Fanfiction Diablo II

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Un sombre dessein

Par Alibabos
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A savoir

Prologue

Acte 1 : Le camp des Rogues

Acte 2 : Le pacte

Acte 3 : Le chemin de la haine

Cette fiction est inspirée de l'univers de Diablo2 LOD mais n'en est pas la narration. Les chronologies, les descriptions, les quêtes et les personnages ne seront donc pas toujours fidèles au jeu... je préviens pour que les puristes ne s'en offusquent pas ;) Je vous ai aussi épargné les descriptions précises des personnages vu que vous les connaissez sûrement déjà. En fait je pense que l'intérêt de cette fiction résidera dans son scénario... au fil des chapitres.
Voilà maintenant trois mois que j'airais tel un vagabond à travers ces terres désolées, fuyant la mort qui m'a été promise par les miens. Moi qui étais voué à une grande destinée je me voyais maintenant banni de mon royaume, condamné à me cacher dans ces marais puants où nul ne se risque. Habité par un profond désir de vengeance, la haine me consume lentement...

Je me nomme Palatoth, fils d'Asatoth, Roi de la cité monastique d'Azkarul. J'ai grandi dans notre paisible sanctuaire, élevé selon les préceptes des sages de notre Ordre voué depuis des temps immémoriaux à la défense de la vertu et de la justice... du moins je le croyais.

Notre mission était d'assurer la protection de l'humanité face aux forces maléfiques des « 3 Grands » et de leurs hordes sanguinaires semant destruction et horreur sur ce monde qu'ils voulaient asservi. Nul ne connaissait leur véritable dessein mais quel qu'il fut notre existence y faisait manifestement obstacle à en juger par leur acharnement à nous détruire.

Nous luttions pour notre salue sur le plan spirituel par le biais de notre religion mais aussi de manière plus guerrière par la formation de nos paladins, redoutables soldats habités par une foi inébranlable et dont les exploits au combat avaient permis de garder les armées du mal hors de nos frontières.

Mon père avait semble t-il brillamment réussi dans sa tâche, les immenses statues à son effigie et les chansons à sa gloire en témoignaient. Son autorité était indiscutable... jusqu'au jour où la maladie eu raison de lui. En unique héritier je me préparais à accéder au trône. Hélas pour moi, au cours de la régence assurée par le grand sage Ercodoth mon nom fut sali par un abject complot qui devait entraîner mon bannissement à tous jamais hors des murs de notre cité. En mémoire de mon père ma vie fut épargnée et l'on me laissa une matinée de marche pour fuir au lointain avant que la chasse ne me soit donnée. Ici commence l'histoire que je vais vous conter, l'histoire d'une vengeance...

_______________


Je parvins à survivre au froid et à la faim, me nourrissant de charognes et de racines, me couvrant de guenilles ramassées sur quelques cadavres, probablement des chasseurs inconscients ou d'autres exilés qui comme moi avaient trouvé refuge dans ces marais hostiles. Au long de cette errance la rancoeur fut ma principale alliée, elle m'alimentait et maintenait en moi le désir de vivre pour voir un jour mon retour parmi les hommes. Mais que pouvais-je faire seul, pris entre deux feux ? D'un coté ces monstres au service de Baal et de l'autre le courroux des hommes... Je choisissais donc de partir au devant de terres inconnues, derrière les « monts sans sommet », voir si une autre vie y était possible, tout en me jurant de revenir accabler les traîtres !

Au terme d'un voyage que je n'ose vous narrer je parvins, à bout de forces et décharné, jusqu'à ces plaines macabres et gelées. Rien ne pouvait pousser ici, pas même les ronces, Comment aurais-je pu rencontrer âme qui vive en cette région où le désastre s'était abattu ? Résigné à mourir je décidais de gravir une colline, une dernière colline, pour y reposer éternellement. Au moins, me disais-je ironiquement, j'aurais choisi le moment de ma mort et le lieu de ma sépulture.

Mais au sommet de ce monticule de roches et de terre boueuse qui devait être ma dernière demeure j'aperçu une lueur blafarde à peine perceptible au travers des brumes. Rassemblant les dernières énergies dont je disposais je cheminais péniblement vers ce qui paraissait être un feu de camp. Arrivé à quelques dizaines mètres je distinguais les palissades grossièrement érigées, à moitié noyées dans pluie bruine opaque. Qui pouvait bien s'être établi en cet endroit maudit ?

Rampant sur les derniers mètres j'espérais sans oser trop y croire à un secours bienveillant... pour seul aide je reçu une flèche dans l'épaule, m'écroulais sur le sol et perdis rapidement connaissance.
Une lumière aveuglante me tira du profond sommeil dans lequel le poison de la flèche m'avait entraîné. Je me couvrais les yeux en cherchant maladroitement un refuge quelconque dans la tente où je me trouvais.

« Calme toi étranger, tu n'a rien à craindre... pour le moment tout au moins. »

C'était une voix de femme, douce et rassurante.

« Je suis Flavie, une Rogue, sois le bien venu dans notre modeste campement. C'est moi qui t'ai décoché cette flèche dans l'épaule... j'ai du te prendre pour une de ces créatures qui hante nos plaines. A vrai dire tu n'avais pas vraiment apparence humaine lorsque tu t'es présenté ici ».

Comment pouvais t-elle appeler ce taudis « nos plaines » ? Comme si l'on avait pu s'attacher à un lieu aussi sinistre et malodorant ! Je lui demandais de baisser sa torche qui m'éblouissait, cela me permis de voir son charmant visage. Elle portait une armure de cuir et tenais sous son bras une cervelière.

« Kashya, notre chef de guerre, a estimé bon de te laisser la vie sauve. Dès que tu seras rétabli je te conduirais à elle, mais pour l'instant reposes toi. Le poison qui t'a neutralisé cessera de faire effet dans quelques heures. Quant à tes plaies elles sont déjà guéries ».

« Combien de temps suis-je resté ainsi ? » demandais-je inquiet.

« Presque 5 nuits, et tu as eu de la chance que le venin ne t'ai pas terrassé. Peu d'hommes survivent au poison des Nécromanciens... ».

Sur ces mots elle s'en alla et je retournais à mon état comateux pour quelques temps encore. Quand il me fut possible de me dresser sur mes deux jambes j'entrepris de sortir de la tente en ayant pris soin de me draper dans une peau d'animal trouvée près de ma paillasse.
Le temps était relativement clément bien que la pénombre chassait le jour.

