Fanfiction Diablo II

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Les Ombres du Passé

Par Sébastien
Les autres histoires de l'auteur

Sujet de l'histoire

Prologue : Le Mage Pourpre

Chapitre 1 : Les Guerriers de l'Ombre

Chapitre 2 : Les Pièces de l'Echiquier

Chapitre 3 : Une intervention inattendue

Chapitre 4 : Sombre Guerrier

Chapitre 5 : Rencontre dans le Sanctuaire des Arcanes

Chapitre 6 : Pris au piège

Chapitre 7 : Le complot (1ère partie)

Chapitre 8 : Le complot (2ème partie)

Chapitre 9 : Une ombre se dévoile

Quelques mois après la défaite Baal, la vie dans le pays de Sanctuary reprend son cours. La paix semble enfin revenue. Mais celle-ci pourrait bien être à nouveau compromise. Dans le plus grand secret, Surazal, un mage aussi énigmatique que machiavélique, charge Harschalgui, un Seigneur de Guerre Barbare, de retrouver de l'épée du Rôdeur.

Parallèlement, la légendaire cité de Lut Golhein devient le théâtre de curieux évènements. Ses caravanes marchandes font l'objets d'agressions perpétrées par les mystérieux Guerriers de l'Ombre. Ces derniers se révèlent aussi redoutables que les très puissants démons des Enfers ; Kjeldor et Darkhan, les vainqueurs des trois Démons Majeurs l'ont appris à leur dépend. Le chaos et la destruction menaceraient-ils de nouveau le pays ? Le doute subsiste, et bien des mystères restent sans explication aucune.

Deckard Cain, le dernier représentant de l'Ordre Horadrim aimerait entre autre comprendre la raison de la présence de Natalya et sa troupe de tueurs de mages, au sein du Sanctuaire des Arcanes. Quel sombre secret se cache au sein de ce lieu maudit, qui fût autrefois le repère du défunt Sorcier Horazon ?

Quant à l'épée du Rôdeur, quel pouvoir renferme t-elle pour attirer tant de convoitises ? Qu'adviendrait-il si elle tombait entre les mains du Mage Surazal ?
Une légère brise soufflait. Le soleil se levait sur Lut Golhein. Deschard Cain regardait fixement l'horizon. La ville était en train de se réveiller. Les marchands sortaient et étalaient leurs marchandises, les soldats ayant veillé toute la nuit à la garde de la ville et du palais rentraient à leur caserne. Les rues de la ville s'animaient. Un quotidien des plus banals, somme toute. Pourtant, ceci n'était pas pour déplaire au dernier des Horadrim. Cela faisait bien longtemps que tout Sanctuary n'avait pas connu la paix. La horde de démons qui avait envahi le pays avait finalement été repoussée. Les Trois Démons supérieurs, Diablo, Seigneur de la Terreur, Baal, Seigneur de la Destruction et Méphisto, Seigneur de la Haine, avaient été vaincus, de même que deux des démons inférieurs, à savoir Andariel, Soeur de l'Angoisse et Duriel, le Prince de la Douleur. La famille des démons avait été sérieusement amputée. Certes, tous n'avaient pas été anéanti. Belial et Azmodan, deux autres démons inférieurs étaient toujours vivants. Mais il était dans leur intérêt de rester cachés dans l'ombre, pour le
moment. La défaite des Trois avait mis fin aux agissements des hordes démoniaques, effrayées et découragées, surtout lorsque Baal fût occis au Mont Arreat alors qu'il tentait de s'emparer de la Pierre Du Monde.

Oui, une paix durable s'annonçait. Sanctuary pansait ses blessures. Tout était à reconstruire : Le Grand Conseil du Zakarum avait disparu, corrompu par Mephisto, Kurast, la plus grande cité de l'est était en ruines, étouffée par l'immense jungle. Harrogath, la capitale du nord ne valait guère mieux ; la cité Barbare avait subi le siège des armées de Baal et essuyé de lourdes pertes humaines. Quant à Tristram, petite bourgade où toute cette horreur avait débuté, ce n'était plus qu'un tas de cendres : il n'y avait eu aucun survivant, excepté Cain. Lut Golhein eut un peu plus de chance; peu de dégâts sur le plan matériel, mais beaucoup d'habitants perdirent la vie par la main de Radament le Mort Vivant, qui avait élu domicile dans les égouts de la ville. Aujourd'hui, Radament ne fera plus jamais de mal à personne. La découverte du Sanctuaire des Arcannes, dont l'entrée se situait dans les caves du Palais de Jerrynn avait amené les Vizjerei, l'Ordre des Tueurs de mages bandits à effectuer une enquête. Une commission avait été envoyée sur place afin d'explorer le Sanctuaire.

Que restait-il à craindre ? Rien pour l'instant, Cain en était convaincu. Mais il était le dernier membre encore en vie des Horadrims, le Clan de Mages qui avait déclaré la guerre aux trois frères démoniaques. Lui disparu, qu'adviendrait-il de Sanctuary si les démons lançaient une nouvelle offensive ? Il avait tant de connaissances. Tant de savoirs qui risquaient de disparaître avec lui.

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« Halte ! Pas un pas de plus ! Veuillez décliner votre identité ! » Ce ton se voulait autoritaire, voire menaçant. Il ne fît que provoquer qu'un léger haussement de sourcils chez l'homme qui se tenait face au garde. Il faudrait plutôt dire : « qui dominait le garde du haut de ses deux mètres cinquante ». Sa peau était bronzée, son regard aussi noir que le charbon et ses longs cheveux ramenés en arrière par une queue de cheval. Au vu de son imposante carrure, on pouvait deviner une impressionnante musculature qui façonnait un corps en acier trempé. Il avait ôté la capuche de sa tunique sombre, et son visage découvert, il plongea son regard sombre dans celui du garde qui avait osé lui parler sur ce ton.

« Contente-toi de prévenir ton maître que le Seigneur Harschalgui est arrivé et qu'il désire s'entretenir au plus vite avec lui ! ». Son ton n'était pas aussi autoritaire, mais il était d'un froid glacial. Penaud, le garde s'exécuta. Il revint cinq minutes plus tard et lui annonça que son maître allait le recevoir. Il invita le colosse sombre à le suivre. Ils traversèrent la cour du château, puis le garde s'arrêta au pied de la plus haute des cinq tours qui surplombaient l'édifice et ouvrit la porte. « Mon maître vous attend dans sa bibliothèque ». Tout en montant les escaliers de la tour, Harschalgui se demandait ce qui l'attendait. Il ignorait tout de son hôte. Il détestait cela, surtout lorsqu'il était question d'affaires. Et là encore, il ne savait même pas la raison pour laquelle son mystérieux interlocuteur lui avait demandé de venir.

La porte qui donnait au sommet des escaliers était déjà ouverte. « Entrez, Seigneur Harschalgui, je vous en prie. » C'est une voix rauque et caverneuse qui venait de s'adresser à lui. Il pénétra dans une immense bibliothèque de forme circulaire. Des étagères de livres et grimoires en tous genres couvraient les mur de la pièce. L'homme qui lui tournait le dos était vêtu d'une grande toge rouge qui couvrait également sa tête. « Je vous remercie d'être venu aussi rapidement. Soyez le bienvenu dans mon antre !

- Les politesses n'étant pas mon fort, je vous demanderais de bien vouloir en venir tout de suite aux faits !

- Comme vous voudrez. J'oubliais que les habitants du grand Nord étaient aussi directs ! Je me nomme Surazal, Mage de mon état. Je vous ai fait venir pour une mission de recherche.

- De recherche ? Harschalgui fronça les sourcils. Si c'était une plaisanterie.

- Oui, je suis à la recherche d'un objet dont la valeur est impossible pour quiconque à chiffrer.

- Je crois que vous avez frappé à la mauvaise porte, Surazal, fît le colosse d'un ton de dédain. Pour une mission « objets perdus » adressez vous plutôt à un gobelin ou un voleur. Ce n'est pas pour ce genre de travail que l'on fait appel à mes services ! Vous avez été très mal renseigné !

- Allons, bien au contraire., répliqua le Mage d'une voix doucereuse. Je connais assez de choses à votre sujet, Seigneur Harschalgui. Je sais que vous et vos semblables avez une étonnante capacité pour dénicher les objets rares. Mais sachez que ce travail ne requiert pas uniquement des compétences de chercheur. Vous êtes un guerrier hors normes, une véritable machine à tuer paraît-il.

- Je sais déjà tout ceci. Et alors ?

- Je compte sur vous pour éliminer tout obstacle qui se dresserait sur votre route durant vos recherches. Harschalgui haussa les sourcils. Le Mage pourpre venait enfin d'éveiller sa curiosité.

- Vous m'intriguez, tout à coup ! Puis-je savoir quel objet pourrait susciter tant de massacres potentiels ?

- Une relique sacrée : l'Epée du Rôdeur.

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Kjeldor fixait impassiblement son adversaire. Avec un grand calme, il scrutait le moindre geste, la moindre mimique laissant deviner une attaque. Son bouclier étincelait de mille feux, tout comme son armure dorée. Son marteau de guerre était prêt à frapper de toute sa puissance. Le Paladin chargea, bouclier en avant. Sa vitesse de déplacement était impressionnante. Néanmoins, son adversaire ne se laissa pas surprendre. Au moment pile où le bouclier du Paladin allait heurter son visage, il bondit au dessus de ce dernier et se retrouva pile derrière lui. Le saut qu'il venait d'effectuer les fît se retrouver dos à dos. L'individu se retourna en un éclair et, avec sa rapière droite il décrivit une attaque en arc de cercle au niveau du cou du Paladin. Kjeldor eût tout juste le temps de se baisser au dernier moment. Il sentît un sifflement d'air à un centimètre de sa tête. Ce coup l'aurait à coup sûr décapité. Il réagit aussitôt, profitant de sa position accroupie, il tenta de porter une attaque au mollet. Son marteau ne fît que s'entrechoquer avec la seconde rapière de son opposant, qui avait deviné son attaque. Le choc des armes déséquilibra le Paladin, qui ne pût éviter le coup de pied qui heurta sa joue droite et le propulsa dos contre terre. Une fois de plus, il eût tout juste le temps d'effectuer une roulade sur le côté afin d'éviter le coup d'épée qui manqua de lui couper le bras, et qui marqua une entaille au contact du sol. Le second coup heurta son bouclier. Cette parade lui permit de porter à son tour un coup de pied qui frappa le ventre de son adversaire et le fît reculer de quelques pas. Il se releva en un éclair, en garde. De nouveau, ils se fixèrent face à face. « Pas mal, Kjeldor. Pas mal du tout ! Bon, ça suffit pour aujourd'hui !

- Déjà épuisé, Darkhan ? Je croyais que vous autres, Barbares, étiez increvables ? »

- C'est toi qui t'essouffle, le Palouffe ! Le but de cet entraînement n'est pas de nous crever mais d'aiguiser nos réflexes ! »

Kjeldor sourît. Il posa à terre son marteau et son bouclier puis ôta son armure. Enfin, il s'assît sous un arbre, reprenant son souffle. Il accepta volontiers la gourde que lui tendait le Barbare. Le soleil commençait à se coucher à l'horizon, il était approximativement sept heures du soir. Darkhan s'assit à son tour en face de son ami et entreprît de nettoyer ses épées jumelles avec un lambeau de cuir. Il s'étaient connu au camp des Rogues, lorsque Andariel s'était emparé du monastère et ne s'étaient plus quitté depuis. Et pas mal d'eau avait coulé sous les ponts depuis leur première rencontre.

Depuis son plus jeune âge, Kjeldor avait suivi la formation classique des Paladins au Temple du Zakarum, en suivant les préceptes de la divinité Akarat. Toute une jeunesse passée à apprendre à combattre. et prier, se défendre et se sacrifier. A l'age de vingt ans, il était devenu un Paladin accompli, recevant en récompense son marteau de guerre des mains du Grand Prêtre de Zakarum : le Poing d'Akarat. Aujourd'hui, il était probablement l'un des meilleurs de sa génération mais également le plus kamikaze. Il n'hésitait pas à se lancer à corps perdu dans la bataille, même quand cette dernière semblait perdue d'avance. Il n'était pas rare qu'il se retrouve à trente contre un. Mais la ferveur et la détermination dont il faisait preuve était toujours venue à bout de ses ennemis, et ce, quel que soit leur force et leur nombre. Ses coups étaient rapides et d'une mortelle précision. D'un point de vue physique, Kjeldor n'avait rien de bien impressionnant ; 1m85, 82 kilos, bref, un humain dans la norme, sans plus. Pourtant, bien des géants étaient tombés sous ses coups.

Mais ce que tout le monde appréciait le plus chez lui, c'était son entier dévouement. Il ne battait en retraite que pour secourir ses alliés, ce qui faillit à maintes reprises lui coûter la vie. Il avait tout de la tête brûlée. Sa victoire sur les Trois avait fait de lui un guerrier respecté et acclamé dans tout Sanctuary.

« Tes réflexes sont toujours aussi vifs. Si je ne te connaissais pas, je serais tout simplement impressionné !

- Pas encore assez ! Tu as toujours un coup d'avance, Darkhan, ce qui fait que je me retrouve sans cesse sur la défensive !

- Tes offensives sont trop prévisibles pour des guerriers comme nous. Oh, ce n'est pas une critique, loin de là. Nos formations diffèrent, et tout « barbare » qui se respecte doit être capable de lire les attaques de ses adversaires. Tu oublies également un petit détail qui fait toute la différence : tu n'utilisais aucune aura.

- J'en suis conscient. C'est bien ce petit détail qui a tendance à m'exaspérer. Les paladins sont obligés d'utiliser leurs auras afin d'espérer pouvoir faire jeu égal avec vous.

- Serais-tu en compétition avec notre peuple ? Le ton du Barbare se voulait moqueur.

- Non, je suis en train de réaliser qu'un Paladin n'est rien sans sa foi. Il suffit de ne plus être dans les grâces d'Akarat. Et il suffit d'une fois, une seule.

- Tu en parles comme si c'était inéluctable ! Ne me dis pas que tu penses encore aux balivernes que Baal t'as débité ?

- Il n'avait pas tort.

- Le doute est le pire des maux pour un guerrier, en particulier pour un Paladin. Tu le sais, je le sais et Baal le savait. Il a voulu te déstabiliser ! Mais il n'y est pas parvenu ! Nous sommes encore là pour en parler, bien que cette conversation commence à m'ennuyer.

- J'essaye juste de te faire comprendre à quel point je peux détester le fait d'être tributaire des pouvoirs divins. C'est pour cela que je m'entraîne aussi durement.»

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Harschalgui était de plus en plus intrigué. Surazal, qui lui tournait le dos depuis le début de leur conversation daigna enfin faire face au Seigneur sombre. Ce dernier ne pouvait absolument pas voir son visage, couvert par la capuche rouge. On ne voyait que la nuit et deux éclats rouges en guise de visage.

« Le Rôdeur avait donc une épée ? Détail que j'ignorais. Vous pourriez peut-être m'en dire plus ? Ce qui vous paraît évident ne l'est pas pour moi et je déteste jouer aux devinettes !

- Saviez-vous qui était le Rôdeur ?

- Mis à part qu'il s'agissait en fait du démon Diablo, non !

- Je vous parle bien entendu de l'homme qu'il fût avant.

- Cela a-t-il de l'importance ?

- Oui, une importance vitale. Vous devriez vous asseoir, car malgré votre empressement, l'histoire que je vais vous narrer est assez longue. Mais elle vaut le détour, croyez-moi.

- Je vous en prie, fît le géant, agacé et ironique.

- Tout commence à Tristram, la ville où Diablo est réapparu.

- Je connais cette histoire. Diablo s'est emparé du fils du Roi Leoric et a utilisé son corps pour achever sa réincarnation.

- Effectivement. Bien des guerriers on tenté alors de combattre le démon et ses hordes dans les souterrains de la ville. Pratiquement aucun n'a survécu.

- Pourtant, si ma mémoire est bonne, Diablo fût vaincu, non ?

- Oui. Parmi toute cette ribambelle pitoyable de prétendus héros, un homme est parvenu vivant jusqu'en enfer. Un guerrier d'une rare puissance, un personnage de votre trempe, Seigneur Harschalgui. Fait très curieux, jamais personne n'a su qui il était. Moi même, aujourd'hui, ignore quel fût son nom. A lui tout seul, il est parvenu à terrasser le Seigneur de la Terreur ainsi que tous ses laquais. Mais, malheureusement, sa victoire ne fût que de courte durée. Il n'avait fait que détruire l'enveloppe charnelle du démon. Son esprit s'est retrouvé emprisonné dans l'une des trois Pierres d'Ame qu'avaient créé les Horadrims. Diablo a réussi, je ne sais comment à manipuler son vainqueur. Il l'a persuadé à son insu que le seul moyen pour l'empêcher de renaître était de s'incruster la Pierre d'Ame dans le front. A partir de là, il fût aisé au démon de pervertir l'esprit du guerrier pour finalement posséder son corps. C'est ainsi qu'apparût le Rôdeur. Vous connaissez, je pense, le reste de l'histoire ?

- Ce qui nous amène enfin dans le vif du sujet : la fameuse épée du Rôdeur. En quoi est-elle si vitale pour vous ?

- C'est avec cette arme que Diablo est tombé, même si sa défaite ne fût pas définitive.

- Je ne comprends pas très bien. Vous êtes un Mage. Même si cette épée est dotée de certains pouvoirs, elle n'est intéressante que pour des guerriers, comme moi. Je ne vois très bien ce qu'elle va pouvoir vous apporter. Surazal marqua une pause avant de répondre.

- Cela me regarde. Je n'ai pas pour habitude de me justifier. Mais sachez que vous n'aurez pas affaire à un ingrat si vous me la rapportez. J'offre un million de pièces d'or pour cette épée. Etes-vous intéressé ?

- Cela reste à voir. Ce que vous me demandez équivaut à retrouver une aiguille dans une botte de foin. En outre il me faudrait une description de l'arme. »

Surazal se déplaça vers l'une des étagères de son immense bibliothèque et saisit l'un des nombreux tomes. Il le tendit au colosse. « Ceci est le journal où j'ai consigné tout ce que j'ai appris sur le Rôdeur. Vous y trouverez un croquis détaillé de son épée, ainsi que des notes concernant son parcours depuis le massacre de Tristram, en passant par le Monastère des rogues, jusqu'à Travincal. » Harschalgui commença à feuilleter le journal. S'il était impressionné, il n'en laissa rien paraître ; Surazal avait du mettre des mois pour rassembler autant d'informations dans cet ouvrage.

« Vous me proposez un parcours fléché, en définitive.

- Puis-je compter sur vous ?

- Qui ne le ferait pas pour un pour un million ?

- Bien. Inutile de dire que vous savez quoi faire si quelqu'un d'autre essayait d'y mettre la main dessus.

- D'autres que vous auraient également des vues sur cette relique ?

- Vous aurais-je fait venir si je pensais que ce n'était pas le cas ? J'aurais fait exactement ce que vous m'avez conseillé tout à l'heure : j'aurais engagé un gobelin ou un voleur... »
L'oeuvre d'un fou ou d'un génie. Natalya contemplait le décor surréaliste qui s'offrait à ses yeux : une gigantesque ramification de pierres et de marbre, d'escaliers et de passages, entourés de vide. Rien que du vide. Elle ne savait pas si elle devait être horrifiée ou admirative. Cela faisait maintenant deux jours qu'elle et son équipe exploraient le Sanctuaire des Arcanes, oeuvre du défunt sorcier Horazon. La femme Assassin avait reçu la direction de la Commission d'enquête exigée par l'ordre Vizjerei, mais cela ne l'enchantait guère. Le Mage Suprême Balthus voulait que soient recueillies un maximum d'informations concernant le Sanctuaire, que tout objet découvert sur les lieux soit saisi et rapporté à bon port. Cela incluait évidemment le journal du sorcier. Cette Commission d'enquête n'était qu'une vaste fumisterie, une perte de temps inutile. Horazon n'était plus, pourquoi donc perdre son énergie avec les morts ? Il y avait très certainement des actions bien plus prioritaires à mener, d'autres mages à traquer ! Natalya pestait contre le Mage Suprême et toutes ses décisions, à ses yeux inutiles.

En réalité, c'était contre elle même que la jeune femme dirigeait sa colère. C'est elle qui aurait du mettre fin aux sombres activités du Mage Horazon. Mais elle avait été devancée. Par un Paladin et une poignée de « héros ». Elle n'oubliera jamais sa rencontre avec Kjeldor, sur les quais de Kurast. « Tu as eu beaucoup de chance, Paladin. » songeait-elle.

Elle en était là de ses pensées quand Xeng, son second, annonça au reste du groupe : « Attention, ce sont des téléporteurs ! Arrêtons nous. ». Le groupe fît halte. Il était composé de douze soldats en comptant Natalya et Xeng. « Que fait-on maintenant ?, demanda-t-il en se tournant vers elle. Nous ne pouvons nous risquer plus loin sans savoir où ces passages mènent ! ». Elle acquiéça d'un signe de tête et jeta un coup d'oeil autour d'elle. Ils étaient arrivés sur une énorme plate-forme de pierre de la taille d'une place de village. Devant eux se dressaient deux portails à la lumière ocre, caractéristique des portails de téléportation.

- Oui, faisons une pause. Cela permettra à notre dessinateur de mettre à jour les plans du Sanctuaire. En outre, cette place est idéale pour établir notre campement.

- Entendu. Il se tourna vers ses hommes. Ok, tout le monde ! On monte le camp ! »

Elle observait en silence son second donner des directives. La présence de Xeng au sein de la troupe était le seul point positif de cette expédition. C'était un homme vif et plein d'initiatives. De petite taille, trapu, les yeux bridés et jaune de peau, Xeng était l'archétype parfait de l'homme de terrain. Toujours très calme, il n'était absolument pas adepte de la parole inutile. C'était également un guerrier accompli, l'un des plus grands experts en arts martiaux qu'elle pouvait connaître. Il avait bien plus d'ancienneté au sein des Vizjerei qu'elle même. A maintes reprises, il avait refusé les multiples promotions que l'Ordre lui avait proposé, alors qu'il les avait largement méritées. Mais, de son point de vue, le fait de monter en grade l'aurait peu à peu éloigné du terrain et de ses hommes.

Pour rien au monde, elle n'aurait laissé personne d'autre que Xeng la seconder. Il lui avait sauvé la vie à maintes reprises, et son expérience de vétéran lui avait tellement apporté. « Xeng , je te confie le commandement. Je vais explorer les environs.»

- Ce n'est peut être pas une bonne idée, Natalya. Tu ne sais même pas où ces portails peuvent mener.

- Ne t'inquiète pas. N'oublie pas que Kjeldor et sa coterie sont passés ici bien avant nous. De plus je ne vais pas très loin. Xeng soupira.

