Fanfiction Diablo II

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Transformation

Par Dia
Les autres histoires de l'auteur

Chapitre 1 : Le Dernier Combat

Chapitre 2 : Remontée des Enfers

Chapitre 3 : Pepin le guérisseur

Chapitre 4 : Une vie de morts

Chapitre 5 : Tristram

Je l'ai vaincu !

Mais je ne sais pourquoi, cette pensée ne parvient à me rassurer. Les cadavres pourrissants de ses serviteurs démoniaques gisent pourtant à présent au plus profond de la cathédrale souillée par le Mal. Le Mal à l'état pur, absolu, dans toute sa splendeur, dans toute sa brutalité et sa cruauté. Mais Il n'est plus, Il est tombé. Je peux encore trouver ce souvenir dans les limbes de mon esprit, cet instant précis où je libérai le village de la terreur infernale qui le menaçait.

Son hurlement à peine supportable me vrillait les oreilles, déjà empreintes des râles de tous mes ennemis morts à cette heure. Diablo se tordait de douleur, fendant inutilement l'air de ses longues griffes, cherchant peut-être à retenir son énergie vitale qui le maintenait dans ce monde et qui s'échappait alors de son corps dans un tourbillon. Au milieu de cette tourmente, je crus percevoir le cri d'un enfant mais il était clair qu'aucun ne pouvait se trouver dans un tel endroit et je mis cela sur le compte de l'immense fatigue qui m'envahissait. Je me souvenais alors des histoires que j'avais entendues étant jeune, les légendes qui circulaient sur les trois démons supérieurs qui seraient retenus prisonniers sur terre, beaucoup de choses se disaient à leur sujet. C'est à cet instant qu'inconsciemment, comme guidé, j'enfonçai ma lame dans le crâne du seigneur-démon, dans sa chair immonde, d'où suintait un liquide que l'on ne pourrait qualifier de sang, et en retirai la pierre qu'il portait. Comme elle brillait ! Son éclat était insoutenable, aucun regard ne pouvait y résister. Je pouvais sentir une force immense s'en dégager, une force terrible et attirante à la fois... je ne pus la combattre. Epuisé comme je l'étais après maintes batailles, après maints sacrifices, je ne le pouvais. Après l'avoir longuement admiré, comme hypnotisé, je retirai lentement mon casque à moitié fendu et d'un geste rapide et sûr, je m'enfonçai l'énorme pierre d'âme dans la tête ! La douleur fut terrible, je m'effondrai en hurlant d'une voix déformée, me tordant sur le sol sous l'effet de la terreur qui s'insinuait dans mon esprit. La tête me tournait alors qu'à travers le brouillard de ma raison, mes yeux ensanglantés percevaient le monstre se transformant. Je pris cela pour une dérive, une hallucination de mon esprit tourmenté et perdis conscience au milieu des flammes et des cadavres, vision infernale.

Mes rêves furent des cauchemars. Je revis tout ce qui était survenu depuis mon arrivée à Tristram. La détresse latente des villageois, ma volonté de voir ces créatures de mes propres yeux, mon entrée dans cette cathédrale maudite, et ces combats, tous ces combats ! Tant de sang versé, tant de corps mutilés... tous morts. Léoric, Lazarus, Diablo et tant d'autres, je les ai tous défaits, risquant ma vie à chaque instant, je me suis enfoncé toujours plus loin dans les profondeurs de ce qui n'était à la surface qu'un simple monastère. Dans les premiers étages, les plus proches de la sortie, les ennemis étaient parsemés, par petits groupes car des héros, ou devrai-je dire des fous, s'étaient déjà aventurés dans ces dédales mais j'en retrouvais les cadavres un peu plus loin, parfois même, c'étaient ceux de simples villageois. Les uns attirés par l'appât du gain et la soif de gloire, les autres, certainement corrompus à la surface de la terre par le mal tapi ici bas, bien caché dans les profondeurs de la cathédrale et qui étendait son influence en semant la terreur sur son passage, une terreur invisible mais palpable. Le pire était certainement qu'une très grande partie de ces cadavres se dressaient maintenant contre moi. Je pouvais reconnaître dans cette armée les restes de puissants guerriers, de rogues et parfois même de Vizjereis, les mages venus du lointain orient. S'ajoutaient à cela les cadavres de fermiers, le plus souvent ressuscités en zombies, état qui leur convenait parfaitement : lents et résistants. De toute cette masse compacte d'horreurs ambulantes, se détachaient de temps en temps les réincarnations des grands mages Horadrims, les plus puissants des magiciens et autrefois gardiens de ce sanctuaire qu'ils avaient eux-mêmes construit pour protéger le monde du mal qu'ils avaient vaincu et qu'ils servaient à présent... Je les ai tous renvoyés en enfer.

Je revoyais encore les hordes démoniaques qui marchaient sur moi, cherchant à me piétiner, ma simple vue leur insufflant l'envie de tuer, de déchiqueter. Chaque pas me mettait face à un danger encore plus grand que le précédent, à des ennemis encore plus menaçants. Mais jamais je n'ai renoncé, jamais je ne suis remonté, même dans les pires moments, j'ai toujours fait face, ne lâchant pas la terreur des yeux pour éviter qu'elle ne me surprenne car alors il aurait été trop tard. Mes armes tombant en ruine, je ramassais celles de mes ennemis dont les cadavres mutilés jonchaient le sol par centaines, pour continuer à me battre, inlassablement, sans jamais faillir. Je me renforçais, devenant plus puissant, à mesure que mes adversaires redoublaient de rage, de haine et de violence. J'ai pénétré les profondeurs les plus obscures du monde pour finalement arriver au tombeau scellé par les anciens afin de protéger l'humanité de la Terreur infernale.