Je me dirigeais vers un grand feu allumé à quelques pas de là. Autour du brasier des hommes et des femmes s'étaient réunis en cercle. Je ne parvins pas à entendre leur conversation, alors, d'un pas chancelant, j'avançais dans leur direction quant une voix m'interpella :

« Etranger, je suis Kashya, chef de guerre des Rogues... »

Kashya m'exposa les troubles qui tourmentaient cette région, elle me parla de ces abominations tapies dans une grotte à la sortie du camp, véritable siège dont il faudrait tôt ou tard venir à bout. Elle me parla ensuite de l'armée de zombies corrompus par « Blood Raven », ainsi que du monastère hanté par les serviteurs d'Andarielle et me suggéra d'aller parler à la prêtresse Akara pour en savoir plus à ce sujet... Je fus surpris qu'on me dévoile tant de chose, à moi, étranger. Aussi je comprenais que tout cela n'était pas innocent et que l'on attendait de moi que je fasse preuve de ma valeur.

Si je pouvais débarrasser la région du Mal je pourrais sans doute compter sur l'appui des Rogues pour reconquérir mon royaume pensais-je. Car au fond de moi le désir de régner était omniprésent, c'était ma destiné, je devais être Roi.

Je réalisais que tous leurs espoirs se tournaient vers moi, car à bien y regarder il n'y avait qu'une poignée de misérables soldats pour défendre ce camp de fortune. Il y avait aussi deux marchands, Gheed et Warriv ainsi qu'une femme forgeron nommée Charsi. Tous m'inspiraient un sentiment de pitié. Ils restaient là à attendre une mort certaine, pensant que leur salue viendrais de je ne sais où... Seul Gheed dont on devinait sans peine l'avarice me paraissait avoir les pieds sur terre. Il avait amassé une petite fortune en faisant commerce d'objets de plus ou moins bonne qualité mais toujours négociés à son avantage. Gheed me confia qu'il serait prêt à offrir une somme rondelette à quiconque le tirerait du mauvais pas qui l'avait conduit ici. Mais tant que le monastère, seul point de passage vers d'autres horizons, était occupé par les forces démoniaques il lui était impossible, à lui comme aux autres, de quitter cette contrée de misère.

Après quelques jours de réflexion j'échafaudais un plan, je cherchais par quel moyen je pourrais lever une armée pour marcher sur mon ancienne cité afin d'en reprendre le contrôle. Pour moi désormais il n'y avait d'autre solution que d'imposer mon pourvoir par la force. Je savais aussi que cette poignée de Rogues ne me serait pas d'un grand secours. Toutefois je repensais à ce que Warriv m'avait dit plus tôt. A l'est existait une cité portuaire : Lut Gholein ! J'y trouverais certainement de puissants mercenaires que j'engagerais grâce à l'argent de Gheed et des autres une fois leurs misérables vies sauvées de ce cauchemar... Déjà mon oeil brillait d'un éclat malin à l'idée de savourer ma revanche sur les miens.
Je savais donc ce qu'il me restait à faire : Débarrasser le monastère du mal et ouvrir la voie vers l'Est !

Le lendemain je confiais mes intentions à Kashya et Akara. Evidemment elles ne pouvaient que m'encourager dans cette quête. Elles m'assurèrent que Charsi me fournirais tout l'équipement nécessaire, armures et épées. Akara me remis quelques potions censées rendre santé à celui qui la boirais. Charsie m'offrit ses plus belles pièces d'armures : Une veste de cuir bouilli ayant appartenu à ses ancêtres, une hache effilée qu'il me serait possible selon elle d'orner avec des pierres ou des runes magiques. Pour ma défense je reçus également des bottes, un heaume et un petit bouclier peu maniable mais robuste. Ce n'était pas un équipement de champion mais il m'avait donné assez d'assurance pour partir à l'assaut du monastère.

Tout au long de mon chemin vers le monastère je rencontrais des créatures maléfiques. Goules, zombis, bouchers, et Rogues corrompus, ces abominations subirent toutes le même sort : la mort ! Alors que je mettais en pratique l'enseignement guerrier dont j'avais bénéficié à Azkarul je découvrais mon penchant pour la barbarie et le sang ! Le craquement des os sous mes coups de hache et les cris de douleur arrachés à ces monstres provoquaient indiscutablement en moi une puissante jouissance. Je découvrais les plaisirs de la cruauté en achevant mes victimes implorantes. Bientôt je me parais de quelques sinistres trophées : oreilles, griffes ou crocs enfilés en guirlandes formaient des ornements de guerres qui suscitaient l'effroi chez mes adversaires.

Avant chaque carnage je récitais l'une des prières apprises durant ma formation spirituelle, elles me conféraient une aura destructrice. Cependant le ton sur lequel j'invoquais ces auras avait bien changé depuis mon départ d'Azkarul, ce ton était devenu plus inquiétant, comme si des intentions belliqueuses les avaient rendu plus efficaces. Je saisi d'où venait ce changement : c'était dorénavant la haine et la rancoeur qui alimentait mes paroles et non plus la foi en nos valeurs de bien et de justice. D'ailleurs je n'éprouvais plus que mépris pour ces « niaiseries »...
Ferveur, concentration ou fanatisme exaltait mes talents militaires... la sauvagerie à laquelle je laissais libre court faisait le reste.

Systématiquement je dépouillais les cadavres de mes victimes à la recherche d'objets. Le plus souvent ces créatures ne possédaient que des loques sans intérêt mais quelques fois le butin s'avérait être bien plus attractif. Je pus notamment me procurer un redoutable marteau de bataille, puissant et léger. J'obtins également des pièces d'armure uniques remarquablement forgées qui me donnaient des pouvoirs toujours plus grands.
Plusieurs nuits passèrent avant que je n'atteigne les hautes terres de Tamoe où se trouvait le monastère. Je n'avais plus peur de la nuit glacée et l'environnement dévasté des plaines me devenait de plus en plus familier.

Les portes du monastère se dressaient à présent devant moi. Des portes massives et souillées de sang derrière lesquelles j'entendais les râles des bêtes féroces qu'Andarielle, maîtresse des lieux, avait posté là pour horrifier et massacrer d'éventuels insoumis. Un amoncellement d'ossements et de crânes sur le seuil de l'édifice adressait un message clair aux aventuriers inconscients qui se seraient hasardées jusqu'ici.
La porte céda dans un vacarme infernal avant de s'abattre sur le sol, écrasant au passage quelques diableries qui s'étaient agglutinées derrière elle. J'eu un rictus en piétinant leurs dépouilles broyées...