- C'est toi le boss. Je n'aime pas te savoir seule, surtout dans un endroit pareil. J'ai l'impression de traverser une sorte de purgatoire. Le désert de sable et les jungles de l'Est sont des paradis terrestres en comparaison de ce labyrinthe ! »

Natalya s'éloigna du camp qui était en train de se monter sur la plate-forme et se dirigea vers les portails, songeuse. Xeng avait employé le terme de purgatoire pour désigner ce lieu maudit. Il ne devait pas être loin de la vérité.

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« Tu peux entrer Nozaroh, notre ami vient juste de s'en aller », annonça Surazal. L'individu qui pénétra dans la bibliothèque du mage était la copie conforme de ce dernier : même toge, même couleur et le visage caché par la profondeur de la capuche. Nozaroh vînt se placer à côté de son interlocuteur, face à la grande fenêtre de la Tour. Tous deux fixaient l'horizon.

« Un personnage curieux, cet Harschalgui. Pourquoi avoir choisi un Barbare ? Je ne comprends pas très bien votre choix, Surazal. Surazal sourît sous cape.

- Parce qu'il remplit parfaitement tous les critères que j'ai défini pour retrouver l'Epée. Doué, comme tout barbare, pour déceler les objets, guerrier exceptionnel, et cerise sur le gâteau, attiré par l'appât du gain ;
donc, facile à contrôler.

- Je n'en suis pas aussi convaincu. Ses questions étaient bien trop précises pour être naïves. Il a en outre tenté de comprendre pourquoi vous désiriez tant mettre la main sur cette épée. N'oubliez pas que c'est un guerrier.
Pour lui, ce n'est qu'une arme, rare certes, mais une arme. Rien ne prouve qu'il nous la remettra, si toutefois il parvient à la retrouver.

- Nozaroh, je pense que tu n'as pas suffisamment de recul sur les évènements pour considérer la situation dans son ensemble. Je mise surtout sur le fait qu'il va la retrouver. Il m'importe peu de savoir s'il respectera sa part du marché ou non.

- Je ne suis pas sûr de bien vous suivre.

- Une fois entre ses mains, l'Epée sera en sécurité. Personne d'autre ne pourra s'en emparer, à moins de devoir passer sur son corps. Je n'espère rien d'autre. Quoi qu'il advienne, cet épée me reviendra. Il ne pourra la garder bien longtemps.

- Vous oubliez le groupe d'aventuriers qui ont vaincu Diablo et ses frères. Le sourire sous cape de Surazal se fît plus large.

- Tout bon joueur d'échecs se doit d'avoir au moins deux coups d'avance sur ses adversaires. Dans le cas qui nous intéresse, très peu de monde est au courant de l'existence même de cette épée. Et je doute que quiconque sache que nous sommes actuellement à sa recherche.

- Dans ce cas, pourquoi avoir affirmé au Seigneur Harschalgui que d'autres personnes la convoitaient également ?

- Je n'ai fait que lui en suggérer l'idée. Il fallait bien donner de l'intérêt à sa quête. En outre, je pense que cela l'incitera à rester sur ses gardes ; les barbares sont si sûrs d'eux qu'il ont parfois tendance à abaisser leur vigilance. Mais rassure-toi, il croisera effectivement du monde sur sa route. Il en sera de même pour ce misérable paladin et sa minable petite bande.

- Mais comment.

- Patience, cher disciple, patience. Observe, écoute, comprends et apprends. Laisse donc les pièces se mettre en place sur l'échiquier. »

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L'activité battait son plein en cet après-midi à Lut Golhein. Cain décida de se rendre au Palais. Il désirait en savoir davantage sur cette fameuse Commission. Il s'était toujours montré méfiant vis à vis de l'Ordre des Vizjerei, et ce, malgré la vocation du clan, dont le but était d'éliminer les mages corrompus. Il n'aimait pas leurs méthodes. Et il jugeait assez douteux ce soudain engouement pour le Sanctuaire des Arcanes. Son créateur était à présent en enfer, et toutes les créatures qui y résidaient avaient elles aussi trouvé le repos éternel. Un désert dominé par le vide, c'est tout ce que la Commission aurait à se mettre sous la dent ! Non, décidément, tout cela ne rimait à rien. Il avait autre chose.

Arrivé aux marches du Palais, il se présenta à l'un des trois gardes de l'entrée et demanda audience auprès du Seigneur Jerhyn. On le laissa passer ; tout le monde le connaissait à Lut Golhein, et savait quel rôle prépondérant il avait joué dans la chute des trois Démons Majeurs. Il aperçut le Seigneur de la Cité en pleine conversation avec deux autres personnes, alors qu'il traversait le patio central. La discussion semblait assez houleuse. Jerhyn avait une expression plutôt tendue, tandis que ses interlocuteurs semblaient furieux.

« Comment pourrais-je me calmer alors que je viens de perdre toutes mes marchandises, 300 000 pièces d'or et tous les hommes chargés d'escorter ma caravane ? fît l'un d'eux.

- Si vous n'êtes pas capable de maintenir la sécurité aux abords de votre cité, Seigneur Jerhyn, vous n'aurez plus qu'à compter sur la pêche pour maintenir un semblant de commerce à Lut Golhein ! Vous nous aviez assuré que l'ordre était revenu après la mort des démons. Jerhyn tenta de garder son calme.

- Messieurs, je comprends parfaitement votre colère. Mais sachez que je suis le premier surpris par l'agression dont vous avez été victimes ! En outre, vous devez comprendre que nous sommes en train de renouveler nos effectifs qui ont été plus que réduits pendant la guerre. »

Outrés, les deux marchands prirent congé. Deschard Cain alla à la rencontre du maître des lieux.

- Des ennuis me semble-t-il.

- Ah. bonjour Deschard, fît-il en essayant de retrouver son sourire. Oui, des ennuis. une longue série. Je dois déjà supporter la présence des membres de la Commission Vizjerei qui font en ce moment du tourisme dans le Sanctuaire. Et comme si cela ne suffisait pas, les caravanes sont de nouveau attaquées ! Je ne vous parle même pas des difficultés que j'ai pour engager de nouveaux soldats.

- Navré de l'apprendre. Vous ont-ils dit de quelle nature était leurs agresseurs ? Humains ou démons ?

- Difficile à dire. La seule description qu'ils ont pu me donner est, je cite : « des hommes en noir ».

- Des humains donc.

- De forme seulement. D'après ce que j'ai cru comprendre, ils n'avaient pas de visage. Ils étaient armés d'épées, de haches ou de masses. Ils ont massacré les escortes en un temps record. Le vieil Horadrim resta perplexe.

- Jamais entendu pareil descriptif. Mais je peux effectuer des recherches dans mes grimoires ; si cela peut vous aider, bien entendu.

- Je vous en serais infiniment reconnaissant. J'ai tellement de soucis sur les bras. Mais au fait, vous ne m'avez même pas dit ce qui vous amenait.

- Eh bien...Deschard marqua une pause. Il se demandait si le moment était judicieusement choisi. Je venais en apprendre un peu plus sur la raison de la présence des Vizjerei à Lut Golhein. Jerhyn marqua un air de mépris à l'évocation du nom des tueurs de mages.

- Je ne sais pas grand chose. Une certaine Natalya est à la tête de cette Commission. Elle s'est montrée très évasive quand je lui ai demandé ce qu'ils comptaient faire dans le Sanctuaire. Je n'ai fait que les guider jusqu'au portail y menant. il y a de cela deux jours. Depuis, je n'ai eu aucune nouvelle et je ne m'en porte pas plus mal. Quelque chose en particulier vous préoccuperait-il ?

- Je n'arrive pas à saisir la raison d'être de cette expédition. Qu'espèrent-ils trouver ou apprendre ?

- Qu'en sais-je ? Une chasse au fantôme d'Horazon, peut être ? lâcha Jerhyn avec un cynisme évident. J'avoue que cela m'indiffère au plus haut point. Je suis désolé, Deschard, mais je dois vous laisser . Je vais tenter de recoller les morceaux avec ces deux caravaniers. »

Cain quitta le palais. Il était déçu par cet entretien. Mis à part les mystérieux agresseurs des caravaniers, une chose avait retenu son attention : Natalya commandait l'expédition du Sanctuaire. Encore elle ! Il rentra
directement à sa chambre, à l'Auberge Des Sables. Bien décidé à aider le Seigneur de la Cité, il se plongea dans ses grimoires. Mais il se promît également de lever le voile sur les intentions peu claires des Vizjerei.

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Allongé sur sa couche, Darkhan avait les yeux rivés sur le ciel étoilé. Sans aucune explication, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Il se mît à repenser aux grands événements qui marquèrent sa courte existence. Tout être humain, à un moment ou à un autre de sa vie, éprouve la nécessité de « faire le point » ; peut être en était-il temps pour lui.

Originaire d'Harrogath, la capitale du Nord de Sanctuary, Darkhan avait été élevé dans la plus pure tradition de la tribu originelle du Roi Bul-Kathos lui même. L'adaptation, tel était le maître mot qui domina la formation du jeune barbare. Il apprît très tôt à manier l'épée, arme de prédilection de sa tribu. Au delà même de son utilisation, il étudia les différentes manières de forger lui même ses propres épées. C'était un perfectionniste. Toute compétence nouvelle qu'il assimilait était aussitôt travaillée pour être maîtrisée au niveau le plus élevé possible. Il passa de longs mois dans les déserts de sable orientaux, puis autant dans les steppes gelées du nord afin d'améliorer ses résistances naturelles. Il s'efforçait de courir dans la neige où celle-ci lui arrivait au dessus des genoux pour muscler ses jambes et renforcer son endurance.

Darkhan était un digne représentant du peuple Barbare. Il mesurait prés de 2m30 et devait peser au bas mot dans les 150 kilos. C'était une véritable force de la nature. Calme et peu causant en temps normal, il devenait une véritable furie sur les champs de bataille. Armé de ses rapières jumelles : Uther et Esther, il avait semé la mort dans les rangs des monstres et démons qui avaient peu à peu dévasté tout le pays. C'est lorsqu'il apprît le massacre de Tristram et la chute du Monastère de la Sororité de l'oeil Aveugle qu'il décida de quitter sa ville natale et d'aller voir de ses propres yeux ce qui se tramait dans le Khanduras.

C'est au camp des Rogues qu'il fît la rencontre de celui qui devait devenir son meilleur ami : le Paladin répondant au nom de Kjeldor. Tant de combats. Il se rappelait alors de celui où il faillît y rester . Il se souvînt du visage d'Hephasto, le gardien de la Forge des Enfers, de son rictus sadique lorsque son marteau, en s'abattant, manqua de lui défoncer le crâne. Sans l'intervention providentielle du Paladin qui interposa son bouclier, le barbare n'avait plus qu'à espérer une mort rapide. Il regardait, d'un oeil bienveillant, son ami dormir. Il avait envers lui une dette éternelle.

Mais, soudain, quelque chose éveilla son attention. Un craquement de brindille. Il sentait également une présence. Il eût immédiatement le réflexe de se saisir de ses deux épées. Ses armes en main, il s'immobilisa,
tous ses sens en alerte. Kjeldor était debout également, le Poing d'Akarat en main, son bouclier dans l'autre, balayant du regard le moindre recoin de leur campement . On ne pouvait entendre que le crépitement du feu de camp.

Darkhan éprouvait une étrange sensation de malaise. La présence qu'il ressentait n'avait aucune origine démoniaque. C'était différent. Il fît un signe tête au Paladin. Lentement, ils s'approchèrent l'un de l'autre et se placèrent dos à dos. Le silence qui régnait alors devenait écrasant.

L'attente ne fût pas longue. Surgis de nulle part, huit individus armés apparurent, encerclant les deux hommes. Ce n'était pas le fait d'être surclassés en nombre qui les interloqua ; de par le passé ils avaient affronté des armées entières. C'était un détail, rien qu'un tout petit détail : malgré le feu qui fournissait un bon éclairage sur un grand périmètre, Kjeldor et Darkhan eurent l'impression de ne voir que des ombres. Ils n'avaient pas de visage ! Ils étaient noirs des pieds à la tête. Seules leurs épées semblaient bien réelles. Kjeldor sentît immédiatement que toute parole serait inutile : ces « hommes noirs » semblaient bien avoir l'intention de leur faire passer l'arme à gauche. « Bon, quatre pour toi, quatre pour moi et après toi si il en reste ! » chuchota le barbare. Kjeldor eût un petit sourire en coin. Dans n'importe quelle situation, Darkhan savait garder son sens de l'humour. « Prépare-toi, je vais leur composer un concerto à ma façon. ».

Un hurlement brisa le silence des lieux. Le barbare venait de lancer un terrible cri de guerre. Ses muscles gonflaient, ses yeux s'illuminèrent, un halo de lumière bleue l'enveloppait. Kjeldor ressentît aussitôt les mêmes effets de ce cri : il se sentait gonflé à bloc. Aussitôt , les « ombres » se mirent en garde, laissant au Paladin le temps de lancer une prière à Akarat. Bientôt une aura orangée entoura les deux guerriers. La lutte était imminente.
Harschalgui parcourait le journal de Surazal avec le plus grand intérêt. Il arrivait dans les terres du Khanduras. Tristram n'était plus qu'à environ deux journées de marche. Il venait de faire une halte pour consulter la carte du pays. Profitant de cette pause, il continua sa lecture de l'ouvrage du Mage pourpre. Il pensait au Rôdeur, plus particulièrement au guerrier que fût ce dernier. Seul contre tous, cet illustre inconnu avait défait le Seigneur de la Terreur ; terrible combat en perspective. Quel tragique destin que fût le sien après sa victoire. Corrompu par le démon, l'homme devînt le Rôdeur et sema la destruction au gré de son voyage à travers Sanctuary.

Le Seigneur Barbare tentait de trouver dans le journal un indice, une observation qui lui permettrait d'orienter ses recherches. Petit à petit il parvenait à reconstituer certains faits. La description qui était faite du Rôdeur lorsque celui-ci traversait Khanduras, en direction de Lut Golhein, était celle d'un homme vêtu d'une toge, traînant à bout de bras une magnifique lame, dont la taille était comparable à celle d'un Fauchard. L'individu semblait épuisé, affaibli, à peine capable de supporter le fardeau de sa propre épée. Fait intéressant, il n'était plus fait mention de l'arme à partir de son arrivée aux alentours de Lut Golhein. En revanche, le Rôdeur aurait été aperçu en compagnie d'un individu assez malingre lors de la traversée du désert, qui devait le conduire au Canyon des Mages. « Ainsi donc, quelqu'un l'a accompagné. ». Continuant sa lecture, Harschalgui découvrît que ce mystérieux compagnon de route n'était plus avec Diablo lorsque celui-ci arriva dans les jungles de l'Est.

Cette mission s'avérait moins facile qu'elle n'en avait l'air. Le colosse avait jugé le montant de la récompense disproportionné par rapport au contenu de la quête. Il commençait à réaliser que s'il parvenait à retrouver
l'Epée, il n'aurait pas volé son million de pièces d'or. Mais il avait désormais une certitude ; l'arme était quelque part entre Tristram et Lut Golhein. Certes, l'amplitude était très large, mais il commençait enfin à y voir plus clair. Surazal s'était montré un tantinet dédaigneux envers lui lors de leur entretien. Harschalgui avait le sentiment que le Mage avait passé de nombreux faits sous silence. Il avait refusé de lui révéler les raisons pour lesquelles il désirait tant obtenir cette lame. L'histoire qu'il lui avait raconté sur la naissance du Rôdeur semblait incomplète. Il y résidait de nombreux points passés sous silence. Comment, par exemple, Diablo avait-t-il pu capturer le Prince Albrecht alors qu'il était encore prisonnier de la Pierre d'Ame des Horadrims ? Il avait donc nécessairement fait appel à une aide extérieure. Bien que cela ne l'aiderait en rien dans sa recherche, le Barbare ne pouvait s'empêcher de se poser cette question, entre autres. Il n'avait aucune confiance envers le Mage pourpre. Entre les mains de ce dernier, il avait l'impression de n'être qu'un pion. Mais il savait passer outre ce genre de détails. Les Barbares avaient toujours eu cette réputation de brutes sans cervelle. Si Surazal l'avait sous estimé, il s'en mordrait les doigts, tôt ou tard.

Refermant le journal, Harschalgui se releva, et reprît sa route en direction de Tristram. « Je pense que je n'y trouverai pas uniquement des ruines et des squelettes.», songea-t-il. Un léger sourire se dessina alors...

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Des armes s'entrechoquaient. Le combat faisait rage. Mais la lutte semblait inégale. A deux contre huit, le Barbare et le Paladin étaient constamment sur la défensive. Le bouclier de Kjeldor était soumis à rude épreuve sous les coups répétés de ces guerriers de l'ombre. Le Paladin enchaînait parade sur parade, contre-attaquait avec son Poing d'Akarat. Mais il ne faisait que rencontrer l'épée de ses adversaires, que ces derniers utilisaient
parfaitement autant pour l'attaque que pour la défense. Il était surpris par leur exceptionnelle dextérité, d'autant plus que sa Divinité lui avait accordé son pouvoir « Fanatisme ». Malgré la précision et la vitesse de frappe que procurait cette aura, Kjeldor n'avait pu porter aucun coup décisif. Pire, il reculait sans cesse sous ces assauts d'une rare intensité.

Darkhan s'en sortait à peine mieux. Lui non plus n'était pas parvenu à mettre une seule fois ses agresseurs en difficulté. Parant avec Uther, ripostant avec Esther, il réussissait plus ou moins à contenir ces « hommes noirs ». L'un d'eux bondît sur lui d'un saut impressionnant, épée brandie. Au contact avec le Barbare « l'ombre » tenta de lui fendre le crane. Instinctivement, Darkhan porta ses rapières en croix, juste au dessus de sa tête, bloquant ce coup dans un terrible choc de métal. Avec violence, il écarta les bras pour repousser son adversaire, et prenant appui sur sa jambe gauche, il pivota et décocha un violent coup de pied au visage de ce dernier. L'homme noir fût projeté en arrière et tomba sur le dos, sous la violence de l'impact. Un de moins. Provisoirement.

Le Barbare était mal à l'aise. Il n'avait jamais rencontré de tels ennemis. Mais c'était davantage ce qui se dégageait de ces êtres qui le déstabilisait : aucune origine démoniaque, au contraire. Il percevait une sorte de
souffrance. comme s'il avait affaire à des âmes torturées. Mais leur prouesse de combattant semblait contredire cette constatation. Il fallait réagir. Si le combat s'éternisait, ils avaient toutes les chances de le perdre, Darkhan en avait la certitude.

Il réfléchissait à toute vitesse. Il en avait mis un hors course, mais pour combien de temps ? Il observait les trois autres, qui visiblement, changèrent de stratégie : l'encerclement. « Ils vont attaquer en même temps. songea-t-il. » Un léger sourire apparût sur le visage du Barbare. Il laissa ses adversaires se positionner et attendît l'assaut . Ce dernier ne se fît pas attendre. Dans une parfaite synchronisation, les guerriers de l'ombre donnèrent la charge. C'est le moment que choisît Darkhan. Il planta ses deux rapières au sol, écarta les bras, serra ses poings et leva sa tête vers le ciel. Le cri qui sortît du fond de sa gorge fît trembler la terre pendant quelque secondes. L'effet ne se fît pas attendre ; l'attaque de ses agresseurs fût brisée nette. L'étourdissement les obligea à se tenir la tête. Il ne lui en fallait pas davantage. D'un geste vif, il saisît Esther de ses deux mains et se rua sur le plus proche des hommes noirs. Avec une puissance hors du commun, le Barbare décrivit un arc de cercle avec son arme au niveau du torse de son ennemi, qui se trancha net. Le haut du corps, désormais scindé en deux, chuta à terre.

C'est alors que l'inattendu se produisît. La partie inférieure du guerrier se maintînt debout. La partie supérieure, au sol, se releva et vint rejoindre sa compagne qui l'avait quittée momentanément. Darkhan contempla, dans un mélange de stupeur et d'horreur, le corps du guerrier en pleine reconstitution. Ce dernier était de nouveau en garde, arme à la main.

Au même moment, Kjeldor effectua une feinte de corps. Il esquiva le coup d'épée venant sur sa droite, prît son élan et frappa avec son bouclier « l'ombre » qui venait à sa gauche. Recevant le coup en pleine poitrine, elle ne pût voir venir le Poing d'Akarat qui s'abattît sur son crâne. Ce dernier se déforma sous la force de l'impact. Le guerrier à la tête défoncée chancela et recula. Le Paladin se figea alors. La victime de son marteau ne s'écroula point au sol. Elle se remit en position de combat. Sa tête, se mît à trembler et, retrouva sa forme initiale, telle une pâte à modeler.

« Ils peuvent se régénérer !!! , cria Darkhan à l'encontre de son compagnon.

- Sans blague ? Tu vas peut-être également m'annoncer qu'ils sont tous noirs ? » .

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« Ah, mais te mets pas en colère comme ça !

- Bien sûr. ce n'est pas toi qui a du rembourser les dégâts à l'aubergiste !

- Mais puisque je te répète que je n'avais pas remarqué qu'elle avait un mari.

- En attendant, encore une auberge où nous sommes proscrits. La prochaine fois que tu me refais un coup comme celui-ci, je te promets de te faire pratiquer la danse qui porte ton nom à ma façon ! ».

Cela faisait maintenant prés de trois semaines qu'Iskor et Polka remontaient le pays en direction du nord. Ils avaient quitté Kingsport, ville portuaire située à la pointe sud de Sanctuary, dans le Westmarch. Leur destination finale était la ville fortifiée d'Harrogath. Un périple aussi long les avait obligé à faire des escales d'auberge en auberge. Mais ils n'avaient jamais réussi à passer une seule nuit complète dans aucune de ces dernières. Et Polka était toujours à l'origine des raisons qui provoquaient leurs départs anticipés.

Ils formaient un duo peu commun. Iskor était originaire d'un petit village du Kehjistan, situé au beau milieu des jungles de l'Est. Paladin de formation, il avait fait ses classes au côté de Kjeldor au Temple du Zakarum. Arrivé à l'âge de trente-deux ans, il n'avait désormais plus rien à prouver. Il s'était révélé l'un des plus farouches soldats qui s'opposèrent aux armées de Diablo, et ces derniers étaient peu nombreux. Son épée ancienne, Furie Azuréenne, avait renvoyé des cohortes entières de démons aux enfers. Sa rage de combattre, sa ténacité à traquer le mal ne s'étaient jamais éteintes. Iskor ignorait lui même si cette furie qui l'animait cesserait avant sa propre mort. Elle était sans cesse alimentée par un désir de vengeance. En effet, son village avait connu le même sort que Tristram, lors de l'apparition du Rôdeur. Le coeur rempli d'une rage incontrôlable et d'une tristesse sans fond, le Paladin s'était appliqué à rendre aux démons le centuple des souffrances qu'il endurait. Cette quête vengeresse l'avait amené à se séparer de Kjeldor et Darkhan, ses compagnons d'armes. Ces derniers avaient rapidement compris qu'ils ne le reverraient que lorsqu'il serait de nouveau en paix avec lui même. Pourtant, à y regarder de plus prés, Iskor était un paradoxe à lui tout seul. Lorsqu'il ne se battait pas, c'était à un tout autre personnage que l'on avait à faire. Son sens de l'humour et son humeur joviale détonnaient avec son comportement de guerrier. Et cela était fort heureux pour son compagnon de route.

