon leva la main. Les flammes qui entouraient Lindorim disparurent et le Druide fut à nouveau saisi par les ténèbres glaciales. A moitié gelé, il trébucha. Je ne dois pas céder, pensa-t-il de toutes ses forces.

Son adversaire chargea, l'épée haute.

Je ne dois pas céder, je ne dois pas céder...

Péniblement, Lindorim se releva. Il brandit le Feu des Etoiles tandis que la lame noire s'élevait au-dessus de lui. Alors que les ombres et la lumière se mêlaient furieusement, il ressentit une douleur insurmontable à l'épaule gauche. Il tomba à genoux. Un ricanement sinistre retentit et une pointe ensanglantée se posa sur sa gorge.
Rein Hart courait en direction des Portes Blanches depuis environ une demi-heure. Les Montagnes, lui avait dit Bärshal. Lindorim se trouvait dans les Montagnes. Mais à quel endroit, précisément ? L'Ombre du vieux Druide ne lui avait donné aucune information à ce sujet. Essoufflé, le Nécromancien fit halte. Comme pour exprimer ses angoisses, une forme obscure se matérialisa derrière lui. Il sursauta brusquement et brandit sa baguette, décochant une série de traits lumineux qui vinrent frapper quelques arbres solitaires. La silhouette esquiva sans peine les Dents d'énergie blanche. Elle rejeta son capuchon en arrière, révélant un visage soucieux.

- Bärshal !

Le vieux Druide se tenait devant Rein Hart.

- Mon pauvre ami, tu es décidément un vrai psychorigide, déclara-t-il. Laisse-moi te donner un conseil : mets la paranoïa de côté et tu te sentiras mieux.

- Tu peux toujours parler, Bärshal, répliqua le Nécromancien. Si à l'époque je n'avais pas dans la tête ce caractère que tu appelles paranoïa, ce colporte baveux de Duriel m'aurait coupé en deux et toi, tu n'aurais pas mieux fini.

- Peut-être... Mais de toute manière, cela revient au même maintenant : je ne suis plus qu'une Ombre.

Rein Hart regarda douloureusement son ami. Ils avaient passé tant d'années ensemble, combattant les trois Grands Démons... A présent, tout était fini, Bärshal avait quitté la vie. Refoulant son émotion, il parvint à articuler :

- Ne parlons plus du passé. Pour l'instant, la seule chose qui compte, c'est sauver le jeune Lindorim. Sais-tu exactement où il se trouve ?

Le vieux Druide ferma les yeux.

- Il est dans les Nécropoles Blanches, de l'autre côté du sommet Oxirdùn.

Rein Hart s'étrangla.

- Le somet Oxirdùn ?!? Je ne pourrai jamais y parvenir même en une heure à dos de golem ! Il serait mort avant que j'y arrive !

- Ce n'est pas un problème, tu sais.

Bärshal traça quelques symboles lumineux en l'air. Sans doute des runes anciennes, pensa Rein Hart.

- Je suis peut-être réduit à l'état d'Ombre, mais je n'ai rien perdu de mes pouvoirs. Regarde donc !

Une forme immense plana un moment au-dessus d'eux, puis se posa majestueusement au sol.

- Un aigle géant ? s'exclama le Nécromancien, interloqué.

Le Druide sourit d'un air énigmatique.

- Je te présente Galrod.

_______________


Lindorim était étendu à terre, sans défense. La lame du Démon le maintenait au sol, répandant un froid paralysant dans ses membres. Sans succès, il tenta de bouger le bras, provoquant le rire sardonique de son adversaire.

- Arrête de remuer, veux-tu ? Moins tu te fatigueras, mieux ça vaudra pour toi.

Le Démon leva son épée. Dans un effort surhumain, Lindorim parvint à rouler sur le côté, évitant de justesse la terrible lame. Des éclats de granit et de glace sifflèrent à ses oreilles tandis qu'il se relevait à grand-peine. Il se mit à courir vers le Feu des Etoiles qui scintillait à quelques mètres de lui, mais avant qu'il ait pu l'atteindre, une vingtaine de Démons Noirs l'encerclèrent.

- Allons, rends-toi gentiment, lança le Seigneur-Fléau. Tu ne fais pas le poids face aux Rash-Irial.

La voix sépulcrale avait résonné dans toute la salle, emplissant le jeune Druide de peur et de haine.

Subitement, l'image de son maître lui passa devant les yeux. Lui avait résisté jusqu'au bout. Et le Démon l'avait tué, froidement.

