Fanfiction Diablo II

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Assassins

Par Wolfgang

Prologue

Chapitre 1 : L'Homme du Coin

La nuit était noire. Les ombres se faufilaient entre les tentes, furtives, s'échappant de la lumière pour retourner à l'ombre, et de l'ombre pour retourner à la lumière. Les toiles grises étaient les refuges de ces êtres unidimensionnels et inexistants, incolores. Dans ce camp, des tueurs rôdaient. Des assassins. Des êtres sans scrupules obéissant aux lois de l'argent, athées, sans famille, sans attache. Passant les sentinelles, marchant sur le sol dur, sans bruit. Invisibles.

Dans l'une de ces tentes, un homme : important, armure scintillante, vêtements brodés d'or, épée richement couverte; indifférent à la violence, la guerre, la mort. Son visage était de marbre, impassible; ses yeux, des opales profondes; front plissé, barbe grise, cicatrices du temps où il était soldat : tout cela faisait partie du passé. Maintenant, le présent. La victoire, l'honneur, l'escalade d'un futur commandant. Le général d'une armée. Le général Durion, Maître Paladin de l'Ordre de Zagorn, au service de la nation de Shaar.

Dans la tente, une table était éclairée par de multiples feux d'alcool encoupolés, proférant une lumière vacillante mais claire sur des cartes, des plans, des lettres et des plis cachetés. Durion examinait les informations de ces documents avec attention, analysant le terrain et planifiant le combat. Peu loin de la table se trouvaient sa couche ainsi que son coffre, celui-là même qu'il utilisait du temps des conquêtes anciennes. Ce temps était terminé, il ne s'agissait plus de conquérir mais cette fois de ne pas se faire conquérir. Car la menace - elle était bien présente et se faisait sentir! - la menace, donc, planait sur Shaar. Cette menace, c'était la Horde. La Horde! Ce ramassis de créatures diaboliques, enivrées de combats glorieux, assoiffés de sang : les Orcs, Trolls, Gobelins et tous ceux de leur espèce. Cette menace, Durion la combattait; par sa force, par son courage; par son sang.

À l'entrée de la tente se fit entendre un clinquement d'armure puis un cri étouffé. Durion se releva brusquement de son travail, l'ouïe à l'écoute. Silence. Le vent sifflant entre les arbres et le crépitement des feux voisins était tout ce qu'il discernait. Malgré tout, le doute s'empara de lui.

« Kalan ? » dit-il.

Le même silence régnait toujours. Il haussa la voix.

« Kalan, reprit-il, quel était ce bruit ? »

L'absurdité de cette atmosphère sans ondes le noyait dans l'inquiétude et le doute. Il se leva de son siège et se dirigea vers l'issue de la tente, tous les sens à l'écoute. En soulevant la toile qui tenait lieu de porte, il ne trouva personne. Kalan, son garde, n'était pas là. Plus là. Il observa les contours obscurs des alentours mais ne décela aucune forme humaine. Plus bas, pourtant, sur l'herbe foncée, reluisait, mélancolique, une lune rouge. Durion fut pris sous le choc, son sang se glaça dans ses veines. Vite, je dois sonner l'alarme. Il se dirigea sans plus attendre vers un piquet situé tout près et y saisit une trompette. Au moment où il s'apprêtait à sonner, les poumons remplis d'air, il s'arrêta brusquement et laissa silencieusement tomber la trompette au sol. Il se vida de l'air qu'il avait accumulé et reprit une respiration normale. Il détendit complètement son corps et baissa le regard au sol.

La pointe d'une flèche était posée sur sa nuque.
L'homme qui disait s'appeler Therin, quoique ce nom fut sans aucun doute celui d'un autre, était depuis la veille dans cette auberge, auberge déserte - en temps mort - d'une ville populeuse. Rien de spécial à première vue, la large salle commune était presque vide ce matin-là - et l'était la soirée passée également - le sol propre avait été lavé à l'aube, ainsi que les tables, comme toute auberge qui se respecte. Dans un coin, plus sombre que les autres mais tout de même clair, disons qu'il n'était pas frappé par le soleil directement; ce coin, reculé et positionné de façon à ce qu'il soit invisible de la rue mais que son angle par rapport à la porte empêcherait à un nouveau venu de le fixer immédiatement et facilement; ce coin, disons-le, judicieusement choisi, était précisément l'endroit que Therin avait choisi pour s'asseoir et manger des aliments qu'il portait avec lui, sans avoir en aucune manière recours à l'aubergiste pour se sustenter. Ce grand et élancé personnage, habillé de tons sombres et portant une longue cape siglée d'un scarabée d'argent, se fondait complètement dans l'espace qu'il occupait; il ne bougeait pas, sa respiration était calme et inaudible : il aurait même pu surprendre un chat, petit félin agile, tigre domestique.

Du côté des cuisines, l'aubergiste, Tim de son nom, faisait les maigres comptes de la veille tout en gardant subtilement un oeil suspicieux et, disons-le, craintif, sur son mystérieux client. Les comptes qu'il faisait l'amenèrent à un vide, un trou dans ses piles de pièces, un trou qui devait être comblé par l'homme du coin. Un frisson d'hésitation lui parcourut tout le corps, mais il se résigna à essayer d'avoir son dû, car la saison était morte donc l'argent précieux. Il se dirigea d'un pas inégal vers le fond de la salle, vers l'homme du coin, vers l'homme en noir, vers Therin. Lui avait fini de manger; il avait depuis le début observé et analysé la toute la scène d'un air amusé, ricanant sur lui-même de l'état du pauvre homme qui s'en allait vers lui. L'aubergiste ralentit son allure à quelques mètres de la table, marchant plus doucement. Arrivé à la hauteur de Therin, il essuya ses mains moites sur son tablier.