Une puanteur insoutenable flottait dans l'air nauséabond. Le cloître avait du être le théâtre de terribles scènes d'une rare violence. Des corps en décomposition étaient empalés çà et là le long des murs décrépis où pourritures et lichens ravageaient inexorablement la pierre. Le sol était jonché de cadavres de Rogues. Je me frayais un chemin parmi les morts et m'enfonçais toujours plus profondément dans le dédale de la prison puis des catacombes où Andarielle avait élu domicile. Akara et Kashya avaient dit juste, le démon était tout proche...

L'odeur se faisait de plus en plus oppressante, et, à mes pieds, des mares de sang où flottaient des restes humains avaient été creusées, je n'avais jamais rien vu d'aussi monstrueux. Saisissant mon courage à deux mains je franchissais l'arche de pierre pour pénétrer dans la salle du trône.

Elle était là, entourée de ses ignobles laquais. A peine entré dans la pièce tous se ruèrent sur moi, j'eu tout juste le temps d'invoquer une aura avant d'engager les hostilités. Avec une fureur sans précédant j'assénais de vigoureux coups de marteau qui faisaient voler en éclat les petits tête difformes. La reine des lieux semblait se délecter de ce spectacle. Elle restait immobile en assistant à la tuerie.

Je n'eu pas vraiment de mal à venir à bout des laquais, j'étais même étonné de la facilité avec laquelle je terrassais mes ennemis, mais avec Andarielle le combat allait être d'une toute autre nature.

Seuls dans cette immense salle délabrée nous nous dévisagions. Son faciès inspirait l'horreur la plus totale... Cela dit, je ne ressentais pas que de la répulsion ; son aspect exerçait sur moi une certaine fascination, une attirance. Tant de férocité, de détermination et d'animalité forçaient mon respect. L'espace d'un instant je me surpris à penser que cette bête immonde constituerait un bien meilleur allié dans ma quête que toute une armée de Rogues bien-pensants mais pathétiquement faible en comparaison d'Andarielle.
Je n'eu pas le temps de rêvasser bien longtemps...

_______________


« Mourez, vil asticot ! »

La voix du démon résonna longuement dans la salle du trône. D'un geste brusque elle fit surgir de nul part des nuages d'un gaz verdâtre et mal odorant, puis d'un seconde mouvement les chassa vers moi. Je reçu le terrible poison de plein fouet, l'air était devenu irrespirable et je vomissait sang et tripes instantanément. Je n'avais jusqu'à lors jamais affronté de mages ou de sorciers, je n'avais croisé que le fer sur les champs de bataille et sa magie me laissait sans défense. Je parvins toutefois à me rétablir, mais ma vue était trouble. Un bruit claquant, semblable à celui d'un galop, se rapprochait de moi. A travers ce brouillard empoisonné je distinguais difficilement mon adversaire et peinait à bloquer ses puissants coups de griffes, pour couronner le tout le petit écu en piteux état risquait de se briser à tout moment.

Le combat dura plusieurs minutes. Heureusement que la maîtrise du combat au bouclier m'avait été enseignée, car grâce à ce simple cercle de bois et d'acier je parvenais à rester en vie. Malgré ses six membres dotés de griffes acérées Andarielle ne parvenais pas à m'atteindre, elle entra alors dans une colère hystérique qui lui fit commettre une erreur fatale...une charge maladroite passa à coté de moi. Emportée par son élan Andarielle posa un genou au sol pour se rétablir. Je ne ratais pas cette occasion et réussi à lui enfoncer la masse de plomb pointue de mon marteau dans le dos, faisant voler en éclats sa colonne vertébrale et provoquant une abondante éruption de sang noir et visqueux. Un hurlement inhumain se fit entendre, on aurait dit que des dizaines de voix s'unissaient pour crier de douleur. Les précédents coups n'avaient fait aucun effet au monstre mais ce dernier l'avait occis. Dans un ultime souffle Andarielle s'écroula lourdement en libérant une nuée d'âmes damnées qui tournoyaient au dessus d'elle. Puis comme aspirées par un trou noir elles s'effacèrent en un éclair scintillant.

Il me fallu quelques instants pour retrouver la vue. Je n'en croyais pas mes yeux ! Le corps d'Andarielle avait disparu, seul quelques lambeaux de peau brûlée restaient suspendu à mon arme.

Ivre de violence je titubais à travers la pièce, de l'écume aux lèvres tel un animal enragé, vers le trône vide où siégeait encore quelques heures auparavant là défunte reine des démons. Je ne pus résister à l'appel du trône et m'assis longuement, contemplatif devant le charnier infect qui s'étendait devant moi. J'esquissais un sourire... enfin !... je régnais !

Puis je me suis endormi, le poison avait eu raison de mes forces et de ma raison. D'étranges pensées envahirent mon esprit durant mon sommeil. Finalement, c'est l'odeur fétide des cadavres pourris qui m'éveilla. Après avoir fouillé la salle à la recherche d'un quelconque butin j'emballais mes trouvailles dans une étoffe grossière et fuyais ce cloaque empesté pour regagner le monde des vivants.

La lumière du jour torturait mes yeux et le vent burinait mon visage assombri. Lorsque je revins au camp des Rogue je n'étais plus le même, je le vis bien à la façon dont tous me regardaient. Un silence pesant c'était installé...

« Andarielle n'est plus ! » Criais-je !

Mon cri fût immédiatement couvert par ceux des Rogues ! Des cris de joie, des pleures, des hourra ! Tous m'exprimaient leur gratitude de les avoir libéré d'un mal qui les oppressait depuis trop longtemps. Une fête fut donnée le soir même en mon honneur, mais je n'avais que faire de leurs louanges... La survie des Rogues m'importait peu, ma véritable quête, elle, ne faisait que commencer.

Le lendemain je rendais visite à Charsi pour lui demander d'estimer et de remettre en état les armes et armures que j'avais ramené du fond des catacombes. Elle semblait émerveillée par mon butin. Je voulais en savoir plus et la questionnais sur ces objets :

« Allons Charsie, parles ! Que racontent ces reliques ? Ont-elle de la valeur ? »

« Avez vous entendu parlé d'Arkain ? Et bien vous venez de retrouver sa légendaire peau de balrog ! Confiez là moi quelques heures et elle sera comme neuve. Et cette coiffe !?! Mais c'est...le cimier arlequin ! Comment diable ces monstres ont ils pu mettre la main sur de tels trésors ?! Ils seront votre désormais, je vais me mettre au travail dès à présent. »

Je la remerciais et mettais ce temps à profit pour aller organiser mon départ vers l'est avec Warriv. Il me dit que nous partirions quand je le souhaiterais, et que c'était là la moindre des choses qu'il pouvait faire pour me gratifier.