Je brisai ce sceau, ouvrant ainsi le pentagramme maléfique que j'empruntai aussitôt. Alors, je sentis que bientôt tout serait terminé, quelle que soit l'issue du combat final qui se rapprochait inexorablement à mesure que j'avançais dans ma quête. Le décor se prêtait à merveille à l'événement qui se préparait, l'âme du Démon, rien qu'en dégageant sa puissance, avait réussi au fil du temps à noircir les murs dont les seuls éclats étaient les larges taches de sang séché, traces d'anciens affrontements. De hautes et larges flammes s'échappaient du sol, brûlant les derniers ossements ayant encore échappé à la fureur du feu. Je terrassai les derniers monstres qui osaient encore se dresser face à moi et le seigneur de la Terreur lui-même tuait ses serviteurs les plus arrogants, excités qu'ils étaient par l'approche du combat tant attendu.

Et enfin je le libérai. Il se déploya pour faire exploser toute sa puissance, cachée depuis trop

longtemps. Il tua les derniers belliqueux qui voulaient se jeter sur moi, me préservant des attaques de ses séides pour mieux m'anéantir. Et la dernière bataille commença. Nos forces respectives étaient loin d'être à leur apogée. Moi, vidé par mes combats incessants mais emporté par ma soif de vivre et de vaincre. Lui, engourdi après tant de siècles d'attente mais brûlant d'une telle rage ! Tout en lui n'était que violence et mort. Mes cheveux roussissaient un peu plus à chacune de ses attaques. Des morceaux de mon armure se détachaient sous ses coups qui pleuvaient sur moi et je n'eus rapidement plus que ma cotte de mailles, maigre protection face à un tel adversaire. Mais j'ai gagné, lui enfonçant une ultime fois mon épée dans le ventre, si toute fois, une telle créature en a un, je l'ai vaincu... Du moins le croyais-je... Fou que j'étais !
Puis, peu à peu, les cauchemars s'espacèrent, laissant place au néant, ce qui ne valait guère mieux tout compte fait. Et enfin, la lumière, très faible au début, alla en s'intensifiant, rongeant l'obscurité de mes pensées. J'ouvris les yeux. Il me fallut quelques instants pour réaliser où j'étais et ce qui s'était passé mais la douleur lancinante qui me vrillait la tête me le rappela rapidement. J'essayai péniblement de me relever mais sans succès, le poids de ma cotte de mailles me clouant au sol, vu le peu de forces qu'il me restait. Je la détachai, ainsi que mes jambières, qui constituaient avec la cotte, les seuls vestiges encore utilisables de mon armure. Je me redressai, prenant appui sur mon épée pour aider mes jambes encore tremblantes et m'approchai lentement du corps qui gisait non loin de moi. C'était celui d'un enfant, qui était étendu exactement à l'endroit où se trouvait le cadavre du démon, comme si quelqu'un l'avait délicatement déposé au sol, sans rien pour couvrir sa nudité. Mes yeux ne m'avaient donc pas trompé. Le seul intrus dans cette scène d'une troublante tendresse en un tel lieu était l'énorme blessure que le garçon avait au front. Celle-ci couvrait presque toute la hauteur de son front et des cheveux dansaient dans le flot de sang qui s'en échappait. Il ne faisait aucun doute qu'avec une telle blessure, l'enfant était mort et je sus alors que ma quête était enfin terminée.

Je m'éloignai en titubant, toujours assailli par des nausées et persécuté par les cloches qui ne cessaient de sonner dans ma tête. Par habitude je suppose, je traînais ma longue épée, la lame sautillant sur le sol comme si l'excitation de tous ces combats l'agitait encore. Et je commençai ma remontée. Je naviguai du mieux que je le pouvais entre les cadavres qui jonchaient le sol, essayant douloureusement d'extirper de mon cerveau ce que j'avais mémorisé sur les niveaux que je traversais, pour me diriger au mieux vers les escaliers. Je laissai derrière moi les catacombes infernales pour déboucher sur les entrailles de la terre, chaos de pierres zébrés de lave, faisant de ce réseau souterrain un véritable labyrinthe. Puis j'arrivai enfin dans des lieux travaillés par l'Homme. Cette vue de murs taillés et de traces de sculptures me rassurait, en comparaison avec les chemins que j'avais arpentés. Mais il me restait encore beaucoup à parcourir et mes forces diminuaient au fil du temps. Je n'avais rien mangé ni bu depuis trop longtemps et j'espérais pouvoir tenir assez longtemps pour atteindre Tristram, à cette heure mon seul espoir de survie.