La colère l'emporta dans son esprit. Il tendit les bras devant lui et une boucle de feu jaillit de ses mains, carbonisant les premières rangées d'ennemis. Les autres, reculant dans le plus grand désordre, abandonnèrent la place, permettant ainsi au Druide de récupérer son glaive. Furieux, le Seigneur Noir chargea son adversaire. Sautant par-dessus le cercle de flammes, il frappa Lindorim d'un mouvement transveral, le blessant au flanc. Le Druide recula en trébuchant, laissant l'occasion au Démon de lui asséner un puissant coup d'épaule qui le projeta contre un mur.

- Je dois reconnaître que tu es très fort, haleta-t-il tandis que son adversaire s'avançait avec un sourire triomphant. Mais ce à quoi tu ne t'étais pas préparé, c'est que je garde toujours une potion de santé sur moi...

Il agita avec insolence une petite fiole remplie d'un liquide rouge, puis la but d'une traite. Ses blessures se refermèrent progressivement et ses yeux étincelèrent d'ironie. Il adressa un geste obscène au Démon.

- Je vais t'envoyer en Enfer, hurla celui-ci hors de lui.

- Et moi, je vais t'envoyer une tarte, riposta Lindorim en projetant un flacon d'huile en direction de son adversaire.

Le Démon reçut la fiole explosive en pleine poitrine et fut soufflé par la déflagration. Il heurta un pilier de plein fouet et glissa lentement au sol.

- Avec ou sans cerise, la tarte ?

Un jet de lumière éblouissant jaillit d'entre deux colonnes et atteignit le Démon au ventre. Son armure vola en éclats sous l'impact et la Lance d'Os le traversa de part en part, détruisant dans le même temps le pilier qui s'effondra sur lui.

- Rein Hart !

Le vieux Nécromancien abaissa sa baguette. Il regarda autour de lui puis éclata de rire.

- Eh bien, je constate que tu te débrouilles très bien sans aide, dit-il en observant les corps calcinés qui jonchaient le sol.

- Comment as-tu fait pour me retrouver aussi vite ?

Le Druide était incrédule.

- Je dois dire que c'est en partie grâce à ton maître, ce cher Bärshal, expliqua Rein Hart en souriant. Son corps terrestre a été détruit, mais son Ombre reste avec nous. Il a donc invoqué un aigle géant, qui est un des plus anciens et des plus puissants Etres de la Nature, et cet aigle m'a conduit jusqu'ici en quelques instants.

Lindorim commençait à comprendre.

- Je te remercie, Rein Hart. Mais à présent, quittons cet horrible lieu. Nos amis doivent nous attendre.

- Oui, dit doucement le Nécromancien. Ils nous attendent.

Tandis que les deux hommes s'éloignaient, une masse brisée et informe étendue au milieu des gravats fit un faible mouvement pour se lever.

- Ivdirial... Wordan... Vengez-moi... Vengez votre frère !..

Ces mots, prononcés dans un râle inaudible, épuisèrent ses dernières forces. Le Démon s'abattit face contre terre, un filet de sang noirâtre coulant le long de son visage.

Grendyal était vaincu.
- Si on les laissait ensemble pendant une bataille, les tourteraux, ils seraient pas terriblement utiles vu leur degré d'activité, ironisa Arvina en observant Hanya et Lindorim assis l'un à côté de l'autre devant leur tente.

- Que veux-tu, c'est la jeunesse, fit Clia d'un ton indulgent. Qu'est-ce qui ne va pas, Hangilh ?

Le Barbare mâchonnait son manche de hache d'un air pensif.

- A vrai dire, je pensais qu'il y aurait un peu plus d'action, répondit-il distraitement. Et j'aimerais savoir pourquoi on campe ici, en dehors de la Citadelle.

Il désigna de la tête les arbres alentours.

- Bonne question Hangilh, ça faisait longtemps, lança Rein Hart qui vint se joindre au groupe. Pourquoi campons-nous ici ? Tout simplement parce que d'après les dires de Bärshal, ici présent (l'Ombre du vieux Druide apparut soudainement, faisant sursauter tout le monde) des types curieux commencent à rôder un peu partout dans Sareys. Et cette nuit ils ont fait brûler la Grande Auberge. Tu conviendras, je pense, que dormir là-bas dans ces conditions est peu pratique... Tiens, Clia, tu pourrais peut- être nous allumer un bon feu, il fait plutôt frais ce matin...