En effet, devoir supporter un individu comme Polka n'était pas chose facile. Obèse, barbu et moustachu, grand fêtard devant l'éternel, ce curieux Barbare incarnait la bévue personnifiée. Sa nature de coureur de jupons intempestif lui avait valu un nombre incalculable de mésaventures avec la gente féminine ; la plupart de ses histoires de coeur finissant toujours par une joute avec le mari offensé. Fort heureusement, son embonpoint ne diminuait en rien ses compétences de guerrier. Lutteur de mêlée par excellence, ses techniques de combat avaient de quoi en dérouter plus d'un. Qui ne perdrait pas ses moyens face à un Barbare dansant la Polka en pleine milieu d'une bataille ?

C'est à Kingsport que le Paladin et le Barbare se rencontrèrent. Iskor y avait traqué et éliminé les derniers démons responsables de la destruction de son village natal. Polka s'y trouvait pour des raisons beaucoup plus pratiques : les ports offrant toujours de grandes possibilités de rencontres.

Harrogath n'était plus qu'à une journée de marche. Ils pénétrèrent dans un bois. La nuit occupait le ciel depuis maintenant cinq heures. Ils firent halte à l'entrée d'une clairière. Iskor jeta un coup d'oil aux environs. « Cet endroit sera parfait.

- Il est vrai que tu te contentes de peu. Iskor foudroya le Barbare du regard.

- Polka, je t'en conjure, fais-toi oublier pour le reste de la nuit. »

Le Paladin était sur le point de s'allonger, lorsque, soudainement, un bruit attira son attention. Il se releva immédiatement. Surpris, Polka fît mine d'ouvrir la bouche. Iskor lui intima l'ordre aussitôt de garder le silence d'un signe de main. Toute son attention était portée sur l'origine du bruit. Il lui semblait entendre le bruit caractéristique du métal qui s'entrechoque. Il se concentra, ouvrant son esprit au monde extérieur, il se focalisa sur la direction probable de la source de ce bruit. Dix, ils étaient dix. Il percevait l'esprit de deux humains. Mais, fait très étrange, il ne parvenait pas à identifier l'origine des huit autres individus. Mais il avait une certitude : un combat était en train de ce dérouler à un vol d'oiseau de leur campement. Il n'y avait pas de temps à perdre.

« Prends ton marteau et suis-moi ! Polka fronça les sourcils.

- Serait-il trop te demander de m'expliquer ce qui se passe ?

- Des ennuis, comme d'habitude. On se bat à quelques centaine de mètres de nous !

- Encore une nuit fort bien engagée.. »

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Elle venait de franchir l'un des deux téléporteurs. Une fois encore, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle perdait son temps. Le Sanctuaire des Arcanes n'était plus qu'un immense tombeau. En outre, cet endroit la mettait très mal à l'aise. En franchissant le portail, Natalya n'espérait rien trouver en particulier. Elle désirait simplement être seule. Elle maudissait le Mage Suprême Balthus de tout son être.

La jeune femme étouffait d'une rage impuissante. « Je ne peux supporter cet endroit une journée de plus. ». Il ne lui restait plus qu'à mener la mission à son terme le plus rapidement possible.

Elle s'engagea sur un pont de pierre dont la largeur atteignait tout juste deux mètres. L'idée du vide autour d'elle lui était insupportable. Un frisson lui parcourût l'échine à l'idée de tomber. Le pont franchi, la femme assassin était de nouveau sur une immense plate-forme avec deux portails lui faisant face. Cette uniformité la décourageait. Elle allait rebrousser chemin pour rejoindre sa troupe lorsque un événement curieux se produisit. Un source de lumière qu'elle n'avait jamais vu auparavant dans ce Sanctuaire des ténèbres apparût au loin.

S'éloigner davantage des siens était sans doute risqué. Mais cette lumière si soudaine était le seul phénomène digne d'intérêt, jusqu'à présent. Fascinée, Natalya se mît en route. Elle était à des lieux de s'imaginer de ce qu'elle allait découvrir.

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Nozaroh contemplait l'immense boule de verre placée au centre de l'immense pièce où il se trouvait. L'Orbe Sacré était vraiment une pure merveille. Devant lui, un combat se déroulait, combat qui avait lieu, pourtant, à des centaines de kilomètres. Son maître était un génie. Une autre personne contemplait également le spectacle dans le plus grand silence. Son visage avait un teint quasi-cadavérique., ses cheveux d'un gris fort prononcé.

Le disciple du Mage Pourpre se tourna vers lui. « Une pure merveille que ces guerriers! Votre magie est fort puissante, mon cher !

- Ceci n'est encore rien. Ce Paladin et ce Barbare sont assez coriaces. Jusqu'à présent, personne n'est parvenu à tenir plus d'une minute face à mes créations.

- Je suis au courant, Seigneur Morakyl. Vos créatures font merveille à Lut Golhein, en ce moment même. Mais, dans le cas présent, vous avez affaire aux guerriers qui on terrassé les Trois. Le Nécromancien décocha un sourire triomphateur.

- Bientôt, ces deux là figureront également sur mon tableau de chasse. Personne au monde n'est encore venu à bout de mes Guerriers de l'Ombre !

- Ne laissez pas l'orgueil vous aveugler pour autant. Je sais de quoi Kjeldor et son compagnon sont capables. Et puis, nous ne désirons pas leur mort. Du moins, pas encore.

- Soyez tranquille, Nozaroh. Tout se déroulera en accord avec les directives de votre maître. J'y veillerai personnellement !

- Je l'espère de tout coeur. Morakyl marqua une pause, absorbé par ses pensées. Puis il se tourna vers le disciple de Surazal.

- Un sujet me préoccupe, en revanche. Que devons-nous faire au sujet de l'expédition des Vizjerei dans le Sanctuaire ?

- Les ordres de mon maître sont très clairs à ce sujet. Laissons-les faire. La probabilité qu'ils découvrent quoi que ce soit est infime. Nous aviserons sur le moment si besoin est. Bien, je dois vous quitter à présent. J'ai également des affaires courantes à régler. »

Le Nécromancien ne répondit pas, fasciné par le combat qui se déroulait sous ses yeux. Une fois Nozaroh parti, il laissa échapper un ricanement. Question de temps ou pas, Sanctuary connaîtrait bientôt de nouveau le chaos. Et Morakyl serait un nom encore plus redouté que celui de Diablo, Baal ou Méphisto. Surazal et Nozaroh ignoraient à qui ils avaient à faire. Pour l'instant chacun avait besoin l'un de l'autre. Mais tôt ou tard, il inverserait les rapports de force. Le ricanement se transforma en un rire sardonique.
Assise dans une taverne située dans le centre de Lut Golhein, Nalia achevait d'écluser sa huitième chope de cervoise. Elle s'ennuyait à mourir. Depuis la défaite du Seigneur de la Destruction, il n'y avait plus aucune créature maléfique à combattre. L'inactivité la pesait, l'irritait au plus haut point. Elle finirait dans un asile si ce calme insupportable persistait. Elle avait donc trouvé un peu de réconfort dans la boisson alcoolisée.

C'était une très belle jeune femme : brune, de taille moyenne, un magnifique corps d'athlète. Son parcours était très atypique. Ensorceleuse de formation, Nalia s'est très vite dirigée vers des activités beaucoup plus guerrières. Elle n'a jamais réussi à bien maîtriser les pouvoirs les plus basiques des mages. C'est en croisant la route d'un Barbare qu'elle se découvrît des affinités pour le Maul, l'immense marteau de guerre, arme fétiche des membres de la Tribu de l'Ours. Aventurière dans l'âme, rejetant l'autorité sous quelque forme que ce soit, Nalia adorait se plonger à corps perdu dans une bataille. Elle avait pris une part très active dans la lutte qui opposaient les défenseurs de Sanctuary aux armées de l'enfer. Alors que tout le monde se réjouissait de cette nouvelle ère de paix et de sécurité, la guerrière, elle, pestait, bouillonnait intérieurement.

Le cerveau peu à peu embrumé par l'alcool, Nalia se mettait à engager la conversation avec le premier venu. A ce petit jeu, elle avait réussi à retenir l'attention d'une bonne dizaine de clients qui écoutaient avec amusement ses exploits de combattante. « Des zombies comme s'il en pissait ! Je les ai renvoyés direct à la maison mère comme dirait l'aut'. Si y'avait pas eu c'te mauviette de palouffe de mes deux, j'continuerais à jouer au croquet avec leur têtes. ».

Le propriétaire se vît dans l'obligation de lui demander de bien vouloir quitter les lieux, l'heure de la fermeture ayant sonné. Se levant de sa chaise non sans mal, elle marcha en zigzagant vers la sortie. «Attention à la marche en sortant ! ! ! », fît le tavernier. «Oh lâche moi toi, je suis encore assez grande pour... ». Un bruit caractéristique de chute se fît entendre.

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Iskor et Polka avançaient avec prudence et discrétion en direction du bruit de lutte. Le Paladin avait un mauvais pressentiment. Il avait décelé la présence de dix personnes sur les lieux du combat. Deux d'entre elles avaient une origine humaine.et familière. Pourquoi diable ne parvenait-il pas à identifier les huit autres ? Son esprit restait concentré, faisant abstraction de son entourage immédiat. Il avait un étrange pressentiment, mais, fait des plus étranges, ce qu'il éprouvait n'avait absolument rien à voir avec le moment présent. Il s'agissait de quelque chose de plus diffus. Un terrible événement se préparait. Mais quoi ? « Mon vieux, ce n'est pas le moment de divaguer. Quelqu'un a besoin de ton aide, en ce moment même .. ».

Polka s'était bien gardé de dire quoi que ce soit. Il ne possédait pas le sens si mystérieux de son compagnon ; mais il avait compris, à l'expression tendue du Paladin, que quelque chose de grave se tramait non loin d'eux. N'ayant pas la finesse d'Iskor, le Barbare n'était pas néanmoins dépourvu de bon sens. Il suivait au pas. Le bruit se transforma en vacarme. Ils n'étaient plus qu'à quelques dizaines de mètres.

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Leur lutte était désespérée. Les Guerriers de l'Ombre semblaient invincibles. Darkhan et Kjeldor ne se contentaient plus que de repousser les assauts. Toute offensive de leur part avait été soldée par un échec. Ces êtres étaient invulnérables, capables de réparer leur corps si ce dernier subissait un quelconque dommage. Un véritable cauchemar... Même le plus puissant des démons avait un point faible. Eux ne semblaient en avoir aucun.

« Je retire ce que j'ai dit ! cria Kjeldor à son ami. Finalement, un Balrog c'est pas si méchant après tout ! Rappelle-moi de tenter d'apprivoiser le prochain que je croise.

- Les Rogues Corrompues ne te tentent plus ?

- Trop hargneuses...et pas assez de conversation ! »

Ce dialogue paraissait surréaliste, étant donné les circonstances. Il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un code entre les deux compagnons d'arme. Ils se devaient de garder le moral. Bien des fois, cette manière de plaisanter leur avait permis de poursuivre des combats estimés perdus d'avance et d'en ressortir victorieux. Ils avaient tous deux frôlé la mort lors de leur incursion dans le Sanctuaire du Chaos. Ils n'avaient pas le droit de renoncer, même face à un ennemi aussi inattendu.

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Ils étaient maintenant à couvert, protégés par les arbres. A plat ventre, ils observaient la joute. Iskor n'en croyait pas ses yeux. Il venait de reconnaître ses anciens compagnons de route, ses frères d'arme. Certes, il avait fait tout ce trajet pour les rejoindre, mais il ne s'attendait certainement pas à ce genre de retrouvailles. Le Paladin fût davantage surpris en découvrant leurs adversaires ; rien de comparable à ce qu'il avait pu affronter de par le passé. En outre, c'était la première fois qu'il voyait ses amis en si grande difficulté. Il connaissait leur valeur de combattants, ils avaient tous les trois combattu Duriel, le Prince de la Douleur, gardien de la chambre mortuaire de Tal Rasha. Qui étaient donc ces mystérieux guerriers aux couleurs du néant ?

Polka semblait également perplexe devant la scène qui s'offrait à lui. Se tournant vers Iskor, il se mît à chuchoter.

« Tu as une idée ?

- Pas la moindre, répondit le serviteur d'Akarat en secouant la tête. Il nous faudrait une diversion.

- Justement, fît Polka avec un air de satisfaction, j'ai un plan !

- Ta plaisanterie est déplacée.

- Garde ton cynisme pour une autre fois, et écoute-moi ! Nous n'avons pas de temps à perdre !

- Bien, vas-y, je suis toute ouie ! rétorqua Iskor d'un ton des plus sceptiques.

- Cours les rejoindre, et demande à ton Dieu de nous accorder son aide !

- Que veux tu dire ?

- Je connais mal votre religion mais il me semble t'avoir vu utiliser une aura qui avait pour effet d'affaiblir tes ennemis. Souviens-toi, à Kingsport. Etant donné les circonstances, tes amis seraient certainement ravis de pouvoir souffler un peu face à des adversaires moins vigoureux !

- Compris, fît le Paladin, mais toi, que vas tu faire ?

- Pas le temps ! Vas y MAINTENANT ! ».

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Les Guerriers de l'Ombre revenaient inlassablement, assaut sur assaut. Séparés au début de l'affrontement, Kjeldor et Darkhan combattaient désormais côte à côte, afin de compenser leur position défensive. Le Paladin sentait la fatigue l'envahir. Il ne tiendrait plus très longtemps. Il sentait le doute le submerger. Il ne se contentait plus que d'opposer son bouclier pour parer les attaques. « Non ! Je refuse. ».

C'est alors que l'inattendu se produisit. Sans aucune raison apparente, les huit combattants sombres se figèrent. Le Paladin détecta tout à coup une présence qu'il n'avait pas ressenti depuis bien longtemps. Surgi de la forêt, un homme en armure approchait des « ombres » d'un pas décidé, enveloppé d'une aura que Kjeldor n'eût aucune difficulté à reconnaître : « Conviction ». Le nouvel arrivant lança une charge au cour même du groupe d'ennemis. D'un coup de bouclier, il projeta en arrière le premier guerrier sur son passage. Son épée ancienne semblait irradier d'une énergie élémentaire.

Sa charge lui permît de se frayer un passage et de rejoindre les deux guerriers malmenés. Ils étaient trois, désormais, pour faire face aux assaillants . Iskor fît un clin d'oil complice à ses amis. « Vous ne savez donc pas que les feux en forêt sont interdits ?

- Iskor, par les Epines d'Akarat, que viens-tu faire ici ? C'est une réunion privée ! fît Kjeldor, sentant sa confiance revenir.

- Moi aussi, je suis content de vous revoir !

- Ahem ! fît Darkhan. Nos amis semblent s'impatienter ! »

Leurs adversaires se regroupèrent, et firent marche vers le trio, ainsi formé. Mais leur pas semblait moins assuré, suite aux effets de l'aura « Conviction ». Le Barbare et les deux Paladins se remirent en garde. Le combat allait reprendre, quand une voix grave et tonitruante interrompît tout mouvement. « Par ma barbe, Messires, voilà un bien désagréable vacarme ! ! ! On ne s'entend même plus penser ! » Onze têtes se tournèrent en même temps vers l'individu qui venait de s'exprimer en ces termes. Polka venait de faire son entrée.

« Hé bien, mes amis, vous arborez de bien sombres mines. Bon, il est vrai que, sombres, vous deviez l'être de naissance. Et puis, en parlant de mines, à vous regarder, en fait, vous n'en avez même pas ! Mais que voulez-vous ? Personne n'est parfait ! ». Les huit combattants de l'ombre se mirent à se déplacer en direction du gros Barbare.

« Allons, allons, ne le prenez pas si mal ! Quelle tension ! Vous avez de la chance que je sois passé par là. Ca vous dirait une petite danse, histoire de détendre l'atmosphère ? ». A la stupeur générale, Polka se mît à croiser les bras, plia ses genoux. Puis, il lança ses jambes en avant, l'une après l'autre, en poussant des cris : « Hoy ! Hoy ! Hoy !.. ». Polka dansait en avançant, faisant le tour du campement, suivi des « ombres » qui le suivaient en marchant.

Darkhan en fît tomber son épée, Kjeldor se demandait si sa mâchoire n'allait pas se décrocher, et Iskor leva les yeux au ciel, comme si il avait voulu dire « bon sang, mais c'est pas vrai. »

Le plan de Polka se déroulait à merveille. progressivement, il s'approchait d'un arbre , à l'extrémité du campement. Les hommes noirs continuaient à le suivre, décidés à faire taire définitivement l'intrus. Arrivé à un mètre du tronc, le Barbare bondît., se retrouvant à couvert pendant un bref instant. Puis, il réapparût aussitôt, armé de son marteau. Iskor, dans un éclair de lucidité comprît alors ce que son compagnon danseur se préparait à accomplir.

« Kjeldor, clama-t-il, prie Akarat de nous accorder la «Concentration » !

- Mais cela ne va.

- FAIS-LE ! »

Polka prît son élan. Il se mît à tourner sur lui même, accélérant sans cesse la cadence. La trombe se dirigea à toute vitesse sur les Guerriers de l'Ombre. Mais ces derniers ne se laissèrent pas surprendre pour autant. Ils exécutèrent tous un bond latéral. Le marteau ne rencontra que de l'air. C'est le moment que choisît Iskor. Il s'élança sur la plus proche des créatures, tentant de porter un coup au niveau de la tête. Surprise par cet assaut inattendu, l'ombre, dans un ultime réflexe, porta son arme à hauteur du front, espérant parer l'attaque. Mais c'était sans compter sur la puissance légendaire de Furie Azuréenne, l'épée ancienne. Conjugué aux effets dévastateurs de « Concentration », le coup brisa net l'arme du Guerrier de l'Ombre. Ce dernier, recula quelque peu, lâcha à terre son épée devenue inutilisable. Il se figea, tenant son cou des deux mains, comme s'il n'arrivait plus à respirer. Son corps semblait changer de consistance ; celle de la roche. Il s'effondra au sol et vola en mille morceaux à son contact. Un bruit de fracas se fît également entendre ; Polka, emporté par l'élan de son marteau, termina sa trombe contre un arbre.

Avant que Kjeldor et Darkhan purent réagir, les sept autres créatures du néant disparurent en un éclair de fumée. Tout était fini.

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Nozaroh pénétra dans la bibliothèque où son maître l'attendait. « Ah !, fît ce dernier, enfin te voici. Où en sommes-nous dans le déroulement des opérations ?

- L'attaque des caravanes à Lut Golhein est un succès total. Nous sommes toujours en phase d'évaluation, mais je peux déjà vous annoncer que les Guerriers de l'Ombre ont dérobé plus de deux millions de pièces d'or en seulement trois journées. Ceci, hors marchandises, bien entendu. Les escortes n'ont pu opposer aucune résistance sérieuse.

Le Mage hocha la tête.

- Et qu'en est-t-il de nos héros ?

- J'ai pu les voir à l'ouvre face à huit de nos combattants. De sérieux adversaires, ce qui n'est guère surprenant. J'ai bien évidemment transmis votre consigne au Seigneur Morakyl de faire en sorte qu'ils ne soient pas tués. J'ignore comment cela s'est terminé.

- Tu n'as également pas confiance en lui, n'est-ce pas ?

- Disons que je trouve dangereux de faire appel un Nécromancien qui n'as pas toute sa raison. Au moins, Harschalgui semblait sain d'esprit. En outre, ses incantations lui demandent énormément d'énergie et de concentration. Je ne suis pas certain qu'il tienne la route jusqu'au bout.

- Morakyl est un individu imbu de sa propre personne. Il suffit de flatter son ego pour le maintenir sous notre contrôle. Rassure-toi, cher disciple, je sais pertinemment qu'il ne nous est pas fidèle. Mais peu importe. Il collaborera tant que nos intérêts convergeront.

- Possible, fît Nozaroh d'un ton guère convaincu.

- Rassure-toi, j'ai bien pesé tous les risques avant de faire appel à ses services. Il est instable, c'est indéniable. Mais sa puissance et son savoir dépassent de très loin tout ce que nous avons pu observer en matière de Nécromancie.

- Oui, bien sûr, je ne peux le nier. Vous avez peut être raison.

- Il n'y a pas lieu d'en douter. Autre chose ?

- Non, Maître, rien de plus. Je me retire, si vous n'avez plus besoin de moi.

- Très bien. »

Surazal suivît du regard son disciple quitter la bibliothèque. Puis, il s'approcha de la l'immense fenêtre, et contempla l'extérieur. Il sourît sous sa capuche. Si tout se déroulait comme prévu, il deviendrait plus puissant que jamais. Il avait tout orchestré de main de maître. Son plan, ses recherches sur le Rôdeur, ses alliances, tout ceci était le fruit de longs mois de labeur et de réflexion. La défaite n'était pas envisageable. Il menait les choses à la manière d'un joueur d'échecs : anticiper les réactions de l'adversaire, envisager toutes les stratégies possibles, et choisir la meilleure. Il savait également réserver ses pièces maîtresses pour la bonne occasion. Il aurait très bien pu envoyer Nozaroh à la recherche de L'Epée. Mais ce dernier était bien plus efficace à le seconder, il avait pu très rapidement s'en apercevoir.

Harschalgui était vraiment l'homme de terrain qu'il lui manquait pour mener à bien ses projets. Il savait pertinemment que le Seigneur Barbare était loin d'être crédule. Il était convaincu que ce dernier saurait intelligemment exploiter les informations de son journal. Il lui avait volontairement passé des faits sous silence lorsqu'il lui raconta le passé du Rôdeur. Si Harschalgui savait lire entre les lignes, alors il ne manquerait pas de se poser un certain nombre d'interrogations.. Cette situation l'amusait au plus haut point.

Soudain, le Mage fût pris d'une violente douleur derrière le crâne, qui faillît lui arracher un cri. Il se tenait la tête avec ses deux mains et finît par s'agenouiller. Il allait appeler Nozaroh à l'aide lorsque, en fermant les yeux, un vision se matérialisa. Ce fût tout d'abord une silhouette, il ne percevait qu'une ombre, un contours imprécis. Puis , apparût un homme, vêtu d'une robe bleue. Son crâne était dégarni, il avait une barbe blanche et tenait un bâton déformé. Surazal se mît à murmurer. « Non. C'est impossible. Cain. Deckard Cain. Il est vivant. Pas lui. ».