Soudain, je m'arrêtai. Quelque chose n'allait pas, une sensation étrange me donnait des picotements dans le cou. Je me retournai et aperçus deux petites lumières rouges qui bougeaient dans l'ombre. Le corps qui les accompagnait sortit lentement dans la lumière : un homme-chèvre. Je ne savais comment ce monstre pouvait encore être en vie après mon passage destructeur. Il avait échappé à ma folie meurtrière mais pas pour longtemps. Il sourit, certainement de me voir aussi faible et si peu armé. L'imbécile ! Il ne se fiait qu'à mon apparence, bien piètre je l'admets, ne réfléchissant pas au fait que mes capacités actuelles étaient sans comparaison avec celles que je possédais lors de mon premier « passage » dans son monde... Mais il est vrai que l'on ne doit pas trop en demander à un esprit aussi évolué que celui de son espèce... Je remarquai alors qu'il lui manquait un bras, signe certain que je l'avais déjà rencontré. De son moignon suintait un liquide verdâtre, qui paraissait gluant et se solidifiait lentement au contact de l'air, formant un stalactite immonde... ce point là au moins de son être ne devait sûrement pas appartenir à l'homme qu'il avait été autrefois. Son unique main tenait fermement sa longue massue, terminée de pointes qui paraissaient aussi acérées que les dents que laissait voir son ridicule petit sourire carnassier. Je l'attendais calmement, sans bouger, la pointe de mon épée posée au sol, entre mes pieds, mes mains négligemment posées sur la garde, de chaque côté de la poignée. Je le regardai tourner autour de moi, ne laissant paraître aucune tension... Il me faisait pitié dans cette position si sûre du chasseur alors qu'il n'était qu'une future victime de plus. Puis il sauta brusquement sur moi, dans mon dos, pensant peut-être que je ne pourrais éviter le coup. Au moment où il allait me toucher, je l'esquivai rapidement d'un pas sur la gauche et, saisissant mon épée d'une seule main en rassemblant le peu de forces qu'il me restait, je le frappai en faisant un tour sur moi-même, ma lame à bout de bras, à l'horizontale. Cela ne dura que le temps d'un battement de cils... Ses yeux hébétés me regardaient, ne comprenant apparemment pas ce qui venait de se passer. Il ne s'attendait pas à ce que je puisse éviter son attaque et encore moins à ce que sa tête reste posée sur mon épée pendant que son corps continuait sa course pour aller heurter de plein fouet un mur qui, sous le choc, s'écroula à moitié sur les jambes du monstre, encore secouées de tremblements convulsifs. Pathétique !

A défaut d'être intéressant, ce combat avait détendu mes muscles mais m'avait épuisé. Je me reposai quelques instants, fixant les yeux de mon dernier adversaire qui roulaient encore dans leurs orbites pour finalement s'arrêter, exprimant toujours cette même stupeur. Quand je me sentis assez fort pour traverser les quelques niveaux qui restaient, je me remis en route, écrasant au passage cette tête qui commençait à m'agacer. Mon front me faisait toujours souffrir mais la douleur interne qui me broyait auparavant l'esprit s'était envolée pour mieux me laisser ressentir tous les muscles de mon corps, la douleur psychique laissant place à la douleur physique. Tous mes muscles hurlaient mais je savais que je ne pourrais trouver de repos réparateur tant que je serais dans l'enceinte de cette cathédrale, lieux vidé de tout espoir.

Je marchai encore quelques heures, je suppose, mais qui me parurent des années. Et enfin, j'aperçus la lumière, la vraie, celle du jour, de la chaleur, de la vie. Je pressai le pas, me rapprochant de l'ouverture béante de ce lieu où j'avais passé tant de temps, trop de temps. Respirer ! Depuis quand n'avais-je pas pu inspirer un air pur, privé de toute odeur de pourriture et de mort ? Je n'arrivais même plus à répondre à cette simple question. A peine le seuil du monastère franchi, je tombai à genoux, épuisé, mon épée soulevant la poussière en atterrissant à mon côté. J'écartais les bras, levant les yeux vers le soleil et j'inspirai profondément. Je sentais à nouveau la chaleur affluer sur ma peau, craquelant un peu plus la croûte de sang séché qui couvrait la presque totalité de mon corps. Et tandis que je baignais dans cette béatitude bienfaisante, j'entendis venir de très loin un énorme grondement et une secousse me coucha à terre. Heurtant le sol, je replongeai dans une nuit sans nom, guidé cette fois par une lumière apaisante qui dissipait toute noirceur autour de moi. Mais rien n'était plus rassurant que cette pensée qui traversa mon esprit, comme un flash, juste avant que je ne sombre : j'étais vivant !
Quand je rouvris enfin les yeux, je pus reconnaître une sensation qui m'était presque devenue étrangère : je me sentais bien ! Bien sûr, je compris rapidement, au premier mouvement, que mes muscles étaient totalement inutilisables pour le moment mais j'avais chaud et pas de cette chaleur infernale qui vous étouffe. Une sensation de bien-être circulait dans tout mon corps. J'étais dans un lit moelleux, sous des couvertures. Cette idée me fit rire, d'un rire nerveux, en repensant à tout ce que j'avais vécu. Moi qui m'étais habitué au froid glacé mais finalement rassurant du métal et au contact dur de la terre, je redécouvrais la douceur, le toucher du tissu.

Soudain, j'entendis le bruit d'une clé jouant dans la serrure d'une porte et par réflexe, je voulus bondir vers mon épée mais la seule lumière provenant uniquement de la porte à présent entrebâillée, je m'étalai de tout mon long, les pieds emmêlés dans les draps, me rattrapant de justesse avec les mains pour éviter que ma tête ne heurte violemment le sol. Quand la porte fut ouverte en grand, mon visiteur au début méfiant à cause du bruit qu'avait provoqué ma chute, se mit rapidement à rire, voyant la situation, certainement ridicule, dans laquelle je me trouvais.

- Je vois que vous êtes réveillé mon ami, comment allez-vous ?

- Qui êtes-vous et où suis-je ?

