Fanfiction Diablo II

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La Grande guerre de Sanctuary

Par SF
Les autres histoires de l'auteur

Chapitre 1 : Exit Mr Hat

Chapitre 2 : Mindfields

Chapitre 3 : Bad Blood

Chapitre 4 : Clubbed to death

Chapitre 5 : Look to your orb for the warning

Chapitre 6 : Du Hast

Chapitre 7 : Wake up

Chapitre 8 : Calm like a bomb

Chapitre 9 : Château

Chapitre 10 : Furious Angel

Chapitre 11 : When the world ends

Préface écrite par Tyrael, Archange de l'ancien monde.

Il y a un certain nombre de choses dans ce monde qui ne changeront jamais. Mais certaines chosent changent. Depuis ces âges si éloignés qu'on ne comptait pas encore le temps, la lumière et les ténèbres se sont combattues avec une rage féroce et une détermination inébranlable qui ne laissait envisager aucun espoir de trêve ou de réconciliation. Lorsque la guerre fut vraiment établie, la haine et la méfiance mutuelle entre les deux camps renforça cette certitude. Il devint de plus peu à peu évident qu'aucun camp ne saurait prendre l'avantage. De violentes batailles secouaient l'Enfer comme le Paradis et pertes et douleur déchiraient les deux armées mais chaque victoire était suivie d'une défaite équivalente, chaque once de terrain gagnée était perdue un peu plus tard, chaque mort vengée comme il se doit. La guerre semblait ne pas devoir avoir de fin et l'ordre comme le chaos craignaient de n'en jamais voir le bout.

Il y eu pourtant un événement singulier qui modifia le cours des choses. Alors que la guerre faisait rage et que les frontières brûlaient du feu vorace des combats acharnés, un plan peuplé de créatures étranges s'infiltra au coeur de la rixe et éloigna l'Enfer du Paradis jusqu'à les disjoindre tout à fait. Il se nommait Sanctuary.

La guerre ouverte fut interrompue et les anges comme les démons songèrent majoritairement à panser leurs blessures, ne laissant que peu de place à cette découverte dans le flot tumultueux de leurs pensées post-guerrières. Je refusais de commettre cette erreur. Descendu parmi eux, je découvrais le peuple des hommes, fiers, forts, courageux mais si facilement corruptibles par les forces démoniaques et comprenais d'un regard qu'il serait l'élément capital qui déciderait de l'issue de la guerre. Ma voie était alors déjà tracée, je devais lui apprendre à lutter contre la manne démoniaque qui lorgnait sur cette proie sans défense d'un air avide. Et je m'y astreignais vaillamment durant moult siècles. Aujourd'hui que la guerre est finie et que l'histoire m'a donnée raison, je me félicite d'avoir suivi mon coeur.

La suite de l'histoire des hommes, des Démons et des Anges fut brillamment transcrite dans les trois grands volumes des Horadrims:

Le Librius Ex Horadrim explore les contes de l'ancien temps, décrit l'Exil Sombre et les premiers événements qui secouèrent le Khanduras.

L'Ex Libris Horadrim raconte l'éveil de la Terreur à Tristram, sa lente convalescence puis son pèlerinage au chevet de ses frères. Il raconte aussi comment une seule terrassa les Trois un par un et les exila dans l'oubli. Il raconte enfin leur renaissance et la funeste arrivée en force du mal sur la terre des hommes.

Quant au Néo Libris Horadrim que vous tenez entre vos mains et dans lequel vous lisez mes modeste lignes, il vous dépeindra la façon prompte et inattendue dont la guerre éternelle cessa soudain.
Je félicite dès à présent les brillants hommes que sont Fréhart et Ginlin et sans qui le fin mot de notre histoire à tous n'aurais sans doute jamais été connu. Je salue mes vieux amis Cain et Tal Rasha qui m'ont permis de laisser une dernière marque dans le monde des hommes avant de l'abandonner à jamais.

Je souhaite enfin au privilégié à qui les secrètes archives des Horadrims ont été ouvertes une lecture plaisante et enrichissante.
Vu du ciel, le Khanduras ressemblait à une immense mer d'effrayants nuages gris ondulant au gré du vent. Ceux-ci étaient opaques et gonflés d'eau et s'épanchaient généreusement sur le paysage délavé. De fortes rafales de vent balayaient les arbres, en arrachant les feuilles qui volaient sur de longues distances avant de s'écraser, alourdies par l'humidité, dans un charnier de leurs congénères pourrissantes. Bombardées par de lourdes gouttes glacées, les herbes folles qui couvraient les collines étaient depuis longtemps couchées sur le sol. La terre, noire et fertile se gonflait peu à peu d'eau et des filets de boue grise coulaient dans les galeries souterraines, se frayant des passages sinueux de pièce en pièce parmi les restes desséchés d'anciens squelettes que la pourriture et les champignons consommaient peu à peu. De fissures en crevasses et d'escaliers en gouffres, l'humidité descendait les étages et s'enfonçait dans les profondeurs de la terre.

Après quatre niveaux de corridors dallés et bordés de murs de pierres grises taillées parfois à demi éboulés, l'architecture se faisait plus inquiétante. Le sol boueux était bordé de murs formés de cailloux mal agencés collés par de la glaise et couverts de mousse et de rouille. La hauteur du plafond pouvant monter à plus de 3 mètres descendait aussi par endroit à moins d'un mètre cinquante et des grilles branlantes barraient de nombreux couloirs. Là encore, on devinait des corps déchiquetés depuis longtemps et enfoncés dans la boue.

A partir du neuvième sous-sol, on arrivait aux cavernes de lave plongées dans un épais brouillard blanchâtre. Ici, la voûte de grès rouge était haute et soutenue par de nombreuses colonnes naturelles. De nombreux bassins de lave bouillonnaient aux détours des galeries, ce qui vaporisait les infiltrations de pluie et maintenait une chaleur moite et une puanteur sulfureuse insupportable pour tout mortel. Ici, les corps se conservaient plus facilement et on pouvait, en observant les nombreuses carcasses qui parsemaient les galeries, deviner qu'il s'agissait de créatures possédées par l'ombre et qu'elles avaient péri d'une mort violente.

Cependant, entre les lacs rougeâtres s'enfonçait encore un escalier noyé dans la brume suffocante. On était désormais bien loin du monde des hommes et au treizième étage sous le sol, le décor devenait vraiment infernal. L'escalier de pierre rouge descendait dans les entrailles de la terre tel un oesophage vers un estomac. Il s'élargissait enfin et les marches de grès faisaient place à des ossements éparses. Un dallage rougeâtre mal agencé recouvrait le sol et des fumeroles brûlantes s'élevaient des fissures entre les dalles. Les murs couverts d'immenses côtes arrachées à d'inimaginables créatures pourrissaient et se détérioraient peu à peu, provoquant çà et là de petits éboulements. Ici, les corps étaient indéniablement démoniaques. Succubes et chevaliers de l'apocalypse desséchés parsemaient le sol rougeoyant. Le décors se poursuivaient ainsi sur quatre étages reliés par d'effrayants escaliers d'ossements.

C'est ici, au plus profond du gouffre, à un endroit fuit par tout homme censé et baigné d'une lueur dont la couleur rappelle vaguement celle du sang humain que s'avançait un étrange équipage. Mené par un vieillard encapuchonné de gris dont l'allure rappelait vaguement celle d'une créature sortie récemment de ces grottes, un groupe tremblant de villageois furetait timidement dans les galeries. Tous portaient des frippes de cuir et de coton et avaient noué un mouchoir grossier sur leur visage. D'abondants filets de sueur leurs mouillaient le visage d'ils essuyaient régulièrement d'un revers de manche. Parfois l'un d'eux s'arrêtait et avalait quelques gorgées à même une gourde qu'il portait à la ceinture. Leurs quintes de toux résonnant à travers les souterrains ne semblaient réveiller nul âme qui vive ou non.
Tendant sa torche au ras du sol, le vieillard examinait avec attention les cadavres de ses grands yeux noirs baignés de larmes qui seuls dépassaient entre sa capuche et le foulard de toile grisâtre couvert de poussière qui filtrait sa respiration.