Gheed consenti à honorer ses promesses, à la surprise générale des autres habitants du camp, et m'offrit un magnifique rubis pure. Il rechignais quelque peu à se séparer de son « précieux » mais se consolait en disant : « après tout, les affaires vont pouvoir reprendre grâce à vous, je vous doit bien ça... ».

Akara me remis un livre de sort, elle disait que j'y apprendrais l'art de la magie guerrière. J'acceptais son présent avec plaisir. J'aurais tout le loisir de le lire sur la route de Lut Golhein.

Avant de partir je repassais à la forge recevoir l'armure restaurée. Elle était magnifique, avec des reflets bruns et dorés. Charsi ajouta :

« J'y ai adjoint une touche personnelle », dit elle en rougissant. Et en effet je remarquais qu'un joyau composé d'une gemme pure montée sur un socle métallique avait été jumelé à l'armure.

« Ces joyaux sont magiques, on dit qu'ils augmentent la puissance et la vitesse des combattant qui les arborent ». Dit-elle.

Et en effet, je ne m'étais jamais senti aussi mobile et agile en armure auparavant. Je la remerciais de nouveau et lui faisais mes adieux.

Le fouet claqua sur l'échine des chevaux de trait et la caravane s'élança. Warriv pensait atteindre la cité portuaire dans quatre jours...
Notre voyage dura quatre jours qui parurent une éternité. Ce sable qui s'insinuait partout, inlassablement, asséchant les bouches et brûlant les yeux. Et ce soleil de plomb...

Au loin, le toit du palais de Lut Golhein émergeait seul du nuage de poussière qui enveloppait la cité. On distinguait à peine les mats des navires à quai.

La caravane fit halte aux portes des la ville où une abondance de voyageurs, de dockers et de marchands se pressait. Un étroit couloir bordé de hauts talus de sable formait un entonnoir naturel qui rendait la foule encore plus compacte. De chaque cotés des gardes postés sur les dunes observaient attentivement chacun de nos mouvements. On nous ordonna de nous aligner en file et de ne pas opposer de résistance lors de la fouille de notre cargaison.

Le soleil était parvenu à son zénith et la chaleur asphyxiante rendait insupportable le fardeau de mon armure. Des heures durant nous attendions notre tour sous ce cagnard infernal. Enfin un garde s'avança vers Warriv. Il n'avait pas vraiment l'apparence d'un soldat, il ne portait pas, à proprement parler, d'uniforme mais une « tenu » qui faisait penser à celle que portent les nomades ou les mercenaires... La « Perle du désert » serait-elle tombée aux mains d'une bande de voleurs ?

« Hé toi là ! Que transportes tu ainsi ? »

Warriv énuméra le contenu de ses males de commerce, dont à vrai dire j'ignorais tout, puis il entama un dialogue dans une langue incompréhensible. Vraisemblablement un dialecte régional. Le garde me fixait du regard à travers son turban enroulé sur sa tête comme un serpent qui ne lui laissait qu'une mince ouverture devant les yeux. Warriv amorça ensuite une négociation à voix basse, cela ne me disait rien qui vaille. Un instant plus tard je compris mieux de quelle nature était leur tractation lorsque je vis la main de mon compagnon glisser une petite bourse de cuir dans celle du garde... La fouille put enfin commencer.

Quand finalement la grande herse s'éleva je pu découvrir les rues grouillantes de Lut Golhein. D'immenses promenades pavées traversaient la ville, bordées d'étales opulentes. Je décidais de fausser compagnie à Warriv car il devait encore trouver un emplacement pour ses roulottes et cela ne m'enchantait guère de l'assister dans cette besogne.

Je me rendis à l'auberge. Quel meilleur endroit qu'une auberge pour découvrir une ville? J'appris pourquoi la cité était en état de guerre et comment la garde avait été décimée par les « monstres venus des profondeurs ». J'appris également que Jerhyn, seigneur de Lut Golhein, avait recours à des mercenaires hors de prix pour garantir la sécurité des son peuple. A cette allure les caisses publiques seraient bientôt vides et, comme tout le monde ici était au courant, la popularité de Jerhyn décroissait au fil de jours. Depuis qu'il avait ordonné le blocage du port il avait même dû se retrancher dans son palais afin d'éviter de provoquer des échauffourées avec les marins. Ces apparitions étaient de plus en plus rares et brèves et les rumeurs allaient bon train sur son compte. Il faudrait peu de choses pour renverser ce simulacre de pouvoir me disais-je...

Je pris un repas et bu à foison ce soir là, puis je regagnais la chambre que Warriv avait prit soin de payer pour moi. Je sombrais rapidement dans un sommeil profond...

J'avance dans une jungle opaque, sans lumière et vaseuse, l'instant d'après je me vois survoler un temple en ruine envahi par la végétation. Une force prodigieuse m'entraîne dans les profondeurs d'un ténébreux labyrinthe sous terrain. Un grand flash ! Où suis-je ? Debout au centre d'un pentacle lumineux ... il approche... je le sent...

« Roi-Palatoth, ton destin t'à été volé ! Je sais combien ton coeur brûle d'amertume... Je sais aussi que grande est ta valeur. Ton âme m'est ouverte à présent, j'y ai vu l'esquisse de nos intérêts communs... viens à nous et nous seront Roi »

Le seigneur de la haine en personne se dresse devant moi, Mephisto, majestueux et fascinant. Figé comme une pierre je ne peux qu'entendre le son de sa voix envoûtante résonner en mon âme.

« Roi ! Lut Golhein et Azkarul sont désormais liées ... de toi dépend leur devenir. Demain les astres nous seront favorables, à leur éclat guide toi et remet nous la ville endormie... Brûle la perle et les portes de la cité monastiques seront à toi...Dans les entrailles de la haine je t'attendrais...Viens à moi sans craintes... Kurast elgabeth sour' at lith nahim».

Toute la matinée qui s'en suivi je repensais à l'apparition de Mephisto dans mon songe, je tentais en vain de me souvenir de ses paroles. Vers la mi-journée je descendais, l'âme tourmentée, dans la grande salle de l'auberge où quelques marins buvaient, ils ne savent faire que ça. Je laissais divaguer mon esprit quand j'entendis un des loups de mer affalé sur le comptoir prononcer le mot « Kurast »... D'un bond j'empoignais cet homme, lui enjoignant de me dire tout ce qu'il savait sur « Kurast » !