- Allons allons, ne prenez pas peur, vous ne craignez rien ici. Je suis Pepin et vous êtes à Tristram. Je vais d'abord vous soigner, les questions viendront ensuite, à moins bien sûr que vous ne préfériez souffrir en discutant.

- Je crois surtout que vous allez d'abord devoir m'aider à me relever.

- Oui je le crois aussi.

Et il se remit à rire, ce qui me donna une furieuse envie de m'acharner sur lui mais mes jambes immobilisées et l'état de mes forces m'en empêchèrent avant même que je ne lui saute dessus.

Il m'aida à me recoucher et commença à m'examiner. Pendant qu'il s'occupait de moi, je pus m'apercevoir, à la lumière vacillante de la chandelle, que j'étais toujours recouvert de la même crasse qu'en sortant de la cathédrale et qu'une grande partie de mon corps était enroulée dans des bandages. En me tâtant la tête, je sus qu'elle aussi se trouvait dans du tissu. J'étais en piteux état d'après ce que je pouvais constater et me voir devait être quelque peu amusant. Quand il eut fini, il me concocta une potion à partir des ingrédients posés sur une table et me dit qu'il repasserait plus tard. J'attendis qu'il soit parti pour attraper la coupe et à peine le breuvage englouti, je retombai dans un profond sommeil. A mon réveil, Pepin était assis à mes côtés et me tendait de la nourriture sur laquelle je me précipitai. Je dévorai à grandes bouchées, ce qui fit presque peur à mon hôte mais je n'avais rien mangé depuis si longtemps ! Par la suite, il me rendit de nombreuses visites, régulièrement il changeait mes bandages, purifiait mes plaies avec des onguents et me donnait des potions ainsi que de quoi manger. Des questions se bousculaient dans mon esprit mais il était clair que Pepin n'était pas là pour y répondre. Aucune parole n'était échangée durant ses passages et j'eus tout mon temps pour le détailler : c'était un homme assez grand, plutôt mince et d'aspect assez sec. Il était toujours vêtu de blanc, et devait avoir la soixantaine bien que son crâne chauve lui en donnât plus. Tous ses mouvements étaient calmes et posés et il donnait constamment une impression de tranquillité.

Au fil du temps, je commençai à me sentir prisonnier de mon logis mais je supposai qu'il valait mieux pour moi ne pas sortir tant que l'on ne m'y aurait pas invité. Pour m'occuper, je m'essayais à faire un peu d'exercice physique malgré l'exiguïté de ma chambre. Mes muscles endoloris me rappelèrent vite à l'ordre les premiers jours mais se dérouillèrent assez rapidement et je pus ainsi récupérer mes forces. Au bout d'environ trois semaines, du moins est-ce le temps qui me parut s 'écouler, Pepin m'apporta une grande bassine qu'il remplit de seaux d'eau chaude et m'invita à m'en approcher. Avant de partir, il me fournit de quoi me laver, me raser, un miroir et alluma quelques bougies pour m'éclairer. Après m'être prélassé quelques temps dans le bain (luxe que je n'avais que très rarement eu dans ma vie !) & m'être rasé, je pus m'observer dans la glace. Mon dieu ! Je bougeai pour m'assurer que l'homme que je voyais était bien mon reflet et pas une nouvelle hallucination. Quel changement ! Je ne sais combien de temps je m'étais absenté de la terre des Hommes mais après ce voyage, je n'étais visiblement plus le même. Mes muscles avaient grossi, des cicatrices, plus ou moins profondes, zébraient tout mon corps et j'avais l'air dur et agressif. Mes cheveux longs, bien que maintenant lavés et peignés, assombrissaient mon visage et la pierre d'âme, toujours incrustée dans mon front n'arrangeait rien à mon aspect. Je m'approchai un peu pour examiner ma blessure. La peau avait partiellement cicatrisé mais tout autour de la pierre, il restait des petites cloques de pus baignant dans une lueur rougeâtre qui émanait de l'âme du démon, prisonnière de la pierre magique. Je me rappelai alors avoir entendu durant une conversation entre quelques soldats sur un des nombreux champs de batailles où j'avais combattu, que cette pierre avait été donnée aux Horadrims, ainsi que deux autres, par le mythique archange Tyraël afin de contenir l'âme des trois frères qui régnaient autrefois sur l'enfer : Méphisto, Baal, et Diablo, le plus jeune des frères, et le seul aussi à avoir réussi à contourner les protections de la pierre. Mais à l'époque, je ne croyais pas plus en l'existence de l'archange, qu'en celle des trois démons majeurs... A présent, après ce que j'avais vu, et surtout combattu, je commençais à me poser des questions sur l'inexistence de ce fameux archange.