Soudain, parmi les ailes noires déchirées, les dépouilles couvertes de restes craquelents de peau et les crânes difformes s'effritant au moindre contact, la flamme tremblante de la torche éclaira une chose insolite qui n'avait rien à faire là. Etendu paisiblement sur le dos, un enfant torse nu, vêtu d'un pantalon bleu ciel richement décoré dont la poussière ne parvenait pas à masquer les reflets dorés, semblait dormir. Seule sa poitrine immobile et la pâleur de son visage indiquaient qu'il était mort. Le vieillard s'agenouilla à son côté et fit émerger de sa manche longue une main osseuse et décharnée. Du bout des doigts, il caressa tendrement une large cicatrice au front de l'enfant et prononça d'une voix douce et fatiguée:

- Albrecht, mon garçon. Ta vie fut tristement courte et funeste. Quel bonheur que je te retrouve enfin. Maintenant, toi et moi avons de grandes choses à accomplir.

Les quatre villageois s'étaient placés en cercle autour du corps et semblaient se recueillir silencieusement. Le vieillard goûta un instant, les yeux clos, à la quiétude du moment, au repos de ses jambes et à la satisfaction d'avoir réussi cette quête pénible. Lorsqu'il se leva enfin, les autres déposèrent une couverture à plat sur le sol, soulevèrent la dépouille du jeune Albrecht afin de l'y déposer et enroulèrent le tout pour en faire un paquet facile à transporter à quatre. Le vieillard fouilla ses propres poches et en sortit un parchemin scellé d'un ruban cyan dont il invoqua la magie. Un portail bleuté s'ouvrit près de lui. Les porteurs le franchirent avec le corps suivis de près par le vieil homme et sa torche. Le portail se referma et les profondeurs du Khanduras retrouvèrent leur quiétude habituelle. Malheureusement, la surface ne pouvait en dire autant.
La montagne est immense, solide et robuste. Les âges passent, les races naissent, perdurent et meurent et la montagne reste, tel un repère immuable pour le voyageur immortel. Elle est le roc indestructible et la mémoire du temps.

Cependant, de mémoire de montagne, Arréat n'avait jamais vu ça. Elle qui toujours avait ressemblé au autres monts des terres barbares comme un rat-épic à un autre rat-épic, à peine plus proche que les autres du ciel, elle était désormais complètement défigurée. Vu de haut, on percevait un large cercle nuageux d'un noir parfait, seulement zébré d'éclairs rouges, bleus et jaunes sur une vaste peau blanche ponctuée de citées barbares abandonnées. Sous ce plafond grondant en expansion lente dont la nature maléfique ne faisait aucun doute s'étendait un décor saisissant. Sur des miles et des miles de terre brûlée se déployait l'armée infernale grandissante vomie par les puits infernaux. Le temps d'Harrogath, des anciens et de la Pierre Monde semblait aussi révolu que Flamespike dans le cloître intérieur.

De larges palissades d'ossements, de rocs et de troncs avaient été levées en cercles concentriques et étaient régulièrement coupées d'une lourde herse métallique fortement gardée. Le reste de l'organisation de cette armée ne semblait pas avoir la moindre cohérence. Les nombreuses créatures qui ne cessaient d'aller et venir en grognant avaient dressé à perte de vue des tentes branlantes décorées de crânes et autres ossements arrachés à leurs propriétaires sans leur consentement ainsi que des torches et autres brasiers flamboyants. Des déchus verdâtres extrayaient un étrange minerais de galeries lardant les flancs de la montagne et l'apportaient au pied de grandes cheminées qui crachaient sans relâche une épaisse fumée noire et nauséabonde. Le martèlement perpétuel de forges résonnait à travers la montagne en une cacophonie fatigante. Dans de larges enclos cerclés de lourdes chaînes somnolaient d'inquiétantes créatures au regard mauvais. Des chariots construits à la hâte se dandinaient dans les chemins encaissés, distribuant armes, casques et armures à tous ceux dont la morphologie permettait d'en porter.

Au centre du campement s'élevait le sinistre mont Arréat sur les pentes duquel l'horreur semblait plus dense, le mal plus pur et concentré. Peu à peu, les tentes disparaissaient au profit de tours de défense, de catapultes et de remparts de pierres bardés de lances acérées. Les démons semblaient plus forts et plus nerveux. Ils se lançaient sèchement des cris autoritaires et parfois se battaient sauvagement entre eux.

Enfin, au sommet, un terrible palais de pierre noire et lisse, hérissé de longues épines métalliques et décoré d'ossements démesurés sur chaque ouverture, s'était élevé du sol tel une grande tour fortifiée. Sa base était couverte de cadavres de lapins à défaut de victimes humaines mais le prochain assaut de l'armée des ténèbres sur Sanctuary promettait de palier rapidement à cette faute esthétique.

Le large toit du palais plat et circulaire, bordé de créneaux finement sculptés, ressemblait vaguement à une arène. Cernée par trois petits donjons correspondant aux appartements des Trois, elle abritait de constantes joutes brutales entre démons ou autres sacrifices barbares et sanglants tentant en vain de divertir les démons majeurs en attendant l'avènement de leur armée. Le donjon donnant au sud était celui de Diablo, le plus colérique des Trois. Excédé par l'attente, il apparût au sommet de sa tour et poussa un long hurlement de fureur. Aussitôt, tous les yeux de la montagne furent braqués sur lui, le bruit des forges cessa et des mines émergea une flopée de petits déchus avides d'entendre leurs maître. Au sommet de la tour, les bras largement écartés, le seigneur de la terreur n'était qu'un point rouge sur fond d'orage surnaturel. Cependant, lorsqu'il parla, tous entendirent sa voix:

- Me voilà au sommet de Sanctuary. Je domine ce monde répugnant et que vois-je? Je vois des armes, je vois des montures, je vois des soldats et toutes mes créatures infernales qui copulent anarchiquement pour grossir les rangs de l'Armée des Enfers. Je vois la parfaite alchimie de la haine et de la terreur et cependant une chose manque. Où sont les cadavres? Où sont les cris? Où sont les villageois hurlant sous les coups? Où est l'odeur des flammes, des charniers et de la peur? Oui, mes sujets, où est la destruction qui complètera la trinité infernale? Aujourd'hui, nous lancerons la première vague de combattants. Que le cercle extérieur se mette en branle. Formez une colonne et marchez vers le Sud. Je veux un palais à Tristram. Et que notre pestilence se répande à travers Sanctuary.

A peine eût-il achevé ses mots que le cercle extérieur se vidait en une longue colonne qui s'étala en serpentant vers Sescheron et l'Entseig en direction du Khanduras. Bientôt, les hurlement des démons en marche furent couvert par le martèlement des forges et le nuage de poussière qu les suivait disparût au sud.

"Mes frères, nous voilà enfin réunis. La porte infernale est prète. L'heure de la victoire absolue est arrivée. Que s'ouvre la voie de l'Enfer. Ainsi le mal autrefois défait s'élèvera de sa cendre. Prenant une apparence humaine, il se mêlera à la foule des innocents et enfin la terreur consumera tous les innocents qui peuplent la terre. Une pluie de flammes envahira le ciel, les océans seront rougis par le sang. Partout le mal triomphera de la vertu, la création toute entière tremblera devant l'invincible vague infernale." Méphisto, seigneur de la Haine.
L'Entseig était traversé d'est en ouest par un large fleuve appelé le Billow qui se jetait dans le golfe du Westmach en un large delta. A quelques kilomètres en amont du delta, le fleuve recevait de nombreux affluents venus de la longue chaîne de montagnes des Tamoe qui joignait la Mer Gelée aux Mers Jumelles. Ces quelques kilomètres de fureur fluviale circulaient au creux d'une profonde gorge cisaillant telle une fêlure dans un bouclier de bois un large plateau d'herbes courtes et de de forêts au travers de laquelle il est très difficile de bâtir un pont. Cependant, il existait un lieu surprenant où les deux berges du billow étaient jointes par une très large arche de pierre naturelle. Ce lieu dénommé la Croisée des Chemins était constitué d'une large prairie circulaire bordée d'arbres et barrée par la faille sur une bonne partie de sa largeur. De nombreux chemin y débouchaient tant par le nord que par le sud et d'ordinaire elle était animée d'un important trafic.