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Assis autour du feu de camp reprenant chacun leur esprit Darkhan, Kjeldor, Iskor et Polka, qui se remettait de sa malheureuse collision, essayaient de faire le point sur la situation. « Moi qui croyait avoir tout vu après avoir traversé les enfers, fît Darkhan.

- Qui étaient donc ces guerriers, demanda Iskor en se tournant vers son camarade Paladin.

- Aucune idée, répondît Kjeldor en secouant la tête. Tout était si soudain ; ils sont apparu comme par enchantement. Tu as pu remarquer à quel point ils étaient redoutables.

- Et rapides, bougrement rapides, renchérît Polka en se frottant le haut du crâne.

- Il y a quand même un détail qui me chiffonne : rien ne semblait les atteindre. Mais quand Iskor a brisé l'épée de l'un d'entre eux, ce dernier a volé en éclats. Vous trouvez ça normal, vous ? demanda Kjeldor.

- Cela paraît absurde, mais il semblerait que leur arme soit leur seul point faible, répondît Darkhan. J'ai conservé les restes de l'arme. Nous devrions peut-être demander de l'aide à Deckard Cain. Il nous en apprendrait probablement plus en l'examinant.

- Excellente idée, approuva Iskor. Je propose que nous mettions en route dés l'aube.

- Encore marcher. », fît Polka d'un ton de résignation et se laissant tomber par terre.

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Il venait de se réveiller en sursaut. Son coeur battait la chamade, son corps était couvert de transpiration. Etait-ce un cauchemar ? Une vision prémonitoire ? Tout avait l'air si réel. Qui était donc cet être vêtu d'une toge rouge et dont le visage était dissimulé sous une capuche ? Deckard Cain se redressa sur son lit, tentant de se calmer. Un terrible événement se préparait. Cet individu avait quelque chose de familier. Il ne pouvait rien définir de précis. Mais une chose devenait claire dans son esprit : le mal était en train de refaire surface et menaçait de nouveau Sanctuary.
« Quelque chose ne va pas, Maître Surazal ?

- Effectivement, Nozaroh. Nous avons un problème.

- Vous m'intriguez.

- Jusqu'à présent, j'avais réussi à tout parfaitement planifier. J'ai choisi avec soin nos alliés, j'ai pu mettre en place un excellent réseau d'informations, grâce à l'Orbe Sacré. Nous avons réussi peu à peu à étouffer la principale voie commerciale de Lut Golhein, et j'ai le pressentiment que le Seigneur Harschalgui s'acquittera parfaitement de sa tâche.

- Le plan ne pouvait pas mieux se dérouler. Un plan parfait !

- Certes, mais aujourd'hui, tout ce que nous avons entrepris risque de s'écrouler. Deckard Cain est vivant !

- Qui est Deckard Cain ?

- Le dernier représentant des Horadrims, les Mages qui s'étaient donné pour mission sacrée de chasser Diablo, Baal et Mephisto hors du plan des mortels. Cain était à Tristram lorsque le Rôdeur est apparu. Je pensais qu'il n'avait pas survécu à la destruction de la ville. Il est dangereux.

- Mais comment pouvez-vous savoir que cet homme est vivant ? demanda Nozaroh d'un ton des plus sceptiques. En êtes-vous certain ?

- Sûr et certain ! Je viens d'avoir une vision. Il est bien vivant ! Il est à Lut Golhein, en ce moment même !

- Désirez-vous qu'on le supprime ? Cela serait chose facile, avec les Guerriers de l'Ombre. Surazal marqua un temps de réflexion.

- Non. En y réfléchissant, je pense qu'il y a mieux à faire. Nous avons un vieux compte en suspens. Donne l'ordre à Morakyl d'envoyer une escouade de ses meilleurs combattants. Qu'il me ramènent Cain vivant !

- Ne pensez-vous pas qu'il serait plus sage de le tuer, si, comme vous le prétendez, il est si dangereux pour nos projets ?

- Je veux qu'il assiste à mon triomphe ! Rassures-toi, Nozaroh, le sort que je lui réserve est encore moins enviable que la mort elle-même !

- Il en sera selon vos désirs. Je vais de ce pas transmettre vos ordres ! »

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Des ruines et des cendres, c'était tout ce qui restait de Tristram. Harschalgui, le Seigneur Barbare contemplait les restes de la cité maudite. « C'est ici que tout a commencé », songeait-il. Toutes les maisons avaient été détruites par l'immense incendie. Seuls quelques pans de murs témoignaient de l'existence antérieure d'une ville. L'air était encore empli d'une odeur de brûlé et de mort. Il se trouvait à l'endroit qui fût la place principale de la bourgade. Quel terrible spectacle de désolation. Seule la fontaine avait été épargnée. Mais quelque chose retenait son attention. Une cage à suspension s'y tenait également. Cette dernière, tout comme la fontaine, était intacte. En l'examinant de plus prés, Harschalgui se mît à tirer quelques conclusions. L'armature du dispositif, l'odeur et la couleur du bois, l'état de la corde, tout laissait à supposer que cette cage avait été dressée peu après l'attaque de Tristram, donc après le passage du Rôdeur. Il y avait également fort à parier que le prisonnier qui s'y trouvait était un résident de la cité. Cette dernière observation fît quelque peu sourire le Seigneur de la guerre. Ainsi, quelqu'un aurait probablement survécu au massacre. Et une tierce personne était sûrement venu délivrer le mystérieux détenu. Tout ceci n'était que supposition, bien entendu. Fait des plus étranges, rien de tout ceci n'était mentionné dans le journal du Mage Surazal. Ce dernier ignorait donc probablement ce détail. Harschalgui n'était pas mécontent de cette petite découverte. Certes, l'Epée ne pouvait se trouver à Tristram même ; le Rôdeur avait été aperçu en sa possession bien après son départ de la ville martyr. Mais si un habitant des lieux était toujours vivant, cela pouvait changer bien des choses. Le tout était de découvrir son identité. Cela faisait maintenant deux personnes à retrouver : le mystérieux compagnon de route du Rôdeur, et l'éventuel survivant du massacre de Tristram.

Il allait se remettre en route quand quelque chose sur le sol couvert de cendres attira son attention. Des pas, des traces de pas. Il s'agenouilla pour les examiner de plus près. Leur profondeur et leur contour encore net ne faisaient aucun doute : quelqu'un était passé ici très récemment. Plusieurs personnes même, car toutes les empreintes de pas n'avaient pas la même taille. Il devaient être cinq, voire six, difficile d'avoir une meilleure estimation. Il fût tout à coup interrompu dans ses réflexions.

« Alors, Messire, on se promène ? ». La voix était rauque, insolente. Harschalgui ne répondît pas. Il restait agenouillé, tournant le dos à l'individu qui venait de l'interpeller. Apparemment, il ne semblait pas seul. « C'est très imprudent de votre part de vous aventurer seul dans ces contrées désormais maudites. Vous pouvez y laisser votre vie si n'y prenez garde. Mais aujourd'hui est votre jour de chance : mes compagnons et moi-même ne sommes attirés que par l'or et les objets précieux. Voici ce que je vous propose : vous nous remettez gentiment tous vos effets et vous gardez ainsi la vie sauve ! »

Le Seigneur Sombre sourît. Les inconscients. Il se remît debout et fît face au groupe. Des bandits de grands chemins, sans aucun doute. Ils étaient six, tous équipés d'une côte de maille et d'une cervellière. Leur visage était marqué de cicatrices en tous genres, l'un d'entre eux avait même perdu un oeil. Il s'agissait sans doute d'anciens soldats qui s'étaient à présent dirigés vers des activités plus lucratives.

Harchalgui n'avait toujours pas prononcé le moindre mot. Il se contentait de toiser ces brigands de son regard d'acier. Ces derniers avaient un peu perdu de leur assurance lorsque le Barbare s'était relevé. Sa taille avait évidemment de quoi intimider. Leur légère inquiétude dû grandir davantage lorsque le colosse ôta sa tunique noire et la jeta au sol, dévoilant ainsi son impressionnante musculature. Il dégaina son arme, dont le fourreau était accroché derrière son dos. C'était une magnifique épée à deux mains d'une taille proportionnelle à celle de son propriétaire. D'un noir massif, la lame semblait scintiller de mille feux.

Il décida de briser le silence. « Soyons sérieux, Messieurs. Le combat est déséquilibré : vous n'êtes que six ! C'est donc moi qui vais vous laisser une chance. Rangez-moi ces jouets, et débarrassez le plancher. Vous me gâchez le magnifique paysage d'une ville en ruines. Et j'aime d'ailleurs rester seul dans ces rares moments de bonheur ! ».

Le borgne fût aussitôt le premier à réagir à sa provocation. « Tu vas crever sur place sale chien ! Hardi, les gars ! Massacrons-le ! ». Harschalgui se mît instantanément en garde, et attendait calmement l'assaut. Les bandits s'élancèrent tous de front. Le premier à lui arriver au contact était armé d'un fléau. Ce dernier tenta de le frapper au niveau du crâne. Le Seigneur Sombre esquiva aisément le coup d'un léger bond latéral. Emporté par son élan, le bandit dépassa le Barbare ; malheureusement pour lui ; car il ne pût voir venir la lame qui trancha son cou dans un bruit presque imperceptible. Les cinq autres arrivèrent à la hauteur du Barbare et frappèrent en même temps, dans une parfaite synchronisation, pour ne rencontrer que du vide. Il avait disparu ! Puis, ils entendirent une voix dans leur dos. « La mort de votre camarade ne vous suffît donc pas ? Je déteste souiller Mort Joyeuse d'un sang aussi impur. Vous n'êtes pas des guerriers ! Nous ne sommes visiblement pas du même rang. Ceci est mon dernier avertissement ! ». « Je vais te faire ravaler ces paroles ! », hurla le borgne, hors de lui, en brandissant son cimeterre. Il se rua sur le colosse et porta une attaque à la poitrine. Harschalgui ne broncha pas. L'arme du borgne le frappa de plein fouet. et se brisa net au contact de sa peau !

La stupeur pouvait se lire sur le visage du borgne quand il contempla son arme rendue inutilisable. Profitant de son inattention, Harschalgui le saisît par le cou et le souleva, d'une seule main. « Eh bien, que se passe-t-il ? On dirait que ton jouet a manqué de solidité. Fatale erreur. Je vous avais laissé une chance d'éviter cette stupide tuerie. Mais vous n'avez pas su la saisir. ». Le Barbare resserra la pression de sa main autour du cou de l'infortuné bandit, dont le visage commençait à rougir à cause de l'étouffement. Puis, un craquement se fît entendre. Harschalgui venait de lui briser les os. Il balança le corps sans vie aux pieds des quatre derniers brigands, pétrifiés par l'horreur du spectacle. Le Seigneur Sombre fît mine de se remettre en garde ; c'était inutile : peu désireux de partager le sort de leurs infortunés camarades, ils s'enfuirent sans demander leur reste.

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La lumière grandissait devant elle au fur et à mesure de sa progression. Natalya ne pouvait expliquer sa fascination. Chaque pas l'éloignait davantage de Xeng, son second, et de ses hommes. Elle avait conscience de son imprudence ; après tout, personne ne pouvait être absolument certain que tout danger avait disparu du Sanctuaire des Arcanes. Le tout était de savoir si Kjeldor et sa côterie avaient procédé à un « nettoyage » minutieux, lors de leur passage en ces lieux lugubres. Peu importe, elle continuait à avancer, comme attirée par un aimant, comme si cette luminosité l'hypnotisait.

Elle venait de traverser encore un pont de pierre. Elle s'arrêta net. La source de lumière n'était plus qu'à une cinquantaine de mètres d'elle. « Par tous les diables. », venait-elle de lâcher. Une demi-sphère lumineuse, d'un bleu clair des plus aveuglants, émergeait de la surface d'une plate-forme. Elle crachait des éclairs en tous sens.

La jeune femme n'avait jamais vu pareil spectacle. Elle était littéralement fascinée. Elle reprit sa marche en direction du phénomène.

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Des plaines arides, un sable brûlant, tel était l'entourage immédiat de la cité portuaire de Lut Golhein ; un désert de mort. Un groupe de trois personnes progressait dans cet environnement hostile ; un homme en armure et deux jeunes femmes. Ils avançaient en direction de la cité orientale. Ils étaient en pleine conversation passionnée. « Ma chère Vicia, fît l'homme, tout ceci n'est qu'une question de vocabulaire ! Un démon restera un démon, il n'y pas lieu de devoir en discourir pendant des heures !

- Veuillez me pardonner, noble Dal Gurak, car je me vois dans l'obligation de vous contredire. Certains êtres vivants sont devenus des démons par la force des choses. Prenons un exemple ; le Rôdeur.

- Ne me dites pas qu'il était inoffensif tel l'agneau naissant !

- Là n'est pas mon propos ! Mais il fût un noble guerrier, il est venu à bout du Seigneur de la Terreur.

- Certes, mais voyez le résultat final, douce Vicia. Voyez la désolation qu'il a semé dans tout le pays ! Vicia prît une mine désolée et soupira.

- Je reconnais en vous cette vision par trop manichéenne de notre monde. Blanc et noir. Est-ce la faute de ce guerrier si l'esprit de Diablo est parvenu à pervertir son âme ?

- Vous adorez jouer ce rôle d'avocat du Diable, ma chère, répondît le Paladin, avec un fond de compassion dans la voix.

- Vous ne répondez pas à ma question, Dal Gurak.

- Fort bien, fort bien ! fît-il en écartant les bras. Je reconnais que le destin de ce guerrier fût des plus tragiques, mais celui de Tristram, d'Harrogath, de Kurast, et j'en passe, l'est encore davantage à mes yeux. Vous vous apitoyez sur le sort d'un seul individu, mais que faites-vous des milliers de victimes qui périrent par sa faute ?

- Je ne nie absolument pas ce qui est arrivé à Sanctuary. Oh et puis zut ! Vous avez gagné, j'abandonne ! dit-elle en levant les yeux de dépit. »

Jangé n'avait pas prononcé le moindre mot depuis le début de leur discussion. La jeune amazone n'avait que faire de ces sujets un tantinet trop métaphysiques à son goût. Elle restait attentive à leurs alentours immédiats. Ces déserts étaient bien trop propices aux mauvaises rencontres. Le fait qu'elle ne prenait que rarement part aux conversations du Paladin et de l'ensorceleuse ne signifiait pas pour autant qu'elle ne les appréciait pas ; bien au contraire.

Ils formaient un trio des plus efficaces. Ils s'étaient rencontrés dans les jungles de l'Est, au beau milieu du Kehjistan. Ils avaient assuré la pacification de la zone pendant que le Paladin Kjeldor et son ami Barbare allaient affronter Mephisto, le Seigneur de la Haine et le Grand Conseil du Zakarum à Travincal. Le seul regret de la jeune amazone fût de n'avoir jamais pu croiser leur chemin. Elle continuait à surveiller les alentours. Quelque chose commença à l'intriguer. Alors qu'ils s'approchaient de Lut Golhein, elle avait pu remarquer la présence de vautours dans les airs. Leur nombre augmentait au fur et à mesure de leur progression. Elle vît se poser à quelques dizaines de mètres de leur position. Apparemment, ces rapaces venaient de trouver leur déjeuner. Elle s'approcha avec précaution, de manière à ne pas s'attirer l'hostilité des volatiles.

Au sol gisaient une douzaine de cadavres. Jangé appela aussitôt ses compagnons, qui accoururent immédiatement sur les yeux. « Par tous les Saints. » s'exclamait Dal Gurak. Vicia se protégeait les narines, tant la puanteur des corps était insoutenable. Il y avait des soldats, à en juger de leur habits et des armes éparpillées sur le sable, ainsi que des cadavres de chameaux.

« Les restes d'une caravane, constata Jangé, à haute voix.

- Et de son escorte, ajouta le Paladin, pensif.

- Si il s'agissait effectivement d'une caravane, fît Vicia, alors toutes les marchandises qu'elle était censée transporter ont disparu. Les agresseurs n'ont pas fait dans le détail : on liquide et on s'en va !

- Ils devaient être bougrement forts ou extrêmement nombreux pour être venu à bout de l'escorte sans ne subir aucune perte, remarqua l'amazone.

- Qu'est-ce qui te fait croire qu'aucun de leur corps ne figure parmi tous ces cadavres ? demanda Dal Gurak

- Une simple petite observation, répondît Jangé. Regarde leur équipement. Observe leurs couleurs, leur insignes. Tous sont identiques. Si le corps de l'un des agresseurs comptait parmi les victimes, nous le remarquerions obligatoirement.

- Tu as raison, Jangé, fît Vicia. Je pense que nous devrions nous hâter de rejoindre Lut Golhein. Nous en apprendrons davantage sur place. »

Il se remirent en route. Leurs pas étaient désormais plus empressés que jamais. La découverte de ces corps en plein désert les avaient intrigués au plus haut point. Si la paix était revenue sur le pays, l'insécurité, elle, régnait encore et encore.


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Nozaroh entra dans l'immense salle où se tenait l'Orbe Sacré. Morakyl, le Nécromancien s'y trouvait, apparemment en pleine méditation. Ce dernier tourna instantanément le regard vers le disciple de Surazal, lors de son entrée.

« Vous tombez à pic, Nozaroh ! Je dois dire que ce Kjeldor et son compagnon barbare sont de redoutables guerriers ! Mais s'il n'y avait pas eu l'intervention inopinée de leurs camarades.

- Sans doute. Vous avez donc pu les jauger.. Vous comprenez maintenant pourquoi il est essentiel de ne pas trop attirer l'attention sur nous ?

- Certes, certes. Mais venons-en à ce qui vous préoccupe . J'imagine que vous n'êtes pas simplement venu de me parler de ces guerriers à la petite semaine ?

- Effectivement, Seigneur Morakyl. Mon Maître me charge de vous transmettre ses nouvelles consignes.

- Et bien, fît le Nécromancien, d'un ton qui trahissait son impatience, je vous écoute !

- Il s'agirait de capturer vivant un homme, et nous le ramener ici, avec le moins de dommages, si possible. Il est inutile d'ajouter que la plus grande discrétion est exigée. Nous voulons un enlèvement sans vagues.

- Rien de plus simple, Nozaroh. Donnez-moi la description de votre individu, et je me charge de vous le ramener aussi fringant et en forme qu'un nourrisson que l'on sort de son bain ! répondît Morakyl d'un ton empli d'ironie.

- Ne prenez pas cette tâche à la légère, fît Nozaroh d'un ton d'avertissement, mon Maître ne vous pardonnerait aucune erreur. »

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Il les observait de loin. Le groupe venait de se remettre en marche en direction de la cité portuaire. Ils venaient de découvrir tous ces cadavres. Lui aussi n'avait pu les manquer. Le Paladin et ses deux compagnes étaient susceptibles de le conduire au cour de ce mystère. Peut-être rencontrerait-il également celui dont il était à la recherche depuis la fin de la guerre contre les armées des Enfers. « Patience, murmurait-il, patience, Darkhan. L'heure de notre rencontre approche à grands pas. »

Il se mît à suivre le groupe des trois. Lut Golhein était bientôt en vue. Son destin allait probablement s'accomplir.
Le palais de Jerhyn était en pleine effervescence. L'attaque des caravanes dans le désert était devenue le sujet de conversation principal dans toute la ville de Lut Golhein. L'inquiétude grandissait. L'ombre d'un blocus guettait la cité portuaire.

Le Seigneur de la ville arborait un visage tendu. Il écoutait son conseiller économique dresser le bilan de la situation dans laquelle se trouvait Lut Golhein. Cette dernière n'était guère brillante.

« Nous devons réagir au plus vite, Seigneur. Onze caravanes n'ont pu arriver en un seul morceau jusqu'aux portes de la cité. Les escortes semblent impuissantes face à ces mystérieux guerriers. Greiz, le chef des mercenaires, a perdu cinquante de ses hommes et menace de quitter Lut Golhein. Quant à nos garnisons, leurs pertes s'évaluent à plus de cent soldats.

- Je suis parfaitement conscient de la situation, répondît Jerhyn d'un air de dépit. Mais si les soldats de Greiz ne peuvent rien, je ne vois pas ce que nous pouvons faire de plus.

- Pardonnez mon insistance, Seigneur, fît le conseiller, mais si les caravanes ne peuvent plus parvenir jusqu'à l'enceinte de la ville, nous nous dirigeons tout droit vers une crise économique dont nous ne nous relèverons pas. Je vous rappelle que le commerce des caravanes représente deux tiers de nos revenus.

- Une fois encore je le répète, je vois mal comment rétablir la situation. Seule une armée de paladins serait en mesure d'assurer une protection efficace. Et encore, j'émets des réserves sur ce dernier point.

- Alors, il n'y a pas d'issue.

- Pas si vite ! Deckard Cain fait actuellement des recherches sur ces agresseurs. Je place en lui mon entière confiance ! Son savoir est grand, ainsi que son expérience. Il nous reste donc un espoir, même si il est mince.

Le conseiller prît congé. Jerhyn se disait en son for intérieur qu'étant donné la situation, il ne s'agissait plus d'espérer, mais de prier.

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Ils étaient quatre. Deux homme en armures, de taille moyenne, précédés de deux colosses. Il venaient de quitter les Hautes-Terres du Nord et entraient dans la région du Khanduras. Kjeldor, Iskor, Darkhan et Polka décidèrent de passer la nuit à la sortie d'un bois. Polka partît chasser, Darkhan s'occupa du feu de camp. Iskor et Kjeldor allèrent explorer les environs immédiats.

Tout en marchant, les deux paladins évoquaient leur passé commun, puis Iskor expliqua à son ami comment se déroula la traque des responsables du massacre de son village natal. Leur conversation tourna rapidement autour de la cité de Lut Golhein, destination finale de leur voyage. « C'est étrange, fît Kjeldor, je n'avais pas remis les pieds à Lut Golhein depuis la fin de la guerre. L'idée de m'y retrouver dans quelques jours me paraît quelque peu surréaliste.

- C'est compréhensible, répondît Iskor, l'air pensif. Je n'ai jamais compris ce qui a pu décider Deckard à y retourner.

- Je pense qu'il ne faut pas chercher bien loin. Lut Golhein est la ville du savoir, si l'on excepte Travincal. En outre, notre vieux compagnon s'est lié d'amitié avec le Seigneur Jerhyn.

- Je vois. Iskor venait de répondre d'un ton qui laissait entendre que quelque chose d'autre le préoccupait. Kjeldor le remarqua aussitôt.

- Tu sembles ailleurs.

Iskor ne répondît pas. Ils se remémorait les quelques instants qui avaient précédé le combat contre les Guerriers de l'Ombre, juste avant de porter assistance à ses amis. Il pressentait qu'un événement dramatique se préparait. Quelque chose de diffus, qu'il ne pouvait réellement expliquer. Plus il y songeait, et plus il avait le sentiment que cela avait un rapport avec la cité de Lut Golhein. Curieuse coïncidence, cette même ville était leur destination. Cela avait-il un rapport avec les mystérieux combattants qui avaient attaqué Kjeldor et Darkhan ?