A ce moment, interrompant mes réflexions, Pepin entra, portant de quoi me vêtir. Il m'avait trouvé un pantalon de cuir bardé de fer au niveau des genoux, un gilet de laine, un veston de cuir noir, sans manches et clouté, ainsi qu'une paire de bottes. Une fois que j'eus mis tout cela, il me tendit une longue cape qui tombait jusqu'au sol et dont la grande capuche cachait la majeure partie de mon visage. Je lui fus intérieurement reconnaissant de me permettre de pouvoir cacher la pierre à la vue des personnes que j'allais certainement rencontrer, bien que je ne sois même pas sûr que l'on me conduise au village. Quand ma tenue fut complète, le vieil homme reprit la parole pour la première fois depuis qu'il m'avait trouvé affalé sur le plancher :

« - Mon ami, votre convalescence prend fin. Vous devez commencer à vous sentir enfermé dans cette pièce mais cette période est révolue. Il est temps pour vous de revoir enfin la lumière du soleil et je l'espère, de trouver les réponses aux questions que vous vous posez, suivez-moi. »
Nous sortîmes. Je m'arrêtai un moment sur le seuil pour permettre à mes yeux de se réhabituer à l'éclat du soleil. Une femme nous attendait. Mon compagnon me la présenta : il s'agissait d'une dénommée Gillian. D'après Pepin, elle était serveuse à la taverne du village. Il la qualifia simplement de gentille mais me conseilla de ne pas trop engager la conversation avec elle, sous peine de devoir rester des heures à écouter tous les ragots que son emploi lui permettait d'apprendre des voyageurs de passage. C'est à elle qu'appartenait la maison où je m'étais reposé depuis ma sortie de la cathédrale et je supposai par la suite, après avoir vu le reste du village, que le choix s'était porté sur cette bâtisse car elle était un peu éloignée. Les seules paroles de la femme furent : « Cain t'attend », ce qui ne m'avançait guère puisque je n'étais passé que très rapidement au village à mon arrivée, sans prendre le temps de m'intéresser à ses habitants. Ressentir leur inquiétude, leur angoisse et leurs pensées tournées vers la cathédrale m'avait suffit, je n'avais pas tenu à m'arrêter pour m'apitoyer sur leur sort car ce n'était pas là ma vocation. J'étais venu ici pour essayer de résoudre leur problème en le tuant, pas en cherchant à le comprendre. La réflexion n'est pas bonne avant une bataille aussi rude que celle que je venais de mener car elle anéantit tout courage, même celui des guerriers les plus robustes et aguerris.

Le guérisseur, qui ne semblait pas vouloir perdre de temps, m'intima l'ordre de le suivre et je lui emboîtai le pas. Nous arrivâmes en quelques minutes à l'entrée du village, d'où nous pûmes apercevoir trois personnes qui nous attendaient à côté d'une fontaine, au milieu de ce qui semblait être la place centrale, la seule place d'ailleurs. Alors que nous approchions des trois hommes, aussi dissemblables que cela était possible, Pepin me les présenta succinctement :

« Le petit à la mine joviale, à gauche, c'est Ogden, le tavernier et de l'autre côté, le grand aux allures de guerrier taciturne et renfrogné, c'est Griswold, notre forgeron. Quant au dernier... et bien... inutile de vous le présenter maintenant, vous n'allez pas tarder à faire sa connaissance. »

Ses dernières paroles s'étaient accompagnées d'un petit sourire en coin que je n'eus pas le temps de déchiffrer mais que j'eus tout le loisir de comprendre plus tard, en y repensant.

En effet, à peine arrivés à proximité des trois villageois, celui du milieu s'avança. Il marchait en prenant appui sur un long bâton de bois finement sculpté et orné de plusieurs pierres précieuses entourées de diverses runes, ne laissant aucun doute sur son utilisation qui devait être loin de celle d'un vulgaire bâton de marche. Malgré le besoin de cet appui, l'homme ne laissait paraître aucun signe de faiblesse et tous ses mouvements étaient extrêmement calmes. Il était vêtu très pauvrement, d'une simple robe de mage sans aucune décoration, dont sont généralement couverts les habits de magiciens mais il se dégageait de lui une sorte d'aura de puissance et de sagesse. Cette aura n'était pas faite pour me rassurer, ignorant que j'étais du monde de la magie ; j'étais d'autant plus mal à l'aise que c'était la première fois qu'un homme autre qu'un guerrier m'impressionnait car, en général, il me fallait combattre une personne pour la juger. Cet homme devait être bien singulier pour dégager une telle puissance et paraître si faible.

Il interrompit soudain le cours de mes pensées :

« Bienvenue à Tristram, noble guerrier, je vois que les talents de Pepin ont encore accompli des miracles ! Je m'appelle Cain et je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire. »

Je le saluai puis fis de même avec ses compagnons qu'il me présenta. Il m'invita ensuite à le suivre à l'auberge, d'après lui meilleur lieu de discussion, renvoyant les autres. Nous entrâmes donc dans un des bâtiments qui entouraient la place et dont l'enseigne indiquait 'Taverne du soleil levant'. La salle principale de l'auberge était composée de deux étages, les tables ne se trouvant qu'au rez-de-chaussée alors que l'étage supérieur ressemblait à un chemin de ronde, courant tout autour de la salle, longeant le mur ; il était assez étroit et devait juste servir à désengorger un peu la salle les jours d'affluence. Le tout était éclairé par deux énormes chandeliers solidement fixés à la charpente par des chaînes qui auraient très bien pu servir à attacher Diablo, vu leur taille. Après nous être assis à une table écartée du reste de la salle, Gillian nous servit à boire tandis qu'Ogden vaquait à quelque tâche derrière son comptoir. Cain vida lentement son verre, le buvant par petites gorgées, avant de reprendre la parole :

« Pour éclaircir toute l'histoire, nous allons devoir beaucoup parler. Je vous propose donc de commencer par me raconter ce qui vous a amené ici, mes explications attendront. »

La voix était douce mais pourtant si ferme qu'elle ne laissait aucune place aux objections, aussi, le récit de ma vie commença et je me mis à parler avant même de réaliser que je le faisais.