La Magicienne leva machinalement son bâton et un petit tas de fagots apportés par Karthal prit feu. Hangilh, à la vue de la chaude flamme pétillante, se frotta les mains d'un air réjoui.

- Attendez, j'apporte la viande !

Il revint bientôt, les bras chargés de nourriture. Sieg le regarda passer avec des yeux ahuris.

- Mais... Où as-tu trouvé tout ça ? balbutia-t-il, la mâchoire pendante d'étonnement.

- Facile, ricana le Barbare. Cadeau de l'aubergiste. Il m'a laissé piller le salier avant notre "excursion"... C'est ce qu'on appelle hospitalité, mon cher !

_______________


Un coup sourd ébranla la muraille de pierre blanche. Fendrir resserra sa prise sur son épée et regarda sombrement trembler les massives portes de chêne qui contenaient l'ennemi. Allaient-elles encore tenir longtemps ? La réponse ne tarda pas à arriver en même temps qu'une multitude d'éclats de bois. D'une voix semblable à un grondement de tonnerre, le Paladin s'écria :

- Lanciers en formation phalange !

Dans un fracas indescriptible, les portes cloutées d'argent s'abattirent lourdement, laissant le passage à une horde de Démons Noirs. Une pluie de flèches mortelles accueillit les premières lignes, mais les ennemis étaient si nombreux que même la terrible précision des archers aux murs s'avéra presque inutile pour les repousser. Déja quelques défenseurs tombaient.

- Retirez-vous sur les remparts ! Aux étages supérieurs !

Pendant que ses soldats montaient en toute hâte les deux escaliers de la cour centrale, Fendrir barrait le passage aux assaillants. Bientôt, il se retrouva seul acculé contre un mur. Un monstrueux colosse en armure s'avança pesamment dans sa direction et une énorme masse d'acier pulvérisa les dalles de marbre, juste à l'emplacement où le Paladin se trouvait un instant auparavant. Celui-ci, ayant roulé de côté, répliqua en faisant apparaître une vingtaine de marteaux lumineux qui se mirent à tournoyer autour de lui, tuant sur le coup tous ceux qui se trouvaient dans les parages. Le Lestrygon s'effondra, la mâchoire fracassée.

- Seigneur Fendrir ! Ne restez pas là-bas !

Le Paladin leva la tête. Derrière un créneau, Talhar, le commandant des archers, lui faisait signe.

- Montez ! Nous vous couvrons !

Fendrir ne se le fit pas dire deux fois. Se frayant un passage à coups d'épée au milieu des Démons, le serviteur de la Lumière escalada quatre à quatre les marches le séparant du reste de la garnison. Mais alors que les chevaliers de Zakarum acclamaient leur capitaine, une ovation terrible à entendre s'éleva du côté des Fléaux.

Un Démon de haute stature venait de s'avancer. Dans son armure noire ciselée de vermeil, étaient enchâssés trois énormes rubis desquels émanait une puissante aura infernale. Sur son dos flottait une longue cape rouge brodée de runes maléfiques. A ses côtés pendaient deux grandes lames. Lorsqu'il les dégaina telles deux flammes ardentes, un même cri haineux sortit de huit mille gorges et le flot d'assaillants se précipita d'un seul mouvement, à la suite de son chef, contre les terrasses intérieures où étaient massés les quelque cinq cents hommes de l'Ordre Blanc.

S'ensuivit une mêlée confuse où l'on ne distinguait plus les serviteurs de Ténèbres et les combattants de la Lumière. A certains endroits de la bataille, les Paladins de Zakarum affrontaient les Démons du Nord à un contre vingt, perdant leur sang par de multiples blessures, mais luttant jusqu'au bout.

- Retraite ! Retraite ! hurla Fendrir d'une voix qui couvrit le vacarme des combats. Aux salles du Conseil !

Du tranchant de sa lame il abattit un Démon qui s'apprêtait à lui planter une javeline dans le dos.

- A moi ! A moi, chevaliers !

Suivi d'une quinzaine d'hommes il se dirigea en courant vers les portes donnant accès aux Tours du Conseil, mais un Lestrygon tenant un fléau d'armes dans chaque main lui barra le chemin. Deux lanciers tentèrent de l'arrêter mais les lourdes masses les projetèrent en l'air avec une telle violence qu'ils retombèrent vingt mètres plus loin, la poitrine brisée et la bouche en sang.