Il se tourna vers Kjeldor et lui répondît. « Je ne sais pas encore. Mais j'ai le sentiment que ces guerriers ne sont que le début d'une longue série de problèmes. Comment vous sont-ils tombé dessus et pourquoi ? Kjeldor haussa les épaules.

- Tu sais, tout le monde était au courant que nous étions dans les montagnes, près d'Harrogath. Nous y sommes restés depuis la fin de la guerre. Ce n'était un secret pour personne.

- Admettons fît Iskor, d'un air impatient. Mais ils savaient précisément où vous trouver.

- Rien ne prouve qu'ils s'en prenaient à nous en particulier.

- Je ne crois pas. On n'envoie pas des combattants de ce niveau juste pour maltraiter les touristes dans les bois !

- Qu'essaye-tu de me dire, Iskor ?

- Que cette attaque était préparée, et qu'elle était dirigée contre vous. Mais, au vu des évènements, il semblerait que leur intention n'était pas de vous tuer.

- Tu plaisantes, je suppose ? fît le Paladin d'un ton des plus sarcastiques. Tu as vu, tout comme moi combien nous avons souffert au cours de ce combat ! ! ! Je n'avais jamais senti la mort aussi proche ! Sois plus clair, s'il te plaît, parce que je ne vois vraiment pas où tu veux en venir !

- Lorsque j'ai réussi à éliminer l'un d'entre eux, les autres ont aussitôt disparu, comme par enchantement. Seuls les mages possèdent une telle faculté : la téléportation, mais là je ne t'apprends rien de bien nouveau. Mais il est évident que ces guerriers n'en avaient pas la capacité.

- Continue.dit Kjeldor, très attentif.

- Je pense tout simplement qu'on les a aidé à se téléporter.

- Si ce que tu avances est exact, alors un mage ou une ensorceleuse serait derrière tous ça ?

- C'est une possibilité, acquiéça Iskor en hochant la tête. Et ce mage savait parfaitement où vous trouver. La seule chose que j'ignore est par quel moyen il a pu aussi précisément diriger ses troupes ».

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Nalia se réveilla en plein sursaut. Après une énième nuit des plus arrosées, elle s'était une nouvelle fois endormie au pied de l'entrée de sa taverne favorite. Un mal de crâne insupportable lui vrillait le front. Elle se rendît à la fontaine la plus proche et se passa de l'eau au visage pour essayer de retrouver ses esprits. Ses ablutions achevées, elle s'assît au soleil, et laissa à la légère brise le soin de lui sécher son si charmant minois.

Elle allait rentrer à sa chambre d'auberge, lorsqu'un attroupement inhabituel retînt son attention. Une foule impressionnante s'était agglutinée sur la place qui jouxtait la fontaine. Poussée par la curiosité, Nalia s'approchadu rassemblement. Elle parvînt à se frayer un passage tant bien que mal afin de découvrir quel pouvait être l'objet d'une telle manifestation. Elle vît.

Une charrette se tenait au centre de la place. Son contenu dégageait une odeur nauséabonde. Une odeur de mort. Le véhicule devait contenir environ deux dizaines de cadavres. « Mais que se passe-t-il ? », demanda la jeune femme à un quidam qui se tenait à côté d'elle. « Encore une caravane de perdue. C'est la douzième. » , répondît l'homme. Nalia fronça les sourcils. C'était bien la première fois depuis le début de son séjour dans la cité du désert qu'elle entendait parler de cette histoire. Elle n'osait s'approcher davantage des corps, tant la puanteur était insoutenable. Mais les uniformes des malheureux ne laissaient aucun doute. Il s'agissait des soldats affectés à l'escorte des caravanes marchandes. Le désert était leur seul point de passage pour relier Lut Golhein avec la région du Khanduras.

Sans plus attendre, l'ex-ensorceleuse se dirigea vers la porte de la ville. Il était plus que temps d'agir. Cette histoire d'attaque des caravanes venait de refaire jaillir une flamme qu'elle pensait à jamais éteinte. Elle s'enfonça dans le désert.

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Le spectacle était fascinant et effrayant à la fois. Natalya se tenait à quelques dizaines de mètres de la demi sphère lumineuse. Cette dernière mesurait dix mètres de diamètre. Elle crachait des éclairs d'un bleu aveuglant. Le phénomène visuel était déjà assez intriguant en soi. Cependant, la source d'énergie phénoménale qui se dégageait la préoccupait davantage.

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« Nozaroh, je crois que vous devriez venir voir ! fît Morakyl, l'air amusé. Que se passe-t-il ? fît le disciple en s'approchant du Nécromancien qui fixait l'Orbe Sacré. Regardez par vous-même ! Je pense que nous avons quelque peu sous-estimé les Vizjerei. »

Nozaroh obtempéra. Il vît une jeune femme aux cheveux courts. Elle semblait contempler un saisissant spectacle. Il n'eût aucun mal à la reconnaître.

« Ainsi donc, notre chère amie aurait la curiosité mal placée. Très bien ! Il se tourna vers le Nécromancien. Seigneur Morakyl, je pense que vous savez quoi faire.

- Avec le plus grand plaisir ! » Un sourire sadique se dessina sur les lèvres de Morakyl.

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L'énorme sphère lumineuse continuait de cracher ses éclairs. Natalya avait mis tous ses sens en éveil. L'incroyable concentration d'énergie pure qui se dégageait devant elle la faisait frémir. « Ceci n'était pas au programme des festivités. », songeait-elle. Ce phénomène faisait-il partie des nombreux points passés sous silence par le Mage Balthus, Chef Suprême de l'Ordre Vizjerei ?

Elle n'eût pas le temps de poursuivre ses interrogations. La sphère cessa soudainement de projeter son interminable flot d'éclairs. La femme-assassin sentît un frémissement dans la source d'énergie. Cette dernière se rassemblait en un point unique : au sommet. « Non. », fît-elle. Elle se jeta à terre. juste à temps. Au même moment, la demi-sphère cracha une gigantesque décharge d'électricité que de nombreuses ensorceleuses auraient envié. Cette dernière passa à un mètre au dessus d'elle et percuta l'un des ponts de pierre qu'elle avait emprunté. Elle se releva, et se mît en garde. Son instinct guerrier venait de se réveiller. Bien lui en prît. Car elle vît une forme sombre se mouvoir à l'endroit exact où la décharge venait de frapper la pierre.

Cela ressemblait à un énorme tas de pâte à modeler tout noir. La masse informe se mît à se modifier, comme si une main invisible était en train de la pétrir. De cet ensemble difforme poussa un bras, puis un autre, puis un torse. Une forme humanoïde naquît bientôt. Elle tendît le bras et ouvrît sa main. Un rayon de lumière aveuglante y apparût dans le creux. Natalya détourna le regard tant la luminosité était intenable. Puis, le phénomène faiblît. Lorsque la jeune femme reporta son attention surl'humanoïde, ce dernier tenait une rapière en main. D'un bond spectaculaire, le Guerrier de l'Ombre se retrouva sur le pont de pierre, à quelques mètres de la femme-assassin.

« Je te préviens que si tu cherche la bagarre, mon petit bonhomme, tu choisis mal ton moment !, lança Natalya d'un ton mi-las, mi-condescendant. Je viens d'avoir une journée des plus pénibles. » Elle avait enfilé ses griffes de combat. Le combat était inévitable.

Le guerrier se rua à l'assaut, épée brandie. Avant même qu'il n'arrive au contact, Natalya effectua un triple saut périlleux arrière. Elle se retrouva de nouveau sur une plate-forme, à la retombée. Son adversaire ayant une meilleure allonge, elle avait jugé bon de l'affronter sur un espace plus étendu que le pont sur lequel il se trouvaient. En une foulée, son adversaire l'avait déjà rejointe. Il lui porta une attaque au niveau du cou, d'entrée de jeu. Elle n'eût aucune peine à parer le coup : elle interposa sa griffe gauche à hauteur de sa tête, ce qui stoppa net la trajectoire mortelle de la rapière. Un bond latéral lui permît de se retrouver momentanément hors de portée d'une attaque directe. Elle mît ce bref répit à profit. Elle concentra son esprit et laissa couler en elle sa puissance psychique. Elle se volatilisa l'espace de quelques secondes. Le Guerrier de l'Ombre tournait ce qui lui servait de tête en tous sens, à sa recherche...

Elle réapparût dans son dos et lui décocha un formidable coup de pied sauté au niveau du crâne. La violence du coup fût telle que son adversaire tomba à la renverse et glissa le long du sol marbré sur une dizaine de mètres, ventre à terre. Il gisait au sol. Natalya pensa à tort que le combat était terminé ; une attaque de cette puissance était venue à bout de pas mal de démons. Sa surprise fût grande quand elle le vît se relever sans aucun dommage apparent. Il se jeta à nouveau sur elle et tenta cette fois une attaque au niveau du torse. Elle évita la rapière qui menaçait de lui trancher le tronc en penchant son corps en arrière. Elle contre-attaqua de nouveau. Elle profita du fait que son adversaire, emporté par l'élan de son assaut, ait sa garde baissée. Tel un tigre, elle se jeta sur lui, et lui planta ses deux griffes dans la poitrine. Puis elle le repoussa d'un coup de pied dans le ventre. Sans aucun effet. Elle vît en outre, avec horreur, les entailles sur son corps se résorber.

Cependant, elle n'avait pas le temps d'avoir peur. Elle comprît très vite qu'elle ne pourrait le vaincre au corps à corps. Rien ne semblait l'atteindre. Décidément, cette expédition dans le Sanctuaire des Arcanes tournait au cauchemar. Tout y contribuait : ce guerrier invincible, ce dédale de pierre, ce vide environnant. Ce vide. Bien sûr ! La voilà la solution !

Elle le laissa s'approcher et attaquer. Elle ne se contentait plus que de parer ou esquiver les coups, tout en reculant progressivement vers le bord le plus proche de la plate-forme. Elle n'était plus qu'à deux mètres du vide. Elle cessa de reculer. Elle attendît l'assaut. Le Guerrier de l'Ombre fît tournoyer sa rapière et se précipita sur Natalya, avec la ferme intention de la décapiter. De nouveau, elle se volatilisa ; la rapière de son adversaire ne rencontra que de l'air. Il se trouvait à un mettre du précipice. Fatale erreur. Natalya, en se réapparaissant, le poussa dans le vide d'un coup de pied dans le dos. Le guerrier disparût dans le néant, en un silence de mort.

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Harschalgui jeta un dernier regard sur les ruines de Tristram avant de se remettre en route. Non, l'objet de ses recherches ne se trouvait pas en ces lieux désormais marqués par le sceau de la mort en personne. Mais c'était un passage obligé. Il avait acquis la certitude qu'au moins un habitant de la ville avait survécu au massacre : le mystérieux prisonnier de la cage suspendue.

Le colosse sombre quitta les lieux, laissant derrière-lui six cadavres encore chauds. Il s'agissait des brigands qui avaient osé s'attaquer à lui dans le but de le détrousser.

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Xeng, le second de Natalya tournait en rond. Le vétéran de l'expédition s'inquiétait pour elle. Son absence prolongée ne lui inspirait rien de bon. Il allait se mettre en route, afin de partir à sa rencontre. Il n'en eût pas la peine. Il la vît de loin revenir en courant. « On lève le camp ! », hurla t-elle.

Bien que surpris, Xeng, donna aussitôt l'ordre de repli général. Il avais senti au son de la voix de sa supérieure hiérarchique que quelque chose de grâve venait de se produire. Il regarda dans la direction par laquelle Natalya était revenue. Il comprît.

Une vingtaine de Guerriers Sombres étaient à leur poursuite. « On court vers la sortie du Sanctuaire et au galop ! », intima-t-il à ses hommes. « Plus vite !, fît Natalya, ce sont des dangers mortels ! ».

Au pas de course, toute la troupe se retira. Natalya et Xeng restaient derrière pour couvrir. Mais ils s'aperçurent qu'au fur et à mesure de leur course, les guerriers sombres gagnaient du terrain. « Il faut les ralentir coûte que coûte ! Xeng, si tu as encore une brillante idée, c'est le moment !

- Génial, je te rappelle tout de même que c'est toi la tête pensante du groupe !

- Je t'assure que le moment est fort mal choisi pour me lancer des flatteries !!!

- Arrêtons-nous sur ce pont ! Il ne pourront pas combattre en même temps ! »

Il s'arrêtèrent net sur le pont. Natalya s'assura que tous ses hommes s'étaient suffisamment éloignés. Elle se retourna en direction des Guerriers de l'Ombre qui se rapprochaient sans cesse. L'heure de vérité approchait. Elle allait enfin savoir si la mort avait décidé cette fois ci de devenir son éternelle compagne ; car à deux contre vingt, il y avait de fortes chances que cette bataille soit leur dernière. « Ainsi soit-il. », pensa-t-elle.
Elle venait de quitter Lut Golhein et s'enfonçait dans le désert. Elle partait à la recherche des mystérieux agresseurs des caravanes marchandes. Peu lui importait qui ils étaient et quelles étaient leurs motivations ; pour elle, la venue de ces guerriers signifiait de nouveaux combats à venir. Enfin de l'action ! Mais elle réalisait qu'elle n'avait aucune description de ses futurs adversaires. Comment allait-elle les reconnaître ? Ne s'était-elle pas trop précipitamment lancé à l'aventure ? Peu importe ! L'essentiel était de sortir de cet état léthargique qui la dominait depuis la fin de la guerre contre les démons.

Elle arpentait la dune la plus élevée du secteur, afin d'avoir une vue d'ensemble sur les environs immédiats de Lut Golhein. A ses yeux s'offrait un paysage fascinant. Le désert des Terres d'Aranoch semblait s'étendre dans un infini aride et mortel. Tout était calme. Elle scrutait l'horizon, à la recherche du moindre signe de vie. Rien. Devait-elle attendre que la prochaine caravane passe, ou bien devait-elle prendre le risque de s'éloigner davantage de la ville ? Sa décision fût rapide. La patience n'étant pas sa qualité première, elle opta pour la seconde proposition.

Elle était sur le point d'entamer la descente de la dune, quand elle vît un point apparaître à l'horizon. Puis, elle pût bientôt distinguer trois formes. Nalia s'allongea à plat-ventre, afin de ne pas être vue. Toute sa concentration était portée sur cette soudaine apparition. Un reflet lumineux lui parvenait, caractéristique d'une armure. Il y avait donc un guerrier parmi eux. Ils approchaient. Les silhouettes devinrent plus nettes : deux femmes et un homme. Ce dernier, au vu de son équipement, était certainement un Paladin : la couronne qui ornait sa tête ne laissait aucun doute à ce sujet. Un Paladin ! S'il s'agissait du « légendaire » Kjeldor à cause de qui, il n'y avait plus de démons en état de se battre, elle lui dirait en face sa façon de penser.

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Jangé, l'Amazone, Vicia, l'Ensorceleuse et Dal Gurak, le Paladin n'étaient plus très loin de la merveilleuse cité de l'Orient. La découverte des restes d'une caravane les avait poussé à accélérer le pas. Ils en apprendraient davantage sur place.

L'Amazone était absorbée par ses pensées. Ces mystérieux agresseurs devaient être très puissants. Ils avaient décimé l'escorte qui était pourtant assurée par les hommes de Greiz, le Mercenaire. Or, ces derniers étaient des guerriers accomplis. Jangé avait un très mauvais pressentiment.

Vicia se mît à marcher à la hauteur de l'Amazone. « Quelque chose te tracasse, Jangé, n'est-ce pas ? ». Le son de la voix de l'Ensorceleuse la tira de ses réflexions. Avec un demi sourire, L'Amazone tourna la tête vers Vicia. « Oui, tu as raison.

- Tu ne veux pas m'en dire plus ?

- Et bien. J'ai le sentiment qu'un terrible événement se prépare.

- Pourquoi ? A cause de cette caravane que nous venons de retrouver ?

- Oui, en quelque sorte. Les mercenaires de Greiz étaient affectés à son escorte. J'ai reconnu leur uniforme si particulier. Qui donc est assez fort pour avoir réussi à les massacrer de la sorte ? »

Vicia ne répondît pas. La remarque de Jangé la laissait perplexe. Après la défaite du Démon Baal, tous les démons s'étaient enfuis sans demander leur reste. La paix semblait être revenue. Qui d'autre aurait pu surclasser les hommes de Greiz ? Elle allait répondre à l'Amazone quand une voix inconnue brisa le silence des lieux.

« Halte ! Si vous faites ne serait-ce qu'un pas de plus, mon marteau vous fracasse le crâne ! ». Dal Gurak, Jangé et Vicia restèrent interloqués. Devant eux se tenait une jeune femme brune, aux longs cheveux, avec de magnifiques yeux d'un vert de jade. Elle tenait en main un maul qui faisait quasiment sa taille. Le Paladin semblait hypnotisé devant une telle beauté. Elle portait une armure de corps, ainsi que des chausses de fer. Il avait du mal croire qu'elle pouvait représenter une quelconque menace. Aussi, décida-t-il de prendre la parole.

« Vous devez faire erreur sur la personne, gente demoiselle, fît-il, avec son meilleur accent de séducteur. Nous sommes de simples voyageurs et nous nous rendons à Lut Golhein. La femme au long marteau haussa les sourcils.

- Ben voyons ! De simples voyageurs ! Alors, dans ce cas, votre armure de Paladin n'est qu'un simple vêtement de voyage ? Quel confort pour marcher dans ce désert !!! J'ai horreur que l'on se paye ma tête !

- Calmez-vous, voyons ! fît Vicia, qui crût bon d'intervenir avant que Dal Gurak de n'enfonce davantage. Vous avez raison, nous ne sommes pas des voyageurs ordinaires. Laissez-moi vous faire les présentations. Je me nomme Vicia et je suis ensorceleuse de mon état. Voici Jangé, fît-elle en désignant l'Amazone, et Dal Gurak. Il se trouve que nous devions nous rendre à Lut Golhein pour prendre un bateau. Mais en chemin, nous avons découvert les restes d'une caravane marchande. Nous espérons en savoir plus sur place.

- Tiens donc ! fît la femme, d'un air sceptique. Sachez que cela fait maintenant quatre à cinq jours que les caravanes se font attaquer. Douze d'entre elles n'ont pu arriver à bon port. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui pourrait m'empêcher de penser que vous n'êtes pas responsables de ces massacres !

- Si c'était réellement le cas, rétorqua Jangé, perdrions-nous notre temps à essayer de nous justifier ? Cette dernière remarque fît mouche. Elle les contempla d'un regard mêlé de perplexité et de méfiance. Puis, elle reprît la parole.

- Très bien, je vous accorde le bénéfice du doute. Je me nomme Nalia. Je suis une guerrière. Si vous désirez également des explications sur ces agressions, je pense que le mieux serait d'aller interroger le Seigneur Jerhyn. »

Le nouveau groupe ainsi formé se dirigea vers la cité portuaire, d'un pas déterminé. Les quatre jeunes gens firent en chemin connaissance, évoquant tour à tour leur passé de combattant. Ils ignoraient alors que quelqu'un les suivait dans l'ombre.

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« Décidemment, plus on est de fou, plus on rit ! », songeait Siegfried. Il venait d'assister à la rencontre du Paladin et ses deux compagnes avec cette jeune femme étrange, armée d'un maul aussi grand qu'elle. Cela faisait maintenant trois semaines qu'il traversait ces plaines arides, et des mois qu'il arpentait le pays entier, à la recherche de son pire ennemi.

Siegfried était un homme originaire des Terres du Grand Nord. Le qualificatif de « Barbare » lui seyait donc à ravir. Mesurant prés de deux mètres, trapu, il ne pouvait laisser personne indifférent. Avec ses longs cheveux blonds comme des blés, et ses yeux d'un bleu aussi pur qu'une turquoise, il incarnait un mélange savant entre séduction et intimidation. Nombreuses furent les femmes tombant sous son charme ; malheureusement pour ces dernières, Siegfried n'était pas un cour à prendre. La gente féminine ne figurait pas dans ses priorités. En revanche, il était clair dans son esprit que le sang coulerait incessamment, celui d'un homme qui fût un proche. Le destin avait décidé qu'ils devinrent des ennemis mortels. Si la guerre contre les démons venait de prendre fin, celle de Siegfried ne faisait que commencer.

L'homme qu'il recherchait se trouvait de source sûre dans les environs d'Harrogath, la citée fortifiée du Grand Nord. Mais, de curieux événements dans la région de Lut Golhein avaient amené le barbare aux cheveux d'or à se rendre dans les Terres d'Aranoch. Lui aussi enquêtait sur les attaques répétées des caravanes marchandes. Il suivait à distance depuis trois jours le groupe de jeunes guerriers, composé d'un Paladin et de deux femmes, dont l'une devait probablement appartenir à l'ordre des Ensorceleuses.

Après une heure de marche, les murs de Lut Golhein furent en vue. Il n'avait pas remis les pieds dans cette ville depuis son incursion dans les égouts, où il mît fin aux méfaits de Radament, le mort-vivant ; au terme d'un terrible combat. Il s'arrêta, observant le groupe parlementer avec les soldats gardant l'entrée de la citée. Il les vît pénétrer à l'intérieur de l'enceinte fortifiée. Il reprît sa marche et se présenta à son tour aux gardiens de la porte.

« Halte ! Veuillez décliner votre identité ! fît l'un des soldats.

- Je me nomme Siegfried, fît le Barbare. Je viens de la cité d'Harrogath.

- Je vois, fît le garde, d'un regard méfiant. Puis-je connaître le motif de votre séjour à Lut Golhein ? Ce ton inquisiteur parût amuser Siegfried.

- Il fût un temps où les étrangers étaient accueillis avec bien plus de courtoisie ! répondît-il d'un ton sec.

- Navré de vous l'entendre dire, rétorqua le soldat. Mais j'obéis à mes supérieurs. Je me vois donc dans l'obligation de renouveler ma question : que venez-vous faire ici ?

- Je cherche tout d'abord une auberge qui me permettra de récupérer du long voyage que je viens d'effectuer, fît Siegfried, qui comprît qu'il valait mieux ne pas tergiverser.

- C'est tout ?

- Non. Je viens apporter mon aide au Seigneur Jerhyn. Je suis au courant pour les caravanes.

- Oh, je vois ! Vous êtes un guerrier ! A moins que vous ne soyez qu'un petit aventurier en quête de sensation fortes ! fît le garde d'un ton railleur.

- Je suis effectivement un combattant. Et si vous l'estimez nécessaire, je peux vous le prouver sur le champ afin de dissiper tous vos doutes. »

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Natalya et Xeng se tenaient en garde sur le pont de pierre. Il s'apprêtaient à livrer le combat de la dernière chance. Leurs adversaires, les vingts Guerriers de l'Ombre approchaient à toute vitesse. « Xeng, écoute-moi très attentivement, nous n'avons que très peu de temps. Ces choses ne peuvent être blessées avec nos armes ; elles s'auto-guérissent. Il n'y a qu'une seule chose à faire ; les précipiter dans le vide.