Ce jour-là, aucun chariot, aucune monture ni aucun voyageur ne semblait vouloir passer. Un important exode vers le sud avait encombré le passage pendant des jours et maintenant, il ne restait de vestiges de civilisation humaine que quelques murets destinés à réguler le trafic et un campement circulaire de tentes grises autour d'un feu calme.

Un groupe d'une trentaine de nécromanciens aussi pâles que des poupées de l'enfer s'occupait à entretenir leur campement et à s'entraîner au combat. Seuls quelques nuages au sud troublaient le soleil clément de la fin du jour et l'insouciance semblait de mise. Cependant, de temps à autres, leurs regards paisibles se fronçaient brutalement en fixant avec insistance le nord puis se calmait et redevenait aussi normal que peut l'être un regard de nécromancien.

Au sud du campement se dressait une tente étrange décorée de couleurs vives et de dorures. A l'intérieur, un groupe de quatre paladins discutait dans la même ambiance détendue autour d'un étrange jeu de cartes. Un voyageur non averti aurait pu croire qu'ils n'étaient pas en guerre mais fort heureusement, ce genre de créature ne se rencontrait plus sur Sanctuary.

De la paisible quiétude s'éleva soudain le bourdonnement sourd des tambours de guerre démoniaques.

Les nécromanciens se saisirent de leurs baguettes et des têtes d'ennemis dans lesquelles ils parvenaient par un sortilège étrange à tirer de la force pour leur magie putride. Les chaises étaient couchées au sol et les cartes pèle mêle sur la table dans la tente d'où sortirent quatre hommes couverts de métal. Un veilleur perché dans un arbre hurla:

- C'est une colonne. Ils sont environ cinq millier. Ils seront ici dans quelques minutes.

Après un instant de silence, il ajouta:

- Je vois des chefs mais aucun démon majeur ou secondaire.

Le nécromancien arborant la cuirasse la plus décorée déclara:

- Bon, on va les repousser. Mettez vous en ligne et préparez vos golems.

Un paladin protesta:

- Attendez, nous sommes une petite trentaine contre cinq mille. Ca fait bien cent cinquante ennemis chacun. On ne peut pas lutter. Allons prévenir la défense, il nous faut des renforts.

- Cessez de pleurnicher et activez votre aura. Nous autres nécromanciens nous entraînons à nous battre ensemble depuis des semaines alors contentez vous de rester derrière et de maintenir votre aura et apprenez que l'esprit est plus fort que la matière.

- Ils approchent. Vous les verrez dans une petite minute !

- Préparez vos golems ! ! !

Le fracas des arbres se faisait maintenant assourdissant.

- Les voilà !

Soudain, la tête de la colonne apparût sur un sentier au nord. Elle était environ trois fois trop large. L'avant était constitué de robustes créatures quadripodes au front couvert d'une large protubérance osseuse qui leur permettait de défoncer les obstacles. Arbre après arbre, elles ouvraient la voie au reste de la troupe. Au sommet de ces montures, des seigneurs venins hurlaient afin de prévenir leurs supérieurs de la découverte d'hommes en travers du chemin. Ils furent les premiers fauchés par les esprits d'os. Leurs montures, désormais hors de contrôle et maudites par des dames de fer tentèrent de charger les golems de feu qui les encerclaient. Malheureusement pour elles, ceux-ci portaient une aura d'épine. Vaincus par leur propre force, ils s'effondrèrent dès les premiers pas. C'est alors qu'une véritable marée de créatures infernales furieuses et hurlantes déferla sur la plaine, escaladant les immenses cadavres encore chauds.
Le paladin qui s'était plaint commença à trembler de tous ses membres. Déjà les nécromanciens tendaient leurs baguettes vers la charge.

Une violente série d'explosions morbides secoua la plaine et souffla les montres à plusieurs mètres au dessus du combat. L'instant d'après, il pleuvait des corps sur des dizaines de mètres à la ronde. Rendus furieux par cette déconvenue, les démons chargèrent d'autant plus férocement mais déjà, une lourde armée de ressuscités renforcée aux auras de fanatisme, de concentration et de puissance en plus de l'épine se levait pour contrer des démons affaiblis par les malédictions.

Une obscure mêlée s'engagea que les démons tentèrent aussitôt de contourner pour fondre sur les nécromanciens. Malheureusement, le campement était entouré d'armes d'Harogath envoûtées par la sororité de l'oeil aveugle. Des golems de fer d'une puissance abominable s'élevèrent du sol et ajoutèrent à des endroit stratégiques la matière première d'où la nécromancie puise sa force: des cadavres. La lutte reprit de plus belle.

Vue d'au dessus, l'aspect était assez clair. Une marée de monstres venue du nord déferlait dans le combat opposant des golems et des ressuscités (noirs) aux créatures démoniaques. Au niveau du sol, les lueurs flamboyantes des auras, les esprits d'os voguant en tous sens et les tirs magiques des sorciers infernaux faussaient tout. Il fallait une très grande concentration pour discerner les ennemis des alliés et le combat approchait peu à peu des hommes. Cependant, à raison de vingt-cinq ressuscités par nécromancien en moyenne, cela faisait un potentiel de sept cent cinquante invocations renouvelables au fur et à mesure du combat.

Après près de quarante minutes de lutte, le combat se calma un peu et il ne resta de l'armée démoniaque qu'une poignée de créatures fuyant le combat sans vraiment oser retourner avouer cet échec à leurs maîtres. La croisée des chemins avait tenu bon. Le chef des nécromanciens semblait satisfait:

- Avec tous ces cadavres sur le sol, on devrait pouvoir repousser une armée plus importante la prochaine fois.

Ce à quoi un paladin répondit d'un air choqué:

- On va vraiment camper près de ce charnier ?
Une violente tempête labourait les terres sombres du Westmarch de vents glacés et rapides et d'une pluie salée venue du Grand Océan. Sur la lande encaissée battue par les rafales, les herbes hautes se couchaient dans la tourbe et les arbustes rabougris et bardés d'épines se serraient les uns contre les autres pour résister tant bien que mal aux éléments déchaînés. Des petites fermes de pierres et de chaume disséminées dans la campagne s'élevait la voix commune des bêlements, des meuglements et des aboiements terrifiés. Régulièrement, un large éclair déchirait le ciel, révélant dans un sursaut de lumière le décors délavé, lézardé de routes impraticables que l'eau creusait en une homogène vomissure de boue noire et collante. L'instant d'après, la secousse du tonnerre se répandait dans la tempête, faisant violement trembler le sol et fauchant la pluie tourbillonnante que l'obscurité venait d'engloutir à nouveau. Appelons ça un vrai temps de chien ou un temps à ne pas mettre un chien dehors, selon votre sentiment sur les canidés.

Malgré l'inhospitalité du pays, un voyageur avait pourtant décidé de prendre la route, et ce d'une bien étrange façon. Vêtu d'une cape qui le protégeait tant bien que mal de la nature hostile, il se déplaçait rapidement par téléportations successives en prenant soin de viser systématiquement un de ces gros rocher gris et nus qui dépassent régulièrement de la lande. Son parcours, vers le nord-ouest, semblait suivre un large chemin qui se découpait en une bande ténébreuse dans le paysage verdâtre. Plus rapide que le vent, il se faufilait de bute en bute dans des tourbillons de mana bleutés.

Il arriva enfin près d'un petit village faufilé dans l'accotement encaissé d'une colline rocheuse. Des habitations de pierres trapues et serrées couvertes de chaume se terraient derrière un muret percé de gouttières engorgées. Par les quelques interstices mal calfeutrés perçait une faible lumière tremblante. Le voyageur apparût devant la porte de la plus vaste masure et frappa lourdement à la porte.