« Que sais tu de Kurast ? Parle ou je te saigne comme un porc... ». Le simple mot de Kurast m'avait plongé dans une quasi transe. Mes yeux se gorgèrent de sang et l'écume commençait à perler sur mes lèvres. Je vis bien sur le visage terrifié du marin que mon regard avait quelque chose d'inhumain... Il bafouillait ces quelques mots en se protégeant le visage :

« Kurast, viviviville de mamama...lheur, on peu y aller en bateau. Meshif la connaît... »

« Où puis-je trouver ce Meshif, allons parle ivrogne ! »

« Son navire est à quai, il n'en descend que rarement.. sur le quai vous dis-je »

Une main m'agrippa l'épaule et me tira violemment en arrière. C'était un marin, sûrement appartenait-il au même équipage que l'homme que je terrorisais. Sans mot dire il abattit son énorme bras sur moi, je l'évitais de justesse. Alors, comme possédé, je laissais toute ma sauvagerie s'exprimer. Cette attaque m'avait mis hors de moi. Je lui envoyais un fracassant coup de coude dans le visage, puis sans lui laisser le temps de reprendre ses esprits me ruais sur lui, frappant frénétiquement sa tête à coup de poing puis à coup de pieds lorsqu'il fut écroulé sur le planché... L'homme était mort, son sang se déversait abondamment entre les lattes, cela excitait tous mes sens et je continuais à marteler ce cadavre défiguré en riant aux éclats. La scène ne semblait pas choquer par son originalité, bagarres et duels étaient monnaie courante par ici... mais l'acharnement bestial avec lequel je persécutais cette pauvre charogne provoqua l'émoi. Quand enfin je repris le contrôle de moi-même il n'y avait plus un bruit dans l'auberge. Le silence planait lourdement dans la pièce... au bout d'une minute je sortais en titubant, la crise était passée et mes poings enfin se desserraient. Entre mes doigts je découvrais l'oreille écarlate et ensanglantée que j'avais arraché à ce pauvre diable... devenais-je fou ? Mon bras se mit alors à trembler comme je réalisais que je n'avais plus toute ma raison dans ces moments de furie...

Il me fallais quitter Lut Golhein sans trop attendre. Les marins chercheraient bientôt à venger leur défunt ami et je savais que si l'on n'enfermait pas un homme pour le meurtre d'un vulgaire marin de passage je risquais d'être jugé pour hérésie lorsque le récit de ma démence meurtrière serait fait à Jerhyn. Je pressais donc le pas en direction des bateaux pour y trouver un moyen de rallier Kurast.

En arrivant sur les docks je demandais où trouver le dénommé Meshif. On m'indiqua un navire au bout du quai, un voilier solidement amarré et toutes voiles affalées. Ce bateau devait être là depuis un certain temps déjà. Deux hommes s'affairaient sur le pont, l'un pliait une toile l'autre révisait les noeuds. Du pied de la planche de bois vermoulue qui faisait office de passerelle d'embarquement je criais aux moussaillons : « Salut à vous, je cherche Meshif, capitaine de ce navire ». L'un d'eux s'interrompit, délaissant ses noeuds, il me répondit :

« Et qu'est ce que vous lui voulez au juste ? »

« Je cherche un vaisseau capable de me conduire à Kurast ! J'ai ouï dire que Meshif était homme à faire ce voyage ».

« Passe ton chemin étranger, nul n'est assez fou pour se risquer sur les mers par les temps qui courent... »

« Je payerais ! » ajoutais-je

Sur ces mots il haussa les épaules et boita jusqu'aux quartiers du capitaine. « Meshif ! Un curieux pour Kurast ! Il dit pourvoir te payer... ».

La porte grinça et un homme en sorti une bouteille de vin à la main, visiblement il était ivre. Meshif m'invita à son bord pour négocier. Il me demandait quand je comptais partir. Je lui dis que le plus tôt serais le mieux. « Pas avant demain, lorsque la marée se sera pleine » me répondit-il sèchement.

« Et que diable allez vous faire à Kurast ? Cette vieille ruine n'offre plus le moindre attrait. Personne ne m'avait demandé de faire le voyage depuis des mois. Et quel prix êtes vous prêt à verser pour ma peine ? »

Ne voulant pas répondre à sa première question je lui montrais le rubis que Gheed m'avait offert. Son visage s'illumina et il reprit :

« Avec ça mon gaillard je vous conduirais au bout du monde... »

« Très bien, affaire conclue, nous partirons demain à la première heure, dès que la marée le permettra ». Il acquiesça et me tendit sa main pour sceller l'échange. L'instant d'après nous nous séparions.

Le reste de la journée fut long et ennuyeux. Je me faisais discret et restait dans ma chambre à étudier le livre de sort qu'Akara m'avait confié à mon départ du camp des Rogues. Les images résiduelles de mon rêve revenaient épisodiquement perturber ma lecture, la voix de Méphisto vibrait encore en moi.

Le soir venu je me fis monter un repas, je ne voulais voir personne. Une fois le ragoût et le pain consommé je rassemblais mes affaires avant de reprendre ma lecture.

Plus tard je m'allongeais, engourdi, un mal sournois s'insinuais dans mon cerveau, des gouttes de sueur perlaient sur mon front brûlant. Je me contorsionnais sur le lit, fiévreux, tout en débitant des phrases dont je ne saisissais pas le sens... finalement je sombrais dans les ténèbres.

A demi conscient je me relevais au beau milieu de la nuit et endossais péniblement mon équipement comme si une main invisible me dirigeais. L'auberge était endormie, comme toute la ville d'ailleurs. Seul quelques torches sur les remparts trahissaient la présence de la garde. Suivant le chemin que les étoiles me dictaient je marchais tel un revenant en direction de l'entrée principale de Lut Golhein. Le message de Mephisto me revenait à présent, tout était clair. En détruisant « la perle du sud » il m'offrirait Azkarul sur un plateau et une armée pour la réduire en cendres. Quel allié plus puissant que le seigneur de la haine pouvais-je espérer ? Il avait su lire en mon âme. La haine, dit-on, ouvre notre conscience aux démons anciens. Haineux comme je l'étais Mephisto n'avait eu aucun mal à sonder mon esprit et m'offrait ce que mon coeur désirait par-dessus tout : la chute d'Ercodoth et des traîtres qui le servent. Il savait aussi que j'accepterais son offre quelle que soit la méthode utilisée, même si pour assouvir ma vengeance Azkarul devait être anéantie ! Qu'il en soit ainsi...