- Je savais que cette expédition t'ennuyait au plus haut point, Natalya. Tu n'as donc rien trouvé de moins dangereux pour te distraire ? fît Xeng d'un ton las.

- Je te promets de faire mieux la prochaine fois, mais c'est tout ce que j'ai pu trouver. Répondît-elle, avec un demi-sourire au coin des lèvres ».

Leurs adversaires atteignirent finalement l'autre extrémité du pont. Natalya et son second avaient choisi ce passage, de manière à ne pas avoir à tous les affronter à la fois. Cela laisserait en outre plus de temps au reste de la troupe pour se retirer vers la sortie du Sanctuaire des Arcanes. Quelques dizaines de mètres les séparaient des Guerriers de l'Ombre. Le pont était juste assez large pour que deux personnes puissent se tenir côte à côte.

Le premier d'entre eux chargea, brandissant une hache à deux mains. Il choisît Xeng pour cible. Faisant tournoyer son arme, il tenta d'abattre cette dernière sur le crâne du vétéran des Assassins. D'un geste vif, Xeng para l'attaque en interposant ces deux griffes et riposta aussitôt d'un coup de pied dans le ventre. Le coup repoussa le guerrier en arrière, ce qui laissa le temps à Natalya de préparer une contre attaque. Elle effectua un bond spectaculaire qui lui permît d'atterrir dans le dos du combattant sombre et enchaîna dans la foulée un coup de pied latéral qui frappa de plein fouet la hanche de son adversaire. Ce dernier, surpris, perdît l'équilibre et tomba à la renverse, la tête la première dans le vide sans fin. Un de moins !

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« Intéressant, commenta Nozaroh, qui observait le combat par l'intermédiaire de l'Orbe Sacré. Ils essaient de gagner du temps afin de protéger la fuite de leurs hommes ! Je dois reconnaître qu'ils font preuve d'un courage admirable ! Quel dommage que tant d'efforts soient voués à l'échec !

- Que voulez-vous dire ? fît Morakyl d'un air interrogateur.

- Je ne leur laisserai jamais le temps de sortir du Sanctuaire ! répondît le disciple de Surazal. Regardez bien ! »

Nozaroh tendît son poing en avant et se mît à prononcer des paroles incompréhensibles. Bientôt, sa main fût entourée d'une aura lumineuse d'un bleu aveuglant.

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Au même moment, les soldats de Natalya arrivèrent devant le portail qui allait les conduire hors du Sanctuaire, directement dans les caves du palais du Jerhyn. A l'instant même où le premier d'entre eux s'apprêtait à franchir le portail, le halo lumineux disparût ! Le passage venait de disparaître. Ils étaient pris au piège !

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« Remarquable ! fît Morakyl. Les voilà faits comme des rats ! Faut-il les supprimer ?

- Surtout pas ! répondît Nozaroh. Capturez-les VIVANTS ! Cette prise est trop inespérée !

- Comme vous voudrez, fît le Nécromancien, visiblement déçu. »

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Natalya et Xeng tenaient bon. Il venaient de mettre cinq guerriers hors d'état de nuire. Ils prenaient le minimum de risques, laissant aux Guerriers de l'Ombre l'initiative de l'offensive. Natalya jugea qu'ils avaient suffisamment laissé de temps à leur troupe pour fuir vers la sortie.

Elle fît un signe de tête à son second qui comprît aussitôt. Xeng ne se contenta plus que de repousser les assauts ennemis, juste le temps que sa compagne d'arme puisse placer ses pièges au sol. « Maintenant, Xeng ! cria-t-elle ». Il effectua un saut arrière et se plaça aux côtés de Natalya. Toute la horde de combattants s'engagea sur le pont à leur rencontre. Mal leur en prît. Les pièges se déclenchèrent. Une série d'explosions gronda à l'extrémité du pont où se trouvaient la femme assassin et son compagnon. Le pont s'effondra, et chût dans le vide, entraînant avec lui tous les combattants sombres. La partie était gagnée. Du moins provisoirement. Ils se dirigèrent à leur tour vers la sortie.

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« Alors, cher disciple, quelles sont les nouvelles ?

- J'ai fermé le passage du Sanctuaire menant au palais de Jerhyn. Bientôt, Natalya et ses hommes seront nos prisonniers ; j'ai donné au Seigneur Morakyl des instructions allant dans ce sens. Je suis conscient que vous aviez donné pour consigne de ne pas engager le combat avec eux, mais cette femme a découvert ce que nous cachions.

- Tu as bien agi, Nozaroh, fît Surazal d'un ton de satisfaction. Ces futurs captifs feront une caution de choix ! Notre cher Nécromancien est-il prêt pour l'enlèvement de notre ami Deckard Cain ?

- Il n'attend plus que votre aval pour mettre l'opération à exécution, Maître.

- Bien. Dans ce cas, il est temps pour moi de me faire connaître auprès du Seigneur Jerhyn. Je me rends de ce pas à Lut Golhein.

- Je vois, fît Nozaroh. Morakyl va profiter de votre présence à l'intérieur de la cité pour procéder à la capture de Cain. Excellent plan !

- Une fois de plus, tu as vu juste. Encore un peu de patience, et Lut Golhein sera bientôt à nos pieds !

- Reste à savoir si le Seigneur Harschalgui se montrera à la hauteur de sa réputation.

- Il le sera, cela ne fait aucun doute. Prends patience, cher disciple. Retrouver cette épée va lui demander un temps considérable, mais je peux te garantir qu'elle sera bientôt en notre possession ; et je triompherai là où Diablo et ses frères ont échoué. »
Un vent glacial soufflait dans les Montagnes du Khanduras. Leurs forêts étaient maintenant entièrement recouvertes par la neige. A l'orée de l'une d'entre elles, un bâtiment en ruine s'élevait misérablement. Les nombreuses poutres carbonisées témoignaient de l'incendie qui avait détruit l'édifice. Ce qui avait pu se produire dans cet endroit n'était guère parmi les préoccupations de l'elfe, qui, surpris par la tempête, alla s'y réfugier.

Magnarrok était transi de froid, malgré son abri de facture. Il regarda autour de lui. Il vît des tables et des chaises renversées, et il pût distinguer les restes de ce qu'il fût autrefois une immense cheminée. Cela devait être une auberge, autrefois, pensa-t-il, en claquant des dents.

Le froid se fît de plus en plus en plus insupportable. S'il ne trouvait rien pour se chauffer, l'engourdissement ne tarderait pas à le gagner ; ce qui signifiait une mort certaine. Rassemblant toutes ses forces et son courage, il entreprît de réunir en un tas tout combustible qui lui tombait sous la main. Heureusement, le bois ne manquait pas dans cette ruine. Après avoir suffisamment réuni de matières inflammables, il se saisît d'un bout de bois à surface large et plane qu'il posa non loin du tas de bois. Puis il chercha du regard un autre bout de bois plus fin et pointu. Son bonheur trouvé, il s'assît en tailleur et disposa le bois plat entre ses jambes. Il entreprît de frotter le bâton pointu, en disposant le bout de ce dernier sur la surface plane du bois, et en le faisant tourner sur son axe entre ses mains.

Malgré tous ses efforts, aucune étincelle ne jaillît, l'humidité contenue dans le bois étant trop importante pour permettre tout début de flamme. Il perdît tout espoir au bout d'une heure, ses deux mains meurtries par le froid et les frottements. L'engourdissement commençait à l'envahir. Il se laisser tomber au sol et adopta et se recroquevilla sur lui même, résigné, attendant que la mort le délivre de ses souffrances. Il finît par perdre connaissance.

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« Le Seigneur Jerhyn vous attend, si vous voulez bien me suivre. », fît le conseiller. Vicia, Jangé, Dal Gurak, Nalia et Siegfried suivirent l'homme à travers le long couloir. Ils pénétrèrent dans une grande pièce qui devait être, à première vue, la bibliothèque personnelle du Seigneur de Lut Golhein. Ce dernier était assis derrière un grand bureau en bois massif et les observait d'un air pensif. A côté de lui, debout, se tenait Greiz, le chef des mercenaires de Lut Golhein. Jerhyn leur fît signe de s'asseoir. Vicia, la jeune ensorceleuse, décida de prendre la parole.

« Merci d'avoir bien voulu nous recevoir, Seigneur.

- Si vous n'aviez pas précisé à mon conseiller ce qui vous amenait, je n'aurais jamais accepté cette entrevue ! Je suis devenu très sélectif sur les audiences que j'accorde. Je vous écoute, fît Jerhyn, invitant Vicia à poursuivre.

- Nous sommes venus vous proposer notre aide pour mettre un terme à ces attaques sur les caravanes. Cela dit, nous ignorons tout de l'ennemi. Il doit être particulièrement puissant pour être venu à bout des mercenaires de Greiz.

- Judicieuse remarque ! Je constate que vous connaissez Greiz et ses hommes, remarqua le Seigneur de Lut Golhein. Vous avez l'air d'être déjà bien renseignés. Cela dit, je n'ai malheureusement que très peu d'informations à vous communiquer. D'après les témoignages des rares survivants, les agresseurs seraient des guerriers ressemblant à des ombres et dont les prouesses de combattants dépasseraient largement celles des démons de l'enfer. C'est là tout ce que je peux vous dire sur eux. - C'est effectivement un peu maigre, constata Vicia.

- Toutefois, poursuivit Jerhyn, sachez que Deckard Cain effectue actuellement des recherches sur ces mystérieux guerriers. Peut-être pourriez vous collaborer tous ensemble ?

Le visage de Vicia s'illumina.

- Si Deckard Cain est ici, alors nos chances de lever le voile sur cette affaire s'en trouvent grandement augmentées

- J'aimerais partager votre optimisme, fît Greiz en secouant la tête, mais je doute qu'il suffise de connaître la nature de l'ennemi pour pouvoir le vaincre.

- Possible, fît Siegfried en prenant la parole. Cependant, j'ai de sérieux doutes concernant la prétendue supériorité de ces guerriers sur les démons des enfers. Celui qui vous a rapporté cette histoire n'a certainement jamais foulé de son pied les terres infernales. La peur amène parfois l'individu à exagérer ce qu'il a pu observer.

Tous se tournèrent vers le barbare, l'air surpris. Greiz lui lança un regard noir.

- Oseriez-vous mettre en doute la valeur de mes hommes ? fît-il sur un ton empli d'indignation.

- Elle est peut-être surfaite , souligna le colosse aux cheveux d'or. Mais là n'est pas mon propos. Je n'ai effectivement jamais vu vos mercenaires à l'ouvre; mais en revanche, j'ai combattu aux enfers ! Je suis donc en mesure de vous affirmer, qu'il est fort improbable que ces mystérieux combattants soient en mesure de surclasser les créatures infernales. Si de tels monstres existaient, il y aurait longtemps que Sanctuary ne serait plus.

- Vous prétendez être revenu des enfers vivant ? fît Jehryn, l'air sceptique. Je pensais que seuls Kjeldor et Darkhan avaient pu accomplir cet exploit. Je suis vraiment impatient de vous voir à l'ouvre, guerrier !

Vicia sentît qu'il était temps de mettre fin à cette joute verbale.

- Calmez-vous messieurs ! Seigneur Jerhyn, je vous remercie à nouveau pour le temps que vous nous avez accordé. Nous allons faire notre possible pour mettre fin à ces attaques.

- Très bien, fît Jerhyn. Faites au mieux. Vous trouverez Deckard Cain à l'Auberge des Sables. Si vos prouesses de combattant sont à la hauteur de vos prétentions, dît-il à l'adresse de Siegfried, alors nous avons peut-être une chance. »

Le groupe quitta le palais. Ils se dirigèrent vers l'Auberge des Sables.

« On peut dire que la diplomatie ne fait pas partie de vos qualités premières fît Dal Gurak le Paladin en s'adressant au Barbare. Ce dernier secoua légèrement la tête en souriant.

- J'en suis désolé, mais il n'y a rien de plus navrant qu'une personne qui part vaincue avant même d'avoir livré bataille. C'est d'autant plus fâcheux si l'on considère que Greiz est censé mener des hommes au combat.

- Et vous-même, fît Jangé, n'auriez vous pas tendance à vous surestimer ?

- Tout ce que j'ai avancé s'appuyait sur des faits réels. Vous avez tout à fait le droit de mettre ma parole en doute, mais je puis vous garantir que mon expérience en matière de démons est certainement plus conséquente que celle de ces mercenaires.

- Donc vous excluez toute thèse comme quoi il pourrait exister des guerriers d'une puissance supérieure à celle des créatures des enfers ? Demanda Dal Gurak.

- Non, bien sûr que non, cher Paladin ! répondît Siegfried sur un ton que Vicia ne trouva guère rassurant. Je demande juste à être convaincu !

- Quoi qu'il en soit, reprît Jangé, nous serons bientôt fixés. Espérons que Cain puisse nous en apprendre davantage.

- J'ai vraiment hâte de les affronter, fît Nalia. Mon marteau de guerre commence sérieusement à rouiller ! »

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Ils courraient à en perdre haleine. Natalya et Xeng se dirigeaient à la rencontre du reste de leur troupe, en direction du portail de téléportation qui devait les ramener au Palais de Lut Golhein.

« J'espère qu'il n'y aura pas d'autres mauvaises surprises ! fît Xeng

- Il me tarde surtout de sortir de cet endroit ! Je suis impatiente d'entendre les explications de Balthus sur ce que nous venons de voir !

- Tu penses qu'il savait ce qu'il nous attendait ?

- Bonne question ! Le Sanctuaire des Arcannes était sensé être vidé de toute présence maléfique, suite à la mort d'Horazon. Tu constate à quel point ces hypothèses sont loin de la réalité.

- Tu pense que l'Invocateur aurait survécu ? demanda Xeng d'une moue dubitative.

- C'est une possibilité. Mais je suis plus d'avis que quelqu'un d'autre a élu domicile en ce lieu. Si tu y réfléchis bien, le Sanctuaire est une place stratégique de choix, grâce à son accès direct vers le Palais.

- Vu sous cet angle, cela ouvre effectivement de nouvelles perspectives, concéda le second de Natalya.

- Il nous faut donc quitter ces lieux en priorité ! Nous devons prévenir Jerhyn, afin qu'il fasse sceller ce passage.

- Je crains que cela ne soit plus nécessaire..fît Xeng d'un ton des plus étranges

- Quoi ?

- Regarde ! »

Il cessèrent de courir. Natalya vît la troupe qui stationnait devant le passage dimensionnel. Ce dernier était fermé !

_______________


Nozaroh et Morakyl observaient la troupe d'assassins pris au piège dans le Sanctuaire. Le Seigneur Nécromancien jubilait. Il haïssait les tueurs de mages.

« Bien, fît Nozaroh, il est temps de leur faire savoir qu'ils n'ont plus qu'à se rendre !

- Qu'allons-nous en faire exactement ?

- Mon Maître a des projets pour eux. Nous devons juste nous assurer qu'ils ne puissent pas s'enfuir ; mais il nous les faut vivants ! »

_______________


« Et maintenant, que fait-on ? demanda Xeng.

- On réfléchit, répondît Natalya. Il doit bien y avoir une autre sortie. !

- Peut-être, mais elle est certainement gardée par ces choses. L'envie de m'amuser avec elles m'a fortement passé.

- Nous n'avons pas trop le choix ! Si le prix de notre liberté passe par affronter ces monstres, alors je suis prête à le payer !

- Tentative aussi dérisoire qu'inutile ! fît soudain une voix sortie d'outre-tombe et dont l'écho semblait se propager sur l'ensemble du Sanctuaire. Tous sursautèrent.

- Qui parle ? hurla Natalya en promenant son regard dans toutes les directions.

- Je suis le Seigneur Nozaroh, répondît la voix. Vous avez commis une grave erreur en pénétrant en ces lieux, je le crains. Votre trop grande curiosité ne me laisse guère d'options. Considérez-vous dés à présent comme mes prisonniers.

- Savez-vous ce qu'il en coûte de traiter des membres de l'Ordre Vizjerei de la sorte ? rétorqua la femme assassin.

- Vous n'êtes malheureusement pas en position de force pour proférer des menaces, chère Natalya. Il n'existe aucune autre sortie que celle devant laquelle vous vous trouvez. Moi seul en contrôle l'ouverture et la fermeture. Je vous conseille de vous rendre, sans faire de vagues. Il me serait facile de vous laisser pourrir dans ce labyrinthe, mais votre mort n'entre pas du tout dans nos projets ! Je vous laisse y réfléchir ; j'ai tout mon temps ! »

Natalya frémît quand elle entendît la voix prononcer son nom. Apparemment, leur ennemi était fort bien renseigné ! Leur mystérieux interlocuteur prétendait s'appeler Nozaroh. Ce nom lui évoquait quelque chose sans qu'elle puisse précisément y mettre le doigt dessus.

« Tu me parlais de mauvaises surprises, Xeng, fît-elle, à voix basse, en s'adressant au vétéran de la troupe, celle-ci est de taille non ?

- Va-on lui obéir ? Ce Nozaroh est peut-être en train de bluffer.

- Possible, fît le chef des assassins. Mais, apparemment, il a l'air de pouvoir contrôler tous nos faits et gestes. On ne pourra donc pas jouer sur l'effet de surprise. En outre, je pense que nous avons mieux à faire. En nous rendant, nous avons une chance de découvrir qui a pris possession du Sanctuaire des Arcanes.

- Je te rappelle que ceci sort des prérogatives de notre mission, Natalya. Nous avons ordre de faire un rapport détaillé sur cet endroit et filer au plus vite.

- Va donc l'expliquer à celui qui nous retient enfermés, je suis certaine qu'il se montrera très compréhensif ! rétorqua-t-elle d'un ton mêlé d'ironie et d'agacement.

- Quand je pense que tu voulais te battre il n'y a à peine cinq minutes. Je ne te comprend pas...

- J'ignorais alors que quelqu'un nous observait dans l'ombre, Xeng ! Je refuse de mettre la vie de toute une troupe en péril. En nous constituant prisonniers, nous avons une chance de sauver notre peau et de connaître le fin mot de l'histoire !

- D'accord, d'accord ! ! ! ! Tu as gagné ! ! ! Tu sais que tu deviens irrésistible lorsque tu es en colère ? »

Cette dernière remarque arracha un sourire à la femme assassin. Elle s'adressa alors à celui qui les épiait.

« Seigneur Nozaroh, fît elle, je vous annonce que vous avez gagné. Nous nous rendons !

- Fort bien ! répondît la voix. Vous allez donc très attentivement écouter mes instructions.

- Nous sommes toutes ouïes ! ironisa Natalya.

- Vous allez vous rendre à l'endroit précis où vous avez monté votre campement. Lorsque vous y serez, je vous ouvrirai un passage que vous vous emprunterez. Lorsque vous l'aurez franchi, vous aurez de nouvelles instructions.

- Et c'est tout ?

- Une dernière chose, Natalya, fît la voix sur un ton qui se fît plus menaçant, ne tentez rien de déplacé, sauf si vous avez envie d'assister à la mort de vos hommes avant de succomber dans d'horribles souffrances !

- Quelle belle tirade mélodramatique, Nozaroh ! Votre sollicitude et votre philanthropie ont dû arracher des larmes de reconnaissance aux plus sadiques des tortionnaires ! Soyez sans crainte, nous saurons nous montrer dociles !

- C'est effectivement dans votre intérêt.. »

_______________


La mort qu'il attendait ne vînt pas. Magnarrok constata également que le froid avait radicalement diminué dans son intensité. Il sentît alors une source de chaleur bienfaitrice qui libéra progressivement ses membres. Au prix de quelques efforts, il parvint à se remettre en position assise.

Il regarda autour de lui, cherchant à comprendre ce qui se passait. D'où pouvait bien provenir cette source de chaleur ? Sa curiosité lui donna la force de se lever. Il commença à inspecter plus attentivement les lieux, laissant son instinct d'elfe reprendre le dessus. Il se déplaça lentement vers le centre de la pièce.

Une lueur au sol attira alors son attention, cette dernière filtrait à travers des débris de pierre et de bois. Il commença à déblayer la zone. La lumière se fît plus vive au fur et à mesure de son travail. La stupeur l'envahît après avoir dégagé, non sans effort, un gros pan de poutre. A ses pieds, gisait une épée, impressionnante de par sa taille. Le halo lumineux grandissait au fur et à mesure que la main du jeune elfe s'approchait du pommeau de l'arme. « Vu sa taille, je ne pourrai jamais la soulever ,songea Magnarrok ». A sa grande surprise, il pût s'en saisir sans difficulté aucune. Elle était d'une telle légèreté qu'il pouvait même la tenir d'une seule main. Par quel miracle cela était-il possible ? Il la sentait vibrer sous ses doigts. Elle était probablement enchantée. La chaleur qu'elle dégageait le protégeait du froid.

L'elfe alla se rasseoir, la lame en main, et effectua un examen minutieux de cette heureuse acquisition. Il se demandait alors qui pût détenir un tel bijou.

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Nozaroh pénétra dans la bibliothèque de son maître, où se dernier l'attendait. Surazal fît signe à son disciple de s'asseoir.

« Je viens vous annoncer que Natalya s'est rendue sans faire d'histoire, Maître.

- Je pense qu'elle était assez intelligente pour comprendre que toute résistance de sa part aurait été vaine pour elle et sa troupe, commenta Surazal.

- J'irais même jusqu'à dire que c'est un esprit brillant. Il est dommage que nous ne soyons pas du même bord !

- Effectivement, cela est très dommage, Nozaroh, mais nous savons tous deux ô combien les tueurs de mages sont incorruptibles.

- Sans doute. Pour en revenir à nos affaires, j'aimerais, si possible éclaircir certaines zones d'ombre.

- Je t'écoute.

- Tout d'abord, je cherche à comprendre ce que va pouvoir nous apporter la fameuse épée du Rôdeur. Quels sont ses pouvoirs ?

Surazal sourît intérieurement.

- Il est temps, effectivement, que je te révèle ce que je projette depuis très longtemps. Je ne peux pas encore tout te dire, mais je pense pouvoir satisfaire en majeure partie ta curiosité. J'ai acquis la conviction que l'epée du Rôdeur n'est autre que la légendaire Fureur d'Odipe.

- Odipe ? Vous voulez parler du fils de Bul-Kathos, le premier Roi des peuples du Grand Nord ?

- Exactement, confirma le Mage Pourpre. Selon les anciens écrits, le Roi, lors de la naissance de son fils aîné, entreprît de faire forger une épée qu'il lui destinerait à sa majorité. Il se trouve qu'il confia la forge de l'arme aux Elfes de la forêt de Northwood.