Je lui racontai donc ma jeunesse, commençant par la mort de mes parents, tués par des pillards alors que je n'étais même pas en âge de garder une image d'eux, mon oncle me recueillant et m'élevant, mon apprentissage des armes et mes progrès étonnamment rapides comme bretteur. J'évoquais aussi de temps en temps quelques-unes de nos coutumes ou traditions, que je savais quasiment inconnues dans des contrées aussi éloignées de celles où j'avais passé ma vie.

« Les travaux dans la forêt aussi m'avaient endurci et j'avais vite dépassé mon oncle en adresse et en force. J'affrontais les autres garçons dans des duels qui n'avaient pour seul but que d'impressionner les filles. Mais je n'eus rapidement plus d'adversaires, étant devenu le plus fort. La suite de mon entraînement consista donc à protéger le village. Quand je fus en âge de partir, il y a une dizaine d'années, je m'engageai, au grand dam de mon oncle, dans une guerre de royauté qui dura quatre ans. Quand elle fut terminée, je repartis du champ de bataille avec une réputation de grand guerrier et toutes sortes d'objets récupérés sur les cadavres de mes ennemis. Je possédais quelques richesses, j'étais respecté, et la vue de mon épée et de mon armure ne laissait pas indifférent. C'était plus qu'il n'en fallait pour un jeune homme de mon âge. Pour moi, la guerre n'était qu'un moyen de se faire reconnaître et je n'avais pas encore trouvé d'adversaire assez fort pour me faire trembler, ce qui me donnait une assurance exceptionnelle.

Je repris le chemin du village, heureux à l'idée de revoir mon oncle et mes amis et imaginant comme ils seraient fiers de moi ! Après plusieurs jours de marche, je m'arrêtai à quelques lieues de ma destination, quelque chose n'allait pas. Une fumée noire et épaisse s'élevait haut dans le ciel. Je courus le plus vite que je pus vers l'origine de cette longue traînée malgré ma lourde armure, et, du sommet de la colline, je contemplai les ruines de ce qui était autrefois mon village. L'air était porteur d'une odeur à la limite du supportable et le spectacle était macabre à souhait : toutes les maisons avaient été brûlées, ainsi que de nombreux habitants ; de nombreux gibets avaient été dressés, où se balançaient autant de corps sans vie et des nuées de corbeaux s'agglutinaient pour se nourrir des morts. Sans m'en rendre compte, je laissai tomber tout ce que je portais et descendis vers le village en cendres à pas lents. Mon corps avançait mécaniquement tant mon esprit cherchait à se détacher de cette vision de cauchemar.

Je circulai entre les ruines et les corps qui jonchaient le sol, jetant des regards furtifs à chaque corps pour savoir si je le connaissais, du moins, quand il m'était possible de l'identifier. Plus je me rapprochais du centre du village, plus les traces sur le sol étaient nombreuses & désordonnées... et les cadavres plus affreusement mutilés. En arrivant au beau milieu de ce charnier, je compris que tous les hommes avaient dû se rassembler ici pour tenter de résister aux assaillants mais il était clair que l'ennemi les avait écrasés : les villageois n'étaient pas de bons combattants, juste des paysans et ils avaient dû opposer une bien piètre défense face à la barbarie de l'attaque. Aujourd'hui encore je ne peux comprendre la raison de cette tuerie, si ce n'est la barbarie. Je ne trouvai que deux cadavres d'inconnus et le corps d'une chose que je ne saurais décrire. Je supposai plus tard que les bêtes avaient dû mener l'assaut, déchiquetant tout ce qui bougeait, ne laissant même pas aux hommes qui les suivaient et devaient les commander, le plaisir des femmes. A l'autre bout du charnier, j'aperçus un corbeau occupé à extraire l'oeil d'un mort. L'homme était allongé sur le dos et dans son abdomen était plantée une épée, luisant sous les rayons du soleil qui faisaient étinceler le sang écarlate qui couvrait toute la lame. Je m'approchai du corps, faisant fuir les oiseaux, pour constater que celui que je fixais finissait de gober l'oeil de mon oncle... Quelque chose se brisa au plus profond de moi, libérant ma haine. »

Je lui racontai ensuite comment j'avais rassemblé puis enterré tous les cadavres à côté de tout ce que je possédais, pour ne garder que de quoi me battre. Fou de rage, j'avais ensuite traqué et massacré de manière horrible ceux qui avaient attaqué le village, après quoi, j'avais juré de combattre le mal où que je le trouve et avais parcouru nombre de pays, toujours guerroyant, jusqu'à ce que j'entendis parler de la tragédie de Tristram vers lequel je m'étais aussitôt dirigé, essayant en chemin de me préparer à combattre un mal sans nom, dont les échos qui parvenaient jusqu'à moi n'étaient contés que par de pauvres fous. Je conclus par le récit de tout ce qui s'était passé dans ce lieu corrompu et dont le simple souvenir me faisait encore frissonner.

Après que j'eus terminé de narrer mon histoire à Cain, il resta de longues minutes immobile, le regard perdu dans le vide, comme s'il s'était assoupi sans changer de position. Il finit par se rappeler ma présence et tourna lentement la tête vers moi, semblant s'arracher à ses pensées.