Avec un cri de rage, Fendrir s'élança vers le Démon. Il arracha une hallebarde des mains d'un soldat horrifié et chargea. Au moment où il vit les deux fléaux tournoyer, il tendit son arme devant lui. Les chaînes du Lestrygon s'enroulèrent autour du long manche et il se retrouva suspendu à trois mètres au-dessus du sol, face au colosse. De ses deux pieds réunis, il lui porta un violent coup au visage, puis se catapultant en l'air, il atterrit juste derrière lui. Il frappa sans se retourner.

- Nous n'avons plus de temps à perdre, murmura-t-il, comme pour lui-même.

_______________


Rein Hart était assis près du feu et fumait tristement. Il ne parvenait pas à effacer de sa mémoire l'instant où deux lames incandescantes s'étaient abattues, dans un déluge de feu, sur son ami.

- Rein Hart ! Tu ne dors pas ?

Karthal vint s'assoir à côté du Nécromancien.

- Et toi donc, fit celui-ci. Tu es encore debout à cette heure, que je sache.

- Je devrais te dire que je sui inquiet, avoua le Paladin. Je sens que la Lumière n'est pas en paix. Un mal profond la trouble.

Rein Hart soupira.

- C'est vrai, admit-il. Depuis la fin des Grands Démons, je ne me suis jamais senti aussi... mal à l'aise.

Tout à coup, une faible lueur dans le lointain retint l'attention des deux hommes. Karthal fronça les sourcils.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Sans doute un signal ou un appel... On dirait qu'il vient d'un des bastions de Sareys... Berenhar, peut-être...

- Excactement.

Surpris, le Nécromancien et le Paladin reculèrent. Un homme (était-ce un homme ?) couvert d'une tunique de mailles d'or sombre se tenait devant eux. Un éclair zébra les ciel lorsqu'il leva son trident et les visages stupéfaits de Hangilh, Sieg, Arvina, Lindorim, Clia et Hanya émergèrent successivement hors des tentes.

Un groupe de Démons surgit d'entre les arbres et encercla le camp en un éclair. Le Rash-Irial au trident ricana et attendit que les huit compagnons soient rassemblés pour leur lancer avec arrogance :

- Vous êtes prêts à vous battre ?

Rein Hart, lorsque ses amis dégainèrent dans un même ferraillement, répondit :

- Nous sommes prêts.
Le Démon s'avançait dans un tourbillon de flammes, laissant sur son passage les corps sans vie des lanciers lui barrant le chemin. Une puissante onde de terreur émanait de lui, et une épouvante sombre s'emparait de ses ennemis.

Derrière lui venaient des légions de Fléaux, par centaines et par centaines, sans rien qui puisse les arrêter. La Terreur sans nom était lâchée, semant une dévastation obscure vomie de l'Enfer.

Les hordes du Nord eurent vite fait de submerger les chevaliers de Zakarum réduits à se battre à un contre cent ; et la perte du bastion de Berenhar était tout simplement inéluctable.

Talhar, sachant bien qu'il n'y aurait qu'une seule issue à ce combat désespéré, harangua une dernière fois la trentaine de compagnons qui lui restait.

- Allons, camarades ! Si nous devons périr en ce jour, ce sera au moins pour l'honneur et la gloire de la Lumière !

Un unique cri victorieux répondit aux paroles du vieux soldat. Tous s'élancèrent d'un bloc contre les lignes infernales, frappant avec furie dans la masse noire et grouillante, éventrant et égorgeant au hasard. Ce fut un vrai carnage. Les vivants combattaient au milieu de leurs morts, les corps tombaient les uns sur les autres. Partout des épées brisées, des membres coupés, des tronçons de lance jonchaient le sol. Une atmosphère écoeurante de sueur et de sang flottait dans l'air.

Le moment vint où il ne resta plus dans les rangs de Zakarum que Talhar dont l'armure fendue était ensanglantée, et un jeune novice au visage coupé d'une large balafre. Le Fléau aux lames de feu, écartant ses troupes, étendit rapidement l'initié raide mort. Il se tourna ensuite vers Talhar qui, malgré son courage et la détermination de son sang guerrier, sentit son coeur s'arrêter.

Il chargea. Le Paladin, murmurant une prière, porta son épée au-devant du Démon. Le choc fut comme un éclair. Talhar tomba, les morceaux de son épée sous lui, la mâchoire dégoulinante de sang. Le Démon s'approcha pour lui porter le coup de grâce.

Alors que les lames brûlantes le perçaient de part en part, Talhar put encore voir par-dessus l'épaule de son adversaire un feu d'alarme flamboyer au sommet de la Tour de Garde.

- Fendrir, songea-t-il. Fendrir... Par Zakarum...