- J'ignorais que les elfes avaient aussi des dons de forgeron. Pourquoi ne pas avoir demandé ce travail auprès de ses propres artisans ?

- Pour une raison des plus simples. Les elfes furent le tout premier peuple à maîtriser la magie des runes. Vois-tu où je veux en venir ?

- Vous voulez dire que la Fureur d'Odipe est une épée runique ?

- Oui, mais pas n'importe laquelle : il s'agit tout simplement de l'arme la plus puissante jamais créée. Les runes qui ont servi à sa création sont à ce point rarissimes que je suis convaincu qu'elles n'existent plus à notre époque.

- Je commence à comprendre fît Nozaroh. Ce n'est pas l'arme, mais les runes qui la sertissent que vous voulez récupérer !

- Excellente déduction, cher disciple. Je compte effectivement mettre la main sur ces puissants artéfacts. Ils nous permettront alors de créer des armes surpuissantes qui iront équiper les Guerriers de l'Ombre du Seigneur Morakyl.

- Je vois, mais il réside un obstacle majeur à vos projets, Maître.

- Lequel ?

- Lorsque le mot runique est formé, les runes sont à jamais scellées sur l'arme.

- C'est là que tu fais erreur, Nozaroh, fît le Mage, un accent de satisfaction dans la voix. J'ai récemment découvert, en procédant à des investigations poussées, que le Palais de Lut Golhein disposait de la plus vaste bibliothèque concernant les magies élémentaires et runiques. Il existe là bas un ouvrage qui m'intéresse au plus haut point : il traite d'un rituel dit de « dissociation runique ».

- En somme, il s'agirait d'un processus permettant de briser un mot runique ?

- C'est cela même. J'ignore en revanche s'il est possible d'utiliser les runes à nouveau.

- Je pense que cela doit l'être, commenta le disciple, où serait alors l'intérêt d'un tel ouvrage ?

- C'est également mon opinion. C'est pourquoi je dois impérativement me procurer cet ouvrage. C'est également pour cette raison que je prendrai le pouvoir à Lut Golhein. Nous ferons alors d'une pierre deux coups. D'une part, nous aurons accès à cette bibliothèque, et nous disposerons également d'une véritable place forte pour héberger notre future grande armée.

- Je comprend mieux. Toutefois, comment pouvez-vous être aussi sûr que l'épée du Rôdeur et la Furie d'Odipe ne font qu'une ?

- C'est ce que je ne peux pas encore te révéler. Mais rassure-toi, la lumière se fera très bientôt. Tu comprendras alors pourquoi nous devons capturer Cain vivant. »
Assis au bureau de sa chambre d'auberge, Deckard Cain n'en finissait plus de lire et relire ses ouvrages. Tous les thèmes étaient passés en revue : forces occultes, nécromancie, magie élémentaire, les familles de démons. Rien. Il ne trouvait rien. Aucun de ses imposants volumes ne contenait la moindre parcelle d'information concernant les mystérieux guerriers sombres. Après trois jours de recherches infructueuses, il décida d'abandonner. Il était épuisé. Son âge avancé ne lui permettait plus de travailler avec peu d'heures de sommeil sans que cela ne se répercute sur ses facultés mentales.

Il se leva de sa chaise et alla contempler le panorama de Lut Golhein depuis la fenêtre de sa chambre. Il essayait de se détendre, de vider son esprit. Malgré la fatigue, il ne pouvait s'empêcher de penser à la vision qu'il avait eu en pleine nuit : celle d'un individu vêtu d'une robe rouge et dont le visage était dissimulé par une capuche. Qui était-il ? Quelle était la signification de cette vision ? Il avait ressenti une présence maléfique et familière. Cela l'obsédait.

Il allait se remettre à l'ouvrage quand des bruits de coups sur sa porte se firent entendre. Cela l'irrita quelque peu : il n'attendait personne et il n'avait pas de temps à perdre. De mauvaise grâce, il alla ouvrir. Il fût alors surpris de la beauté de la jeune femme qui se tenait face à lui. De longs cheveux bruns, des yeux couleur noisette. Ses habits ne laissèrent aucun doute aux vieil Horadrim : il s'agissait probablement d'une ensorceleuse. Elle semblait le dévisager. Il y eut un silence de quelques secondes.

« Deckard Cain ? fît la jeune femme.

- Tout dépend de qui le demande, répondît-il, encore sous l'effet de la surprise et du charme de la jeune femme.

- Je me nomme Vicia, et je dois m'entretenir avec vous de toute urgence.

- A vrai dire, hésita Cain, le moment est fort mal choisi. Je suis très occupé.

- Je sais, acquiesça l'ensorceleuse. Je viens justement vous parler de l'objet de vos préoccupations.

- Que voulez-vous dire ? fît le vieil homme de plus en plus intrigué.

- Je sors à l'instant du Palais du Seigneur Jerhyn, expliqua-t-elle. C'est lui-même qui m'a dit où vous trouver. Je viens vous parler des agressions sur les caravanes marchandes.

Il hésita. Vicia venait de capter son entière attention.

- Dans ce cas, si vous voulez bien entrer, fît-il en constatant que son interlocutrice était toujours sur le pas de la porte.

- C'est à dire que. Mes compagnons m'attendent en bas de l'auberge ; et ils désirent également prendre part à la conversation.

- Très bien ,fît Cain. Il ne nous reste plus qu'à descendre. Je crois que l'aubergiste a en réserve une savoureuse liqueur de fraise... ».

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Attablés, Vicia, Dal Gurak, Jangé, Siegfried et Nalia écoutaient attentivement le dernier des Horadrim.

« Je suis un peu déçu, fît-il à l'attention de Vicia. Je constate que vous ne savez rien de plus que moi au sujet de ces guerriers sombres.

- Tout ce que nous savons, répondît-elle, c'est que ces êtres sont très doués pour le combat. Ils n'ont eu apparemment aucune difficulté à neutraliser les soldats de Greiz. Bien entendu, ce ne sont que des ouïe dire
; nous n'avons pu vérifier par nous même.

- Alors c'est encore plus grave que je ne le pensais, fît Cain.

- Il est assez étrange que vous n'ayez trouvé aucune piste fît remarquer Dal Gurak.

- C'est pourtant la vérité. Aucun de mes ouvrages aussi exhaustifs soient-ils ne mentionne l'existence de tels guerriers.

- Vous n'avez donc pas la moindre petite idée ?insista le paladin. Vous étiez au cour de la guerre contre les démons et vous avez aidé Kjeldor et Darkhan à vaincre les Trois. Je ne peux pas croire que vous n'ayez aucune
opinion sur le sujet.

Cain observa Dal Gurak avec un air quelque peu amusé. La jeunesse était toujours aussi impatiente, aussi vive.

- M'avez-vous entendu dire une telle chose ? Je vous ai seulement annoncé que je n'avais aucune piste concrète. Bien que la description qui m'a été faite de ces êtres soit des plus sommaires, j'ai pu malgré tout échafauder quelques hypothèses. La première est que ces guerriers pourraient provenir d'un monde existant hors du plan des mortels, ce qui expliquerait le fait qu'ils ne soient pas mentionné dans mes ouvrages.

- Pourtant, intervînt Jangé, les démons vivent également hors de notre plan. Cela ne nous empêche pas de connaître leur existence.

- Exact, concéda Cain. Mais le cas des démons est différent. D'une part, ils sont apparus très tôt dans l'histoire de l'humanité, et d'autre part leur dimension est fort peu éloignée de la notre. En outre, étant donné que l'Archange Tyrael a détruit la Pierre Monde, nous pouvons considérer qu'il n'existe plus de frontière physique entre notre monde et le leur.

- Donc, si je vous suis bien, fît l'amazone, si ces guerriers venaient d'une autre dimension, cette dernière serait beaucoup plus éloignée de la notre que celle des démons ?

- Bonne déduction, approuva le vieil homme avec un demi sourire.

- Quelles seraient les autres possibilités ? demanda Siegfried. Vous nous avez parlé de plusieurs hypothèses.

- J'y venais. Je dois vous avouer que j'ai très vite écarté la première solution.

- Pourquoi ? fît le barbare.

- Parce que si elle pouvait expliquer l'origine de ces êtres, elle ne cadrait pas vraiment avec leurs motivations. On peut en effet se demander pourquoi ils attaquent et pillent les caravanes qui se rendent ou sortent de Lut Golhein. Je vois mal des créatures surgir d'un autre monde pour s'emparer de valeurs marchandes.

- Cela semble logique, approuva Siegfried. C'est donc cette constatation qui vous a conduit à une autre hypothèse.

- Tout à fait, fît Cain. Ces guerriers pourraient n'être que des créations, l'ouvre d'une tierce personne.

- Un peu comme des golems ou des créatures ressuscitées par un nécromancien ? avança Vicia.

- C'est effectivement à ce genre de choses que je pensais, confirma Cain. On pourrait alors penser que le créateur de ces guerriers avait pour objectif de faire fortune en s'emparant des marchandises des caravanes. Cette solution me conviendrait davantage si elle ne me ramenait pas à mon problème initial : ce genre de création n'est mentionné dans aucun de mes livres.

- Dans ce cas, fît Vicia il y aurait une troisième explication qui viendrait compléter la vôtre, Deckard. On pourrait imaginer que le sortilège qui a servi à créer ces monstres n'ait été que très récemment découvert, d'où son absence dans vos ouvrages. Ce qui nous amènerait à tenter de découvrir qui en est l'auteur.

- Il pourrait s'agir d'un nécromancien, suggéra Dal Gurak. Je ne vois guère personne d'autre capable d'un tel maléfice.

- Ne tirez pas trop de conclusions hâtives, cher ami fît Deckard Cain. Les prêtres de Rathma ne sont pas des criminels et ne sont guères intéressés par le profit.

- Sauf s'il s'agit d'une personne corrompue, rétorqua le paladin.

- Vu sous cet angle, cela pourrait être une possibilité concéda l'Horadrim d'un air soudain des plus absorbés.

- Quelque chose ne va pas ? demanda Vicia qui avait remarqué l'air préoccupé du vieil homme.

Ce dernier resta un temps silencieux. Puis il se décida à reprendre la parole.

- Il y a un autre fait que je dois vous relater, fît-il, et je doute que le Seigneur Jerhyn vous en ait fait mention.

- Nous vous écoutons, encouragea Jangé qui sentait le trouble s'installer dans l'esprit de Cain.

- Je ne sais pas si cela est lié avec notre affaire mais tant pis. Trois jours avant l'agression des premières caravanes, une troupe de soldats du clan Vizjerei est arrivée à Lut Golhein. Ils ont pénétré à l'intérieur du Palais pour ensuite accéder au Sanctuaire des Arcanes. Comme vous le savez, l'entrée du sanctuaire se situe au dernier sous-sol, dans les caves.

- Quel intérêt auraient des assassins à pénétrer dans ce lieu désormais abandonné ? demanda Nalia, qui prît la parole pour la première fois.

- Leurs intentions sont peu claires, répondît Cain. D'après le Seigneur Jerhyn, une commission d'enquête aurait été ordonnée par Balthus, le Mage Suprême du clan Vizjerei. J'ignore toutefois quel est l'objet de leur recherche ; mais en revanche, je connais le chef de cette expédition et je pense qu'ils ne vous est peut-être pas inconnu si vous avez combattu à Kurast durant la guerre. Il s'agit de Natalya.

- Natalya.répéta Jangé. Oui, effectivement, j'ai croisée cette femme sur les quais de Kurast. C'était peu de temps avant la mort du démon Méphisto.

- Il s'agit bien d'elle confirma Cain.

- J'ai du mal à faire le rapprochement entre ces deux évènements, fît Dal Gurak.

- Je ne sais pas justement s'il est possible de faire un lien. En revanche, cela fait maintenant une semaine qu'ils ont pénétré dans le Sanctuaire des Arcanes, et depuis, plus rien. Personne ne les a vu revenir.

- C'est très curieux, en effet, fît Vicia. Cela dit, nous ne sommes guère avancés dans un cas comme dans l'autre. Nous n'avons pour l'instant aucun moyen de déterminer si oui ou non la présence des Vizjerei à Lut Golhein est
liée à l'agression des caravanes.

- Momentanément seulement, fît Siegfried. Et si nous allions jeter un coup d'oil à ce sanctuaire ? »

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Natalya et sa troupe venaient de franchir le passage dimensionnel ouvert par Nozaroh.. Ils se trouvaient dans une immense salle circulaire, dont le plafond reposait sur d'immenses colonnes de marbre massif. Face à eux se
tenaient une vingtaine de guerriers sombres disposés en arc de cercle. Un homme vêtu d'une toge rouge, la tête encapuchonnée s'avança vers eux. Il tendit une main en direction de la porte inter-dimensionnelle par laquelle
le groupe d'assassins venait d'apparaître. Une lueur bleue entoura son bras tendu, puis, le passage disparût instantanément. Un petit ricanement se fît entendre.

«Nozaroh, je présume ? fît Natalya un brin ironique.

- C'est exact fît l'homme. Bienvenue à vous, membres de l'Ordre Vizjerei.

- Excusez-moi de ne pas vous renvoyer la politesse. Où sommes-nous et que comptez-vous faire de nous ?

- Navré de pas pouvoir répondre à votre première question, Natalya. Jusqu'à nouvel ordre, vous serez nos « invités ».

- Tiens donc. Et qui est l'autre hôte que je dois remercier ?

Le petit ricanement se fît entendre de nouveau.

- Sachez qu'il est des questions qu'il ne vaut mieux pas poser de peur que l'on vous y réponde. Moins vous en saurez sur notre compte et plus longue sera votre espérance de vie ; et vous en savez déjà beaucoup.

- Ce genre de discours me terrifie chaque fois davantage, rétorqua-t-elle à brûle-pourpoint.

- Bien, fît Nozaroh, je pense que cet échange de courtoisies a assez duré.

Il se tourna vers les guerriers sombres.

- Amenez-les et n'hésitez pas à éliminer le premier qui oserait faire le moindre geste déplacé. »

Ils traversèrent de longs couloirs, « escortés » par les guerriers de l'ombre en guise de geôliers. Natalya et Xeng, son second parlèrent à voix basse.

« Bravo pour ton tact, tu as de drôles de manières de t'adresser à un hôte, fît le vétéran avec humour afin de dédramatiser la situation.

- Je me comporte toujours de la sorte lorsque la décoration laisse à désirer lui répondît-elle, faisant écho à sa dérision. Mais au lieu de discourir sur les méthodes de savoir-vivre en société, essaye de bien mémoriser le
parcours qu'ils nous font suivre. Cela nous sera fort utile ultérieurement.

- Rassure-toi, mon sens de l'orientation n'a jamais été mis en défaut. Dis-moi plutôt ce qui te fais penser que ce Nozaroh n'est pas seul dans cette machination.

- Que veux-tu dire ?

- Allons Natalya, cesse de jouer ce jeu avec moi. Lorsque tu lui a demandé quel autre hôte tu devais remercier, sa réponse a laissé entendre que tu avais vu juste.

- A vrai dire, j'ai posé cette question tout à fait par hasard, avoua-t-elle. Je cherchais uniquement à savoir si notre cher ami était la tête pensante ou s'il n'était qu'un exécutant. En outre, c'est son terme de « nos invités » qui m'as mis la puce à l'oreille. Quoi qu'il en soit, Nozaroh est un puissant Sorcier. Ouvrir et fermer une porte dimensionnelle
sans ciller demande une réserve de flux énergétique conséquente.

- En revanche, ces guerriers m'intriguent, commenta Xeng. Ils sont capables de se régénérer en cas de dommage, et leur aptitude au combat rendrait jaloux une escouade de paladins aguerris. Je me demande si ces choses sont des êtres vivants ou bien de simples pantins.

- Ils obéissent aux ordres de vive voix, en tous cas. Dommage qu'ils manquent à ce point de conversation. »

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Deckard Cain, accompagné de Vicia, Nalia, Jangé, Dal Gurak et Siegfried descendaient les escaliers du palais menant aux caves. Ces dernières étaient immenses et réparties sur trois niveaux Le passage dimensionnel menant au Sanctuaire des Arcanes se situait au dernier sous sol. On pouvait encore distinguer ici et là des traces des combats qui se déroulèrent en ces lieux pendant la guerre contre les démons. Arrivés au niveau le plus bas, il se dirigèrent vers le centre géométriquedes lieux, point précis de l'emplacement de l'entrée du sanctuaire.

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Le mage Surazal, Nozaroh et le Seigneur nécromancien Morakyl étaient réunis dans l'immense salle où se tenait l'Orbe Sacré.

«Je vous félicite tous deux pour la capture de ces tueurs de mages fît le Mage Pourpre. A présent, nous disposons d'arguments encore plus solides pour notre prise de pouvoir.

- Oui, Maître, fît son disciple.

- Il est donc grand temps que le Seigneur Jerhyn sache à qui il a à faire. Nous profiterons de ma présence à Lut Golhein pour capturer Deckard Cain.

- Comment allons-nous nous y prendre ? demanda Nozaroh.

- Je pense que la situation dans laquelle se trouve notre ami Jerhyn l'a poussé à lui demander de l'aide. Je suis prêt à parier qu'en ce moment même, notre vieil Horadrim est plongé dans ses grimoires, en quête de la moindre information concernant nos guerriers. Lorsque je me présenterai au palais et que j'aurai annoncé l'objet de ma visite, Jerhyn s'empressera de faire appeler notre futur captif afin qu'il assiste à l'entrevue.

- Je vois, fît Morakyl. En suivant les évènements par l'intermédiaire de l'Orbe Sacré, nous saurons quand intervenir pour sa capture.

- Exactement, confirma Surazal. Vous attendrez mon signal pour envoyer vos guerriers dans la salle où aura lieu l'entrevue. Souvenez-vous d'une chose : notre priorité est la capture de Cain ; ce qui signifie d'abréger les éventuels combats afin que l'opération s'exécute le plus rapidement possible. Des questions ?

- Il ne s'agit pas vraiment d'une question, fît le disciple de Surazal, mais plutôt d'un fait que je dois porter à vôtre connaissance. Kjeldor, Darkhan et deux autres individus s'approchent de Lut Golhein. Si ils se trouvent dans la ville au moment de la capture, cette dernière risque d'être compromise.

- Où sont-ils en ce moment ?

- Ils ne sont plus qu'à un jour de marche de la cité.

- Dans ce cas, aucune inquiétude à avoir, assura Surazal. Si tout se déroule selon mes prévisions, ils n'arriveront qu'après l'enlèvement de Cain. Sur ce, je vous quitte. Le Seigneur Jerhyn m'attend.. »

Un petit rire maléfique accompagna les pas du Mage Pourpre. Un halo de lumière grandissant l'entoura. Puis il disparût.

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« Impossible, fît Deckard Cain, le passage est fermé.

- Comment ça , fît Dal Gurak. Je pensais que ce genre de portail restait ouvert en permanence.

- Pas si son créateur décide de le faire sceller.. Seul celui qui a ouvert une porte dimensionnelle est capable de la refermer.

- Mais ce dernier n'est-il pas mort ? N'est-ce pas Horazon le concepteur du Sanctuaire des Arcanes ? J'avoue ne plus rien comprendre.

- Tout est très clair pourtant, fît Siegfried. Soit Horazon est vivant, soit ce n'était pas lui l'auteur de ce portail.

- En attendant, cela signifie que Natalya et son groupe sont coincés à l'intérieur, fît remarquer Deckard.

- Il me semblait pourtant qu'il existait un autre passage à partir du sanctuaire et menant vers le Canyon des Mages.

Le dernier des Horadrims secoua la tête.

- Hélas, ce passage a disparu.

- Comment le savez-vous ? fît Vicia éberluée.

- Après la mort de Baal, l'Archange Tyrael et moi même nous sommes rendus au Canyon pour récupérer le Bâton Horadrim dans le Tombeau de Tal Rasha. C'est en arrivant sur place que nous avons constaté que le passage n'existait plus.

- Alors, la troupe d'assassins est réellement prise au piège, fît Jangé. Il me vient une idée.

L'amazone se mît à réfléchir quelques instants. Tous les autres restèrent suspendus à ses lèvres.

- Deckard, vous venez d'affirmer que seul le créateur d'un portail peut refermer ce dernier ?

- C'est exact, fît le vieil homme, du moins en théorie.

- Mais, est-ce que la mort de ce même créateur peut en provoquer la fermeture ?

- Non, en principe le portail reste ouvert indéfiniment. Si ce n'était pas le cas, personne n'aurait pu pénétrer dans le Sanctuaire des Arcanes après la mort d'Horazon. En revanche, il serait possible de pouvoir refermer un passage crée par quelqu'un d'autre, à condition que celui qui désire le fermer soit d'une puissance supérieure à celle de celui qui l'a ouvert.

- J'avais donc vu juste, commenta Siegfried. Il n'y a bien que deux explications concernant la disparition de la porte du sanctuaire : soitHorazon est bien vivant, soit un sorcier plus fort que lui a décidé de bloquer l'accès.

- Vos deux hypothèses sont tout ce qu'il y a de plus logique, fît Cain, pourtant, je suis certain qu'Horazon est bel et bien mort ; et je ne connais personne qui soit capable de le surclasser.

- Mettons ce point momentanément de côté, reprît Jangé. Essayons de comprendre maintenant ce que sont venus chercher ces assassins en pénétrant au sein du sanctuaire.

- Après tout ce qui vient d'être dit, cela me semble pourtant clair, fît Vicia. Leur venue et la fermeture du passage n'est pas une coïncidence. Ils savaient probablement que quelque chose se tramait à Lut Golhein et le Sanctuaire des Arcanes devait être leur meilleure piste. En entrant, ils ont probablement « dérangé » quelqu'un ; et cette personne a jugé bon de leur interdire la sortie pour qu'ils ne puissent pas donner l'alerte.

- Je suis d'accord avec elle, approuva Siegfried.

- Il vaut mieux remonter, conseilla Deckard. Il faut immédiatement prévenir le Seigneur Jerhyn de la situation. Ensuite, nous aviserons. »

Ils s'empressèrent de quitter les lieux. Ils croisèrent des gardes du palais qui venaient à leur rencontre. « Vous êtes bien Deckard Cain ?

- Vous n'êtes pas le premier à me poser cette question aujourd'hui, mais oui, fît-il d'un air las.

- Le Seigneur Jerhyn vous demande de toute urgence.

- C'est réciproque. Vous a-t-il dit à quel sujet ? demanda le vieil Horadrim au garde.

- Pas de manière explicite mais un étrange visiteur vient de lui demander audience.. »

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La salle d'audience était aussi immense que le hall d'entrée du Palais. C'était probablement la pièce la plus luxueuse de l'édifice. Les nombreux piliers qui soutenaient le plafond étaient ornés de pierres précieuses, et ce dernier était en or massif. Au fond de la salle se tenait le trône du Seigneur de la ville. Ce dernier, assis, attendait, l'air anxieux. L'arrivée de Cain et des autres estompa quelque peu cette expression d'inquiétude.