Après des coups répétés, une femme entre deux ages vêtue à la paysanne vint enfin lui ouvrir. Surprise, elle recula face à une brusque bourrasque et la large silhouette ruisselante issue des ténèbres extérieures. Le voyageur entra, ferma difficilement la porte de ses deux bras robustes et reposa le linteau. Il portait trois lourdes capes qu'il s'empressa de retirer et son visage souriant émergea enfin des vêtements trempés. Il portait une armure ouvragée qui brillait d'étranges reflets à la lueur de la cheminée.

- Bien le bonjour, madame. Je cherche le sage Dal Khouet de Griim.

- Dal Khouet est ici, noble voyageur mais il ne pourra pas vous recevoir. Il est au plus mal.
Déjà, les capes pendaient à la chaleur du foyer.

- Je sais quel mal le ronge. Le prédicateur ressent la venue des ténèbres sur Sanctuary. Je suis Tal Rasha. Annoncez-moi à lui, il est impératif que je lui parle.

La femme intima d'un ton autoritaire à l'Horadrim de l'attendre dans la pièce principale et elle disparut dans une chambre reculée. Le vent sifflait d'une force à vous glacer le sang. Tal Rasha s'approcha de la cheminée pour se réchauffer. Un plat à base de pommes de terre et de carottes bouillonnait doucement dans une marmite. Lorsqu'il releva les yeux, la femme se tenait près de lui.

- Vous avez de la chance, il ne dort pas. Il demande à vous voir. Suivez-moi.

Un couloir remontant légèrement s'enfonçait à flanc de colline et plus loin, les chambres étaient taillées à même le roc. Un vieillard était installé sur une lit traditionnel, adossé au mur proche. Dans le Westmarch, le bois est trop rare pour être gaspillé dans la literie. On y trouve par contre de la laine et du cuir à foison pour confectionner d'épais matelas et de chaudes couvertures. La flamme tremblante d'une bougie éclairait faiblement la pièce et Tal Rasha pu constater que le vieil homme était aveugle. La femme désigna un étrange ballot bourré de laine et finement recousu sur lequel le mage s'assit.

- Ne l'épuisez pas.

Elle disparût dans l'ombre afin de ne pas gêner les deux hommes mais l'Horadrim devinait qu'elle épiait ses moindre faits et gestes.

- Tal Rasha, mon vieil ami. Est-ce bien toi ? On m'a dit que tu étais revenu des enfers mais je n'osais pas y croire.

- C'est bien moi, mon très cher frère d'armes. Et dans tout ces troubles récents, je crois bien être le seul qui s'en sorte bien. Mais dis moi, comment as-tu reçu la nouvelle ?

- Une femme et une fille sont passées ici. Des sorcières. Les gens d'ici n'aiment pas bien toutes ces choses magiques. Ils ne les comprennent pas. Nous sommes bien loin des noeuds d'énergie magique du Kejhistan, par ici. Les paysans les craignaient et ne leurs parlaient qu'à contrecoeur. Je les ai rencontrées. Des filles bien étranges et de puissantes ensorceleuses. Elles m'ont raconté ce qui s'est passé dans le nord et dans l'est. Tous ces troubles, je les ressent en moi. Ton retour est une bonne chose.

- Que voulaient-elles ?

- Elles sillonnent Santuary. Une sorte de pèlerinage. Elles disent avoir trouvé un mage, ici dans le Westmarch. Un type qui ne maîtrise que des sorts de foire. Tu sais, ces choses qui épataient les filles à l'académie Horadrim. Allumer une bougie, pousser une porte. Mais ce type avait un talent inattendu. Il créait une flamme, la faisait voleter dans l'assemblée et la ramenait à lui.

- Tiens, quel sort étrange. Comment peut-on meller deux écoles de magie ainsi ?

- C'est là qu'est la partie intéressante. Ce type arrivait à combiner des sorts ensemble. Il appliquait de la télékinésie sur un simple enflamement. La grande n'a jamais réussi à faire ce tour mais la petite l'a bien intégré et s'est entraînée à l'appliquer à d'autres combinaisons. Elle dit qu'elle a fait suivre une trajectoire courbe à un orbe de froid. Elle dit aussi savoir mêler un choc thermique à un choc empoisonnée et pense qu'en le travaillant, elle pourra même y ajouter une nova.

- Un choc empoisonné ? Mais les Zann Esu ne pratiquent que la magie élémentaire...

- La petite n'est pas une Zann Esu. Elle maîtrise des tactiques de combat issues de tout Sanctuary. Je pense qu'elle finira chef de guerre un jour.

- Je doute qu'elle en ait le temp. Une colonne menée par les trois démons secondaires a franchi nos lignes de défense du côté du Scosglen et descend vers le Kehjistan.

- Vous voulez dire quatre, non ?

- Non, trois. Adariel est momentanément indisponible.

- Ah oui, c'est vrai. Excusez-moi pour l'interruption. Poursuivez.

- Je pense que les démons vont tenter d'établir des avant postes à Travincal, Lut Gholein et Tristram. Les Trois aiment à rappeler que les lieux de leurs anciennes défaites finissent toujours par devenir les lieux de leurs victoires. Toujours est-il que le conseil de défense de Sanctuary à reconnu que nous ne possédions aucune force capable de les ralentir et a ordonné une retraite de tous les habitants de Sanctuary sur les îles amazones. En d'autres termes, on vide un immense continent dans trois îles.

- Aucune force ? Mais l'ensorceleuse qui a détruit deux pierres d'âme sait tuer les démons secondaires. Pourquoi ne les ralentit pas ?

- Vous parlez de Flash ? L'ennui, c'est que vous êtes le dernier à l'avoir rencontrée. Elle et sa fille Arwena sont introuvables depuis leur départ de Sescheron.

- Ah, c'était elle ? Elle ne m'en a rien dit. C'est étrange, la petite me semblait pourtant plus puissante qu'elle.

- Si nous en avons fini avec les potins, je propose que nous en venions à la raison de ma visite.
- Je vous en prie.

- Vous avez envoyé un messager à Duncraig faisant état d'une étrange vision que vous souhaitiez communiquer au conseil. Je suis là pour vous écouter à ce sujet.

- Oh oui, je ni pensais plus. Il se passe tant de choses dans ce bas monde depuis quelques temps que j'en oublie l'essentiel.

Tal Rasha l'engagea d'un mouvement de tête à passer tout de suite à son récit, ce qu'il fit de bonnes grâces.

- C'était une nuit, quelques jours avant que les deux filles ne débarquent par ici. J'ai vu les Trois. Ils étaient tels que nous les avons trouvés lorsque nous les combattions ensemble dans les temps reculés mais leurs auras semblaient plus sombres, adroitement entremêlées et se renforçant les unes les autres. Et au milieu de ces trois créatures, il y avait un ange terrible, tel que nous n'en avons encore jamais vu. Il était petit, à leurs pieds et ses ailes étaient nimbées de flammes. Un feu intérieur semblait le consumer ardemment et son regard semblait empli de rage. Je ne saurais dire si les Trois réunis me causaient plus d'effroi que cette créature seule mais en tout cas, rien dans cette vision ne me semblait réconfortant et cet Ange Furieux m'avait bien l'air résolu à semer la mort à travers tout Sanctuary.

- Un Ange Furieux, vous dites ? Vous pensez que nous allons avoir un deuxième Izual sur les bras ?