Sa tête retomba.

_______________


Rein Hart se baissa. Le trident de son adversaire passa en sifflant au-dessus de sa tête pour rencontrer l'épée de Karthal, qui dévia le coup foudroyant d'un grand rond de bras. Le Seigneur Noir sauta en arrière, projetant une série d'éclairs en direction des deux hommes ; mais avant qu'un seul aie touché sa cible, un flux d'énergie s'était érigé, arrêtant la foudre à mi-chemin. Rein Hart jeta un coup d'oeil derrière lui.
Apparemment Clia en avait fini avec ses adversaires et ses compagnons ne devraient pas mettre longtemps pour se débarrasser des autres. Sa baguette tendue droit devant lui, il décocha à travers le champ magnétique plusieurs Lances d'Os, lesquelles au lieu de frapper le Démon, ne firent qu'arracher les quelques tentes du campement.

Le Fléau surgit de nulle part et frappa le Nécromancien aux yeux encore agrandis par la surprise. Le choc d'une extrême violence fit faire à ce dernier un vol plané de plusieurs mètres de long qu'un énorme tronc d'arbre stoppa net.

Une sphère bleutée se forma autour de Rein Hart inconscient, ce qui arrêta sa chute mais le suspendit à une bonne distance du sol.

- Enfer ! Que...

Un sort de Télékinésie ! Le Rash-Irial furieux se jeta sur Clia qui lâcha son bâton ; Rein Hart retomba brutalement... dans les bras vigoureux de Hangilh qui s'était précipité juste à temps...

Détachant une petite fiole de sa ceinture, le Barbare se pencha sur le Nécromancien dont les cheveux argentés brillaient faiblement à la lueur de étoiles.

- Rein Hart ! Tu vas bien ?

- Bien sûr que non, intervint Karthal. Je m'occupe de lui. Tu devrais aller aider les autres, parce que pour eux ça va pas bien.

Il pointa son pouce derrière lui. Hangilh se retourna.

Clia était toujours aux prises avec son adversaire qui prenait un plaisir évident à la bombarder de coups. A quelques pas d'eux, Sieg était face contre terre, étendu dans son sang. Mort. Leurs autres compagnons étaient impuissants, étourdis par une décharge magnétique. Cette vue alluma le sang du Barbare.

- Harrogath ! rugit-il en chargeant le Démon.

Bondissant par-dessus le cercle de foudre de son ennemi il frappa celui-ci de l'estoc de sa hache, puis enchaînant d'un coup de tête le jeta par terre. Il leva son arme. Malheureusement, le coup dévia légèrement et le terrible tranchant vint se ficher dans l'herbe humide. Le Seigneur Fléau de manqua pas sa chance ; d'un violent uppercut il fit reculer le Barbare, et une puissante chaîne d'éclairs finit la tâche. Hangilh s'effondra.

- Revenons-en à notre petite magicienne, murmura le Rash-Irial sardonique.

Il lacéra la poitrine de Clia d'un coup de trident et posa son pied sur la gorge nue tachée de sang.

- Adieu, ma belle...

L'arme maléfique s'abattit dans un éclair, mais une lame s'interposa étincelante. Le choc métallique résonna longuement dans la nuit.

Karthal éleva la voix :

- Si tu as seulement une once de courage, je te somme de te battre loyalement. Sinon, je te renverrai brûler en Enfer d'où tu viens.

Le Démon se redressa de toute sa taille.

_______________


Tenir. Tenir. Tenir.

Ce n'était qu'une question de temps.

Tenir. Tenir le plus longtemps possible. Et anéantir un maximum d'ennemis avant la chute certaine de la forteresse.

Fendrir tendit l'oreille. D'après les cris qui résonnaient au pied de la Tour de Garde, les Démons étaient déja parvenus à enfoncer les Portes du Conseil.

Des piétinements retentirent dans l'escalier et quelques archers vinrent rejoindre la quinzaine de troupiers massés au sommet.

- Ils arrivent, cria l'un d'eux essoufflé.

- Eh bien ! Qu'ils viennent, lança Fendrir avec force. Qu'ils viennent seulement, et ils découvriront ce qu'est la Fureur Divine !

Le seul son de sa voix ranima la bravoure dans les coeurs faiblissants ; les soldats acclamèrent leur chef, leurs yeux brillant d'un éclat intense.