« Ah, Deckard, on peut dire que vous tombez à pic, fît il.

- J'ai accouru aussitôt après que vos gardes m'aient prévenu. Qui est ce visiteur ? A-t-il précisé l'objet de sa venue ?

- Il vient de se présenter auprès de mon conseiller personnel sous le nom de Surazal. Il prétend qu'un grand danger menace notre cité.

- Surazal. Répéta Cain, pensif.

- Permettez-nous d'assister également à cet entretien, demanda Vicia. Nous sommes en mesure de pouvoir vous aider, mais nous avons besoin d'un maximum de renseignements. Peut être que ce Surazal sera en mesure d'éclairer davantage notre lanterne.

- C'est entendu, fît Jerhyn. Gardes, faites entrer ! »

Les deux gardes préposés à la surveillance de l'entrée ouvrirent l'immense porte à double battant. Surazal pénétra dans la salle d'audience. A sa vue Deckard Cain crût que son cour allait cesser de battre. Il reconnût en lui l'homme qu'il avait vu en rêve. Une toge pourpre, le visage caché par une capûche.

« Mes respects, Seigneur Jerhyn, fît le visiteur en exécutant une parodie de salut.

- Vous ignorez sans doute que tout visiteur qui se présente à moi est prié de découvrir sa tête, lâcha Jerhyn sur un ton cassant.

- A votre guise, fît Surazal en ricanant. »

L'homme ôta sa capuche. Cain sentît alors son corps tout entier trembler. Il avait l'impression que son sang était en train de sortir de ses veines. «Impossible. » murmura t-il. Devant eux se tenait l'Archevêque Lazarus, celui qui fût en son temps le conseiller du Roi Leoric.
L'homme ôta sa capuche. Cain sentît alors son corps tout entier trembler. Il avait l'impression que son sang était en train de sortir de ses veines... " Impossible... " murmura t-il. Devant eux se tenait l'Archevêque Lazarus, celui qui fût en son temps le conseiller du Roi Leoric...

En se tournant vers le Seigneur Jehryn et les autres, le vieil Horadrim comprît qu'il était le seul à connaître l'individu qui leur faisait face... Le mieux, pour l'instant, était de ne rien dire, pensa-t-il. Ses amis apprendraient bien assez tôt le véritable nom de leur ennemi.

- Je vous écoute, fît Jerhyn à l'adresse de Surazal.

- Je serai bref, fît le Mage Pourpre. Les Guerriers qui ont agressé vos caravanes sont autant d'épines plantées dans votre pied, Seigneur Jerhyn. Sachez que je suis le cactus d'où elles proviennent.

- Je vois, fît le Souverain, l'air sombre. Ne me dites pas que vous avez demandé cette entrevue uniquement pour que je vous en remercie.

Un ricanement sinistre se fît entendre.

- Non, pas seulement... Considérez ces attaques comme une démonstration de ma puissance. La situation de Lut Golhein n'est guère confortable, et elle pourrait se détériorer davantage si je n'obtenais pas satisfaction.

- Me menaceriez-vous ?

- Disons que c'est ce que je puis vous promettre...

- Admettons que je vous prenne au sérieux, Surazal, fît Jerhyn d'un ton glacial, quelles seraient vos revendications ?

- Je n'en ai qu'une seule. J'exige votre renoncement au Trône de Lut Golhein. Sachez que je vous laisse le choix. Si vous acceptez, je prendrai le contrôle de la ville sans la moindre effusion de sang. Votre refus conduirait à l'assaut de la cité par mes Guerriers de l'Ombre. Inutile de vous rappeler que ces derniers surclassent largement vos soldats.

- Je connais la valeur de vos monstres, Surazal. Toutefois, sachez qu'à ce jour, aucune armée aussi puissante soit-elle n'est parvenue à franchir les remparts de cette ville.

- Votre confiance est admirable, fît Surazal avec un sourire mauvais. Mais je vous conseille de bien étudier mon offre avant de la rejeter aussi brutalement. Sachez que toute défense n'est pas infaillible.

- Je n'ai jamais prétendu rejeter votre proposition, répondît le Seigneur de Lut Golhein.

- Non, bien sûr que non, cher Jerhyn, fît le Mage Pourpre sur un ton que Cain ne trouva guère rassurant. Rien ne me ferait plus plaisir, tout comme vous, de prolonger cette conversation ; cela fait très longtemps que je n'ai eu l'occasion de débattre avec un esprit aussi brillant que le vôtre. Malheureusement, mon temps est précieux, et j'ai des dispositions à prendre qui dépendront de votre réponse.

- Laissez-moi vous poser une question, intervînt Dal Gurak qui commençait à perdre patience. Imaginez-vous qu'après ces menaces proférées nous pourrions vous laisser quitter ce Palais ?

Un rire sardonique s'éleva.

- Oui, cher Paladin, j'en suis même convaincu, et ceci pour deux raisons. Tout d'abord, sachez que je retiens prisonniers Natalya et sa troupe d'assassins. S'attaquer à ma personne signifierait leur mort...

- Je suis prêt à prendre le risque, fît Jerhyn d'un ton mauvais. Je n'ai qu'un ordre à donner et mes soldats s'emparent de vous.

- Vous n'en ferez rien, rétorqua Surazal, car vous n'en aurez pas le temps, fît-il en levant un bras.

Aussitôt, la salle d'audience s'illumina. Tous, se protégèrent les yeux, tant la lumière était insoutenable. Puis, le phénomène cessa. Ils se tournèrent de nouveau vers le Mage Pourpre. Celui-ci était entouré de dix guerriers sombres, armés jusqu'aux dents.

- Vous avez commis une grossière erreur en me sous-estimant, Seigneur Jerhyn. Ne la reproduisez pas en refusant mon offre. Surazal se tourna vers Deckard Cain. Afin de vous aider dans votre choix, je vais emmener avec moi votre vieil ami. Emparez vous de Cain ! fît-il à l'adresse des Guerriers de l'Ombre .

Ces derniers se précipitèrent sur le sage Horadrim. Aussitôt, Siegfried, Dal Gurak et Nalia s'interposèrent.

- Non ! ! ! Surtout ne tentez rien ! ! !, fît Cain à leur encontre.

- Nous ne pouvons pas les laisser vous enlever sans combattre, Deckard ! ! ! fît Dal Gurak, sur un ton de colère.

- Je comprend, fît le dernier des Horadrims en s'avançant vers le Paladin. Il lui mît sa main sur l'épaule et sourît. Mais je préfère éviter toute lutte en ces lieux. L'heure des combats n'est pas encore venue.

- Vous devriez l'écouter, fît Surazal d'une voix doucereuse. Il n'est nullement dans mes intentions de perpétrer un massacre présentement, sauf si vous m'y contraignez.

- Cain, fît Siegfried, si vous pensez pouvoir éviter tout conflit en vous constituant prisonnier, je crains que vous ne vous mettiez le doigt dans l'oeil. Je n'ose même pas présumer de vos chances de survie.

- J'en suis conscient, rétorqua le vieil homme, sans se départir de son sourire. N'insistez pas, ma décision est prise et elle est irrévocable. Je vous suis, fît-il, à l'adresse du Mage Pourpre.

- Bien, à la bonne heure. Vous savez vous montrer raisonnables. Seigneur Jerhyn, je vous laisse deux jours pour réfléchir à mon injonction. Le sort de Lut Golhein et de ses habitants ne dépend que de vous...

Deckard Cain alla à la rencontre de Surazal. Ce dernier leva de nouveau son bras. La salle fût alors de nouveau envahie d'un flot de lumière aveuglante. Quand cette dernière s'estompa puis disparût, Le Mage Pourpre, Cain et les Guerriers de l'Ombre avaient quitté les lieux.

- Et bien, fît Jangé en soupirant, au moins nous sommes fixés.

- Je ne peux pas croire qu'il ait accepté de se rendre, grogna Nalia. J'aurais bien aplati quelques uns de ces guerriers sombres pour en faire des descentes de lit dernier cri !

- L'attitude de Cain est certes étrange, fît Jangé. Mais depuis notre descente dans les caves du palais, je n'ai cessé de l'observer. Lorsque les gardes sont venus à notre rencontre pour nous annoncer l'entrevue dans cette salle, et que l'un d'eux à prononcé le nom de Surazal, je l'ai vu entrer dans une profonde réflexion. En outre, vous auriez du voir l'expression de son visage quand notre ennemi a ôté sa capuche.

- Où veux-tu en venir ? demanda Vicia.

- Je peux me tromper, répondît l'amazone, mais je suis quasiment convaincue qu'ils se connaissent. J'en mettrais même ma main à couper.

- Mais comment en être sûr ?

- Je pense que ceci pourrait nous y aider, intervînt Dal Gurak en tendant un petit bout de parchemin.

- Qu'est-ce c'est ? fît Jangé en ouvrant de grands yeux.

- Cain me l'a glissé discrètement dans la main quand il s'est approché de moi. Il y a griffonné quelque chose d'étrange.

- Voyons voir, fît Vicia, saisissant la minuscule étoffe manuscrite. Il y est inscrit : " MON JOURNAL. CHERCHEZ L'EVEIL VAGABOND. "

- Quel est ce charabia ? Fît Nalia.

- Je crois comprendre, répondît Jangé. Un homme tel que Deckard Cain possède doit posséder un journal de bord personnel.

- Cela expliquerait la première partie de ce message, commenta Dal Gurak. Mais pour la seconde...

- Elémentaire, mon cher ami, répondît l'Amazone. Il doit s'agir de l'intitulé d'un chapitre dudit journal. Il ne reste plus qu'à retourner à l'auberge des Sables. Dal Gurak, viens avec moi. Il est inutile que nous y allions tous ensemble. Vicia, pourrais-tu faire un résumé de nos investigations dans les caves au Seigneur Jerhyn ? Il est temps de prendre des mesures préventives.

_______________


Harschalgui arriva dans le massif montagneux délimitant la zone entre les terres occidentales du Khanduras et le désert des terres d'Aranoch. Plusieurs sites facilitaient le franchissement de cette chaîne de montagne. L'un d'entre eux n'était autre que la Passe des Rogues dont l'accès dépendait du Monastère de la Sororité de l'oeil Aveugle. Le Seigneur Barbare choisît ce lieu pour s'engager dans les montagnes.

Cela faisait maintenant trois bons jours qu'il avait quitté les ruines de Tristram. Sur son chemin, le nombre de villages en ruine lui confirma qu'il était bien en train d'effectuer le même parcours qu'avait emprunté le défunt Rôdeur. Il avait questionné toutes les personnes ayant croisé son chemin. Certaines se rappelaient vaguement avoir aperçu un individu répondant à la description du sombre vagabond. D'autres avaient le souvenir d'un homme affaibli, traînant une immense épée à bout de bras.

Le colosse avait la conviction qu'il approchait du lieu probable où le Rôdeur s'était séparé son arme. Cet endroit se situait quelque part dans ces montagnes, entre le Monastère des Rogues, et la fin du massif montagneux débouchant directement dans le désert, en suivant la direction de Lut Golhein.

D'immenses forêts s'étendaient dans ces hauteurs. Parmi elles figurait l'immense forêt de Northwood où peu de personnes osaient s'aventurer. Harschalgui avait entendu dire que ce lieu était habité par un peuple étrange qui restait à l'écart du monde civilisé : les Elfes. Ces créatures, au grés des rumeurs, seraient dotées d'étranges pouvoirs magiques. Peu lui importait tous ces racontars. Il lui tardait de s'acquitter au plus vite de cette mission au combien ennuyeuse, égayée parfois de brèves altercations avec de malheureux brigands de grand chemin. Il se demandait parfois pourquoi le Mage Surazal avait fait appel à ses services. Une personne avec un minimum de jugeote aurait pu sans peine accomplir cette quête pour une récompense cent fois moindre. Un million de pièces d'or étaient à la clef si il remettait l'épée du Rôdeur à son commanditaire ! Ce prix surdimensionné laissait supposer que cette arme était d'une importance vitale pour le Mage Pourpre.

Il préférait se désintéresser de cet aspect de la question pour l'instant. Il poursuivît la route, encore plus aux aguets. Avec de la chance, il ne tarderait pas à empocher son million.

_______________


Le Paladin et l'Amazone fouillaient de fond en comble la chambre d'auberge de Deckard Cain. Ils eurent beaucoup de mal à se retrouver parmi tous ces nombreux et imposants volumes.

- Bon sang, fît Dal Gurak. Comment peut-on posséder autant d'ouvrages ? Il a décidé de concurrencer les archives de Travincal ou quoi ?

- Je comprend mieux d'où il tire tout son savoir répondît Jangé avec un ton admiratif dans la voix.

- Puis-je te poser une question ?

- Dis toujours.

- Pourquoi as-tu parlé de mesures préventives à prendre et à quel sujet ?

- Tu ne devines pas ? fît la jeune femme l'air étonné.

- Non, j'avoue que tous les évènements de la journée m'ont vidé l'esprit.

- Bon. Essaie de te remettre en mémoire ce qui s'est dit au cours de l'entrevue. La réputation des remparts de Lut Golhein ne paraissaient pas gêner Surazal outre mesure. Il a d'ailleurs dit mot pour mot : " aucune défense n'est infaillible ".

- Oui, et alors ? Avec de bonnes armes de siège, il serait tout à fait possible de percer les murs d'enceinte.

- Tu n'y es absolument pas, fît l'Amazone en secouant la tête. Si l'intention de notre adversaire était de faire une entrée en force, il n'aurait même pas pris la peine de prévenir Jerhyn.

- Désolé, Jangé, mais j'ai vraiment du mal à te suivre...

- Je pense que si Surazal doit pénétrer dans la cité avec ses guerriers, il n'essayera même pas de forcer les remparts, car il a sa disposition un autre moyen d'accès intra-muros...

- D'accord, mais lequel ?

- Le passage du Sanctuaire des Arcanes, dans les caves du palais. N'oublie pas qu'il a mentionné le fait qu'il détenait Natalya en otage. Il ne serait pas parvenu à la capturer s'il n'avait eu aucun moyen de pénétrer au sein même du sanctuaire .

- Alors c'est lui qui a fermé le portail devant lequel nous nous trouvions ?

- C'est une possibilité...

- J'ai trouvé ! ! ! s'exclama le paladin. J'ai le journal ! ! !

- Fais-moi voir ! ! !

L'amazone s'empressa de parcourir le livre manuscrit du dernier des Horadrim. " J'avais raison, murmura-t-elle, L'EVEIL VAGABOND est bien le titre d'un chapitre ! " Elle commença la lecture. Au bout d'un moment, elle fît : " Ecoute ça ! ! ! Je comprend pourquoi il nous a fait chercher son journal ! ! ! "

Elle se mit à lire à haute voix.

L'EVEIL VAGABOND

" Malheureusement, j'étais le seul homme dans Tristram à connaître la pierre d'âme enfouie sous le vieux monastère. En tant que dernier descendant des Horadrims, moi seul connaissait la vérité sur la pierre sanglante qui y était enfermée. Peut-être que si j'avais dit toute la vérité, notre petite communauté tranquille aurait été épargnée. Peut-être cette affreuse chaîne d'évènements ne se serait jamais déroulée.

En vérité, je suspecte que l'archevêque Lazarus fut la première victime du pouvoir brûlant de la pierre d'âme. Il a été envoyé de Kurast en tant qu'ambassadeur de l'Eglise de Zakarum. Enveloppé de lumière comme il l'était, nul ne suspecta les traîtrises dont il était capable. Apparemment, c'est lui qui découvrît la pierre sanglante à l'intérieur du labyrinthe... et qui la brisa.

Que ce soit la folie ou quelque terrible plan qui l'ait poussé, Lazarus a libéré sur nous une horreur innomable. Diablo, le Seigneur de la terreur, qui était emprisonné à l'intérieur de la pierre d'âme par mes ancêtres, est une fois de plus libre sur cette terre. [...] Notre propre suzerain, le noble roi Léoric, est tombé sous l'influence de Diablo et a été entraîné dans les profondeurs de la folie et de la peur. Alors que notre Suzerain devenu fou maintenait le pays d'une poigne de fer, son seul fils, le prince Albrecht, a été enlevé par Lazarus et s'est évanoui dans le monastère en ruine. [...] "

Dal Gurak secoua la tête en signe d'incompréhension.

- Quel rapport peut-il y avoir entre ce Lazarus et notre affaire. Tout ceci est très intéressant, mais inutile dans le cas qui nous concerne !
- Mon dieu, fît Jangé d'un air las. Je vais finir par croire que les évènements de la journée t'on définitivement supprimé l'organe qui te sers de cerveau... Lazarus est le véritable nom du Mage Surazal. Lis donc les lettres dans l'ordre inverse et tout deviendra clair !

- Oui, entendu ! ! ! fît le paladin tout honteux. Tu avais vu juste : Cain connaissait notre adversaire...

- Nous avons donc affaire à un archevêque de Zakarum... La partie s'annonce assez serrée. Suis moi et prend le journal ! Il nous faut avertir les autres sans plus tarder !

_______________


L'immense désert des terres d'Aranoch est ceinturé au nord par un long massif montagneux qui le sépare des. Parmi cette chaîne qui s'étendait sur une infinité de lieues, se dressait fièrement le Pic de Gwend'orh, au pied duquel se situait la forteresse de l'Archevêque Lazarus. Ce dernier était assis à son bureau, dans sa bibliothèque. Deckard Cain se tenait face à lui.

- Bienvenue dans la forteresse de Gwend'orh, Deckard. Je t'en prie, assied-toi ! ! ! Après tout, tu es probablement la dernière personne encore en vie sur cette terre qui sache qui je suis réellement. Et puis, j'imagine que mille questions doivent traverser ton esprit en ce moment. Si tu veux des réponses, je te conseille de prendre tes aises, car cela risque de prendre un certain temps.

- Trop aimable, Lazarus. Comme tu as pu le deviner, je te serais effectivement obligé d'éclairer ma lanterne sur beaucoup de points. Mais dis-moi avant tout, est-ce l'ironie qui t'as poussé à cacher ton nom à l'aide d'un misérable anagramme ?

- Etant donné que toute la population de Tristram est morte et enterrée, et que le clergé de Zakarum n'existe plus depuis la disparition du Grand Conseil, je ne prenais pas énormément de risques... Je suis en revanche très surpris de te savoir encore en vie, cher ami. Ainsi donc, les démons qui ont détruit Tristram t'ont épargné... Tu n'imagine pas le choc que j'ai pu ressentir en apprenant ta présence à Lut Golhein...

- Je le devine sans peine, ironisa le vieil Horadrim. Explique-moi comment tu as fait pour survivre... J'étais persuadé que celui qui allait devenir le Rôdeur t'avais passé au fil de l'épée.

Lazarus se mît à rire d'une manière qui glacer le sang.

- Sur quoi te basais-tu pour présumer de ma mort, Deckard ? Sur les dires de ce guerrier ? Ta naïveté me surprend beaucoup. Il est vrai que je fût vaincu, malgré la présence des laquais de Diablo qui m'avaient prêté assistance. Le futur Rôdeur les élimina l'un après l'autre. Puis il me fît face. J'avoue l'avoir beaucoup sous-estimé. Il parvenait à parer avec son épée toute les décharges énergétiques que je lui jetai. J'avais même l'impression que c'était sa lame qui guidait tous ses gestes. Sa puissance était telle qu'il est parvenu à briser toutes mes défenses en seulement deux attaques. Lorsque j'appris plus tard qu'il était venu à bout du Seigneur de la Terreur, je ne fût guère surpris.

- Ton récit n'est pas fini, fît remarquer Cain. Pourquoi ne t'as-t-il pas achevé ?

- Patience, j'allais justement y venir. Alors que, dépourvu de défenses, à bout de ressources, j'étais complètement à sa merci, il mît au fin au combat, m'observant durant un laps de temps qui me parût sans fin. Puis il me tînt les termes suivants. " Lazarus, je peux sentir en toi une pensée qui n'est pas tienne. Tu es sous l'influence de Diablo. Je refuse de souiller mon épée avec le sang d'une personne qui n'est pas responsable de ses actes. Fuis, le plus loin que tu peux ! Lorsque j'aurai abattu le Seigneur de la Terreur, tu seras à nouveau maître de ton destin. " Je n'en croyais pas mes oreilles, poursuivit l'archevêque, il me tourna le dos et se dirigea vers la Porte des Enfers.

- Je comprends, à présent, commenta Deckard. Comment as-tu fait pour quitter Tristram sans être vu de personne ?

- Cela fût pour moi chose aisée. Vous étiez tous tellement affairés à acclamer votre héros, suite à sa victoire, que vous aviez omis de laisser une surveillance à l'entrée de Tristram. J'ai tout simplement profité des festivités pour m'enfuir discrètement. Je pense que tu connais mieux que moi les évènements qui advinrent ultérieurement.

- Tout s'éclaircit maintenant. Venons en à l'affaire de Lut Golhein. Pour quelle raison réclames-tu le Trône de Jerhyn ? Pourquoi ces étranges guerriers ?

- Beaucoup de motifs justifient mes actes, Deckard. Cela va sans doute te surprendre, mais sache que j'agis dans l'intérêt de tous.

- J'espère qu'il s'agit d'une plaisanterie ! rétorqua Cain avec un léger ricanement.

- Non, tu as bien entendu.

- Peut-être pourrais-tu davantage développer ?

- Toutes les actions que je mets en oeuvre convergent vers un même but : défendre Sanctuary des démons.

- Pense-tu réellement que je puisse prendre au sérieux une explication aussi grossière, Lazarus. Pour toi, protéger l'humanité signifie massacrer des innocents ... ceux qui ont péri lors des attaques des caravanes ? La mort des Trois a considérablement affaibli les forces démoniaques. Nous avons gagné la guerre, Lazarus !

Lazarus secoua la tête avec un air de dépit apparent.

- Les années t'ont-elles à ce point privé de toute clairvoyance, Deckard ? Vous n'avez fait que remporter une bataille, pas la guerre ! Et à quel prix ! Le plan des mortels n'a jamais été aussi vulnérable à toute attaque... En poussant l'Archange Tyrael à détruire la Pierre Monde, la famille des démons est parvenue à ses fins, et ce malgré la mort de Baal. Aux échecs, cela équivaut à porter un mat en sacrifiant la reine. Si je n'interviens pas, nous perdrons la guerre. J'admets que le massacre des caravanes est répugnant, mais il est justifié par notre situation...

- Moi qui pensait que les années les plus sombres de notre histoire étaient derrière nous.

- Non, Deckard. Sois persuadé que le pire reste à venir...

_______________


Après trois long jours de marches, Kjeldor et ses compagnons arrivent enfin en vue de Lut Golhein. Ils étaient loin de se douter de ce qui les attendait...

Note : L'intégralité du chapitre " L'éveil Vagabond " est disponible dans le manuel de Diablo II
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