« Bien bien, laissez-moi méditer sur tout cela, nous nous reparlerons quand je saurai à quoi m'en tenir. Profitez donc du temps que je vous laisse pour visiter Tristram et prendre un peu de repos. Vous logerez désormais ici, à l'auberge, il est inutile d'abuser de l'hospitalité de Gillian. »

Quand je fermai la porte de la taverne derrière moi, l'homme me donnait une impression bizarre qui s'ajoutait au malaise que provoquait la résurrection de tous ces souvenirs, mais je laissai la beauté d'un coucher de soleil, depuis trop longtemps oubliée, tenter d'apaiser un peu mon esprit.
Je passais mes journées à me reposer et à arpenter le petit village, faisant connaissance avec ses habitants. La routine s'installa rapidement : je me réveillais chaque matin dans un bon lit chaud et je me levais pour faire quelques exercices physiques pour détendre un peu mes muscles, avant de me laver dans une bassine qu'Ogden avait fait monter dans ma chambre dès le premier jour où je m'étais installé. Je descendais ensuite dans la grande pièce de l'auberge pour manger, toujours dans un coin sombre et reculé, observant du coin de l'oeil Ogden et Gillian s'affairant déjà à servir les premiers clients. Une fois le repas terminé, je sortais me promener car de si bon matin, l'air était pur, l'herbe pleine de rosée, et le village baignait dans un calme reposant avant de retrouver le bruit et l'agitation qu'il connaissait chaque jour. Je profitais de cette trop courte tranquillité pour oublier les cauchemars que je faisais chaque nuit : je revoyais sans cesse les créatures immondes que j'avais croisées dans les catacombes. J'essayais donc de ne plus y penser pendant le jour, sachant très bien qu'à la nuit tombée, elles reviendraient inlassablement me hanter, cherchant à me tuer, même dans ce monde imaginaire.

La journée, je discutais avec les villageois, et d'après ce que j'avais compris, la région s'était vidée de tous ses habitants dès les premières menaces ; mais paradoxalement, le village connaissait depuis ces jours, son plus haut niveau de population depuis de nombreuses années. Cela était dû au fait qu'un nombre quasiment incalculable de mercenaires et guerriers en tous genres et venus de tous les horizons s'étaient installés au village ou dans ses environs. Ils étaient tous venus combattre les démons dont on parlait tant dans toute la contrée, et pour amasser les richesses que l'on disait enterrées par montagnes sous les ruines de la cathédrale. Je m'amusais beaucoup en voyant toute cette fourmilière s'agiter dans l'inactivité la plus totale, bloquée qu'était l'ardeur de tous ces combattants par l'effondrement de la voûte d'entrée de la cathédrale, rendant son accès impossible. Ils ne savaient même pas que tous les monstres n'étaient plus que des cadavres pourrissant dans les entrailles de ce monde et que toutes les richesses n'étaient que légendes, les seules que j'avais vues étant celles que les monstres portaient et que je ne m'étais même pas abaissé à ramasser. Ils tournaient en rond dans ce petit village, tous en armes, essayant au mieux de calmer leur soif de combat qui finirait par faire dégénérer la situation s'ils n'avaient pas bientôt quelque chose d'autre à faire que boire.

Je ne me mêlai jamais à cette faune et personne ne venait m'adresser la parole, ce qui me convenait parfaitement. Je n'aurais pas aimé que l'un de ces barbares voie ma blessure et commence à se poser des questions, ce qui m'aurait sans aucun doute attiré l'attention de tous ses congénères, ce que je ne voulais pour rien au monde. Je passais donc mes journées à discuter avec les villageois et à me promener dans les environs, pour apaiser mon âme et mes muscles, ressentant encore les effets de ma descente aux enfers. Je commençai aussi la rédaction de ce journal pour pouvoir me persuader plus tard, quand ma mémoire commencerait à défaillir, que tout cela n'était pas un tour de mon imagination. Fort heureusement, les douleurs insupportables que m'avait infligé la pierre dès le début s'étaient calmées depuis longtemps et je ne ressentais plus rien, sinon la sensation d'avoir un rocher dans mon crâne, et j'avais conscience que la capuche de ma tunique soit mon unique rempart contre la haine de mes semblables.

J'appris rapidement à connaître mes hôtes, toutes les personnes natives de Tristram et qui avaient eu le courage de rester malgré les nombreuses menaces que cela représentait. En effet, peu des habitants avaient osé ne pas prendre la fuite devant les monstres, les pillards et les guerriers qui rôdaient ici depuis quelques temps. Il y avait bien sûr Cain, le sage, qui s'occupait de toute fonction demandant quelque érudition ; Pepin le guérisseur, bien que peu enclin à la discussion, était aussi de bon conseil mais passait le plus clair de son temps enfermé chez lui à concocter des remèdes qu'il donnait aux habitants en cas de besoin mais faisait payer aux mercenaires. Quant à Ogden, il faisait office de trésorier et s'occupait d'acheter tout ce dont le village avait besoin, en marchandant avec les caravanes qui passaient par Tristram, à l'époque où le commerce était plus facile. Enfin, son aide, Gillian, par ailleurs la seule femme habitant au village, ne faisait que seconder son patron dans le bon fonctionnement de son établissement.

Un jour que je déambulais dans le village, j'aperçus derrière une mansarde un homme ou plutôt ce qui avait dû être un homme. Ogden me l'indiqua comme un dénommé Farnham, une personne sans grand intérêt, l'ivrogne du coin selon lui. Il me raconta qu'autrefois, il était le guerrier du village, une sorte de protecteur, comme je le fus chez moi. Il me le décrit comme étant un guerrier fort et honorable, qui s'enfonça dans les catacombes aux premiers signes de danger mais qui en revint tout aussi vite, à moitié fou. Sans doute le courage lui avait fait-il défaut et les atrocités qu'il avait vues le forçaient aujourd'hui à se plonger dans l'alcool pour oublier...