La lourde herse était fermement ancrée dans le sable. Deux gardes surveillaient le mécanisme d'ouverture. A mon approche l'un d'eux agita sa torche et m'ordonna de ne plus avancer. Comme je restais sourd à ses injonctions il brandit sa lance. Je récitais lentement l'une de mes invocations puis, d'une main je saisis le marteau qui pendait à ma ceinture et d'un mouvement d'épaule faisais coulisser le bouclier de mon dos à mon avant bras. Le garde envoya sa lance de toutes ses forces, la pointe d'acier fendant l'air émit un sifflement et vint se figer dans mon bouclier. Le second garde couru vers la cloche suspendue et sonna vigoureusement l'alerte, je devais agir vite... D'un coup de marteau je me débarrassais de la lance restée plantée dans mon écu. Je m'élançais ensuite dans une charge virulente sur le garde qui peinait à extraire le sabre de son fourreau. Le pauvre n'eu pas le temps de brandir son arme, ma masse s'écrasa sur lui comme la foudre sur un chêne de prairie. Le plomb du marteau pénétra si profondément sa chaire que j'eu du mal à l'en retirer. Le second garde horrifié par le spectacle auquel il venait d'assister s'enfuit à toute vitesse alors que d'un peu partout d'autres gardes arrivaient au pas de charge en direction de la porte.

A l'aide d'un levier de fortune j'activais le mécanisme d'ouverture de la herse. Les poids et contrepoids se mirent en action. La herse commençait à se lever lentement. Par-dessus les remparts j'entendis monter les cris inhumains des créatures tapies dans l'ombre. Des grognements féroces et des sifflements comparables à ceux émis par les langues fourchues des serpents du désert montaient progressivement en intensité... En quelques secondes une horde de monstres difformes s'engouffra par la porte principale. Un flot incessant et désordonné d'abominables créatures déferla sur Lut Golhein endormie pendant que je défendais ma position pour empêcher les gardes d'inverser le mécanisme. Des cris d'horreur et d'agonie commençaient à se faire entendre au fur et à mesure de la progression des troupes que Méphisto m'envoyait. Partout où ils entrèrent, maison après maison, ils semèrent la mort, tuant hommes, femmes et enfants. Tout ce qui était inflammable fut embrasé sur leur passage : arbres, habitations, chevaux, récoltes, rien ne fut épargné. La garde ne put opposer qu'une résistance dérisoire face au surnombre et à la brutalité des monstres. Perché sur ma muraille je regardais avec fascination l'oeuvre du mal s'accomplir, je n'avais jamais vu une telle puissance destructrice. Le massacre dura une bonne partie de la nuit...

Puis, repu de violence et de destruction, je marchais parmi les démons vers les docks après avoir pris soin de rechercher parmi les cadavres du palais le corps du « seigneur » de ce tas de ruine qu'on appelait Lut Golhein. En cheminant j'admirais mon trophée, la tête de Jerhyn conservait une expression de frayeur qui, j'en étais certain, amuserait beaucoup Mephisto lorsque je là lui offrirais...

Meshif et ses hommes s'activaient à rompre les amarres qui immobilisaient le bateau à quais.

« Ne craignez rien, vos vies seront épargnées. Nous n'allons tout de même pas naviguer de nuit ». Leur criais-je. Je m'approchais de Meshif et lui dit :

« Dans une poignée de minutes les lueurs de l'aube chasseront ces monstres, arme ton bateau sans te hâter Meshif, examine la voilure et les accastillages car notre traversée est périlleuse ».

Il ne pouvait articuler le moindre son, totalement paralysé par la peur. Je saisi alors sa main tremblante et y déposais le rubis sans mot dire. A l'aube nous levions l'ancre, derrière nous Lut Golhein n'était plus qu'un tas de décombres fumants.
Tout au long du voyage je repensais aux mots de Méphisto, je savourais le privilège qui m'était offert de le rencontrer. Azkarul semblait accessible maintenant que le mal était à mes cotés !

Meshif et ses hommes n'osaient pas m'approcher à moins d'une longueur de lame, le massacre de la veille ne les y incitait guère. Je restais sur mes gardes sachant qu'ils n'hésiteraient pas à me lancer par-dessus bord à la première occasion venue. C'est du moins c'est ce que m'inspiraient leurs regards où je devinais un subtil mélange de peur et de malveillance. Il me fallait aussi avoir un oeil sur le capitaine du rafiot afin de m'assurer que notre route suivait normalement son cours vers Kurast.

L'ambiance était donc glaciale, d'autant plus que tous craignaient en permanence d'être attaqué par je ne sais quelle créature marine. Mais au lieu de subir les assauts de monstres nous assistâmes peu avant la tombée de la nuit à un saisissant balais. D'immenses serpents s'étaient agglutinés par dizaines tout au tour de notre embarcation. D'ordinaire ces créatures ont la réputation d'être de féroces prédateurs attaquant les navires et ne laissant aucune chance de survie aux occupants me dit Meshif. Mais là ils se contentait de nous encercler, d'ouvrir là voie comme s'ils eurent voulu nous conduire eux même à destination... ils semblaient nous escorter. Meshif acquiesça quand je lui fis part de cette pensée, il ajouta qu'il ne pouvait en être autrement car nous serions déjà tous mort depuis longtemps si ces créatures avaient eu d'autres intentions.
La nuit venue je me retirais sans même avoir pris soin de rabattre le gros verrou en fer de ma porte, l'équipage savait à présent que tant que je serais à bord et vivant il n'avait rien à craindre des terribles serpents. Je remerciai Méphisto de tant d'égard, son escorte m'assurait un voyage sans encombres.

Enfin nous arrivâmes en vue de Kurast, l'eau était devenue verdâtre et les serpents avaient disparu dans cette mer poisseuse d'où s'élevait un parfum pestilentiel. Sans bruit, la coque du navire fendait l'écume, chassant les amas d'algues en décomposition. Le quai était désert et un angoissant silence de plomb enveloppait la cité en ruine, seul quelques croassements lugubres émanaient de la jungle toute proche. Pas de doute, une telle désolation ne pouvait être que l'oeuvre de Méphisto.