- Je ne saurais le dire, mon ami, mais je le crains.
Un soleil de plomb martelait de ses rayons la vaste forêt de l'île de Philios, lui arrachant par vagues ondulantes d'étranges reflets émeraudes au grés capricieux de la brise douce et tiède. Au coeur de la sylve, tapie dans les branches nues d'un vieux Kayowa géant, la citée de Léyos, capitale des îles amazones resplendissait de son architecture inimitable d'inspiration florale. Alors que les bas quartiers disparaissaient dans les ténèbres inquiétantes du sous-bois, le sommet de la ville, baigné de lumière, était couvert des temples dédiés aux nombreux membres du panthéon des dieux amazones. Le plus grand d'entre eux, édifié autour plus haute branche, était celui d'Athulua, déesse des saisons que les amazones vénèrent avec une ferveur sans égale. Constitué d'un plateau circulaire couvert d'un hémisphère de boulot et d'ébène, il était bordé d'une large passerelle de chêne pourvue d'une rambarde finement ciselée. La porte, large et ronde, était intégralement sculptée de motifs religieux et quatre lancières à l'air redoutable, montaient la garde.

Dépourvu de fenêtres, le temple était plongé dans une pénombre et un silence favorables au recueillement.

Devant l'autel, un petit groupe de personnes s'affairait près de deux corps inertes. Debout au centre de l'assemblée se tenait Decard Cain, vêtu de son éternelle cape grise, une dague finement ciselée à la main. A ses pieds gisait les corps sans vie d'un déchu et du prince Albrecht, fils de Léoric et ancien ôte de la Terreur. D'un coup rapide de dague, l'Horadrim fit couler le sang du démon et en humecta les lèvres violacées du jeune prince, après quoi il sortit un parchemin de sa cape et entrepris de lire le sort qui y était inscrite.

Au bout de quelques instants, l'incantation prit fin et le silence retomba dans le temple. Une horrible odeur de sang démoniaque envahissait la pièce et il fut décidé de faire sortir le corps du déchu. L'attente commença.

Peu à peu, une douce chaleur se répandit dans le corps d'Albrecht et une faible lueur surnaturelle rougeâtre à ses côtés. Peu à peu, elle s'étira pour enfin prendre une forme de portail. L'archange Tyrael en émergea vivement, suivi d'un groupe de 5 anges couverts d'une armure solide et brillante et de resplendissantes épées de cristal. Après un bref salut poli, l'archange réclama le récit des dernier événements sur Sanctuary et Cain, habitué à parler longuement, s'en chargea de bonne grâce. A peine avait-il fini qu'un événement imprévu se produisit. La lourde porte s'ouvrit dans un violent bruit de choc.

Tous les membres de l'assemblée posèrent leur regard sur l'origine de cette interruption et tous furent dans un premier temps aveuglés par la forte lumière à l'extérieur. Ensuite, leurs yeux commencèrent à s'habituer à cet affront étincelant et à distinguer les deux silhouettes qui se dressaient sur le seuil, toutes deux féminines, l'une grande et l'autre petite. Flash l'ensorceleuse s'avança d'un pas ferme dans le temple en saluant d'un air espiègle:

- Bien le bonjour, messieurs. Est-ce juste une illusion ou vois-je bien les deux hommes de ma vie réunis dans ce temple ?

Visiblement réjoui par cette rencontre, Tyrael répondit joyeusement:

- Je ne suis pas un homme. Comment allez-vous, jeune femme ?

- Ma foi, fort bien. Les quelques événements auxquels j'ai assisté ces derniers jours m'ont redonné confiance quant à l'issue de cette guerre.

- Vous m'en voyez ravi. J'imagine que vous êtes passée ici réclamer l'aide que je vous ai promise lors de notre dernière rencontre. Je n'ai malheureusement que cinq guerriers du paradis à vous offrir.

- Gardez vos anges pour votre guerre, mon ami. J'ai en tête une bien meilleure façon dont vous pourriez aider le peuple des hommes.

- Je vous écoute.

- Souvenez-vous, lorsque j'ai quitté le paradis, vous avez augmenté ma puissance de façon drastique.

- J'ai simplement libéré les forces qui sommeillaient en vous. Aucun humain ne sait utiliser toute sa puissance sauf vous, maintenant. Je ne peux donc rien de plus pour vous sur ce plan là.
Flash tendit alors la main vers sa fille adossée au chambranle de la porte du temple:

- Ca n'est pas pour moi, c'est pour elle.

- Oh, vous avez formé une Zann Esu ? Elle est très jeune...

- Arwena est bien plus qu'une Zann Esu. Si un humain doit repousser les Trois ce sera elle.
- Soit. Puisque tel est votre voeu, je vais le réaliser.

Flash se tourna alors vers Decard Cain et l'arracha de la contemplation de la jeune fille:

- Il y a une deuxième raison qui m'a conduit jusqu'à Philios. Tu as quelque chose dont j'ai besoin pour vaincre.

- Demandez-moi ce que vous voulez, je vous le donnerai.

- Je veux la pierre d'âme de Baal, celle qui contient l'âme d'Andariel. Elle seule peut refermer les puits des enfers.
Les docs de Kingsport, le grand port de Duncraig au sud du Westmarch, étaient en pleine effervescence. Depuis quelques semaines, de nombreux pontons s'étaient dressés sur la côte et des bateaux chargeaient sans cesse les fuyards en direction des îles amazones. Les rues de la ville bondées d'une foule hétéroclite pendant des jours et des jours s'étaient vidées peu à peu et même le port semblait se désengorger à toute vitesse.

Soudain, au travers des cris des bateliers, des bruits de vagues, des grincements de coque et autres sons portuaires, un vague martèlement retentit. Aussitôt, la vie sur le port se figea, le silence se fit et les hommes s'arrêtèrent un instant pour écouter le chant sourd des tambours de guerre démoniaques, essayant en vain de croire qu'ils se trompaient, que ça n'était pas ça. L'instant d'après, le chargement avait repris, plus vite que jamais et l'un après l'autre, les bateaux, chargés à la limite de la ligne de flottaison, larguaient les amarres et s'élançaient vers le sud.
Lorsqu'ils atteignirent le haut des collines, les démons s'arrêtèrent pour observer cette immensité aquatique qu'ils ne connaissaient pas. D'étranges boites chargées d'hommes et surmontées d'une étrange bannière unie semblaient glisser sur une large étendue d'eau rappelant les dangereux lacs de lave de l'enfer. Ce premier contact avec la mer n'était guerre rassurant et avant qu'ils ne se décide à poursuivre leur avancée, les démons recouvraient déjà l'horizon sur toute la largeur de la ville. Azmodan apparût alors au dessus de la multitude infernale et, voyant les derniers hommes embarquer, il commanda à ses troupes de charger.

Le spectacle qui suivit resta à jamais gravé dans la mémoire des derniers hommes à quitter Sanctuary. Une foule hurlante de démons déchaînés dévala au pas de course les collines de Kingsport tel le caramel coulant sur un flan fraîchement démoulé. Le flot de créatures s'écoula ensuite dans les nombreuses rues de la ville et descendit vers le port dont s'éloignait déjà le dernier bateau.

Debout à l'extrémité du plus long ponton, Flash et Arwena contemplaient la fureur de cette charge dévastatrice, goûtant au vif plaisir de sentir une force imposante près de soi. Flash se pencha alors sur sa fille et lui murmura:

- Voici le moment de faire tes preuves, ma fille. Offre leur une riposte que l'enfer n'oubliera jamais.

- Je ferai comme vous me l'avez appris, mère. Mort aux démons et aux créatures de l'enfer.

Les démons débouchaient sur le port et leurs cris étaient plus proches que jamais.

- Libère ta force ma fille, sent le mana monter en toi, déchaîne-le sur tes ennemis.

Les premiers s'avançaient sur le ponton des deux filles. Arwena concentra son énergie dans une terrible combinaison de l'orbe de froid et de la boule de feu et la lâcha sur ses ennemis. Un énorme grêlon tourbillonnant et nimbé de flammes s'élança vers les hangars à provisions, projetant autour de lui de violents traits de glace et de feu qui lacéraient les monstres et repoussaient brutalement l'avant-garde. La sphère magique s'arrêta juste avant les premiers bâtiments et explosa très largement, creusant une vaste trouée dans le torrent démoniaque.

Aussitôt après, de nouvelles créatures chargeaient en hurlant, piétinant les corps broyés de leurs camarades.