Les Démons ne tardèrent pas à venir en vagues interminables. Par l'escalier de pierre, les bataillons de Fléaux Noirs envahissaient les étages supérieurs. Une véritable marée déferlante recouvrit en un rien de temps le sommet de la Tour, renversant, piétinant, précipitant par-dessus les murs les défenseurs qui se battaient jusqu'à la dernière goutte de leur sang.

Fendrir luttait avec une rage que nul ne lui avait jamais vue. Il volait d'un ennemi à l'autre, sa pointe rapide et mortelle n'épargnant aucune de ses victimes, le tranchant souple de sa lame fendant l'air dans un jet continu de liqide noirâtre et nauséabond.

Peu à peu, le Paladin se rapprocha du feu d'alarme allumé par lui et ses compagnons. Plongeant la main dans le brasier il s'empara d'un fagot, puis empoignant une petite bouilloire de combustible la traîna jusque dans l'escalier où il la fit basculer d'un coup de pied. Le brandon ardent vint rejoindre le chaudron ; des hurlements de douleur et d'angoisse fusèrent tandis que les marches de granit s'enflammaient, carbonisant les Démons prisonniers aux étages. Une odeur âcre de chair brûlée s'éleva, ce qui obligea les deux ou trois survivants de l'attaque à se boucher les narines.

Tout à coup l'escalier s'effondra, ensevelissant les restes calcinés des assaillants. Les Fléaux du sommet reculèrent dans le désordre le plus total, paniqués, poussant des cris stridents.
Fendrir haussa les épaules.

Dans la fumée noire s'élevant du vide des étages, une silhouette était encore debout. Malédiction ! Encore le Démon de Feu...

D'un bond, le Messager de l'Ombre se retrouva en face du serviteur de Zakarum. Leurs regards se croisèrent.

Donne-moi l'anneau.

Non.

Donne-le moi.

Arrière.

Tu ne veux pas ?

Non !

Sois raisonnable, chevalier. Tu n'as qu'un geste à faire et ta vie est sauve. Cet anneau à ton doigt...

Non.

Donne-moi cet anneau !

NON !


Le Démon hocha la tête. Il tira ses deux lames. Les minions Fléaux restaient silencieux, en attente.

C'est ton dernier mot ?

Pour toute réponse, Fendrir tira la sienne.

Les épées se rencontrèrent avec violence, faisant jaillir une gerbe d'étincelles. Un court instant, les deux adversaires se défièrent des yeux. Puis ils se jetèrent l'un contre l'autre, s'assénant des coups formidables, parant les attaques avec une rapidité de fauve, leurs armes tournoyant dans une trombe fatale. Une sorte de paroi de métal et de feu semblait les envelopper tandis qu'ils s'affrontaient ; et un manteau de ténèbres passa sur le ciel et les couvrit de son ombre lorsque dans un choc titanesque les lames éclatèrent en fragments.

Les combattants, voyant leurs armes réduites à néant, ne bronchèrent pas : la lutte se pousuivit à mains nues, le Démon explosant à coups de pied le plastron de Fendrir, et ce dernier amenant parallèlement le heaume de son ennemi à l'état de pièces détachées. Pourtant le Paladin faiblissait progressivement, alors que le Rash-Irial était toujours frais et dispos.

Profitant d'un moment d'inattention de son adversaire, il lui broya l'épaule dans un étau brûlant, et le fit tomber à genoux.

Alors, cet anneau ?

Non !


Il resserra sa prise.

Vas-tu te décider ?

Nn... non !

Sale chien !


Le Démon envoya d'un coup de pied Fendrir rouler à terre.

L'anneau !

Tu empestes l'Enfer... Retourne te noyer !


Le chevalier blanc se releva, tout son corps était irradié d'une étrange lumière. Il empoigna son ennemi à bras-le-corps.

Par la Force Céleste...

Il y eut un élair aveuglant. La Tour s'écroula, entraînant la muraille de Berenhar avec elle.

Une main sortit des décombres. Dans cette main, un anneau.

Ivdirial ?

Je l'ai, Maître. J'ai la Flamme de Sang...

Bien... Tu connais ton chemin maintenant. Fais vite. La Porte de l'Enfer t'attend !
Aucun commentaire - [Poster un commentaire]
Il n'y a pas de commentaire. Soyez le premier à commenter cette histoire !

Poster un commentaire

Vous devez vous identifier pour poster un commentaire.
Nombre de visites sur l'accueil depuis la création du site Diablo II : 42.984.148 visites.
© Copyright 1998-2024 JudgeHype SRL. Reproduction totale ou partielle interdite sans l'autorisation de l'auteur. Politique de confidentialité.