Meshif et ses hommes me prièrent de quitter le navire sans plus attendre, ce que je fis volontiers après les avoir salué d'un signe de main qui ne trouva nul écho. A peine avais-je posé le pied au sol ils s'empressèrent de remonter la passerelle. Le navire entama ses manoeuvres et reparti vers le large. J'aurais aimé les avertir mais dans leur hâte ils n'auraient pas écouté de toute façon... maintenant j'entend au loin leurs cris d'horreur et le bruit du navire déchiqueté par les coups de gueule des serpents. Méphisto ne laisserait personne entrevoir ses plans et il ne pouvait tolérer l'existence de ces marins qui se seraient empressé de parler du « voyageur de Kurast » à la première escale.

J'empoignais mon sac de toile et mon équipement puis me dirigeais vers ce qu'il restait de Kurast. En franchissant quelques ponts de bois rongé par l'usure j'arrivais sur une grande place pavée, les lianes vénéneuses et la végétation commençaient à recouvrir les ruines des temples. Quelques rescapés en haillons continuais à vivre ici, ils s'étaient rassemblé sur la place en voyant le navire accoster mais n'avais pas eu le temps (ni le courage) de s'en approcher avant que celui-ci ne reparte vers l'océan, ou plutôt vers le fond de l'océan pensais-je non sans ironie.

L'un des villageois s'avança vers moi pour se présenter :

« Mon nom est Deckard Cain, dernier représentant de la caste des mages Horadrim. Sois le bien venu... »

Je l'interrompis rudement :

« Ne perd pas ton temps en palabres vieillard, je ne suis pas ici pour m'attarder en votre indigente compagnie. Méphisto réside dans ces contrées et j'entends le trouver ! J'ai besoin de repos, de nourriture et d'un guide apte à s'aventurer dans cette jungle empuantie. Alors si tu veux m'être utile épargne moi les politesses... »

Je fus étonné par sa réaction. Au lieu de s'offusquer il me répondit d'une voix calme et assurée :

« Tu n'es pas le premier présomptueux à vouloir occire le seigneur de la haine et je ne m'opposerais point à une telle entreprise. Sois notre hôte ce soir, reposes toi, prends un bon repas et demain tu partira à la rencontre de ton destin... puissent les Dieux t'accompagner sur le chemin de la victoire. En attendent suis moi je vais te conduire chez Asheara, là tu pourras déposer ton fardeau et te restaurer, peut être alors seras-tu plus enclin à la conversation... ».

Les autres habitants restèrent murés dans le silence en me dévisageant. Ils n'avaient sûrement pas l'habitude qu'on ose s'adresser ainsi à leur guide.

Cain se déplaçait péniblement, voûté sur son bâton, accusant le poids des âges. Lorsque nous arrivâmes devant la grande maison de bambou où demeurait Ashaera, deux gardes de la race des mages guerriers se postèrent entre nous et la porte. Cain s'adressa à eux en Horadrim, un dialecte oublié que j'avais étudié dans ma jeunesse. Les mages s'écartèrent et nous pénétrâmes dans l'unique pièce faiblement éclairée par quelques vasques contenant des charbons incandescents. Ashaera se tenait debout face à un râtelier d'armes, elle fit un gracieux demi tour sur elle-même et nous salua d'un hochement de tête.

Cain lui expliqua qu'elle devrait veiller à mon confort, me fournir vivres et matériel car la providence m'envoyait combattre le seigneur de la haine. Il parti ensuite dans un monologue inspiré des ces anciennes croyances Horadrim, cherchant un lien entre ma venu et une quelconque prophétie...

Durant ce temps je ne pus m'empêcher de penser : « Malgré toutes ses connaissances et sa magie il se trompe lamentablement à mon sujet ! Ils peuvent bien tous disparaître ces foutu mages ! En attendant profitons de l'aubaine, il y a peut être quelque chose à tirer de sa méprise ».
Asharea ordonna qu'on me donne une hutte confortable, que l'on me prépare une ration de campagne pour trois jours et convoqua son armurier personnel. L'armurier examina mon équipement et décela tout de suite la faille : « Vous n'avez que des talons mon pauvre Achile » dit il. Personne ne comprit à quoi il faisait allusion, Ashaera et moi nous regardions d'un air perplexe. Elle me glissa à l'oreille que ce mage armurier était un peu fou et que personne ne connaissait ses origines...

Le mage reprit : « Une armure, ce n'est pas qu'un tronc et un feuillage ! Vos branches sont vulnérable tout autant que vos racines ! Et si vous comptez arrêter le vent avec cette ombrelle vous êtes probablement fou à lier ».
Comme il restait silencieux nous compriment alors qu'il ne nous donnerais pas plus d'explications et que c'était à nous de faire l'effort de déchiffrer ses paroles. Après quelques minutes de réflexion je lui répondis enfin :

« Tu as raison vieux mage, j'ai besoin de gants, de bottes et d'un bon bouclier ».

Son sourire m'indiquait que j'avais vu juste. Il se dirigea alors vers le fond de la pièce et dégagea une male d'un amas de coffres et de baluchons négligemment entassé contre un mur.

Il en sortir quelques objets et revins vers moi :

« Voici les poigne de Drakul, les Sanglantes et le grand cordon de Verdungo. Ceci renforcera votre défense mais je crains de ne pouvoir vous offrir un meilleur bouclier ».

Ce n'est pas grave, je te remercie. A présent j'aimerais me retirer, j'ai besoin d'être seul car je compte partir au plus tôt.

Une fois dans ma hutte je vérifiais mon équipement et me préparais au long voyage à travers la jungle. J'attendais un message de Méphisto mais rien ne vint troubler le silence, je n'entendais que le bruit monotone des eaux marécageuses de Kurast s'écoulant sous le planché de la hutte perché sur ses fondations de bois. Je sentais le désir d'aller à la rencontre de Méphisto m'envahir, et, ne pouvant plus attendre, décidais de partir sur le champ.
D'un pas résolu, je quittais Kurast, n'adressant pas même un regard aux villageois intrigués par ma présence.

La jungle était particulièrement silencieuse en ce jour. Comme si les animaux avaient eu ordre de se taire. J'avançais calmement en suivant mes pensées, ruminant ma haine contre les miens, je sentais bien monter en moi cette sensation étrange, pareille à celle que j'avais ressenti dans mon songe lorsque Méphisto s'était adressé à moi pour la première fois.

Plus je m'enfonçais dans cette jungle épaisse plus mon esprit s'imprégnais de l'aura maléfique émanant de Méphisto. Depuis la prison de la haine, son rayonnement pénétrait toutes choses, libérant une énergie phénoménale pour qui savait la percevoir. L'énergie noire me guidais et je n'eu pas besoin de guide pour m'orienter jusqu'à l'ancienne ville de Kurast derrière laquelle se trouvait Travincal. Sur mon passage les créatures monstrueuses qui peuplaient cet enfer vert s'écartaient, craintives, je comprenais leurs comportements comme si nous avions toujours appartenu à la même espèce et je réalisais que Méphisto m'avait placé confortablement dans sa hiérarchie.