- Tu peux faire mieux que ça, Arwena. Concentre-toi.

La fillette tenta alors de lancer rapidement des orbes de froid de la main droite et des boules de feu de la gauche. Le port fut violement secoué par la violence de l'attaque et de nombreux démons périrent à nouveau. Flash posa sa main sur l'épaule de sa fille:

- Ce n'est pas encore suffisant. Trouve mieux si tu veux avoir la moindre chance contre les Trois.

- Mais je fais de mon mieux.

Un sort de poly-explosion morbide provoqua une terrible détonation près des hangars.

- Bas-toi mieux que ça, ma fille. Tu n'es pas concentrée. Tu dois apprendre à te déchaîner, sinon, lorsque tu rencontrera les Trois, tu mourras.

- Je ne sais pas quoi faire...

La fillette perdait un peu les pédales et sentait la situation lui échapper.

- Tue-moi tous ces démons. Je ne veux pas qu'un seul s'échappe.

- Mais ils sont des milliers, j'ai peur.

Des larmes coulaient sur les joues roses d'Arwena. Elle ferma doucement les yeux et se laissa envahir par les percussions sourdes des tambours de guerre et les rugissements déchaînés des démons.

- Je me moque du nombre, je veux que tu te battes. Tu es le champion des hommes. Si tu flanches, c'est toute l'humanité qui s'écroule.

Soudain, Arwena poussa un terrible hurlement:

- JE NE PEUUUUX PAAAAAAAAAAAAASSSSSSSSSSSSSSSSSSSS!!!

Un Mur de feu de plus de cinq mètres de haut s'éleva sur les docs, se prolongeant à perte de vue de chaque côté. Le bruit des tambours cessa subitement. Surprise par cette puissance, Arwena fit un pas en arrière puis, prenant appuis sur ce pied, elle projeta son corps en avant et des deux mains, lança une attaque téléquinétique de haut niveau sur le mur. Celui-ci s'ébranla aussitôt, traversa toute la ville, brûlant tout sur son passage et entreprit de remonter la colline, laissant derrière lui un paysage fumant et dévasté. Au fur et à mesure de son avancement, le hurlement commun des démons diminua progressivement jusqu'à s'éteindre totalement alors que le mur disparaissait derrière les reliefs. Arwena le contemplait d'un air surpris et émerveillé sous la douce férule de sa mère satisfaite, jusqu'à ce qu'elle aperçoive Azmodan sauter par dessus pour l'éviter. Le visage de la fillette passa immédiatement d'une expression de joie simple à la pire grimace de colère. Flash eût à peine le temps de voir le tourbillon de mana qui accompagne la téléportation que le démon secondaire ressemblait déjà aux nuages rouges des soirs de fin d'été. Flash souriait:

- Un continent à raser? Hmmm... Je me demande si ça lui suffira comme terrain de jeu...
Après la bataille de Kingsport, les hommes se retranchèrent quelques années sur les îles amazones afin d'y créer une puissante armée qui saurait reconquérir le continent. Bien que des hectares de forêt furent rasés et remplacés par des champs, les trois îles ne pouvaient nourrir une telle population. Ce fut une terrible période de famines et de maladies. Les camps d'entraînement qui s'étaient formés un peu partout dans la jungle recevaient en priorité la nourriture et nombre de ceux qui ne s'enrôlaient pas devenaient hors la loi afin d'échapper aux taxes et à la famine. Les convois de nourriture bien qu'escortés par moult soldats entraînés se faisaient attaquer par des groupes de bandits squelettiques. Les désertions et les exécutions publiques devinrent monnaie courante. Certains anciens parlent même voies forestières bordées de bandits pendus aux arbres sur des kilomètres. Exécutions après exécutions, les bourreaux commencèrent à faire preuve d'imagination dans l'art de provoquer une mort lent et douloureuse. Le climat de peur, de douleur et d'injustice rendaient les trois îles infernales. Même les villes cessèrent d'être sûres.

Afin d'endiguer la diminution rapide de la population, des lois sur la prostitution furent votées et des maisons de passe s'ouvrirent à travers tout le pays. Les familles vendaient leurs filles sans remords aux matrones pour des bouchées de pain et une nouvelle vague d'horreur balaya l'humanité lorsque certains, trouvant ce commerce rentable, se mirent à tuer les bébés mâles et à les jeter aux ordures sans la moindre pitié.

Il ne fit alors plus aucun doute que dès qu'un des Trois poserait le pied sur une de ces îles, elle serait perdue à jamais. Un débarquement simultané des démons majeurs sur les trois îles marquerait la fin de l'humanité. Dans ces années noires d'abomination, la science navale se développa très rapidement et les hommes apprirent petit à petit l'art de couler efficacement les vaisseaux ennemis.

Ne voyant aucune réaction de l'ennemi, les hommes commencèrent à approcher des côtes et établirent même des postes avancés près des anciens ports du continent. Enfin, quelques délégations d'étude débarquèrent en territoire ennemi. Elles y trouvèrent des groupes de démons faibles et peu organisés qui furent facilement mis en déroute. On vida alors les casernes et entrepris de recoloniser la grande terre des hommes. Les démons s'étaient répandus sur tout le continent mais semblaient avoir perdu leurs maîtres. Les armées humaines les combattirent aisément et il devint enfin possible de vider les trois îles afin de reconstruire villes et villages à travers tout sanctuary.

Sur le mont Arréat, les puits infernaux étaient clos et il ne restait que des ruines. La guerre était terminée.

Faute d'informations supplémentaires sur la fin de la guerre, le récit de Decard Cain, érudit des Horadrims s'arrête ici et durant de longs mois, nul n'en découvrit d'avantage. C'est alors que commença le prodigieux travail de Fréhart et Ginlin qui, grâce à leurs prodigieux talents d'investigation, parvinrent à compléter cette histoire.

Ginlin était un druide sauvage et aguerri. Peu sociable, il appréciait de courir dans la forêt la nuit sous sa forme de loup et de hurler à la lune. Il consacra tout d'abord ses efforts sur Travincal et, en interrogeant les animaux survivants, apprit qu'une grande forteresse s'était bâtie sur les ruines du Temple de la Lumière dirigée par un grand démon secondaire nommé Duriel. Par un doux matin de désolation, une entité furieuse avait violemment attaqué le fort, plongeant les démons dans une terrible confusion. En quelques heures à peine, les casernes, les remparts, les forges et jusqu'au donjon même avaient été pulvérisées, les douves comblées et Duriel vaporisé. Lorsque le gros des troupes eût disparut, l'entité était repartie aussi mystérieusement qu'elle était arrivée.

Fréart était un nécromancien de haut niveau dont la technique consistait à ressusciter les démons morts afin de les interroger. Il effectua ses premières recherches à Lut Goleim et obtint une histoire similaire. Le démon secondaire en charge dans la forteresse de l'Aranoch se nommait Belial et son sort ne fut pas meilleur que celui de son frère.

Forts de leurs réussites, ils décidèrent d'unir leurs efforts afin de résoudre le mystère de Tristram. Le petit village champêtre cerné par la forêt n'était plus qu'un large cratère au sol couvert de pierre brûlée. Malgré tous leurs efforts conjoints, ils ne purent trouver de témoin de la bataille qui se déroula certainement dans ce lieu. Ils supposèrent qu'il y avait eu là une forteresse dirigée par Azmodan et que Flash ait poussé sa fille à lui faire payer la libération des Trois.