« Hum... tout compte fait, votre séjour à l'auberge du Lion d'Or ne vous aura coûté que douze pièces de bronze, maître Therin, » dit-il. Son client le regardait fixement dans les yeux. Tim se reprit et ajouta, tremblant : « Si... si vous êtes disposé à payer, cela va de soi. »

Therin se leva et se prépara à s'en aller, calmement. À la surprise de son interlocuteur, il mit une main dans sa bourse, faisant entendre un très généreux clinquement de pièces. Il en sortit un unique disque de métal et le lança à Tim, qui l'attrapa au vol.

« Voilà pour ta peine, » dit-il. Il s'en alla sans attendre la réaction de l'aubergiste, qui contemplait avec émerveillement dans le creux de sa main le reflet d'une pièce d'or.

La matinée touchait à sa fin alors que les rues était pleines, comme à l'habitude, des marchands et de leurs potentiels clients. La ville, petite localité en bordure de Detha, la capitale de Shaar, était l'endroit de rendez-vous des voyageurs et étrangers qui y restaient quelque temps avant d'entreprendre le voyage jusqu'à la ville-mère. Il y avait de tout dans cette ville. On retrouvait tous les commerces inimaginables, légaux et illégaux. Illégaux. Ventes secrètes d'armes, fabrication clandestine d'une nouvelle poudre dont on disait qu'elle était noire, produits pharmaceutiques douteux, bref, on retrouvait de tout. Et ce n'était pas les lois sévères reliées à ce marché qui allaient apaiser l'appât du gain et le vice de l'argent des hommes. Hommes rusés qui, sans aucun mal, arrivaient dans le normal à dissimuler l'anormal.

Pour un oeil que l'on pourrait qualifier d'inhabitué, toutes les maisons se ressemblaient. Pourtant, Therin les parcourrait une à une, sens au aguets, les connaissant toutes mais recherchant la bonne. À un certain moment, il s'arrêta. Devant lui se tenait une bâtisse de faible carrure, vieille mais aux fondations solides. Les vitres étaient sales et fêlées, brisées à certains endroits. La peinture avait depuis longtemps décollé des murs de bois, donnant à cette habitation un aspect délabré.

Therin gravit le petit escalier qui menait à une solide porte de bois renforcée de métal. Il cogna un certain nombre de fois, suivant un rythme particulier. Des bruits de pas se firent entendre et l'on ouvra une petite trappe située sur la porte, révélant une paire d'yeux bruns.

« Qui est-ce ? » demanda une voix fébrile. Les yeux qui venaient de parler parcourraient de haut en bas l'homme en noir. Therin répliqua :

« Le renard est rusé, mais le mouton marche dans le vent. »

Les yeux semblaient satisfaits. La porte s'ouvrit rapidement, laissant juste assez d'espace pour que Therin entre, puis elle se referma aussitôt. Bien qu'il fit jour, l'homme de la porte tenait avec lui une bougie.

« Bon, dit-il, suivez-moi. »

Therin obéit au nouveau personnage d'ossature fragile, courbé comme sous le poids d'un fardeau invisible. L'aspect de la maison ne se reflétait pas du tout dans celui de son propriétaire : il était bien habillé et avait une démarche hautaine : il était riche.

Ils s'engagèrent dans un étroit escalier craquant sous leurs pas et arrivèrent à une cave basse de plafond. Ils parcoururent un couloir poussiéreux puis s'arrêtèrent devant une double porte. Le petit homme sortit une clef de son habit et la fit tourner sans bruit dans la serrure. Il poussa les deux portes, révélant un bureau propre et décent, contrastant de beaucoup avec le reste de la maison. La pièce comportait une table seule et pour le reste était remplie d'objets divers : flacons, sachets, armes et armures : l'arsenal officiel du parfait petit contrebandier.

« Vous devez être Therin, c'est bien ça ? » demanda l'homme, se doutant de l'identité de son invité.

« Oui, monsieur Aarchus, c'est bien moi. Vous avez reçu ma lettre ? »

Aarchus acquiesça d'un signe de tête. Il fouilla dans une pile de papiers éparts sur la table et sortit une feuille pliée en quatre.

« Nous disions donc, hum... Un flacon d'Eumisticitaline et une portion d'huile de Tétrahanène, c'est bien ça ? »

Therin répondit par l'affirmatif. Aarchus tira un flacon et un petit sachet d'un bac posé près de la table.

« Voilà le tout, dit-il, et n'aurais-je besoin de vous rappeler les effets potentiels de ce matériel ? » Therin esquissa un sourire.

« Je sais à quoi m'en tenir. » Aarchus semblait satisfait de cette réponse. « Au fait, combien vous dois-je ? »

« Ne vous préoccupez pas de cela, cher ami, vos confrères sauront bien me le rendre... Venez, je vous reconduis. »

Les deux personnages remontèrent et s'en allèrent jusqu'à la porte.

« Je n'existe pas pour vous plus que pour quiconque, » dit Aarchus.

« Je saurais tenir ma langue... » répondit Therin. Le petit homme reprit :

« Pour le reste, ce sera au plaisir de vous revoir, Maître de la Nuit. »
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