Travincal était évidemment bien connu des paladins d'Azkarul. Cette cité monastique avait été notre alliée pendant des siècles et la réputation de ses moines guerriers était excellente. Les lieux eux même me parurent familier car je les avais vu en gravure d'innombrables fois. C'est d'ailleurs sans étonnement et sans crainte que je me dirigeais à présent vers les six membres du grand conseil qui se tenaient en arc de cercle au centre de la salle de l'autel.

Leur visages eux aussi m'avait été présentés maintes fois auparavant mais j'eu toutefois grand peine à les reconnaître tant ils avaient... hmmm... changé ? Ils n'avaient plus apparence humaine avec leurs grandes cornes effilées et leur peau grisâtre qui évoquait la décomposition. La mort eu été un doux châtiment mais Méphisto avait jugé préférable de les laisser vivre ainsi, ce qui était infiniment plus cruel.


« Le maître va te recevoir Roi-Palatoth...mais il t'impose une dernière épreuve » dit l'un d'eux.

Les six démons formèrent un cercle et entamèrent alors une invocation. A l'unisson, leurs voix macabres s'unirent en déclamant des formules ancestrales... au bout de quelques secondes une boule lumineuse jaillie de nul part prit forme au centre du cercle, les voix redoublaient d'intensité... Je commençais à libérer une aura défensive en vue d'un combat. Peu importait ce qui allais naître de leur prière je devais me tenir prêt à affronter la mort... un éclair déchira le ciel assombri et vint frapper la sphère de plein fouet ! Comme à mon habitude je faisais glisser habilement mon bouclier de mon épaule à mon avant bras et agrippais le cuir de mon marteau alors qu'au centre de la sphère une silhouette prenait forme, puis la lumière devint aveuglante et je dû détourner le regard quelques instants.

Les six moines déchu s'écartèrent enfin pour laisser place à une abominable créature. La bête avait un corps de chien puissamment musclé et recouvert d'un pelage obscur. Sa gueule béante laissait entrevoir d'immenses crocs acérés au travers desquels un filet d'écume verdâtre s'échappait. Dans un grognement furieux le monstre s'élança vers moi toutes griffes dehors. J'esquivais la charge et me retournais pour ne pas perdre le terrible prédateur de vue. Il semblait m'observer tout en décrivant des cercles sur le pavé. Soudain il bondit à nouveau sur moi, abattant un déluge de coups de griffes sur mon bouclier déjà en piteux état. L'instant d'après j'évitais une morsure puis une deuxième avant que l'animal ne fût en position de défense. Aussi tôt, mon bras s'éleva dans l'air et propulsa vigoureusement la masse pointue de mon arme vers le crâne de la bête, mais celle-ci se déroba habilement d'un mouvement de tête. C'est alors que je compris, trop tard hélas, que le monstre possédait au bout de sa queue un puissant dard aiguisé comme un sabre avec lequel il trancha net mon autre bras... Mon bouclier roula sur le sol, arrachant dans sa chute les derniers lambeaux de muscles et de ligaments qui reliaient encore mon bras au reste de mon corps. Dans un effroyable cri de douleur je fuyais me réfugier derrière un des piliers du temple.

La bête avança doucement dans ma direction, tel un chasseur acculant sa proie dans un cul de sac. Surmontant la douleur je brandi mon arme pour préparer une attaque mais elle fut balayée d'un coup de patte qui la fit voler plusieurs mètres derrière moi... La bête s'immobilisa de nouveau en me fixant avec ses yeux perçants. Avec l'énergie du désespoir je fis demi tour et couru vers le marteau, j'entendis alors dans mon dos le bruit du monstre se déployant pour me donner la chasse. Je couru si vite que je ne parvins pas à garder l'équilibre et fini par m'écrouler à terre. En regardant par dessus mon épaule je vis le monstre dressé sur ses deux pattes postérieures. Ses griffes allaient s'écraser sur moi et je ne pourrais pas lutter dans cette position, s'en était fini. Le tronc massif de l'animal avait commencé sa descente, j'eu tout juste le temps de me retourner sur le dos pour tenter un ultime geste de défense. Avec mon pied je réussi à appuyer assez fort sur tête du marteau pour que le manche se dressa à la verticale. Dieux merci le manche se terminait en une longue pointe sur laquelle le monstre s'empala de tout son poids ! Quand le pieux transperça son poitrail de part en part il poussa un cris absolument atroce qui me vrilla les tympans. La bête se tenait au dessus de moi, maintenant chancelante, elle lutait péniblement pour rester sur ces pattes et crachait un abjecte mélange de sang et de bave qui coulait abondamment sur mon visage...

Avec beaucoup de mal je rampais sur le coté et me redressais sur mes jambes. Je contemplais cette créature agonisante, respirant par à-coups, de petits nuages de buée se formaient à l'embouchure de ses naseaux ensanglantés... D'un coup de dague je transperçais son crâne pour abréger ses souffrances.

Je rejoignis ensuite le conseil en titubant, j'avais perdu beaucoup de sang et un flot continu s'échappait encore de mon avant bras. Les six membres se disposèrent en cercle autour de moi et commencèrent une nouvelle incantation rituelle. Je me laissais porter par cette envoûtante complainte. Mon corps se souleva pour ne plus toucher terre. Autour de moi se formait un tourbillon lumineux de plus en plus rapide où l'on distinguait à peine les filaments de toile et chair qui se détachaient des mages déchus pour venir danser dans la lumière et s'accumuler au bout de mon bras. Morceau par morceau les petits lambeaux vinrent s'imbriquer pour dessiner un bras hideux, difforme et suppurant, comparable à celui d'une momie...

« A présent le maître t'attend Roi-Palatoth. Tu as terrassé là bête et tu as gagné notre respect... puisses tu un jour nous délier de notre malédiction comme tu l'a fait pour elle ».

Les moines se mirent en posture de prière quelques instants puis le sol se mit à trembler. On entendit un bruit sourd, comme si un mécanisme caché avait été mis en marche. Derrière l'autel un escalier secret se dévoila, taillé à même la roche du temple et totalement indécelable pour un intrus. Au bas de l'escalier se trouvait un disciple de Méphisto. Il s'agenouilla et se proposa pour me guider à travers le dédale de la prison de la haine...
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