Enfin, ils s'attaquèrent au mont Arréat découvrirent avec stupeur comment la guerre s'était achevée. Vous trouverez leur récit dans les chapitres suivants.
Après avoir détruit les trois forteresses infernales de Sanctuary et renvoyé les démons secondaires dans les abîmes de lave, Flash et Arwena se dirigèrent vers le mont Arréat et la tour noire qu'il portait afin d'y mener le combat final. Elles arrivèrent en début de soirée alors que les rayons du couchant se glissaient sous le nuage sombre et terrifiant qui se répandait sur les terres barbares. Les versants calcinés de la montagne bavaient par tous leurs orifices de la lave fumante et bouillonnante qui éclairaient les parois du beffroi d'une lueur sanglante. La base du bâtiment s'enfonçait dans un amas hétéroclite de dépouilles plus ou moins déchiquetées, puant le charnier et la chair brûlée. Un violent orage magique frappait fréquemment les appartements des Trois posés au sommet du bâtiment autour d'une arène couverte de sang séché.
Dans un tourbillon de mana bleuté, Arwena apparût, seule, au centre de cette cour et, d'une voix forte et assurée, elle défia un à un Terreur, Haine et Destruction. Les lourdes portes de leurs logements s'ouvrirent et tous trois s'avancèrent vers la fillette. Elle leur déclara alors avoir détruit les trois forteresses du sud et être là pour les renvoyer dans les abysses qu'ils n'auraient jamais du quitter:

- Vous avez toujours considéré les hommes comme des pantins, des marionnettes à qui on fait faire ce que l'on veut. Je suis venu vous montrer que nous sommes bien plus que ça. Vous croyez que les anges et les démons nous surpassent en force et en vitesse. Vous allez goûter à la saveur sanglante de votre erreur. Je vais vous combattre et vous vaincre. Je vais renverser votre tour méprisable. Je vais vous jeter un à un en Enfer et en refermer le portail et ensuite, je montrerai à tous ces gens ce que vous ne voulez pas qu'ils voient. Je leur ferai voir un monde sans vous. Un monde sans loi ni contrôle, sans limite ni frontière, un monde où tout est possible. Aujourd'hui marquera la fin du contrôle des humains par des êtres des mondes extérieurs et enfin, nous les hommes, retrouverons notre place légitime dans l'univers.

Les Trois se moquèrent de la championne des hommes, la traitèrent de fillette et lui annoncèrent qu'un seul d'entre eux suffirait à la vaincre. Diablo, seigneur de la Terreur s'avança. Arwena serra les poings et fit monter la magie en elle. L'attaque de grillade infernale du démon s'arrêta sur une sphère magique de protection entourant la jeune fille et celle-ci chargea, se propulsant à l'aide d'un sort de télékinésie. Debout sur la pointe des pieds, elle atteignait à peine le genou de l'ennemi. Pourtant, en un bond, elle lui plaça un violent coup de poing à la base de la mâchoire qui le souleva du sol. Il retomba lourdement sur la nuque et poussa un terrible cri de rage. C'est alors que les démons comprirent à quel point la fillette était dangereuse.

L'instant d'après, ils chargeaient à Trois. Arwena se mit à courir et à sauter dans tous les sens à une vitesse déconcertante tout en lançant des attaques magiques aux couleurs scintillantes qui meurtrissaient gravement les Trois. Cependant, chacune de leurs blessures se refermait aussitôt et rien ne semblait vraiment les atteindre. Soudain, Baal, seigneur de la Destruction parvint à ligoter la fillette dans ses tentacules et Méphisto, le seigneur de la Haine, lui lâcha une terrible boule de froid à bout portant dans le ventre. La fillette se tordit de douleur et cracha du sang. Diablo lui envoya un terrible coup de poing gelé au visage alors que Baal bandait ses tentacules afin de la démembrer. Déjà, les côtes brisées de Arwena se reconstituaient et sa blessure au ventre se refermait. Une sombre expression de mécontentement déformait ses traits. Elle tendit le poing et fit apparaître une pointe de feu en forme de lame à l'aide de laquelle elle entreprit de trancher ses liens. Lorsque Baal comprit qu'il ne saurait la retenir, il la projeta au sol et tenta de la piétiner. Son pied frappa sur la pointe de la lame magique et il fut contraint à reculer. La fillette lui sauta alors au visage et lui lâcha une série d'orbes directement dans les yeux. Aveuglé, le seigneur de la Destruction recula en se couvrant le visage des mains. Un terrible coup à l'abdomen le propulsa à travers ses appartements et il sombra dans le vide avant de s'écraser dans le charnier en bas. Méphisto chargea afin de venger son frère et fut arrêté d'un violent coup de pied qui lui retourna le genou. Son hurlement de douleur couvrit partiellement la réplique moqueuse de la jeune fille survoltée à propos de ses jambes retrouvées.

Diablo, qui des Trois est celui qui a le plus d'expérience dans la lutte contre les humains, ne sous-estima pas la jeune humaine. Au lieu de charger comme ses frères l'avaient fait, il leur demanda de lui offrir leur force. Ceux ci s'exécutèrent en une brève incantation et des nuages bleu et jaune s'élevèrent de leurs corps et enveloppèrent le seigneur de la Terreur. De violents éclairs issus du nuage noir frappèrent Diablo et, levant les bras, il poussa un terrible hurlement qui résonna longtemps dans les montagnes. Arwena se jeta sur lui et le frappa de toutes ses forces mais ne parvint pas à l'ébranler. Diablo la projeta alors du poing contre un mur et elle heurta brutalement le sol. Méphisto s'écarta du combat. Arwena referma très vite ses blessures et se releva indemne. Ses vêtements commençaient à se déchirer.

Durant un temps très long, les deux colosses de puissance se combattirent portant attaque sur attaque mais aucun ne parvint à prendre l'avantage. Très vite, le sommet de la tour commença à ressembler à une ruine abandonnée. Les créneaux furent balayés et les trois appartements sombrèrent en intégralité sur les flancs de la montagne. A l'instar de la guerre ancestrale entre la Lumière et les Ténèbres, ce combat commençait à sembler ne pas devoir avoir de fin car aucun combattant n'était capable de vaincre l'autre. C'est alors que les seigneurs de la Haine et de la destruction reparurent dans l'arène. Baal tentait le bras devant lui et tenait par la tête Flash, inconsciente. Diablo cessa de combattre et Arwena cessa tout mouvement, observant horrifiée la Zann Esu à la Mercie de l'ennemi:

- Mère !

Un rictus sadique déforma le visage de Baal alors qu'il broyait dans sa main la tête de sa victime. Aussitôt, la voix de Méphisto se fit douce et réconfortante alors que de ses mots fourbes et séduisants, il conseillait à la fillette de laisser la haine et les ténèbres entrer en elle. Cambrée en arrière, les poings serrés et le visage tourné vers le ciel, elle poussa un long cri de douleur, de chagrin et de colère. Le sol se mit à trembler violemment. Les cheveux de la fillette ainsi que ses lèvres et le tour de ses yeux se teintèrent en d'un étrange orange pâle alors que sa chevelure prenait une longueur impressionnante et s'élevait au-dessus d'elle. Un vent violent balaya le sommet de la tour et arracha les derniers lambeaux de ses vêtements. De longues ailes semblables à celles de Tyrael émergèrent de son dos et se teintèrent elles aussi d'orange pâle. Enfin, des flammes surgirent de ses yeux et se répandirent sur tout son corps jusqu'aux extrémités des ailes. Le cri s'étrangla dans un rugissement surnaturel et, enfin, la fillette nue et embrasée reposa son regard féroce sur le seigneur de la Haine. Celui-ci s'adressa alors à elle:

- Te voilà enfin abandonnée à la colère et à la haine et jamais tu n'as été aussi puissante. Désormais tu seras le fer de lance de notre attaque contre les hommes. Prosterne-toi devant tes maîtres et prête-nous allégeance.

Le seigneur de la Destruction jeta le corps désormais inutile de Flash dans le vide et elle alla rejoindre les cadavres anonymes du charnier malodorant qui cernait la tour.
Le corps de Flash heurta violemment l'amas putride de corps en décomposition et un nuage dense d'insectes nécrophages s'éleva autour de la tour noire au sommet de laquelle se tenaient les Trois et Arwena, championne des humains, que la colère avait changée en ange furieux. Celle-ci, debout face au seigneur de la Terreur faisait onduler ses ailes nouvelles nimbées de flammes. L'orage magique battait son plein et l'air était saturé d'électricité. Diablo s'impatienta:

- Je t'ai dit de t'incliner devant ton maître. Exécute-toi ou il t'en cuira !