Je fis aussi la connaissance, en me promenant dans les environs du village, d'un jeune et étrange garçon : Wirt. Il avait une jambe de bois pour remplacer la sienne, soi-disant perdue en s'aventurant dans les sous-sols du monastère. Cette histoire me surprit beaucoup mais il avait comme preuve de nombreux objets qu'il avait ramenés et qu'il proposait à des prix exorbitants. Il me semblait bizarre qu'un si jeune garçon ait pu s'enfoncer dans le monastère et en revenir avec simplement une jambe en moins, alors que moi-même, j'avais de nombreuses fois failli y laisser ma vie, malgré mes talents de combattant. Cependant, ce garçon se tenant le plus souvent à l'écart du village, je ne m'en occupai plus guère après notre première rencontre.

La dernière personne que je rencontrai fut Adria, la sorcière. Elle ressemblait à une vieille femme tout à fait ordinaire, et ne possédait aucun des signes particuliers dont sont affublés ces personnages dans tous les contes que j'avais pu entendre. Je ne revins pas la voir car en dehors de quelques parchemins amusants que même moi pouvais utiliser, ma répulsion pour la magie me poussait à ne pas m'en trop approcher, bien qu'elle ne paraisse nullement méchante.

Parmi ces diverses personnes, une seule me paraissait réellement intéressante : Griswold, le forgeron. Je passai de très longs moments à discuter avec lui. Il avait, comme moi, beaucoup voyagé pour se battre et nous échangions de nombreux récits de batailles que nous avions livrées. Nous arrivâmes peu à peu, à travers nos récits respectifs, à nous jauger l'un l'autre, et il est vrai que d'après ce qu'il me racontait, je pensais que son aide ne m'aurait pas été inutile s'il m'avait accompagné dans le monastère. Au cours de nos discussions, il me demanda un jour de lui montrer mon épée, et voyant son état, me proposa de la reforger. Cette idée ne m'enchantait guère au début car il est connu que ce genre d'opération est très risqué pour l'objet. En effet, retravailler l'acier sans connaître les techniques utilisées par le forgeron qui avait créé l'arme, surtout après que celle-ci ait été soumise à rude épreuve, peut rendre cette épée bonne à jeter. Mais pour me rassurer, il me fit quelques démonstrations pendant lesquelles je pus reconnaître que cet homme possédait un très grand talent. Il me dit qu'il avait acquis ce savoir à travers toutes les régions qu'il avait traversées et dans lesquelles il avait côtoyé les plus grands forgerons du monde connu, lui permettant de mélanger les différentes techniques de cet art.

Je finis donc par lui confier mon arme, qu'il me rendit au bout de quelques jours, et je fus époustouflé du travail qu'il avait accompli. La lame brillait de mille feux et son tranchant avait retrouvé son mordant originel. De plus, il s'était permis de graver quelques runes qui renforçaient la lame et d'après lui, confiaient des propriétés très utiles pendant un combat. Je ne cherchais pas à en savoir plus sur ces runes car il connaissait mon aversion pour la magie et m'avait promis de ne rien mettre que je ne puisse maîtriser ou comprendre. L'arme avait une apparence splendide, je l'avais prise sur le cadavre d'un de mes plus féroces adversaires. Au départ, elle ne possédait pas de décoration particulière ou de signe distinctif et paraissait assez banale mais après l'avoir maniée une fois, tout bon guerrier pouvait reconnaître que c'était une arme extraordinaire : merveilleusement équilibrée, elle ne semblait presque pas peser dans la main de celui qui la tenait malgré sa très grande taille, bien supérieure à la celle habituelle des lames. De plus, elle avait dû être fabriquée par un grand maître car sa solidité exceptionnelle provenait selon Griswold du fait qu'elle avait sûrement été retrempée des milliers de fois ! Je possédais maintenant une arme absolument exceptionnelle, une arme unique.

Pendant que les jours défilaient et que je m'habituais à la compagnie des villageois, les guerriers quittaient peu à peu Tristram. Certains à contre coeur, déçus de ne pas avoir pu se mesurer aux monstres et prouver leur valeur, ou voler de quoi finir leurs jours en paix ; d'autres, soulagés d'avoir une bonne excuse de rentrer vivants et sans trop de déshonneur. Quand tous furent partis, nous pûmes, les villageois et moi, reprendre une vie plus tranquille et ils se réunirent un soir pour fêter dignement ma victoire. Cela me gênait mais j'acceptais avec joie la reconnaissance que me témoignaient ces gens. Cependant, je ne vis pas Cain réapparaître et je commençais à m'inquiéter, car il s'était enfermé depuis presque deux semaines. Je fis part de mes inquiétudes à Pepin qui me répondit que le mage travaillait sur d'anciens textes pour essayer de savoir ce qu'il allait advenir de moi. J'étais intérieurement reconnaissant au vieil homme de faire tout cela pour moi, mais je doutais qu'il puisse m'arriver quoi que ce soit. Je ne m'en occupai donc plus et les jours passèrent sans trouble quelconque. Comme le village s'était vidé de tous ses 'envahisseurs', Griswold et moi passâmes nos journées à nous affronter à l'épée sur la place, pour que je m'habitue à la formidable puissance de mon arme retravaillée. Les combats se succédaient ; les villageois nous observaient ; ils oubliaient leurs craintes : la vie était paisible.
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