L'ange lui lança un sourire sadique et amusé.

- Mon seul maître est mort ce soir et désormais, je n'appartiens qu'à moi-même et à ma vengeance. Je ne suis pas un pathétique Izual que l'on retourne à volonté. La mort de Flash n'a fait que renforcer ma résolution à vous combattre. Préparez-vous à goûter à ma fureur.

Ce jour là, sur une tour sombre couverte d'un nuage démoniaque en pleines terres barbares corrompues, pour la première fois de sa vie sempiternelle, le seigneur de la Terreur fut terrifié. Il chargea la fillette et une aile lui faucha les jambes. Il s'écroula de tout son long. Les deux autres démons tentèrent de fuir mais d'autres ailes les saisirent et les jetèrent au sol. Enfin, la fillette les submergea de magie de combat alors que de ses ailes, elle les fouettait sans relâche. En de nombreux endroits, la chair des démons fut si creusée que les os apparaissaient à nu. Ils se débattirent comme des beaux diables... en vain. A chaque fois que l'un tentait de ramper à l'abri, une aile le saisissait et le projetait sur un de ses frères. Ce traitement de choc dura quelques instants et il sembla peu à peu que Arwena avait perdu toute humanité.

Cependant, malgré la violence du combat, les Trois ne mourraient pas et chaque blessure, chaque fracture et chaque morceau arraché guérissait à une vitesse déconcertante. Le seigneur de la Terreur s'adressa alors à l'ange en ces termes:

- Ce que tu fais est inutile. Tu ne pourras pas nous tuer. Nous sommes des démons majeurs. Nous sommes immortels. Cesse de nous persécuter. Rejoins-nous.

- Je sais tout ça, monstre. Mais ma fureur contre toi et les tiens est sans limite. Et puis... je ne ressens encore aucune fatigue dans les ailes.

Arwena poursuivi encore sa vengeance contre les Trois durant un long moment où il souffrirent mille morts et se reconstituèrent autant de fois. Enfin, elle en eut assez de les torturer. Elle les saisit dans ses ailes, s'envola de la tour et descendit vers l'endroit où sa mère s'était écrasée. Les Trois se débattaient et tentèrent des attaques magiques mais la prise était ferme et ils ne purent se libérer. Arwena saisit la pierre d'âme de Baal dans une poche de sa mère puis s'avança vers un puits des enfers. Arrivée à quelques distances de la tour, elle incanta une explosion morbide multiple sur le charnier et la tour pulvérisée se répandit sur les versants sombres du mont Aréat et jusque dans les rivières de laves flamboyantes qui serpentaient vers la vallée. Enfin, elle s'avança vers le puits des enfers. Baal, seigneur de la Destruction s'adressa alors à elle:

- Lorsque la pierre d'Andariel sera en enfer, les puits infernaux mettront des mois à se refermés. Nous te combattrons sans cesse durant tout ce temps et tu finiras bien par te fatiguer. Alors nous réouvrirons la porte vers Sanctuary.

- Là encore, vous vous trompez. Le lien qui unit l'Enfer à Sanctuary n'est tenu que par une pierre d'âme. Cela le rend bien moins solide que lorsqu'il s'agissait de la Pierre Monde. Le portail se refermera très vite. Quant à ma fatigue, à ta place, je ne m'avancerais par trop vite. Mais nous aurons certainement l'occasion de vérifier tout ça.

Elle s'enfonça alors dans les entrailles de la terre.

Dès que les Trois eurent quitté Sanctuary, un vent terrible se leva et un tourbillon se forma au-dessus du puits infernal. L'énorme nuage noir circulaire se mit à onduler violemment et un souffle terrible l'aspira vers les enfers. La tempête dura quelques heures et alors que le nuage perdait du terrain, la lueur de la lune put enfin baigner à nouveau les terres barbares sur lesquelles des créatures démoniaques terrifiées courraient en hurlant.

Lorsque le nuage eut totalement disparu, le puits commença à se refermer. Alors qu'il mesurait moins d'un mètre de diamètre, la patte rouge couverte de sang de Diablo en émergea, tenant serrée entre ses griffes la pierre d'âme jaune. Une aile enflammée d'Arwena s'enroula autour du membre, le brûlant profondément, et l'entraîna brutalement en enfer. L'autre membre antérieur de Diablo jaillit sur Sanctuary et s'agrippa au roc calciné. Une autre aile la ligota et le portail se referma. La patte meurtrie du démon majeur et le morceau d'aile furent tranchés et tombèrent sur le sol. L'aile se tortilla quelques instant avant de mourir tout à fait et s'éteindre.

La guerre était finie.
Lorsqu'il fut certain que les portes des Enfers ne se rouvriraient pas et que les peuples du continent eurent quitté les trois îles, les amazones qui toujours ont posé un regard suspicieux sur les ambassadeurs de la Lumière, commencèrent à répandre l'idée qu'il était temps que les hommes soient libérés des créatures des mondes extérieurs et moult humains se laissèrent convaincre. Le conseil de défense de Sanctuary vota la fermeture du portail du paradis dans le temple de Athulua puis fut dissout. J'offrais alors à Tyrael de rédiger la préface de ce livre, ce dont il s'acquittait avec un plaisir non dissimulé.

Lorsque la porte fut refermée, la magie commença à disparaître très rapidement de Sanctuary et les hommes furent contraints de trouver des techniques pour la remplacer. Ce fut le début de la mécanique et de la chimie et le monde s'en trouva transformé.

Les descendants des anciens clans décidèrent alors que les créatures des mondes extérieurs n'auraient jamais du interférer avec les hommes et ils entreprirent de gommer leur passage sur Sanctuary. Ils inventèrent un passé pour les hommes, créèrent des religions qu'ils firent passer pour ancestrales et établirent une société secrète appelée Templiers qui s'assura toujours que nul ne découvrirait le vrai passé. Une nouvelle vérité issue de leurs imprimeries se superposa à la précédente et le monde l'accepta peu à peu.

Le mage Tal Rasha tenta de s'opposer à eux afin de préserver la mémoire du passé mais écrasé par le nombre, il succomba. Sa dépouille fut embaumée et déposée dans un temple dédié à une de ces religions fictives.

De mon côté, je gardais un profil bas et voyageais siècle après siècle afin de constater des changements opérés sur le monde. C'est ainsi que je découvrais au sud des îles amazones, un immense continent non répertorié sur les cartes horadrimes. Je décidais alors de refaire ces cartes fausses et m'apercevais des nombreuses erreurs que mon ordre avait commises dans ce travail.

Suite aux bouleversements, de nombreux pays changèrent de noms. Ainsi, les royaumes occidentaux devinrent l'Europe. La chaîne de Tamoe fut appelée Oural et les terres barbares Scandinavie. Le continent du sud, sec et immense fut baptisé Afrique et les jungles du Kejistan et le grand pays gelé du Scosglen, Asie. Les mers jumelles devinrent la Méditerranée et la Mer Noire. Philios, Skovos et Lycander furent renommées Sicile, Corse et Sardaigne.

Des démons qui restèrent sur terre, bien peu survécurent et aujourd'hui que j'écris ces lignes, leurs attaques sont très rares et généralement étouffées par l'ordre des Templiers.

Aujourd'hui, les hommes vivent sans magie et sans jamais recevoir de visite des dieux qu'ils prient et tout semble fonctionner correctement. Les créatures de l'ancien temps sont désormais inutiles et sans magie, je sens peu à peu la vie quitter mon corps.

Parfois, la nuit, dans mes rêves, je reçois la vision d'Arwena changée en ange furieux, qui lutte sans jamais s'arrêter contre les hordes de démons au fin fond des enfers et je pleure en songeant que son sacrifice a été oublié. Alors, toutes mes pensées vont vers elles et je lui chuchote du fond de mon sommeil qu'il n'a pas été vain. Les hommes ont désormais trouvé leur place légitime au sein de l'univers, au centre même du monde qu'ils se sont créé.
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